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Le prince Vologdine

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High_Voltage
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Message  High_Voltage Ven 7 Aoû 2009 - 10:09

Le rang de lustres pondéreux projetait un faible éclat sur les fronts des commensaux, qui mettait en évidence la fièvre qui les étreignait. Toute la grande salle se retrouvait baignée par des lueurs de repaire, de bouge, de décadence. Attablés, quelques-uns se lançaient encore dans des disputes enivrées.
- Le pays s’enfonce. Je vous prédis après un roi bourgeois un roi paysan, messieurs.
Il porta un toast imaginaire, maculant de bourguignon la blancheur de la nappe.
- Allons donc. Et qui voudriez-vous, monsieur ?
- Comment ! Un empereur, à l’évidence.
- Vous êtes aviné, mon cher.
- Savez-vous ce que j’en fais, de vos Orléans, monsieur ? reprit le bonapartiste.
- Vous êtes jeune, monsieur. Jeune et sot. Le temps ne palliera que l’un de ces défauts, soyez-en conscient.
- Quand j’observe ses effets sur vous, monsieur, je ne vois rien de plus incertain.
- Vous êtes un imbécile.
- Vous en êtes un autre.
Un homme choisit ce moment pour s’effondrer à terre, où il continua à ronfler. Encombrée de plats pillés, jonchée de restes, de rebuts, de débris, l’immense table ne soutenait plus que des loques avilies. A l’autre extrémité, un groupe entonnait des refrains paillards avec une insouciante énergie. Il y avait là certains hommes d’affaires, quelques anciens détenteurs de charges publiques, ainsi qu’une pléiade d’anonymes représentant la jeunesse ardente, fougueuse, décérébrée, tout un ramassis de libres penseurs, de poètes, de journalistes, de plumitifs, de paresseux, d’étudiants oisifs, d’ambitieux sans scrupules, corrompus jusqu’à la moelle par le microcosme bourbeux qu’était alors Paris.
- Où est donc notre amphitryon ? s’enquit l’un d’eux, l’haleine insupportable.
Car celui qui offrait de tels banquets ne s’adonnait pas à la luxure avec autant de ferveur que ses hôtes. Le comte d’Estaing, titre nobiliaire acheté, fortune colossale, tirait sur la quarantaine et se préoccupait d’asseoir encore sa position dans le monde. Puisque Louis-Philippe remplaçait Charles X, le grand capital tâchait d’usurper la situation de la vieille garde. Cependant les riches bourgeois comme d’Estaing peinaient à accéder aux fonctions supérieurs de l’Etat ; pour s’inscrire dans la mouvance et se prévaloir d’invitations dans les salons intellectuels renommés du Faubourg Saint-Germain, fief de la vieille aristocratie française et barbacane de la cour, il ne leur manquait plus que les idées, l’esprit, la prestance, ce petit quelque chose qui différenciait le plus maniéré des bourgeois du plus impécunieux des marquis et que les connaisseurs appelaient le style. Pour combler ce déficit, agissant en hommes de commerce, ils consacraient de fortes sommes à pareils festins, qui réunissaient une myriade de discutailleurs en tous genres, témoins de tous les courants et défenseurs de toutes les parties. Ils s’imprégnaient ainsi de l’air du temps, au fil de joutes oratoires qui débutaient dans le xérès et s’achevaient dans la rue. Le second avantage était la notoriété : les mécènes qui finançaient ces orgies s’assuraient de l’appui d’influents personnages, lesquels intercèderaient en leur faveur auprès des familles d’importance qui leur tenaient toujours fermées les portes de leurs hôtels particuliers. En outre, ils exerçaient un contrôle, quoique très partiel, sur les écrivaillons insoumis qui fournissaient à la presse publique la plupart de ses articles engagés, dithyrambes inexprimables aux accents empruntés à la sincérité la plus désarmante, ou critiques assassines dont l’acidité corrompait la plus solide des réputations.
Ceux qui pouvaient marcher passèrent au salon, bientôt contaminé par la brume épaisse qui flottait sous les plafonds. Monsieur de Saurie fumait cigare sur cigare.
- Ah, comme notre hôte fait bien les choses !
Dans des fauteuils anoblis, d’impudentes courtisanes se prélassaient avec lascivité.
- Ma parole, monsieur, ne seriez-vous né que pour courir les femmes ? Je vous entretenais de l’avenir de la France !
- Allez donc en entretenir un autre, repartit le dandy en tirant une nouvelle bouffée malodorante.
- Je vous tenais pour marié, monsieur, intervint un ingénu.
- Taisez-vous donc ! Qui êtes-vous pour moraliser, quand vous avez connu assez de maîtresses pour peupler une bourgade ?
Le respect de l’ordre établi convenait aux monarchistes et l’attrait de la débauche formait les libéraux ; Juillet contemplait la fin d’une époque. Quelques jeunes gens éprouvaient une étrange nostalgie en regrettant une ère qu’ils n’avaient pas connue : dans leur idée, avant la révolution, la nation possédait encore une âme, belle et grande, que nul n’eût osé solder aux banquiers, aux industriels ou aux émigrés sur le retour. Antoine de Saint-Maxence se berçait ainsi de chimères impérialistes, la France de Wagram, d’Austerlitz, de Napoléon. A ses côtés, le vicomte d’Andrésy jetait un œil dédaigneux sur le luxe de l’endroit.
- Quelle surcharge, mon cher, et quelle dépravation ! Cet homme juge la beauté d’un objet au prix qu’il met à l’acquérir. Voyez ces bronzes, là-bas : il m’assénait leur valeur à l’instant, comme s’il croyait m’impressionner. Quelqu’un lui dira-t-il combien ils sont laids et de mauvaise facture ?
- Je vous en laisse le soin, monsieur ; j’aime trop ses orgies pour m’en priver, répondit un critique littéraire de seconde zone.
- Du reste, vous ne connaissez rien à l’art.
- Depuis quand a-t-on besoin de connaître ce que l’on commente ? La critique est bonne si l’auteur paye plus que ses détracteurs ; le succès est à ce prix.
Et il s’avachit sur un canapé aux côtés d’une fille entretenue dont il chercha à savoir le nom. Le vicomte, quand à lui, poursuivait ses commentaires acerbes.
- Les couleurs de ces tentures jurent entre elles à m’en blesser la vue. Le bon goût semble hors de portée des marchands.
- Et vous honorez tout de même ces lieux de votre présence.
- Pour la même raison que vous, monsieur : je suis ruiné.
- Vous pensez sauvegarder votre rang en mendiant vos dîners à des parvenus ?
- Je pense jouir des prodigalités de cet imbécile autant que faire se peut. En ce milieu-là, les fortunes se font et se défont au rythme des marées ; quand ce spéculateur-ci hasardera ses ressources sur le mauvais cheval, nous irons chez un autre.
Le tapis vert des tables de jeu attirait les parieurs de toutes espèces, qui vinrent s’engluer là, avec la fiévreuse conviction que la chance les favoriserait un jour.
- Faites vos jeux.
Armand s’approchait juste, alors qu’il avait converti en mise les cinq cents francs qui lui restaient.
- Hardi, mon cher, tout sur le noir ; rouge est sorti six fois d’affilée, lui murmura-t-on à l’oreille.
Il suivit ce conseil avisé.
- Les jeux sont faits, rien ne va plus.
La bille s’élança sur le rebord de la roulette, décrivant des cercles d’abord très rapides, puis de plus en plus resserrés, refermés, fascinants. Les yeux captivés n’avaient d’yeux que pour cette descente, lente, inexorable ; les poitrines palpitaient en cadence. Les chiffres et les couleurs se succédaient, s’inversaient, se confondaient, s’enchevêtraient dans un tournoiement kaléidoscopique. Les respirations s’arrêtèrent. La bille d’ivoire également.
- Quatorze, rouge pair et manque, annonça le croupier.
Le désarroi de l’insuccès se changea bien vite en ressentiment. On l’avait trompé.
- Vous vous referez vite, mon cher, intervint un dandy, pourvu que vous suiviez mes conseils.
Car monsieur de Saurie passait pour un joueur professionnel.
- Le tout est d’avoir un peu de technique. Connaissez-vous la martingale ?
Pendue à son bras, une femme d’à peu près vingt ans parcourait le salon du regard. Armand fut subjugué par sa présence. Un visage opalin aux contours délicats s’enténébrait de longs cheveux noirs qui frisaient jusque sur un charmant décolleté. Son teint, d’une pâleur maladive, ne s’encombrait pas d’artifices ; ses lèvres naturellement rouges contrastaient si violemment qu’elles conféraient à cette apparition une aura d’outre-tombe dans le suaire mortuaire de sa toilette blanche. Elle souriait d’un sourire sans joie, exagéré, presque cruel. Captivé par cette charogne dont la vie surfaite suintait déjà la mort, dans l’immense ennui des plaisirs satisfaits, Armand osa demander qu’on lui avançât deux mille francs, et ses amis l’obligèrent. Monsieur de Saurie ne fumait plus.
- Voyez-vous, jeune homme, condescendit-il à expliquer, le gain à ce jeu s’assure d’une manière des plus enfantines. Pariez donc sur une couleur.
Vautré dans un divan au milieu de ses prochaines maîtresses, un dévergondé suivait la scène en toute discrétion. L’odieux prince Vologdine, petite barbiche brune soigneusement taillée, s’acharnait à devenir la honte de la communauté russe à Paris.
- Rouge ?
- Rouge, noir, qu’importe ? Mon procédé est infaillible, assura son mentor en feignant la plus grande affabilité.
Un groupe d’avertis intriguait à l’écart. La santé du vieux chevalier de Ménonceaux déclinant de jour en jour, on prisait fort la compagnie de madame de Ménonceaux, que les millions de son presque défunt époux bombarderaient meilleur parti de la capitale. Cependant la compétition redoublait de rudesse : outre qu’on décomptât une foule de prétendants potentiels, l’objet de leurs soins se distinguait par une pruderie excessive qui compliquait la cour que l’on voulait lui faire. Recluse dans son hôtel au chevet du mourant, elle n’y tolérait que la présence d’un bataillon de médecins qui pérorait et se contredisait sans cesse, ne s’accordant que pour réclamer le prix de ses ignobles services, ainsi que la compagnie de quelques intimes, parmi lesquels le comte de Veracruz, hidalgo castillan et remarquable baryton, avait l’honneur de se trouver.
- Vers six heures elle renvoie tout le monde. Mais pour le whist, il faut être quatre, et j’en suis toujours, rapportait-il malicieusement.
Le cercle étroit de son auditoire paraissait trahir quelque conspiration.
- Dix-sept, noir impair et manque.
- Vous m’entamez de cent francs qui ne m’appartiennent pas, monsieur, lâcha froidement Armand à la face de monsieur de Saurie.
L’étrange créature avait quitté son bras.
- Ne vous alarmez point ! Cette perte est prévue, seuls les novices s’en formalisent. Deux cents sur le noir, à présent.
Le joueur haussa le sourcil, toutefois il obtempéra sans formuler ses inquiétudes. Un homme s’approcha subrepticement dans son dos.
- Les jeux sont faits.
- Et bien faits, ricana Vologdine.
Echauffé par le vin, Armand réagit aussitôt.
- Qu’avez-vous à y redire ?
- Moi ? Absolument rien. Que ce philistin oiseux vous ruine, c’est votre affaire.
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Message  Invité Ven 7 Aoû 2009 - 12:05

