REECRITURE PASTIOR : Trois textes

[Loupbleu]

Trois petites réécritures du texte de Pastior, sans prétention, juste pour rigoler un peu (enfin j'espère).


Texte original :

Musique de table. Tino est dans le jardin et voit une orange. Il dit qu’est-ce que c’est comme fleur. Il demande ce que c’est comme nuage. Le père dit qu’une fleur est une fleur. Tino prend l’orange et dit papa pèle-moi le nuage. Le père pèle la fleur et donne six tranches à Tino. Le père mange une tranche et dit qu’une tranche est une tranche. Tino mange. Il dit c’est une tranche de nuage elle a un goût de fleur. Il demande ce que c’est comme fleur. Le père dit qu’un nuage est un nuage et qu’une orange est une orange. Tino voit une limace. Le père voit un petit chien de Calabre. Le père dit qu’est-ce que c’est que cette pluie dans le jardin. Il demande qu’est-ce que c’est que cette comète dans le jardin. Tino dit ce n’est pas une queue de comète dans le jardin c’est une orange avec deux cornes. Le père pèle l’orange et dit voici une tranche de pluie voici une tranche de neige et voici une tranche de patatras. Chouette dit Tino et il donne l’orange au ramoneur.

* * *

Evaluation pédagogique. Tino manque de maîtrise des concepts de base. Ne connaît pas ses tables. Esprit nuageux. Au lieu d’écouter, il s’en paye une bonne tranche. On lui a fait une fleur l’an dernier en le faisant passer de classe, et patatras. Il a réponse à tout, mais il n’y a pas une bétise qu’il ne comète. S’il continue, il finira au mieux ramoneur. Ou son père devra venir lui apporter des oranges en prison.

* * *

– Padre ?
– Tu peux parler Tino. Dieu t'écoute. As-tu péché, Tino ?
– Padre, est-ce pécher, quand Tina me montre ses seins dans le jardin ? Ils sont gros comme des oranges !
– Un sein est un sein, Tino.
– Et elle m’a même demandé de les goûter, ils sentent la fleur, Padre, ses seins.
– Un sein est un sein, Tino.
– Mais Padre, vous m’avez dit que le petit Jésus voit tout depuis son nuage.
– Un saint est un saint, Tino.
– Vous m’avez dit qu’il voyait tout, même les limaces, alors, il les voit, Padre ? Je veux dire : les oranges de Tina ?
– Tino, tu connais les paroles de l’Evangile : Dieu est comme la pluie qui tombe du ciel sur ce petit chien de Calabre.
– Euh... Oui Padre... Mais je lui ai pas montré ma queue Padre, je vous jure ! J’ai juste vu ses seins, il sont comme des oranges, avec deux petites cornes dessus...
– Oui ! Oui, je sais ! Ca suffit ! Bon... Tu me réciteras deux Notre Père. Ah, et tu es gentil, tu enlèves la neige qu’il y a sur le parvis, c’est déjà le troisième paroissien qui se casse la figure aujourd’hui !
– Génial ! Merci Padre ! Je vais raconter ça à mon copain Tito, le ramoneur, qu’il aille aussi les voir, les oranges de Tina...

* * *

Jardin de la paresse

Comme d'autres esprits voguent sur la musique
Les tables d'hôte, dont le jeu fait les délices
Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

Les tables d'hôte, dont le jeu fait les délices
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange
De ceux que le hasard fait avec les nuages.

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir
Ô Lune qu'adoraient discrètement nos pères
De ceux que le hasard fait avec les nuages
Il mord, déchire, arrache et tranche les nuées

Ô Lune qu'adoraient discrètement nos pères
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien
Il mord, déchire, arrache et tranche les nuées
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage.

Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien
Comme d'autres esprits voguent sur la musique
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage
Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse.



PS : Comme je sais pas écrire de la poésie, et encore mois des alexandrins, j'ai repris texto des vers de Baudelaire (enfin, sauf un, mais qui n'est pas de moi non plus) qui comportaient des mots du texte, j'ai fait un pantoum avec.

Ca s'appelle "jardin de la paresse", ça excuse pas, mais ça explique un peu... Si vous pensez que ce genre de truc est un peu du foutage de gueule, vous êtes pas loin d'avoir compris l'esprit :-)

[mentor]

excellent excellents !! surtout le 2
tu les as postés sur zazie ?

[kazar]

Bon je ne suis pas un intellectuel, hein, alors ces exercices de réécriture m'échappent encore un peu.

Sinon, que dire ? Que c'est bien écrit, certes.
Que c'est original, je trouve.
Ne serait-ce que sur la forme (n°1 & 2) ou sur la forme (^^) n°3 (pas mal de travail là-derrière !)
J'ai aimé les deux premiers, ils sont légers et tout comme j'aime (surtout "pas une erreur qu'il ne comète").
La poésie, c'est plus dur encore (pour moi) que de chanter le tadjik avec les mains attachées dans le dos et un rutabaga dans les dents.

[Loupbleu]

L'exercice de réécriture était proposé par des gens qui organisent une "festivité" à Lille ce week-end. Ce sont des gens sympas que je connais qui organisent tout ça. Voir ci-dessous pour les détails.

http://www.vosecrits.com/forum-vos-ecrits-f1/proposition-reecriture-d-un-texte-d-oskar-pastior-t2554.htm?highlight=pastior

Pour Mentor : J'ai posté sur leur site zazipo juste ce soir.

L'intérêt, et même pour ceux qui font des trucs alambiqués parfois rigoureusement imbitables, c'est juste de s'amuser (à la façon des exercices de style de Queneau), s'amuser et rien de plus.

C'est ce que j'ai fait pour le 3° – faut plus voir ça comme un canular qu'autre chose – ça prend pas tellement de temps (avec un bon moteur de recherche), sauf celui de relire un peu de Baudelaire, ce qui est du plaisir :-)

[Invité]

Pas sympa pour les ramoneurs le 1er, s'ils se mettaient à t'en vouloir ...
Beaucoup aimé le 2e, mais dis-moi comment Tino à l'oreille saurait que le confesseur est passé de "sein" à "saint" ?! (saint, qui visiblement ne l'intéresse pas...)

[Sahkti]

J'ai beaucoup aimé les deux premières versions.
La seconde me fait un peu penser à la sagesse orientale de Gobu avec le maître et le disciple, on y retrouve le même processus roublard d'éducation :-)

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