Bonjour Madame

- Bonjour Madame, je voudrais un mot.
- Oui, c’est pour quoi dire ?
- Ben, je n’ai pas grand chose à dire justement.
- Nous avons « Rien » en magasin, cela vous irait bien.
- Ben, « Rien » c’est encore beaucoup. Avez-vous moins que « Rien » ?
- Oui, mais cela vous fera trois mots, c’est plus cher évidemment.
- Ah. Auriez-vous l’amabilité de bien vouloir m’indiquer où aurais-je des chances de trouver moins que « Rien » en un seul mot ?
- Vous pouvez toujours essayer dans un Géant Centre Culturel, au Carrefour par exemple, mais les mots n’y sont pas toujours de très bonnes qualité.
- « Géant » ? Ce mot me plaît bien. Combien coûte-t-il ?
- Il est assez cher, c’est normal, mais il sera comptabilisé sur votre carte de fidélité. Je vous l’emballe ?
- « Fidélité » ? Non, non merci, il n’y a que les oiseaux pour ça. J’aimerais plutôt « Infidélité » mais sans que cela ait une mauvaise connotation morale. Vous avez ?
- Oui, j’ai « Libertinage », il suffit que vous y rajoutiez « Mutuellement » et « Consenti », car co-libertinage n’eiste pas.
- Ben « co-voiturage » non plus n’existait pas et, depuis qu’on le pratique, il existe, voyez-vous. Il me faudrait aussi quelque chose comme « Parking », mais qui fasse plus gentleman car, je ne sais pourquoi, mais quand je dis « Parking » je pense à kiss,« Baiser », et je ne voudrais choquer personne.
- Nous avons « Chemin », cela vous va ?
- Le « Nous » me gêne un peu, mais bon…après tout… « Chemin » ? Oui, mais où ?
- Vous l’avez tout au fond du magasin, en dessous des feuilles jaunes et rouges, vous pouvez aller y jeter un coup d’œil.
- « Jeter un coup d’œil », cela me fait penser à « Serrure », ces mots sont assez inconvenants.

…/…

- Madame ?
- Mademoiselle !
- Ah, je ne peux pas voir d’ici. Mademoiselle ?
- Oui, que désirez-vous ?
- Vous….
Hum…Vous avez « Chemin » en lettres gothiques ?
- Oh ! Monsieur ! Ce n’est pas le style de la maison !
- Ah, c’est vrai, Mademoiselle, vous êtes si classique. Mademoiselle ?
- Oui, nous pouvons vous proposer « Mademoiselle ».
- Où donc ?
- Ici, en face de moi.
- Ici ?
- Un peu plus près.
- Ici ?
- Encore un peu, vous brûlez…Voilà. Un tout petit peu plus à gauche maintenant.
- Comme ça ?
- Oui…C’est bon…Un peu plus haut…encore… « encore »…Là…J’ai.
- Oh ben vous ! Vous faîtes des lettres si particulières…

« Les mots manquent aux émotions »
Victor Hugo – Le dernier « mot » d’un condamné.

j'ai pensé à Devos lisant ton texte. J'ai pensé à Devos, lisant ton texte. Donc j'ai pensé que le texte aurait pu se payer le luxe d'être encore plus joueur, sans qu'il en souffre.

J'aime bien ce texte. Jouer avec les mots comme jouer dans l'escalier sans tomber !

J'ai trouvé une coquille (qui est restée sur la p(l)age :))

"co-libertinage n’eiste pas". "existe"

alex a écrit sa "localisation" en même temps
Il sait jouer au ballon sur la p(l)age et donner des rebonds infatigable, il m'impressionne !

Héhéhé, c'est coquinement drôle, ça !
Beaucoup aimé ce délicieux crumble ! Encore !

Cher monsieur Denis, votre libertinage m'a fort divertie. Je vous en remercie. N'hésitez pas à recommencer le plus vite possible.

Un petit RIEN qui fait son chemin...
J'ai bien aimé le petit jeu grivois de la chute. Une coquinerie naïve mais plaisante à nous donner le sourire.

joli jeu de mots bien divertissant... ça fait du bien!

bien réjouissant et rondement mené !

Ah oui, ça me botte toujours ce style de petits dialogues :0)
Plein d'humour et de finesse, ça rebondit avec naturel, j'aime bien le "co-libertinage" qui comme le co-voiturage, n'existe pas avant qu'on le pratique.