Lu environ un cinquième du texte et suis déjà fortement interpelée par l'âge que tu annonce. S'il est exact, les plumes de mon chapeau balaient la poussière à tes pieds !
Mais j'y retourne vite...

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Message  Invité Ven 7 Aoû 2009 - 12:25

Tellement interpelée que j'en omets les s nécessaires et les l facultatives !

La suite est tout aussi surprenante. Ecriture très classique, riche, souple, habile... un peu démodée ( je suis bien placée, tiens, pour dire ce genre de chose!)
Thème étonnant.
Un poil de longueur en trop.
Mais ça fait déjà un tas de qualités... J'attends la suite !

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Message  High_Voltage Ven 7 Aoû 2009 - 13:17

Mon âge est exact, mais ne salis pas ton chapeau. L'écriture classique colle avec 1830, et elle est en effet démodée, parce que les questions d'alors ne se posent plus aujourd'hui, ou trop différemment pour qu'on fasse le rapport. Le passage de la noblesse au capital m'intéresse beaucoup au point de vue philosophique, et j'ai adoré Balzac. Le thème passerait d'ailleurs presque pour du plagias, tellement les réalistes ont écrit dessus, et je suis curieux de savoir ce que tu lui trouves d'étonnant. Pour la longueur, je suis désolé, ça risque de durer encore un peu... Par contre les paragraphes ont disparu, ça joue peut-être dans l'impression de bloc, non ? J'ai voulu éditer, pour ça et les deux fautes que j'ai retrouvées... et je me suis rappelé que ça ne marche pas ici. Je vais faire attention à ça en postant la suite. Merci d'avoir lu, et aussi rapidement après envoi.
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Message  boc21fr Ven 7 Aoû 2009 - 13:49

Que dire ?
C'est bien du Balzac, définitivement, avec sa galerie de trognes décadentes, ses nobles désargentés, ses riches bourgeois qui lâchent leurs sous pour essayer de se teinter un peu le sang en bleu...
Tout comme toi, j'ai adoré Balzac, et je ne vois en aucun cas en quoi cet auteur ne serait plus d'actualité...
Comprendre les manipulations financières de Nucingen, par exemple, dans splendeurs et misères des courtisanes, permet de bien appréhender les manipulations boursières...
Pourquoi ne ferais-tu pas du Balzac d'aujourd'hui ?
Les hommes fument encore le cigare, les call-girls sont toujours là, quoiqu'elles ne soient que rarement danseuses ou actrices de théâtre.
La noblesse a disparu, il est vrai ; les Nuncingen ont gagné depuis longtemps -et ils sont nombreux- ; l'esprit ne signifie plus rien dans les cénacles du pouvoir, le ridicule et l'honneur non plus. Reste tout de même l'âpre agressivité de celui qui veut réussir, quelques hommes et femmes d'honneur qui s'accrochent au contraire à leur sens de l'intégrité (de plus en plus vieux et fatigués il est vrai…).
La comédie humaine est définitivement un drôle de cirque aujourd’hui.
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Message  High_Voltage Ven 7 Aoû 2009 - 15:33

Aujourd'hui, on ne pourrait même pas appeler ça la tragédie humaine, puisqu'il y manquerait encore la grandeur.
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Message  boc21fr Ven 7 Aoû 2009 - 15:45

Même Balzac a appelé un chat un chat :
La comédie humaine n'est pas la tragédie humaine !
Tous ces hauts personages vaniteux, ambitieux, ou occupés à satisfaire leurs vices se moquent bien du sens de l'existence humaine, ils n'ont ni le temps ni le souci de le chercher...ils vivent le divertissement pascalien.
Je ne suis pas sûr qu'il y ait eu beaucoup de grandeur au XIXième siècle : c'est peut-être simplement le style de Balzac qui magnifie des situations qui seraient sans cela prosaiques et grotesques...
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Message  silene82 Ven 7 Aoû 2009 - 17:38

Je me joins au louanges de ceux qui t'ont commenté, et avoue la même surprise que Coline: cornegidouille, si le gaillard a effectivement l'âge qu'il déclare, il promet! Tant il est vrai qu'une écriture classique de ce type, précise et élégante sans grands effets est une sorte de comète dans le ciel de VE. Que cela ressemble aux exercices que nos bons maîtres nous faisaient effectuer dans ma verte jeunesse, certes: c'est un à la manière de. Mais il n'en demeure pas moins que saisir le ton, l'atmosphère, tenir des dialogues, est une performance qu'il faut saluer à sa juste valeur.
Bravo, jeune homme!
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Message  High_Voltage Ven 7 Aoû 2009 - 17:48

Evidemment ; même l'Antiquité ne paraît grande que parce qu'on l'a réécrite ainsi plus tard. Par contre, j'ose contredire ton beau commentaire : même si l'on parvient à oublier Napoléon, à mon sens, la génération qui a cru en la révolution, qui s'est détrompée en s'apercevant que le pouvoir changeait de mains mais pas de forme (Illusions perdues, La peau de chagrin) puis qui a sombré dans la débauche, elle a quelque chose de grand, de grand et de tragique. Quand au style de Balzac, loin de rien magnifier, il transcrit une réalité, il inventorie, ainsi qu'il l'explique lui-même, notamment dans son hommage à Saint-Hilaire (préface du Père Goriot). La grandeur et le tragique ont justement pour terreau le prosaïque et le grotesque : c'est cela qui les engendre, et c'est sur cette toile qu'ils ressortent le mieux. Le titre dont tu as parlé en est d'ailleurs le meilleur exemple.

Enfin, je pensais plutôt obtenir une critique de mon texte qu'un étalage de notions au parfum XIXème ; je suis agréablement surpris. La fin du banquet est écrite, en tout cas, je me mets au duel du lendemain.
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Message  mentor Ven 7 Aoû 2009 - 17:54

High_Voltage a écrit:je pensais plutôt obtenir une critique de mon texte qu'un étalage de notions au parfum XIXème ; je suis agréablement surpris.
c'est ce qu'on appelle des critiques positives, pourquoi s'en priver ?
;-)

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Message  boc21fr Ven 7 Aoû 2009 - 17:57

High_Voltage a écrit:Enfin, je pensais plutôt obtenir une critique de mon texte qu'un étalage de notions au parfum XIXème
Tu l'as eu ta critique :
C'est du Balzac, quasi-littéralement !
Que puis-je dire d'autre ?
Je ne suis pas Rubempré, ni même Lousteau, Raoul Nathan ou Blondet...
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Message  High_Voltage Ven 7 Aoû 2009 - 19:28

Pardon : si je poste ceci, c'est pour qu'on me dise ce qui se ressent à la lecture, ce qui est bien et ce qui ne l'est pas, comment améliorer ce qui doit l'être et quels passages supprimer ou remodeler. Si c'est pour me dire comme ça que c'est du Balzac et puis que je l'ai eue ma critique, avoue que ça ne m'aide pas beaucoup...
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Message  boc21fr Ven 7 Aoû 2009 - 19:41

Ah je comprends maintenant !
Vous avez du mal à réaliser qu'à mes yeux ce texte n'a pas besoin d'être changé d'une seule consonne...
Je m'en excuse, sans doutes ne suis je pas parmis les plus attentifs lecteurs de VE, loin de là...
Ecoutez, je vais relire votre texte attentivement et me mettre dans la peau du plus intransigeant des correcteurs ok ?
C'est parti.
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Message  boc21fr Ven 7 Aoû 2009 - 20:19

