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Des légendes plus utiles que les cercueils

5 participants

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Des légendes plus utiles que les cercueils Empty Des légendes plus utiles que les cercueils

Message  Raoulraoul Dim 11 Nov 2012 - 9:50

Des légendes plus utiles que les cercueils
On doit mourir
dit Paul à Virginie
toi et moi
Mais devons faire avant
devons faire
créer fort souvenir après avoir tant vécu
savourer ultimes minutes
jouir de la conscience de la mort
bien vivre pour mieux mourir
Alors fabriquons cherchons
toi, Virginie, une jolie pierre ronde, sans faille,
pour sculpter les dernières secondes
de ton sang tiède,
moi, Paul, du bois, une croix, double-croix,
des croix de bois enlacées,
s’embrassant comme toi et moi,
déjà sur la croix, avec des clous
j’enfonce nos mains,
mais nos mains hélas les Educateurs les ont coupées, tranchées,
tombées à cause de nos fautes
Les autres aussi autour de nous devront mourir
Tous mourir
Alors chacun s’arrange prend des douches
Avant de mourir on prend une douche spirituelle
Bagarre pour une douche Trouver son coin de douche idéal
un angle qui ne soit pas un angle mort
Mais un angle pour entasser
déposer ses dernières minutes de vie
Se mouiller
Virginie sous la douche
avec son bloc de pierre qu’elle taille creuse
mollit arrondit adoucit
et Paul avec ses deux croix qu’il embrasse
Leur joie est dans ces dernières secondes
Paul regarde l’heure 3 heures 31
Encore une pelote de secondes avant 33
Mais la garce
la mère supérieure, la mort supérieure
elle profite de tout
Tes pierres mes croix nos œuvres
elle en fait commerce
bourre son magasin de nos dernières secondes
de création
Les gens raffolent de la sueur légendaire des amants moribonds
Eau bénite nos cheveux nos yeux qui ont bu
dans tous les petits coins vivants
Ils achètent les gens notre conscience de la mort
Pas la mort La mort c’est rien
Seulement les images de la mort qu’on se fabrique
quand la Mort Supérieure elle vient vers vous
Voilà il est 3 heures 33
Paul et Virginie doivent mourir ensemble
Dites 33 ensemble demande la mort
Mère supérieure elle reprend nos vies
Mais on s’aime
Mourir n’est pas pratique
quand on s’aime
A deux il faut passer au même moment par le même tuyau
La politesse veut
que toi avant passe
trépasse
On s’aime Passez donc mon amour devant
Virginie passe avec son œuvre
Nos mains coupées
Merde il est déjà 3 heures 35
Tu es morte et pas moi
Mes croix de bois avec nos bouches collées
Mon sang glacé
Et moi que faire maintenant sans toi ?
Terrible quand le tuyau de la mort
ne laisse passer les vivants qu’au compte-gouttes
Réclamons tous un tuyau plus gros !
Que faire alors de tous nos souvenirs ?
Réclamons que la mort soit parfaite
absolue !
Paul a bien vu la barque de Virginie
se fracasser contre les rochers
Depuis des morceaux de pensée
la mort elle picore dans son crâne sans cesse
La mort est un sinistre corbeau
Le saviez-vous ?
Enfin pour l’amour de Virginie
je le caresserai
et ensemble nous dirons 33
avec tous mes crucifix à l’unisson
sur mon cœur
Mais comment vivre sans Virginie ?
se dit Paul
Ainsi donc
va commencer ma vraie mort
Rester en vie
pour vivre une expérience de la mort
- sans image aucune.
trente-trois trente-trois
trente-trois trente-trois
trente-trois trente-trois
trente-trois trentre-trois
trente-trois trente…
Pourquoi trente-trois ? demande Paul
Parce que c’est comme ça !
lui répondent d’une seule voix
les docteurs et le Christ
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Message  Invité Dim 11 Nov 2012 - 10:05

Un Dali ferait de ce poème un superbe tableau surréaliste.