Jonjon je crois faisait pas mal de petites scènes un peu décalées et vachement bien, si un jour il revient... :0)

- Bonjour Madame, je voudrais un mot.
- Oui, c’est pour qui ?
- Ben, je ne sais pas justement
- Nous avons « Personne », cela vous convient-il ?
- Oui, mais quelle « Personne » ?
- « Vous » ?
- Vous ? Non, non, c’est trop. Vous n’avez pas plutôt…
- Oui ?
- Non. Pas déjà « Oui ». Vous n’avez pas plutôt… n’avez pas plutôt… « Elle » ?
- Oui, nous avons « Elle ». Au pluriel ?
- Non. Non. Il est trop.
- Vous voulez « Il » ou « Elle » ?
- Euh… « Tu », c’est mieux, c’est neutre.
- Oui, « Tu », avec un « e » ?
- Je « tue » «Il » et « Elle »… Oui.
- Avez-vous un permis de port d’armes ?
- Non. Pas sur moi. Je suis venu à pied sitôt (et en duodécasyllabus).
- Vous n’êtes pas sérieux. Nous pouvons vous proposer « Jeu ».
- Vous me proposez tu ?
- Décidez-vous.
- Je vous prends « Vous ».
- Où cela ?
- Non pas « Cela », j’ai bien dit « Vous ».
- Moi ?
- Vous ?
- Décidez-moi.
- Décidément, donnez- moi vous…
- Oui « Moi », avec un « s » ?
- Non… vous êtes singulière.
- « Vous » ou « Moi » ?
- Je peux avoir les deux pour un ?
- Il faut essayer. Passez ici.
- Vous… Vous avez… Vous avez de beaux…
- Oui ?
- Seins ! Vous avez des «Seins » ?
- « Dessin » ? Faites m’en un pour que je vois s’il vous va.
- Je n’ai nul « Dessein » si ce n’est… « Oui ».
- Vous avez dit oui pour quand ?
- Pour ici.
- Là ? Mais… Si…
- Vous avez la clé ?
- Du sous- sol ou avec un f comme fa ?
- Fameux. Déshabillez-vous.
- Déshabillez-moi vous.
- Oui. Alors ?
- Vous voyez là ?
- Oui, je vous voussoie.
- Soyez doux.
- D’où ?
- Soyez là.
- Pourquoi las ?
- Soyez présent à ce que vous ferez.
- Mais je ne ferai rien.
- Justement, faites.
- Je ne sais faire sans rien faire.
- Vous êtes nul. Tiens, nous avons « Nul », cela vous conviendrait-il « Nul »?
- « Nul » avec un « l»?
- Non sans. Déshabillez-vous.
- Mais vous m’avez mis «Nu ».
- Nous somme nus vous et moi.
- Oui ?
- Ne soyons plus qu’un.
- Oui, mais qu’un quoi ?
- Un spasme.
- « Spasme » ? ça s’écrit comment ?
- ça ne s’écrit pas ça se vit.
- « Vit » avec la dernière consonne sonante ?
- Non ! Avec la dernière consonne sonante nous avons « Vil ».
- Quelle ville ?
- « Trou-ville » (oh pardon…)
- En Bretagne ?
- Non, en Bretagne nous avons « l’île de Sein ».
- L’aréole ?
- Oh !...Oui…
- Non ! Avez-vous « La Réole ».
- Monsieur… Insistez. C’est bon. Nous pourrions approfondir l’inventaire…
- Avec une pelle ?
- Un French Kiss ? Oui ! Nous sommes bilingues.
- Ah ? Vous en avez deux là ?
- Pourquoi ? Vous en avez deux où ?
- Nous nous égarons, revenons-en au point de départ.
- Le « Point » j’ai, mais ce sera ma conclusion.
- Ah ? Vous êtes bilingue mais vous n’avez pas deux points ? Ouvrez vos guillemets je vous prie…
- Mes « Guilles-mots » sont au chaud. Décidez-vous, Monsieur, je fonds de commerce avec vous, je me consume.
- Bon, je vous prends « Vous ».
- Je m’emballe ?
- Non, c’est pour consommer tout de suite.

(excusez-moi Alex, je n'ai pas su trouver le cadratin)



[Je saurais gré à la modération, mais alors vraiment très gré de ne pas expédier l'épisode 2 dessous l'épisode 1 car ils n'ont vraiment mais alors vraiment strictement rien à voir en commun. C'est un peu comme Tintin et Milou: Le "Lotus Bleu" n'a rien à voir avec "L'île Mystérieuse" et pourtant ce sont les mêmes Tintin, Milou, et le Capitaine Crochet.
Merci par avance de votre intention. Avez-vous "l'Intention" ?]

Bonjour Monsieur, (sans épisode)

Je ne veux rien , tout est déjà emballé dans cette prose, pour nous dire des cascades de mots rigolos.