- Le pays s’enfonce. Je vous prédis après un roi bourgeois un roi paysan, messieurs.
-> Certes, nous sommes dans un dialogue, mais j'aurais tout de même écrit :- Le pays s’enfonce. Messieurs, après un roi bourgeois, je vous prédis un roi paysan.
supérieures
pour s’inscrire dans la mouvance et se prévaloir d’invitations dans les salons intellectuels renommés du Faubourg Saint-Germain, fief de la vieille aristocratie française et barbacane de la cour, il ne leur manquait plus que les idées, l’esprit, la prestance ; ce petit...
festins, qui réunissaient
s’assuraient de l’appui
chimères impérialistes : la France de Wagram
quant à lui
qui vinrent s’engluer là, avec la fiévreuse
Les regards captivés n’avaient d’yeux que pour cette descente, lente et inexorable
que pour réclamer le prix de ses ignobles services, ainsi que la compagnie de quelques intimes, parmi lesquels le comte de Veracruz, hidalgo castillan et remarquable baryton, avait l’honneur de se trouver.
->que pour réclamer le prix de ses ignobles services, ainsi que la compagnie de quelques intimes. Parmi eux, avaient l’honneur de se trouver le comte de Veracruz, hidalgo castillan et remarquable baryton.

Il va de soi, cher ami, qu'en général vos phrases sont trop ampoulées et lourdes, mais c'est ce que l'on dirait à Balzac lui-même si il envoyait son manuscript à une maison d'édition...
Et encore merci pour ce moment de nostalgie.
Attendez l'avis d'autres correcteurs, plus compétents que moi (easter et socque par exemple) avant de changer quoi que ce soit à votre texte...
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Message  High_Voltage Ven 7 Aoû 2009 - 21:05

Voilà ce que j'attendais : je vous (vous optez tout à coup pour le vouvoiement, aussi vous suivrai-je) suis extrêmement reconnaissant.

J'avais remarqué "supérieurs" et "quand", comme je le disais plus haut, mais n'ai pas pu éditer, malheureusement... Reste l'aberration des yeux qui n'ont d'yeux que pour cette horreur ; vous voyez, cela fait déjà quelques consonnes à modifier. Par contre vous m'avez mis l'hidalgo au pluriel ; je vous assure qu'il est seul.

En fait je craignais surtout que ce début ne fût particulièrement ennuyeux, ainsi que me l'ont dit les deux premières personnes à l'avoir lu. Je vous rassure au passage : je ne compte pas éditer mes phrases "trop ampoulées et lourdes". Mais je ne blablate plus, je poste le second extrait à la suite et procède aussitôt aux modifications nécessaires sur l'original du premier. Encore merci de votre intransigeance ; j'espère que vous m'en ferez bénéficier à nouveau.
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Message  High_Voltage Ven 7 Aoû 2009 - 21:07

Il s’exclamait assez fort pour que monsieur de Saurie l’entendît.
- Alors mêlez-vous des vôtres. Tout Paris soupçonne vos manigances, et vous trouvez le temps d’ennuyer les honnêtes gens ?
- Vous êtes aussi honnête que je suis Turc, monsieur, fit le prince en esquissant une révérence obséquieuse.
Une annonce domina le tumulte.
- Trois, rouge impair et manque.
- Quatre cents sur le rouge, lança négligemment le dandy.
- Monsieur, vous m’asphyxiez, riposta Armand. Je n’ai pas de quoi rembourser.
- Tranquillisez-vous, enfant ! Je me porte garant de vos gains, sur l’honneur !
Il sourit en levant solennellement la main droite.
- L’honneur d’un pédant… murmura Vologdine. Vous verrez qu’il se défilera.
La martingale classique se jouait en pontant successivement sur chaque couleur ; à chaque succès, on relançait exactement la somme gagnée, par prudence ; à chaque perte, on doublait la mise, de sorte que le premier gain, qui devait immanquablement survenir, remboursait tout. Ceux qui connaissaient les pyramides de D’Alembert imaginaient ainsi s’assurer d’un score positif. La seule faille du dispositif, celle qu’aucun mathématicien n’avait encore réussi à résorber, résidait dans le pécule initial lui-même : pour être en mesure d’affronter une infortune prolongée, la mise devait pouvoir être doublée indéfiniment.
- Huit cents sur le noir.
Le vicomte, qui suivait la scène, calcula qu’il restait au joueur cinq cents francs. Les huit cents précédents furent perdus.
- Le reste sur le rouge, déglutit le professionnel.
La somme quémandée put ainsi disparaître intégralement.
- Remboursez-moi.
- Plaît-il ?
- Vous avez perdu mon argent. Remboursez-moi.
- Vous avez consenti à le perdre. Je ne rembourserai pas.
- Vous aviez juré sur l’honneur.
- Empruntez encore, et je vous garantis le succès.
- Vous palabrez, monsieur. Vos garanties ne me suffisent plus. Remboursez-moi.
- Puisque je vous dis que je ne le ferai pas.
- L’animal se rétracte ? grinça le dépravé en feignant la surprise.
Saint-Maxence contait son récent échec, admettant de bonne grâce la longueur d’avance qu’avait sur lui l’Espagnol.
- Je me présente à son hôtel, et le suisse me répond qu’on n’y est pour personne. Un peu dépité par l’évidence de ce mensonge, je me promets de repasser et me dirige vers mon fiacre, quand ce Russe quitte le sien et traverse la cour de la démarche irritante que vous lui connaissez. Je l’interpelle : retentez plus tard, mon prince, on n’y est pour personne. Pour moi on y sera, me jette-t-il plus ironiquement encore, sans même ralentir. Inutile de vous rapporter ma rage quand le suisse lui a débarré l’entrée…
L’inexpérience du jeune bonapartiste se confrontait aux rigueurs sociales établies par une élite consanguine et protectionniste. La frustration des premières amours déçues s’ajoutait au désarroi de l’orgueil blessé. Seuls ces lieux de perdition autorisaient l’oubli. Une courtisane sépulcrale aux lèvres trop rouges et à la peau trop blanche se pendit au bras de Veracruz et l’entraîna sur un divan. Un versificateur qu’il obligeait souvent l’avait accompagné jusqu’ici ; s’effarant des quantités de vin que son mécène engloutissait sur les instances de l’étrange fille, il se souvint que l’hidalgo se révélait insensiblement plus généreux en période d’ébriété : il choisit donc de rester jusqu’à la résurrection du Castillan.
A gauche du poète se tenait un mauvais historien, improvisé chroniqueur pour un papier parasite, le temps du moins de payer les cinq ou six loyers qu’il avait de retard. Il établissait actuellement la biographie exhaustive de quelque margrave saxon ou de quelque comte palatin rhénan, électeur du Saint-Empire dépossédé de son statut par les campagnes napoléoniennes. Le thème achevait la poignée d’insomniaques dont la robuste constitution conservait le sens malgré la boisson. Etendus dans les fauteuils, sur les tapis, enlacés avec une ou deux filles entretenues qui commençaient leur carrière dans la fleur de l’enfance pour l’achever dans le délaissement complet et la tuberculose, les convives à demi-morts surprenaient des bribes de paroles, des syllabes sans suite, des injonctions égrillardes lancées aux domestiques. Une altercation perturba leur sommeil.
- Demandez réparation, vous dis-je, si vous voulez revoir vos deux mille francs ! le pressa l’étranger.
Monsieur de Saurie allumait un autre cigare. Révolté d’avoir triplé ses dettes sur ses conseils de charlatan, Armand se contint difficilement ; il ignorait presque tout de la science du maniement des armes, tandis que son adversaire se targuait déjà de plusieurs victoires, et tout affrontement ne pouvait que tourner en sa défaveur. L’autre souriait ; il se moquait du vers de Corneille : vaincre sans péril un gringalet tremblant, triompher sans gloire mais ne rien débourser, voilà qui lui convenait à merveille. Cependant le prince devinait les réticences de l’un et l’assurance de l’autre. Il lissa sa barbiche entre l’index et le médius.
- Monsieur, je demande réparation au nom de monsieur.
- Restez en-dehors de ceci.
- Je m’en mêle.
- De quel droit ?
- Le désir de justice.
- Vous ? Vous vous préoccupez de justice, quand vous êtes assurément l’être le plus vil et le plus bas qu’on puisse croiser à Paris ?
- Vous ajoutez l’insulte au scandale de dilapider l’argent des autres pour vous divertir. Je vous enverrai mes témoins demain, à la première heure.
- A votre guise. Je ne serai pas chez moi.
- Vous y serez. Si vous n’y êtes pas, je ne réponds pas de moi.
- Que pouvez-vous ?
- Informer Paris de votre fuite, et votre femme de votre outrageante inconstance.
- Quoi, des menaces ? s’indigna monsieur de Saurie, révulsé de fureur. Le diable vous emporte !
On savait les mœurs du prince mille fois plus dissolues que celles du dandy ; mais contrairement à son adversaire, il se refusait au mariage.
- Je représente l’offensé, le choix des armes m’appartient donc. Amenez vos pistolets.
Monsieur de Saurie se rapprocha si brusquement du prince qu’Armand crut qu’il l’empoignerait. Il arrêta toutefois son visage à quelques centimètres, lui, transfiguré par la haine, l’autre, toujours tranquille et sardonique. Le cigare, tenu trop près, roussit légèrement la barbiche brune.
- J’y serai, monsieur. Sinon, je sens que je regretterais de ne pas vous avoir assassiné alors que j’en aurais eu l’occasion.
- Sagement parlé, reprit placidement le Russe. J’aurai donc l’honneur de vous revoir demain. Je vous souhaite le bonsoir, monsieur.
- Je vous souhaite le pal, monsieur.
Il quitta le salon, bouillonnant de rage. On l’entendit encore donner un coup de pied brutal dans un dormeur aviné, lequel n’émergea pas pour autant, puis ordonner d’une voix impérieuse et chargée d’émotion qu’on hélât sa voiture.
D’Estaing s’éclipsait immanquablement lorsque les discussions tarissaient ; au paroxysme de l’orgie, sa présence ne s’avérait plus nécessaire : il s’agissait uniquement de s’attirer les bonnes grâces de la compagnie en la plongeant dans l’agréable léthargie de la débauche organisée. Toutefois, lorsqu’il apprit par un valet la querelle qui venait d’opposer l’un de ses amis les plus dévoués et le jouisseur invétéré qui s’invitait lui-même, il fondit sur l’importun afin d’exiger un raccommodement. Il n’eut pas le loisir de dire un mot.
- Ah, mon cher comte ! Regrettable incident, n’est-ce pas ? Mais quelles manières, quelle grossière tournure ! Aussi, si j’ai décidé de le provoquer, voyez-vous, c’est autant pour retrouver l’argent de monsieur que pour sauvegarder votre réputation. Non, non, enchaîna-t-il aussitôt, ne me remerciez pas, je vous en prie, tous les gentlemen agissent ainsi, comme on dit en Angleterre. Connaissez-vous l’Angleterre ? A propos, repartit-il sans s’interrompre une seconde, pourriez-vous me faire apporter de quoi écrire ? Une missive urgente à rédiger. Pour une femme, sourit-il en simulant la contrition ; ceci justifie cela. Et comment se porte la vôtre ? Nous n’avons pas eu le plaisir de la voir. La comtesse est ravissante, parut-il expliquer en se tournant vers Andrésy, lequel soupçonna immédiatement une liaison entre le prince et la maîtresse des lieux. J’espère au moins qu’elle n’est pas souffrante ? Si c’est ainsi, épargnez-lui les bouchers, vous ferez bien : à force de médecine ils finiraient par la tuer, comme ils s’y emploient sur ce pauvre chevalier, Dieu ait son âme. Ah, ils saignent, ils saignent, et ils oublient que ce liquide n’est pas inépuisable. Alors on voit blanchir le patient, ou plutôt la victime, choisissez ; en fin de compte, l’affaiblissement est tel que l’on succombe à la première maladie qui survient, alors que le temps et le repos en eussent fait leur affaire. Mais voilà mon encre et mon papier, permettez, minauda-t-il mielleusement en se saisissant de ce qu’un domestique zélé lui apportait. Je vous prie de m’excuser…
Il battit en retraite vers la grande salle, sans accorder un répit à D’Estaing ; le financier avait ouvert la bouche à plusieurs reprises, sans oser couper le prince ; à la différence d’Armand, il n’eut pas l’audace de le poursuivre hors du salon. Le jeune homme vit son protecteur improvisé assis à la longue table que quelques valets desservaient à présent ; avec l’aide du suisse et des cochers, ils soulevaient les loques éméchées, dont certains balbutiaient des incohérences au milieu de gargouillis innommables, pour les faire reconduire chez eux. Armand ne put qu’entrevoir une écriture pointue, acérée, légèrement italique, avant que l’autre ne repliât la feuille : des pas se dirigeaient vers eux. C’était la fille aux boucles noires ; le prince sembla rassuré.
- Je lui donne une semaine à s’en remettre, articula-t-elle avant d’apercevoir Armand.
- Nastasia, fait porter ceci à… qui tu sais, acheva-t-il finalement en avisant le gêneur à son tour.
Il lui donna le papier replié. Elle s’en saisit, sourit étrangement puis regagna le salon, d’où parvenaient maintenant des gloussements féminins.
- J’ai là en bas un fiacre qui m’attend, mon cher ; je vous dépose ? proposa aimablement Vologdine.
Sans attendre de réponse, il entraîna Armand par le bras, tout en lui rapportant quelques anecdotes honteuses sur les éminents convives qu’ils venaient de quitter ; hébété par les évènements, Armand n’y prêta qu’une oreille distraite. Mais le prince ne se formalisait pas le moins de monde de ce qu’il parlait sans qu’on l’écoutât ; il n’insista qu’au moment de s’enquérir de l’adresse à donner au cocher. Il neigeait : le manipulateur déblatérait des commentaires sur les hivers moscovites et parut étonné que le trajet fût si court. Pas un moment il ne manifesta d’inquiétude au sujet du lendemain. L’esprit embrumé, Armand laissa le prince et monta chez sa cousine : il résidait chez mademoiselle de Visoncourt, lointaine parente du côté maternel qui, s’amusant de son ingénuité de provincial, acceptait de l’héberger le temps qu’il aménageât un appartement. Aidé par le vin, il s’enlisa dans un profond sommeil.