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Message  AliceAlasmartise. Dim 11 Nov 2012 - 14:57

C'est très bien écrit, ça regorge d'images, certaines que l'on voit d’emblée (toutes les références au roman) et d'autres un peu plus dures à saisir.

Je crois que je suis passée à côté de beaucoup de choses, comme c'est toujours le cas dans vos écrits, mais c'est ce qui en fait le charme ; la diversité des lectures possibles, tout ce qui se cache derrière les mots.

Merci pour ce texte :-)
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Message  Pussicat Dim 11 Nov 2012 - 15:06

je reviens, la composition en gratte-ciel ne facilite pas la lecture... pourquoi ce texte en section prose et non pas poésie ?
je relis et relis et reviens...
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Message  Pussicat Dim 11 Nov 2012 - 15:32

Je pense que vous voulez créer un choc d'entrée avec ce monticule de mots, verbes sans liaison ni ponctuation ; dans la forme, cela m'a laissée perplexe.
Paul et Virginie revisité camp de la mort, c'est ce que j'ai pensé... mais... "crucifix", "33", "Christ"...
Je retiens mon idée de ce texte en poésie.

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Message  Invité Lun 12 Nov 2012 - 15:33

J'ai cherché la contrainte de forme mais ne l'ai pas trouvée, s'il y en a une.
Quelques éléments individuels que j'aime bien : la Mort supérieure, le trente-trois, ceci :"Merde il est déjà 3 heures 35
Tu es morte et pas moi"
Et la fin : "Pourquoi trente-trois ? demande Paul
Parce que c’est comme ça !
lui répondent d’une seule voix
les docteurs et le Christ "

Sinon, pour la globalité, je ne sais pas, je ne suis pas sûre d'avoir compris la démarche.
"Parce que c'est comme ça", peut-être ?

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Message  soussan Mar 13 Nov 2012 - 19:19

Bien que structuré en narration, je suis convaincue également que ce texte relève de la poésie :
les images et les jeux de mots sont de la veine humoristique du recueil PAROLES ou FATRAS de PREVERT ...
La chute irrévérencieuse du 33 médico-religieux me ravit !
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Message  Raoulraoul Sam 17 Nov 2012 - 18:27

Non,Easter, cette fois-ci pas de contraintes malignes dans ce texte, écrit à partir d'un rêve. Pour certains il pose la question de son genre ; poésie ou non ? Comment définir la poésie ? Mise en page ? Importance des images, métaphores, allégories ? Le polysémie des mots ? Dérapage du sens ? Ma question pour moi, quand même dans ce texte, est la conscience de la mort, la représentation de celle-ci, là sans doute on frôle un peu la poésie, l'invisible, ce qui échappe aux normes... Merci pour vos lectures courageuses.
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Message  Louis Lun 19 Nov 2012 - 15:13

Le héros grec de l’antiquité cherchait la gloire qui devait lui permettre d’accéder à l’immortalité dans la mémoire des hommes ; les aèdes, les poètes chanteraient leurs exploits héroïques à travers les siècles, forgeraient leur légende, en feraient des figures mythiques.

De même Paul, (personnage non oublié, figure mythique forgée à partir du roman de Bernardin de Saint-Pierre), explique à Virginie ( héroïne du même roman) : « devons faire créer fort souvenir après avoir tant vécu »
Il faut, de notre vivant, selon cet épître de Paul à Virginie, créer la légende qui nous survivra, puisque l’ « on doit mourir ». Il faut vivre pour ne pas mourir. Mais l’être humain n’est pas un dieu, n’est pas un immortel, il faut alors apprendre à ne pas mourir dans la mémoire des générations à venir, seule forme d'éternité qui lui soit accessible.

Il faut « savourer les ultimes minutes », savourer ces minutes précieuses parce qu’elles ont, pour nous humains, une fin, et ne se perpétueront pas, « jouir ainsi de la conscience de la mort », jouir de ces instants uniques qui ne reviendront pas. Apprendre à bien vivre, c’est le même qu’apprendre à bien mourir. Apprendre à bien vivre, c’est apprendre à mener une vie qui vaudra de rester dans les mémoires, qui vaudra d’être racontée, écrite par les poètes. Apprendre à bien vivre, c’est apprendre à devenir une légende.