Ce n'est pas facile de jouer avec les mots. Peut-être que cette prose est un peu trop longue et donne une impression de lassitude. Mais, je veux bien lire un épisode 3, dans un autre registre. Je trouve que les textes de Denis mettent de la bonne humeur !! Gardez le cap !

Modération a écrit:Denis, pour des raisons essentiellement de mise au catalogue, l'épisode 2 a été fusionné au texte précédent, sur le même fil. Ce système a pour avantage d'autoriser une plus grande souplesse que le rythme de publication habituel.

Ce sera votre dernier mot, Déré ? ;-)
Sûrement...

Sympa à lire.

"- « Fidélité » ? Non, non merci, il n’y a que les oiseaux pour ça"
C'était printemps tout à coup.

« — Bonjour Madame, je voudrais un mot.
— Oui, de quelle marque ?
— Ah ? Vous avez des marques de mots ?
— Oui, pour tous ceux qui commencent par « Auto ».
— Alors j’en voudrais une petite… comme « Panda ».
— Il n’est plus fabriqué depuis longtemps ! Il est démodé ici et nous ne pouvons l’importer.
— Ah ? Vous n’avez-plus de mots démodés ?
— Si, il nous en reste quelques-uns, de qualité, je les collectionne. Je vous recommande particulièrement « alex », c’est une pièce rare, ses cadratins n’ont pas pris une virgule.
— « alex » est une marque de mots déposés ?
— C’est une référence, il ne roule pas mais il marche bien.
— Alors donnez-moi plutôt une « Yaris »
— Nous n’avons qu’un « Yali » en magasin mais il s’autodétruit quand on l’achète.
— Euh… avez-vous « Automobile » en général ?
— Je ne connais pas de mobile aux mots, sauf « J’accuse !», j’en parlerai à mon avocat.
— Dois-je donc me réduire à pratiquer l'autostop ?
— Pour vous auto-satisfaire, Monsieur, le vase est au fond de la grotte, en haut à gauche.
— Encore ? Vous ne manquez pas d’auto-dérision !
— Non, j’en ai à revendre. Voulez-vous m’approfondir ? Autopsiez-moi… J’ai froid.
— Vous devriez plutôt consulter un autorhinolaryngolinguiste.
— L’autographe est de mise ici, Môssieu !
— Trop d'honneur. M'autorisez-vous ?
— Autorisez-vous, Monsieur, je vous en prie.
— Je m'autorise-vous sans que vous sachiez à quoi ?
— La confiance envers le client est de mise aussi. Vous pourriez vous auto-suggérer pour en finir rapidement.
— Oui, mais je n'arrive pas à m'auto-suffire. Pouvez-vous m'aider ?
— Monsieur, vous êtes étranger à tout. Je vous propose une « Autochtone », il m'en reste quelques unes.
— Ah ? Vous avez leurs certificats d'authenticité ?
— Il faut les demander aux autorités.
— C'est le monde à l'envers !
— Non c'est automatique.
— À propos d'automate, je suis raide.
— Bien. Détendez-vous, je vais pratiquer l'autoallumage. Tournez-vous.
— Mais je vous vois en auto-faux-cul.
— Pour les autoportraits, il faut vous rendre à l’automaton.
— J'ai autorisé l'auto-maton à me libérer.
— Vous étiez prisonnier de vous-même ? Intéressant. Avez-vous pensé à l' « Autobiographie » ?
— Ma vie est active. J'en ai encore pour cinq ans pour prétendre au taux plein.
— Le trop plein est au top, Monsieur ! Ne pourriez-vous accélérer un peu sur l'autoroute ?
— Je ne veux pas faire d'excès de vitesse précoce.
— Vous êtes un cas. « Autoanalyse » alors ?
— Non cela serait trop coûteux pour elle.
— Elle ?
— Oui, ma monozygote.
— Ah ? Je ne connais pas ce mot. Vous l’avez trouvé où ?
— Chez votre concurrente qui manque d' « Autonomie ».
— Oui, l’«Autogestion » est obsolète depuis l'affaire Lip dans les années 1970.
— Excusez-moi, je suis désolé, Madame, mais l'autosuggestion vient de me lâcher.
— Ne vous en faites pas. Soulagez-vous. Un coup pour rien. Ce n'est pas grave. Je comprends. C'est l'automne de vos ans
— Au revoir Madame, à une prochaine fois. Il suffit de s'en auto-persuader.
— Oui, n'oubliez pas alors d'amener l'autoclave ».

Très drôle mon cher Denis, ou dois-je dire ma chère Denise car c'est trop fort d'avoir une monozygote… ( pour ma part j'ai une hétérozygote ).