(désolé pour les paragraphes promis, en fait c'est l'interligne de mon traitement de texte, et je ne sais pas comment la faire ici)
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Message  boc21fr Ven 7 Aoû 2009 - 21:19

Ah oui effectivement, j'ai écrit « avaient » au lieu de "avait"...désolé.
J'ai évoqué socque et easter précédemment, car il faut savoir que ces deux contributrices à VE accomplissent souvent un travail si remarquable de correction que passant derrière elles, il ne nous reste plus généralement qu'à donner notre sentiment, les corrections ayant déjà été effectuées.
J’ai opté pour le vouvoiement comme je le fais généralement en pensant à socque qui, pour notre malheur à tous, est en vacances : socque ne souffre pas d’être tutoyée.
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Message  mentor Ven 7 Aoû 2009 - 21:30

boc21fr a écrit:je vais relire votre texte attentivement et me mettre dans la peau du plus intransigeant des correcteurs ok ?
C'est parti.
'tain, depuis le temps qu'il attend ça notre dégoulinant de miélitude
:-)))
mouhahaha !

je sors par où ?

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Message  boc21fr Ven 7 Aoû 2009 - 21:40

mentor a écrit:
boc21fr a écrit:je vais relire votre texte attentivement et me mettre dans la peau du plus intransigeant des correcteurs ok ?
C'est parti.
'tain, depuis le temps qu'il attend ça notre dégoulinant de miélitude
:-)))
mouhahaha !

je sors par où ?
Tu te rappeles l'histoire de la boule de neige qui grossit en dévalant la pente quand on commente les commentaires ?
Parce que tu vas te la prendre dans la &é"&
;o))
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Message  Crashtest kid Ven 7 Aoû 2009 - 21:52

Impressionnant!

(haha... je commente pas plus pasque chuis pas doué pour ça, mais j'ai eu beaucoup de plaisir à lire le texte!)

Très belle prose, ça mérite un BIG UP!
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Message  mentor Ven 7 Aoû 2009 - 22:05

boc21fr a écrit:Tu te rappeles l'histoire de la boule de neige qui grossit en dévalant la pente quand on commente les commentaires ?
même pô commenté un commentaire !
où tô vu çô ? naméo !
:-))))

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Message  silene82 Sam 8 Aoû 2009 - 10:44

Je dois être soit inattentif soit singulièrement borné, mais je me suis perdu là

Saint-Maxence contait son récent échec, admettant de bonne grâce la longueur d’avance qu’avait sur lui l’Espagnol.
- Je me présente à son hôtel, et le suisse me répond qu’on n’y est pour personne. Un peu dépité par l’évidence de ce mensonge, je me promets de repasser et me dirige vers mon fiacre, quand ce Russe quitte le sien et traverse la cour de la démarche irritante que vous lui connaissez.

Qui est ce Saint-Maxence? La longueur d'avance de Veracruz, certes, mais encore? Il y a whist, Veracruz est dans la place, Vologdine est reçu, la comtesse évidemment est chez elle, qui est le quatrième? Le mourant?
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Message  High_Voltage Sam 8 Aoû 2009 - 11:16

Le bonapartiste ; il prononce la première réplique et son nom est évoqué plus haut. La longueur d'avance suggère que l'hidalgo est plus près d'arriver à ses fins en ce qui est de se rapprocher de la comtesse : à la différence de Saint-Maxence, il fait partie des intimes. Les noms des deux autres participants au whist importent peu ; ils peuvent d'ailleurs varier. Le fait est que la comtesse croit fermer sa porte aux séducteurs cupides ; laissez entrer Vologdine doit paraître étrange au bonapartiste comme au lecteur.