Paul conseille à Virginie de rechercher une « pierre ronde, sans faille, pour sculpter les dernières secondes ». Les derniers moments de la vie devraient être les plus beaux, une œuvre d’art, le chef d’œuvre d’une vie. Elles sont ainsi à « sculpter », les dernières secondes de Virginie. Dans la pierre pour l’éternité. Une pierre ronde, pour elle, aux formes féminines, ronde pour ses courbes ; pierre douce, parfaite comme l’indique la forme circulaire, sans défaut, sans « faille » ; pierre à construire les temples, monuments de mémoire, où se célèbrent dans les rituels, l’amour divinisé, l’amour mythique.
Une pierre de vie contre l’oubli pour tuer l’oubli. L’oubli est la vraie mort.

Une croix pour Paul, cela va de soi, (aurait-il une vocation de saint, ce Paul ?!) : « du bois, une croix, double-croix, des croix de bois enlacées ».
Bois vivant, pour toujours, par-delà la mort, pour Paul. Croix où s’enlacent les deux amants, où s’enlacent encore la vie et la mort ; croix christique du sacrifice par amour, génératrice des paroles pour toujours qui célèbreront dans les cérémonies, commémorations sans fin, l’acte sublime, interdit d’oubli.

Les derniers instants sont sacrés, les derniers jours sont religieux. Religiosité accentuée par l’idée de la « faute », « mains (…) tombées à cause de nos fautes ». Pour que ne manquent pas les mains qui accomplissent l’acte sublime, le chef d’œuvre de vivre inoubliable, il conviendrait de se laver les mains ( instrument symbolique de fabrication, de création) , de laver ses péchés, « Avant de mourir on prend une douche spirituelle ». On devient « Virginie », devient virginal.
La joie est dans les dernières secondes sans taches, l’âme propre, propre à gagner un salut dans la mémoire des hommes.

Les derniers instants, dans la conscience de la mort, instants créateurs ne sont pas à vendre. La conscience n’est pas une marchandise, « Ils achètent les gens notre conscience de la mort », ils en consomment de la mort, se délectent de celle des amants,
« Les gens raffolent de la sueur légendaire des amants moribonds ». L’acte créateur dans la conscience de la mort, n’est pas à vendre, il vaut pour lui-même, comme toute œuvre d’art, ne vaut que pour la beauté du geste, pour une vie belle. Mais aussi vaut en tant qu’il échappe à l’oubli, donc paradoxalement l’œuvre vécue doit être connue, reprise, chantée et célébrée, écrite et lue.
La mort, avec son air supérieur, installe les marchands dans le temple ; avec son air supérieur de nonne, elle n’est que marchande de fleurs.

Le texte se termine par une rayure, plusieurs tours de trente-trois.
Trente-trois, trente-trois, trente-trois : l’âge du christ, l’âge de la mort, l’âge de la conscience de la mort. Et la trinité.
Pourquoi dire trente-trois ?
On le dit pour sonder les corps avec un stéthoscope quand on est « docteur », pour sonder les âmes quand on se croit médecin de l’âme.
Mais la réponse est sans réponse : « Parce que c’est comme ça ! », parce qu’il n’y a pas de raison, trente-trois ou quarante-deux, ou… ; parce que c’est absurde, parce que mourir n’a pas de sens, parce qu’il faut juste donner un sens à son existence, une belle vie de légende, devant l’horizon de la mort qui est non-sens.

Il me semble que ce texte souffre d’une hésitation entre une conception esthétisante des derniers moments de la vie, et une conception religieuse de ces derniers moments purifiés du péché. Ces connotations religieuses, ces concessions même faites aux croyances religieuses les plus traditionnelles, m’ont gêné, moi qui suis résolument athée.

Je crois, d’autre part, que le texte aurait gagné de l’ampleur, s’il s’était souvenu de la maxime de Marc-Aurèle : « Vis chaque jour comme si c'était le dernier et rappelle-toi combien précieux est le privilège de vivre »



Louis

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