Mais si l'explication d'Antoine doit en souffrir une seconde de ma part, c'est qu'elle est défectueuse. Que dois-je changer ?
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Message  silene82 Sam 8 Aoû 2009 - 11:55

J'entends bien, mais n'oubliez pas que c'est votre histoire, et que vous en connaissez chacun des protagonistes: il est évident pour vous que le bonapartiste qui ouvre les dialogues est ce même Saint-Maxence éconduit, ou du moins non reçu. Vous me dites d'ailleurs qu'il est nommé plus haut, j'ai relu 2 fois et ne l'ai trouvé nulle part. Où apparaît-il plus haut sous son nom? Ensuite, si l'espagnol se permet de laisser entendre qu'il voit la comtesse (?) -en tout cas l'épouse du chevalier- dans l'intimité du whist, donc à 4, c'est bien qu'il laisse supposer une intimité plus grande encore.
Je ne sais que vous dire: je répugne beaucoup à suggérer à un auteur ce qu'il doit faire. Il me semble que l'élision -tout à fait louable, là n'est pas le propos- embrouille un peu votre récit, qui est touffu: beaucoup de protagonistes, en figurants pour la plupart, il est vrai. Mais rendez-vous compte que c'est un peu pénible pour le lecteur, en voyant apparaître un tel ou un tel, de devoir remonter dans sa lecture, car il n'est pas tout à fait sûr de l'avoir bien identifié.
Cela dit, votre récit vous appartient.
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Message  High_Voltage Sam 8 Aoû 2009 - 12:22

"Antoine de Saint-Maxence se berçait ainsi de chimères impérialistes, la France de Wagram, d’Austerlitz, de Napoléon." : l'homme est nommé là ; on ne peut en effet pas deviner qu'il prononce la première réplique du récit, on doit se contenter de faire ultérieurement le lien avec son nom, puisqu'il est auparavant désigné comme "le bonapartiste" ; d'ailleurs seul l'article défini suggère qu'il est le seul présent.

Je sens bien qu'il est ardu de saisir les identités et les caractères au premier abord ; il suffit de nager dans les premiers chapitres de Guerre et Paix pour le comprendre parfaitement. Mais je ne pense pas que cela nuise au récit, et il y a des dizaines de titres qu'on pourrait citer dans ce sens. En réalité, tous ceux qui semblent ici des figurants ont un rôle à jouer dans une machination, laquelle se met en place au fil du récit ; je crois qu'en fin de compte le lecteur aimera avoir cet écheveau à démêler, lequel écheveau donne du relief au roman à la première comme à la deuxième lectures.

Par contre, si les phrases en question suscitent une incompréhension directe, je vais les refaire ; si ça bute, puisque vous savez lire le français, je conclus que c'est moi qui l'ai mal écrit. Si vous avez une suggestion de refonte, je suis bien évidemment preneur. En attendant, voici la suite.
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Message  High_Voltage Sam 8 Aoû 2009 - 12:24

Les flocons tourbillonnaient dans le vent d’ouest, complétant inexorablement le suaire nacré qui recouvrait déjà les sous-bois. Entre l’orée de la pinède et le muret du cimetière voisin, une bande étroite d’espace découvert étalait sa neige calme, vierge, inviolée. Mais déjà six paires de bottes profanatrices désacralisaient l’endroit.
- Vous êtes bien ?
- Soyez tranquille : je puis l’atteindre les yeux fermés.
Il laissa tomber le cigare, que la neige éteignit. En face d’eux s’avançaient trois autres hommes. A gauche du prince, une créature androgyne accusait une légère claudication qui n’ôtait rien à sa grâce exquise. Pour l’occasion, il ne pouvait s’agir que d’un homme, cependant ses traits s’empreignaient d’une douceur efféminée. Son regard flambait d’un charme un peu fou ; il semblait d’ailleurs goûter à l’avance le divertissement qu’on s’apprêtait à lui offrir. Pourtant son apparente gaieté se teintait de cynisme sadique ; l’enfer sous-jacent perçait dans ses sourires, dans sa façon de rejeter la tête en arrière pour défier le ciel laiteux. Sa physionomie et ses attitudes témoignaient d’une étrange combinaison, d’une alchimie discordante ; en le dévisageant, on ne départait point de l’atroce impression que la nature l’avait utilisé comme laboratoire de ses hésitations, pour finalement regretter d’avoir engendré cette incohérence manifeste. Il portait à la ceinture deux pistolets de marine non chargés.
- Dieu vous garde, prince, dit le second témoin, ancien grognard rescapé du désastre de Waterloo.
Du dernier carré de Cambronne, il héritait une rancune amère contre l’ordre royal. Comme l’auteur de la phrase, il n’était pas mort et s’était rendu, au lieu de marcher sur Bruxelles, sur le château même où tous les princes d’Europe dansaient et festoyaient en attendant la décision finale qui se prendrait dans la plaine. Mis à la retraite avec une solde dérisoire au retour de la monarchie, il entretenait sa haine envers le droit de naissance en révérant ceux qui, tels les roturiers anoblis généraux d’Empire, œuvraient pour la fondation d’un autre ordre ; il idéalisait ces êtres impavides qui entraient dans la vie comme autant de boulets de canon, autodidactes appelés à vaincre à force de caractère et de talent. Paradoxalement, il croyait retrouver cet allant chez un tsariste antirévolutionnaire émigré. Associé aux combines de l’étranger, il retrouvait le goût des manœuvres, des opérations qui, quoique secrètes, requéraient le sens tactique ; par ailleurs, elles rapportaient suffisamment pour survivre malgré les trahisons de la couronne.
- Après ceci, vous irez trouver le jeune homme. Vous lui direz que son affaire est arrangée, et que ma probité s’estimerait quitte s’il me permettait de lui remettre en mains propres, à l’heure qu’il lui plaira, la somme récupérée. Bien sûr je descendrai moi-même chez lui. J’espère beaucoup de cette entrevue.
Ses comparses saisirent l’allusion.
- Vous croyez qu’il marchera ?
- Comme un seul homme. Je l’ai étudié : c’est la nature impressionnable qu’il me fallait.
- Et s’il vous doublait une fois la chose faite, Excellence ?
Le prince s’arrêta et planta ses yeux dans ceux du vieux soldat, où le doute céda bientôt la place au plus profond respect.
- Me trahir, c’est comme de se lécher le coude en courant, mon cher : c’est humainement impossible, mais si vous vous y essayez tout de même, vous ne parviendrez qu’à vous ridiculiser.
La rencontre s’opéra dans l’espace vide. Les rivaux s’abordèrent avec d’exquises politesses qui voilaient des injures ; les témoins s’échangèrent l’arsenal et s’affairèrent avec la poudre, les balles et les écouvillons.
- Monsieur, dit le duc de Chalandes en tenant par le canon une arme dans chacune de ses mains gantées. J’ai là deux pistolets m’appartenant. Votre témoin a chargé l’un d’entre eux et j’ai moi-même chargé l’autre. Choisissez.
Par habitude, le prince vérifia qu’aucun signe distinctif ne démarquait ces jumeaux. N’en trouvant point, il s’empara de l’un et le soupesa. Monsieur de Saurie assura l’autre dans son poing. Le duc tira de la poche de son manteau une pièce de cinq francs, avers à l’effigie de Louis-Philippe tête nue, tout récemment frappée des mentions Roi des Français et Dieu protège la France.
- Votre choix, prince ?
- Face. Celle de votre souverain est fort comique.
Le duc de Chalandes, Pair de France et proche conseiller du roi, retiendrait l’impertinence. L’éclat de l’argent fulgura comme un éclair dans la blancheur des éléments. Lorsque la pièce retomba, le Russe contemplait toujours la voûte indistincte au-dessus de lui.
- Pile. Le Ciel connaît vos méfaits, prince : il vous regarde en permanence.
- Le temps est trop couvert aujourd’hui, monsieur ; il n’en verra rien.
Le duc renifla de mépris. Surmontant son aversion, il saisit le blasphémateur par l’épaule et le conduisit à travers la neige uniforme. Du pied, il traça une rainure, à partir de laquelle il compta dix pas avant d’en dessiner une autre. Monsieur de Saurie se positionna à cet endroit. Les témoins se tinrent au centre, en retrait de l’axe du combat.
- Le sort ayant favorisé monsieur de Saurie, l’honneur d’ouvrir le feu en premier lui échoit. Monsieur de Saurie, armez votre pistolet.
Le dandy s’y appliqua.
- Bien. Prince Vologdine, êtes-vous prêt à recevoir le feu de monsieur de Saurie ?
Autant que possible, le Russe se tendit et présenta son profil à l’adversaire.
- J’y suis prêt.
- Monsieur de Saurie, faites feu.
Il tendit le bras dans le prolongement de son œil, visa patiemment, s’immobilisa pour laisser passer une bourrasque soudaine puis pressa la gâchette. Le vent tourbillonnant dévia imperceptiblement la trajectoire de la balle, quoique le tireur l’eût pris en compte.
- Dame, le pédant sait tirer, murmura le prince pour lui-même en portant sa main à la base de son cou.
Une auréole écarlate souillait la blancheur du gant. Il s’estimait juste effleuré ; le liquide chaud qui s’écoulait en un mince filet sur son omoplate ne l’alarmait pas outre mesure. Les regards des témoins s’arrêtèrent sur son absence de réaction.
- Prince Vologdine, armez votre pistolet.
Il obtempéra.
- Monsieur de Saurie, êtes-vous prêt à recevoir le feu du prince Vologdine ?
Un hochement de tête affirmatif lui répondit.
- Prince Vologdine, faites feu.
Le Russe aligna son adversaire. Pointant d’abord la tête, il se ravisa et corrigea sa visée en conséquence. La balle quitta le canon à l’instant même où le vent faiblit.
Le tir trouva l’épaule droite. Un élément essentiel à l’articulation devait s’être sectionné ; le dandy se disloqua sur le tapis neigeux en se raclant la gorge d’un rugissement digne des lycanthropies les plus sévères. Sa douleur enragée résonna entre les arbres et le muret de la nécropole chrétienne.
- Parbleu, Excellence, il réveillerait les morts ! Mais votre blessure ? s’inquiéta le grognard en rejoignant son maître.
- Trouve-moi donc un fiacre, puis prends la voiture et fais ce que je t’ai demandé. Je vais m’enquérir de l’état de ce coquin-là.
Du menton, il désigna le groupe agenouillé auprès du blessé. A pas lents, dans la neige qui craquait sous lui, il se dirigea vers l’ennemi vaincu, arborant l’air et la démarche contemplative du promeneur absorbé. Il admirait une toile, Paris, monochrome hivernal imparfait, figé par la rudesse du climat ; les touches de sang qui maculaient la chemise de son rival, peintes avec science, revêtaient un caractère artistique, complétant harmonieusement l’allégorique tableau de la vanité des hommes. Constant de la Roberie, ultime descendant d’une invraisemblable lignée de vavasseurs périgordiens, revenait précipitamment avec son domestique et son cocher ; une chirurgie prompte conserverait peut-être au dandy l’usage de son membre. Ils s’apprêtaient à l’emporter, le soutenant précautionneusement, lorsque le prince les rejoignit. Le blessé intima qu’on l’aidât à faire face à son agresseur. Un rictus de souffrance et de dégoût vrillait ses intonations affaiblies.
- Vous serez payé avant ce soir. Si je vous trouve encore sur mon chemin, homme détestable, vous recevrez le poing qui me reste entre vos deux yeux stupides et vous vous demanderez qui a soufflé les candélabres.
- Eussé-je visé plus haut, vous franchissiez ce muret dans les trois jours. Rappelez-vous-en lorsque vous songerez à me nuire.
- Le vent, le hasard, tout cela ne fonctionne pas deux fois. Adieu, prince.
Le nobliau provincial signifia aux siens qu’ils chargeassent le dandy dans sa voiture ; le duc ordonna qu’on prévînt son médecin personnel. Le prince regardait pensivement s’éloigner tout cet équipage ; le ricanement convulsif de l’androgyne étouffa ses réflexions. Il se fit conduire en un lieu secret, un mauvais appartement situé dans un quartier galeux de la capitale. Les caniveaux débordants charriaient des immondices pestilentielles au seuil des immeubles insalubres et des pensions borgnes. Le fiacre avait ordre de l’attendre : il se rendit ensuite, après quelques détours, à l’hôtel de Ménonceaux.
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Message  silene82 Sam 8 Aoû 2009 - 12:49

High_Voltage a écrit:"Antoine de Saint-Maxence se berçait ainsi de chimères impérialistes, la France de Wagram, d’Austerlitz, de Napoléon." : l'homme est nommé là ; on ne peut en effet pas deviner qu'il prononce la première réplique du récit, on doit se contenter de faire ultérieurement le lien avec son nom, puisqu'il est auparavant désigné comme "le bonapartiste" ; d'ailleurs seul l'article défini suggère qu'il est le seul présent.
Je m'incline, j'ai lu trop vite
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Message  silene82 Sam 8 Aoû 2009 - 14:50

Ecoutez, je suis épaté, et ai même du mal à croire qu'une telle écriture sorte d'une plume aussi jeune. Comprenez bien que c'est le barbon qui parle en moi, et se demande, quand les jeunes gerfauts prennent ainsi leur vol, ce qu'il va lui rester, à lui, pesant scaphandrier.
Je suis fort mauvais critique tant du fond que de la forme, n'étant pas, à la différence de notre très vénérée socque, chanoinesse des Corrections Impeccables, un répertoire ambulant, et toujours consultable, des formes pures de la langue.
Tout au plus tressaillé-je ordinairement lorsqu'une grosse incongruité surgit, ce qui n'est aucunement le cas. La seule petite réserve littéraire que je me permettrais serait sur la cohérence implacable de votre texte, quand un aller-retour du narrateur des temps nouveaux au théâtre qu'il décrit aurait pu avoir son charme. Mais comme il n'est manifestement pas dans votre intention de distancier, j'attends la suite de confiance, et avec impatience.
Ah, et comment voit-on que des pistolets ne sont pas chargés? Vous devez être dans les confidences de celui qui les arbore.
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Message  High_Voltage Sam 8 Aoû 2009 - 17:20

La narration valdingue entre l'omniscient et le bordélique, pour m'autoriser une téléportation bien pratique dès qu'il s'agit d'écouter des médisances et de suivre un complot. La même qui permet à Balzac d'indiquer la provenance des assiettes dans lesquelles mangent les pensionnaires de la maison Vauquer, quoique le héros s'en moquât. Voyez combien je plagie : le mérite n'est pas grand. Les autres textes que je poursuis en ce moment n'y échappent pas : dans mon préféré, Police politique, je mélange Lénine, Freud et Orwell pour obtenir une tambouille infâme aux relents socialistes... Cette nuit j'ai commis quelques pages sur une nouvelle idée, que j'ai la prétention de tenir pour originale ; peut-être y a-t-il moyen de croire faire du nouveau, après tout. Mais je m'égare bêtement ; je ponds la fin du prochain extrait dès que possible, puisqu'on me fait l'honneur de s'y intéresser.
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Message  silene82 Sam 8 Aoû 2009 - 21:26

Je suis intrigué par la parenté de votre écriture avec celle de sergei, qui après nous avoir ébauché les aventures d'un maltais plein d'expédients, nous a tristement abandonné, pour, s'il m'en souvient, filer lire Balzac. Otez moi d'un doute, vous n'êtes pas un de ses avatars?
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Message  mentor Sam 8 Aoû 2009 - 21:42

silene82 a écrit:Je suis intrigué par la parenté de votre écriture avec celle de sergei, qui après nous avoir ébauché les aventures d'un maltais plein d'expédients, nous a tristement abandonné, pour, s'il m'en souvient, filer lire Balzac. Otez moi d'un doute, vous n'êtes pas un de ses avatars?
ou il a récemment déménagé du nord-ouest vers le sud-ouest, ou ce sont 2 écrivants différents
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Message  High_Voltage Sam 8 Aoû 2009 - 22:23

Je ne suis pas de ceux à qui il plaît de multiplier les comptes pour s'offrir des éloges à eux-mêmes. En outre ce que j'ai d'âme russe ne peut malheureusement se targuer de porter un prénom au diapason. Ah, mais Sergueï dérive probablement de l'hébreu, non ? En ce cas le lien de parenté est manifeste. Bien le bonsoir.
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Message  Mure Dim 9 Aoû 2009 - 10:21

Pas mon trip ce matin !
Trop vieux pour moi et surtout trop intelligent, je n'ai pas les neurones qui vont avec votre texte. Aussi, je n'ai lu que les trois ou quatre premières phrases.

Peut-être, un soir, alors que j'aurais trop ri toute la journée, j'aurais envie de m'y mettre... pas sûr.

Merci tout de même.
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Message  High_Voltage Dim 9 Aoû 2009 - 13:14

Homme de peu d’esprit, rattrapé par la sénilité la plus affligeante, le chevalier se décomposait sur sa couche avec pour toute consolation le divertissement des impudents qui se moquaient d’un grabataire en courtisant sa femme jusque sous son toit. Héritier d’une dynastie aux racines profondément ancrées dans le sol milanais, il avait connu l’exil sous Robespierre ; l’incommensurable fortune de ses aïeux mise en sûreté, il rejoignit comme beaucoup le czar Alexandre lors des impétueuses menées de l’artilleur corse, dont tout le continent souhaitait étouffer l’arrogance. La défaite des Autrichiens, encerclés dans Ulm suite aux tergiversations imbéciles de Mack, avait contraint Koutouzov à la retraite. Participant héroïquement aux combats de Borodino, sur l’aile gauche, il avait vu tomber le général Bagration, qui devait décéder plus tard des suites de ses blessures. Il figurait parmi ses aides de camp lorsque le czar pénétra dans Paris pour restaurer la monarchie. Sous Charles X l’ultraroyaliste, on dénigra la Charte pour accorder l’octroi d’un milliard d’indemnités aux émigrés lésés par la République ; pour le comte de Ménonceaux comme pour d’autres, de nouveaux titres honorifiques s’y ajoutèrent. Haïssant les libéraux comme la vermine et fuyant leurs réunions qui proliféraient comme une épidémie de choléra, il se refusait à se mêler de politique, prétextant qu’il n’y avait qu’à combattre pour Dieu et soutenir le roi ; en réalité, les débats de la Chambre s’avéraient inaccessibles à son entendement. Lui, qui ne possédait pour toutes qualités que sa vaillance et sa droiture, personnage moral par nature plutôt que par éducation, cloitré dans son hôtel depuis les trois jours funestes d’un été catastrophique, ne supporta bientôt plus le luxe et l’inaction. Accablé par des évènements sur lesquels il n’avait aucune prise, il s’alita. Il parlait peu avec sa jeune épouse, dont il avait trois fois l’âge ; faire la conversation n’entrait pas dans ses possibles. Malgré tout, quelque part entre deux regards, il comprenait sincèrement qu’ils échangeaient là un amour filial, quoiqu’il lui donnât son nom.
Soustraite au couvent pour son mariage, ainsi que le préconisait l’usage, d’abord inquiète de la personnalité de son époux, Evelyne de Ménonceaux se résigna tout d’abord, avant d’entrevoir que l’âge et la raison du vieillard, loin d’en faire un désagréable impotent, s’effaçaient devant son étonnante candeur et sa générosité. Il dépensait pour elle des sommes invraisemblables, à même de mettre sur la paille un mari moins fortuné ; que dans ses propres comptes, les toilettes onéreuses et les pierres taillées pour des maharadjahs creusassent des ornières ou des abysses, le chevalier s’en moquait. Mais celle qui était devenue comtesse se préoccupait de religion ; plus dévote que l’archevêque, elle comprit rapidement que la richesse appelait le vice. Tout autour du comte voltigeaient des parasites, tels des moucherons scatophiles ; l’évangélisation de cet entourage fielleux, rancunier, opportuniste et mesquin passait par une épuration drastique. La pléiade de conseillers trompeurs et de mauvais gestionnaires supporta dès lors ses minutieux examens ; ayant confiance en elle comme on l’aurait en Dieu, le vieillard lui donnait raison en tout sans discussion. Puisqu’il devait mourir sans autre descendance qu’un improbable neveu, probablement imposteur, il confiait l’entière responsabilité de ses biens à la comtesse, qui s’extrayait par devoir de l’enfance insouciante où elle aurait pu rester en comptant simplement au nombre des profiteurs de la basse espèce, ceux qui, dès lors qu’il s’agissait de finance, lui mentaient comme des arracheurs de dents. A force de jonglerie et de duplicité, la strate de nuisibles édifiée entre le comte et sa fortune biaisait la vision qu’il pouvait avoir de ses intérêts. Elle priait au lever, au coucher, aux repas, pour sauver l’âme du comte, sur qui la grâce divine ne manquerait pas de se porter, mais aussi celle des pernicieux qui, feignant de servir leur maître, se servaient eux-mêmes, et le plus copieusement du monde. Les prétendus amis du chevalier exerçaient sans s’en cacher le harcèlement le plus infect ; bien que leur inconduite ne dupât point la comtesse, il fallait se résoudre à souffrir leur présence, ne fût-ce que pour entretenir l’illusion du mourant. Devant lui, elle s’efforçait de conserver un ton égal : les médecins le disaient cardiaque au point qu’un mot plus haut qu’un autre comportât de bonnes chances de l’achever.
L’existence s’écoulait, morose, inodore, calme plat qui précédait la tempête ; lorsque l’épave se disloquerait derrière le baldaquin, lorsque le naufragé sombrerait en engloutissant la lavasse qui écumait déjà sur des lèvres qu’on séchait régulièrement avec un mouchoir en baptiste, l’ouragan balaierait les vestiges de la maison des Ménonceaux, dilapidant son or, emportant sa noblesse ingénue de l’autre côté, avec les furieux remords des accords d’un Dies Irae et le cortège sépulcral de faux amis vainqueurs. Une garde rapprochée de fidèles suspects hantait encore les lieux ; l’appât du gain facile les mouvait également, à n’en pas douter ; l’argent conférait à leurs transports un accent de compassion inimitable, inénarrable, tenu pour sincère partout et par tous, excepté la comtesse, à laquelle la pureté de l’âme accordait la clairvoyance. Le trépas du chevalier livrerait en pâture et la comtesse et sa fortune à l’avidité des chiens, qui n’attendaient maintenant plus que l’occasion. La prude dévote espérait toujours un signe, un secours du Ciel, lequel se présenta sous une forme inattendue.
Il avait dès l’abord produit sur elle une considérable impression. A mesure du vieillissement d’un homme, l’essor des facultés intellectuelles répond au déclin des capacités physiques ; lui se situait spécifiquement au sommet de la vie, culminant son propre développement. De cette hauteur, de cette cime himalayenne, il régentait le monde à son gré, sans craindre de chuter : la tranquille assurance qui perçait dans son regard, cette sérénité qu’il exhalait, cette plénitude affichée sur son visage, tout criait et démontrait l’incroyable suprématie qu’il possédait sur le restant du genre humain. Il connaissait tout, d’ailleurs ; à l’entendre, ses voyages l’avaient mené au bout du monde. Il avait scruté toutes les cours, analysé toutes les doctrines, participé à toutes les batailles, sur terre ou sur mer. C’était le genre d’homme qui n’avait jamais peur, jamais froid, ni trop chaud, qui pouvait manger n’importe quoi, survivre n’importe où et se sortir à peu près intact de n’importe quelle embuscade. Aussi à l’aise dans le monde que dans ses bas-fonds, il côtoyait l’élite au même titre que les marginaux les plus rebutants. Il s’informait de tout, de sorte que la comtesse le jugeait soit omniprésent, soit omniscient, deux qualités qu’elle ne savait pourtant accorder qu’à l’Etre Suprême. Néanmoins, dans une phase de lucidité, le chevalier avait pu reconnaître la face d’une vieille connaissance, rencontrée à l’état-major du Géorgien, alors que la redoute sur laquelle pivotait la défense résistait encore aux assauts des Français. Mais l’armée se réorganisa, Rostopchine incendia Moscou, et les réaffectations les séparèrent. Peiné par la situation de son vieux compagnon d’armes, l’homme offrit ses services à la comtesse ; il la conseilla si bien qu’elle purgea son entourage et effectua au nom de son mari des placements qui se révélèrent bientôt extrêmement avantageux. Au surplus, la société de cet homme l’agréait au possible : son intarissable conversation la passionnait indiciblement, si bien qu’en son absence le salon lui semblait exclusivement peuplé de sophistes fades et de grossiers ignorants.
Excellent rhéteur, éternel vagabond, le prince Vologdine descendit lestement du fiacre, conscient d’avancer en terrain conquis. Le marbre et les dorures éveillaient son appétit de carnassier sans scrupules.
- Ah, prince ! Vous serez notre quatrième.
- La ponctualité est une de mes plus belles qualités, madame, charma-t-il en effleurant son gant du bout des lèvres.
Elle lui laissa sa main plus longtemps que ne l’eût exigé la politesse.
- Vous ici, prince ? Vous qu’on dit habile aux cartes, si vous nous dépouillez et abattez Saurie à deux heures d’intervalle, vous aurez vécu une excellente journée.
Charles d’Andrésy, demeuré sobre toute la nuit, s’autorisait quelques persiflages, quoiqu’il ne fût pas homme à les assumer ; son ton bon enfant dissimulait la banqueroute, à l’heure où les rentes perçues sur les terres vicomtales n’autorisaient plus ses dépenses. La marquise qui tenait son bras, fiancée depuis peu, ne l’intéressait pas : sa dot n’eût pas remboursé le vingtième de ce qu’il devait. L’archevêque, quant à lui, ne jouait pas. L’argent rejoignit le centre de la table. Auparavant, madame proposait le whist dès lors que le chevalier entamait le récit de ses campagnes, narrations somnifères et décousues qui déclenchaient le bâillement des courageux intrépides et la retraite précipitée des autres. Le docteur, atteint lui aussi de la maladie du jeu, acceptait la partie à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit ; il veillait à présent le grabataire. Quant à l’archonte, indubitablement futur cardinal, il condescendait parfois à faire le quatrième, pourvu qu’il manquât quelque joueur pour le rendre nécessaire. Puisque le Russe complétait la table, il préféra s’éloigner.
- Donnez donc, vicomte.
Carreau fixa l’atout. Les premiers plis s’alignèrent devant la marquise.
- Vous êtes distrait, prince ; composez-vous donc une figure sur laquelle on ne lit pas votre jeu ! le réprimanda la comtesse.
- Quelle honte si nous nous laissions battre par le vicomte, qui n’a jamais su jouer ! renchérit-il.
- Seriez-vous moins précis aux cartes qu’au pistolet, monsieur ? grimaça l’intéressé.
- Est-il mort ? questionna la marquise, vaguement intriguée.
- Non. Peut-être amputé, si le prince est chanceux.
- La chance eût été d’atteindre la tête, monsieur.
- Le duc de Chalandes assure que vous ne la visiez pas, monsieur, et le bonhomme s’y connaît.
- Avec ce vent, mon cher, personne n’y connaissait plus rien, décida le prince.
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Message  silene82 Dim 9 Aoû 2009 - 13:33

Toujours bon, décidément; si je saisis bien vos enchaînements, Vologdine, qui serait selon les premiers paragraphes un débauché manipulateur de la pire espèce, est en train de séduire la comtesse -si elle ne l'est déjà.- Dans quel but exactement, puisqu'il est déjà fabuleusement riche, et qu'elle n'a pas l'air d'offrir grand ragoût, hormis sa piété, qu'il veut peut-être s'amuser à pervertir? J'avoue ne pas bien suivre le ressort de l'intrigue.
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Message  High_Voltage Dim 9 Aoû 2009 - 13:43

Où donc avez-vous lu qu'il était fabuleusement riche, cet aventurier ? Si j'ai malgré moi glissé quelque chose en ce sens, je vous conjure de me le signaler au plus vite, afin que je corrige ce qui nuirait à la logique. Pour l'intrigue, non, ça n'est pas du Laclos, quoiqu'il puisse y en avoir ; les scènes suivantes montreront le moyen. Il y a toutefois suffisamment d'indices, notamment dans le duel, pour suspecter la nature du procédé.
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Message  silene82 Dim 9 Aoû 2009 - 15:35

Vous avez raison, j'avais déduit de
"On savait les mœurs du prince mille fois plus dissolues que celles du dandy"
qu'il ne pouvait être que fort riche, les cocottes coûtant cher. Autant pour moi.
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Message  High_Voltage Dim 9 Aoû 2009 - 18:48

Chères à entretenir (des dizaines de milliers de francs par an) mais pas à fréquenter (chiffres variables suivant la qualité de la marchandise ; Dumas avance cinq cents pour sa Dame aux Camélias, qui semble être le comble du luxe). J'espère que ces sommes correspondent à ce qui fut la réalité.
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Message  High_Voltage Mar 11 Aoû 2009 - 17:35

- Que monsieur m’excuse ; ceci, pour monsieur, présumé urgent.
Il saisit le papier entre deux doigts et le déplia d’un troisième. Le message se réduisait à un gribouillis atroce, parodie maladroite de concision militaire.
- De mauvaise nouvelles, prince ? espéra le vicomte.
- D’excellentes, à l’inverse.
- La justice n’existe pas…
La comtesse ramassa le pli, qui contenait trois honneurs.
- Vous louchez, vicomte, j’avais encore l’as en main.
La remarque ne lui ressemblait pas.
- Un galant homme n’oserait point vous battre, madame, s’inclina-t-il.
- Le galant homme se fait ruiner, constata sarcastiquement Vologdine.
- Madame ! s’écria la camériste.
Son visage horrifié disait tout. Madame de Ménonceaux se précipita.
- Peut-être serait-il sage d’envoyer quérir un prêtre, glissa le vicomte.
- Quel besoin d’un prêtre quand on dispose d’un archevêque ?
On envoya tout de même, avant de rejoindre le mourant dans son antre. Des hurlements hystériques remplissaient l’hôtel ; la comtesse congédiait le bataillon d’incapables qui, au lieu d’assurer une mort décente, se proposait d’affreuses opérations visant à purger les humeurs. Ils évacuèrent la place sous les cris larmoyants de la dévote, dont l’imminence du veuvage étouffait la patience. Le patriarche psalmodiait des litanies inaudibles ; le secours du spirituel valait bien celui du temporel. Le chevalier André-Louis Anatole de Crécy, comte de Ménonceaux, archiduc de Spezianola, seigneur de Podolsk et Pair de France ne bénéficierait d’aucune facilité pour rejoindre l’autre monde.
Car dans le lit à baldaquin vert de la chambre pourpre il n’y avait plus qu’un homme, à qui l’illustre naissance n’épargnerait pas une mort atroce. Son visage émacié, jaune, creusé, son cou déchiqueté et ses bras amaigris présentaient des plaies suppurantes à la gloire de la médecine ; la couche répandait une odeur sans nom. Son regard exorbité se voilait d’une brume opaque, de sorte qu’il paraissait regarder l’autre rivage, au sortir d’une nuit trop longue. La fièvre l’étreignait sévèrement ; son délire naissant s’agrémentait de relents gutturaux, lesquels exhalaient l’infection, bouche béante, voix éteinte, comme une fixation sur la faucheuse à la lueur des bougeoirs. Quoiqu’il ne criât point, assurément trop faible, on ne pouvait douter qu’il était au supplice. Des bouffées de chaleur l’amenaient à rejeter violemment les couvertures, à s’agiter vainement devant son impuissance, et son fidèle valet de pied s’évertuait tant bien que mal à calmer ses folles ardeurs, pitoyables simulations de celles qui avaient prouvé sa vaillance. Puis, articulant dans les graves une expiration désincarnée, il grelottait au creux des draps empuantis, se réduisant encore à la face du monde. Penchée sur la charogne en décomposition, la comtesse évacuait des larmes de douleur auxquelles le couvent préparait pas. Cette intimité, pathétique à force d’abjection, remua les assistants, excepté l’archevêque qui fermait les yeux pour y mieux voir ; l’observation du cadre servit de diversion à la gêne.
Toute la pièce disait le philhellène accompli. La Sainte Alliance, obtenant le secours du czar par solidarité religieuse orthodoxe, retirait ses troupes victorieuses du Péloponnèse reconquis sur les Ottomans, bousculés à Navarin. La mission scientifique accompagnant ce qui restait dans les annales comme l’expédition de Morée avait scruté les trésors du paganisme antique ; cette nostalgie de la grandeur, dont le chevalier semblait l’un des derniers représentants, se peignait sur quatre Delacroix disposés symétriquement par rapport au secrétaire d’acajou, chefs-d’œuvre incontestables dénonçant le joug musulman oppressant les racines de la civilisation. Le classicisme s’offrait le retour aux sources naturelles de la beauté : la Renaissance florentine sculptait peut-être davantage d’Artémis que l’atelier de Phidias. La chambre et le cabinet adjacent, qu’on devinait par la porte entrebâillée, s’affichaient en témoins d’un autre ancien qui sombrerait avec leur propriétaire.
Mais il devenait impossible d’ignorer cette loque, affligée de tous les maux de la terre, accablée, terrassée par une lutte interminable aux allures d’agonie. Son corps désespéré s’effritait comme une mauvaise peinture ; sous le vernis craquelé de la peau se découvraient des rougeurs anormales, semblables aux ulcères du mal napolitain qu‘on nommerait bientôt la syphilis. Une toux de phtisique lui déchirait la poitrine, consumant les dernières énergies qui le retenaient médiocrement à la vie. Tout son être attendait l’hallali comme une délivrance. Vologdine le regardait asphyxier dans les bras de son épouse ; il s’arquait, tel un dément, les poumons dilatés, suffocant à force d’absorber la fétide atmosphère qui baignait la déchéance de sa chair, comme un avant-goût du cercueil. Le moribond râlait furieusement, tâchant d’engloutir de l’air pur, mais tout autour de lui se trouvait vicié par sa présence infâme. Le prêtre arriva pour le saint sacrement ; son austérité chrétienne se troubla. A contempler béatement le damné se débattre sur les rives de l’Achéron, il comprit que l’onction prendrait une tournure épique. L’archevêque chuchotait toujours, inutile assesseur ; la chose traînait en longueur, Thanatos s’enivrait de son pouvoir suprême.
Sur la couche immonde finissait dans la solitude un homme embarrassé de centaines d’intimes au cours de sa prodigue existence. Les deux ecclésiastiques l’entouraient par devoir, statiques, immobiles, presque hébétés, religieusement impuissants ; la marquise dissimulait son beau visage horrifié dans le cou du vicomte, répugnant par trop à approcher malgré les liens de fervente amitié qui l’unissaient à la comtesse ; Andrésy, refoulant au prix de grands efforts les sensations acides qui comprimaient sa gorge, s’appliquait surtout à ne point déglutir. Parcouru de spasmes impressionnants, le chevalier geignait encore, appelant à lui sa femme, qui sanglotait éperdument sur une poitrine en putréfaction précoce. Un soubresaut épileptique plus violent le dressa dans le lit, comme s’il se tendait vers Dieu pour mieux lui rendre son âme. Mais l’invisible n’en voulait pas : la carcasse évidée retomba, secouée par des crises redoublées. Le valet maintint son maître pour qu’il ne blessât point la comtesse dans ses agitations. Au-dehors, la neige tombait toujours, inexorable et monotone, tâchant d’ensevelir Paris pour qu’elle ne survécut point au désastre qui se jouait dans ses murs.
Le comte s’apaisa soudain ; son visage pâlit, s’apparentant ainsi au masque mortuaire définitif. Il sembla reprendre un peu du sens commun, devant l’imminence de son trépas. Une lueur indéfinissable passa dans son regard. Il reconnut sa femme ; sa main osseuse se porta douloureusement jusqu’aux longs cheveux blonds que l’émotion désordonnait, quoiqu’ils cascadassent d’ordinaire avec le soyeux d’une étoffe précieuse. La tristesse qu’elle ne cherchait pas à dissimuler, juvénile et sincère, révélait une pitié infinie qui rejetait à la face du Ciel sa coupable ingratitude envers ses plus dévoués serviteurs. L’archevêque s’interrompit dans ses récitations latines. La comtesse saisit entre ses mains celle de son époux puis, dans le fleuve de ses larmes, sans le commencement d’une répulsion, se pencha sur l’ombre qui rejoignait l’Hadès. Elle reçut sur sa joue son dernier souffle. Le temps viendrait bientôt où il faudrait en vouloir au monde entier, à ce Dieu qui l’avait créé, aux prédateurs en maraude qui rôdaient autour du cadavre encore fumant et à la maladie, qui creusait des enfers.
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Message  la chevre Mar 11 Aoû 2009 - 18:47

Je n'ai pas encore tout lu juste les deux premières parties. Tout d'abord, je voudrais te dire bravo pour ton écriture et ta maitrise du sujet, c'est vraiment bluffant.
Le seul reproche que je peux faire c'est sur la première partie où j'ai eu un peu de mal à me mettre dans le bain. Le contexte,les personnages puis après le Dandy,le russe etc. J'avoue avoir eu du mal à suivre mais, ça s'améliore dans la deuxième partie (parce qu'il y a moins de personnages et aussi dû au fait que l'on finit par retenir les noms).

Sinon pour le reste c'est très compréhensible même un lecteur du dimanche comme moi qui n'y connait rien en histoire ou en livre arrive à comprendre.
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