Madame

Je précise pour ceux qui ont lu mon "Monsieur" que ce ne sont pas les mêmes personnages mis en scène^^


« Monsieur, dans l’ensemble de définition de la fonction f, est-ce qu’on prend 2 ? »

Non mais Ta gueule ! Qu’est ce qu’elle m’énerve avec ses questions de merde ! ‘Et monsieur ci, et monsieur ça…’. Et la voilà qui gratte encore sur sa feuille… Elle noterait chaque mot de chaque phrase du prof si elle pouvait.
Enfin, le cours est fini. Je me presse de sortir, je suis le premier. Mon copain Greg me rejoint.
« Faut qu’on s’magne j’veux avoir le temps d’fumer ma clope moi !
- Ouais, c’est bon. »
Je lui en taxe une. Il m’énerve à fumer des Chesterfield, j’lui ai dit cent fois que c’était de la daube… Tiens, v’là l’autre pétasse avec sa copine. Je déteste ce genre de fille, le genre première d’la classe qui la ramène tout le temps. Madame fume pas je parie, qu’est ce qu’elle vient foutre dans le coin fumeur alors ? J’en ai connu, des premières de classe, j’peux le dire. Mais alors celle-là, dès la première seconde elle m’a saoulé ! Avec sa fausse modestie là, et son sourire forcé. Elle se croit belle en plus, mais c’est un vrai manche à ballet. Faudrait qu’un black lui tire un bon coup un jour ça la décoincerait p’t-être ! J’m’amuse à l’imaginer à la place d’Uma Thurman sur son lit avec sa clope et son fling à l’affiche de Pulp Fiction. Ah, elle serait bonne celle-là ! Ca changerait de ses jeans trop grands… !

Puis voilà que Madame cause. Elle arrête pas. Ca parle de politique, ça a des conversations endiablées, ça s’croit intelligent… Mais qu’est ce que c’est chiant. Elle regarde tout le monde du coin de l’œil, comme si elle guettait quelque chose. Elle observe tandis que ses yeux pissent le jugement. Elle va aux toilettes seule, elle ressent pas le besoin d’être accompagnée, non. Elle se croit au-dessus de ça. Une remarque grinçante, elle ne se retourne même pas. Elle croit que ça n’en vaut pas la peine, et elle se laisse salir. On pourrait s’essuyer les pieds dessus.

On rentre. La sonnerie s’est pas faite entendre qu’elle est déjà partie. Madame ne saurait être en retard. On va en anglais, comme je l’avais prédit, elle est pas au premier rang. J’suis sûre qu’elle en meure d’envie mais elle veut pas faire sa lèche.-cul. Greg s’engage dans le rang juste derrière.
« Tu déconnes mec, matte la vue ! » J’ai dit ça juste assez fort pour qu’elle l’entende. Et bien sûr, elle a fait semblant de rien. Elle a juste échangé un regard complice avec sa meilleure amie, parce que ce genre de fille a toujours une meilleure amie.
Cette fois-ci elle n’a même pas posé ses questions. Ben non, l’anglais c’est trop facile. Elle laisse les « faibles » parler pour qu’ils progressent, salope.

C’est l’heure d’aller au self. On prend une grande table avec les gars de la classe. Putain il a fallu que je me retrouve en face de ce connard de Kév. Il me gonfle à parler tout le temps celui-là. Et merde, c’est le jour du poisson aujourd’hui, j’vais encore rien bouffer.
« Eh dis donc, Kév il en pince un max ! dit Jules.
- Ouais, les petites pucelles ça l’excite, hein !
- C’est bon les gars, arrêtez putain !
- De qui ? »
J’espère que c’est pas l’autre conne !
« Bah tu sais, celle que tu peux pas blairer !
- Purée Kév, dis-je, tu vas pas te taper celle-là ?
- Tu crois que c’est mieux que les autres putes là-bas ?
-Non mais arrête, tu délires ! Tu vas faire quoi avec elle, aller au cinéma ? Voir un film d’auteur ?
- Arrête, me dis pas qu’ça te fait rien toi, les filles que personne a touchées !
- Ah c’est pour ça ! Quel bâtard ce mec ! » Greg s’esclaffait.
« Non, moi les manches à balai très peu pour moi. »
Je sens que la remarque passe mal. Je rajoute :
« Non, mais arrête Kév. Ce genre de fille personne peut l’avoir s’il a pas BAC + 12. Laisse tomber, tu mérites mieux. Elle voit pas plus loin que le bout de son nez, elle va se ramasser dans la vie. Elle vaut rien.
- Ouais, t’as raison. J’me la serait juste bien tapée comme ça tu vois.
- Ouais mais non, laisse tomber ! Franchement, tu nous ferais honte !
- Ouais… »


Il aurait manqué plus que ça ! N’importe quoi. Heureusement qu’il a renoncé cet abruti Ca lui aurait fait trop plaisir à l’autre pétasse si elle avait su qu’on pouvait en pincer pour elle !
Non, puis… elle aurait pu se laisser attraper… par ce porc…, non.

j'aime beaucoup, je trouve que tu as trouvé le bon ton, le bon vocabulaire, c'est vivant, réaliste, et pas ennuyeux alors qu'en fait tout ça est bien creux, au fond (ouah le jeu de mots !)
Oui, j'aime bien.
mais au fait, j'ai lu "monsieur" ?
m'en vais vérifier

Oui c'est bon ça, j'ai l'impression de relire mon cahier à ton âge.
Ton langage parlé, sous forme d'écriture a besoin, me semble-t-il de se poser un peu plus pour rendre la lecture aisée. J'ai cherché parfois à qui étaient attribuées les répliques des personnages.

Me suis un peu perdue dans les dialogues, mais dans l'ensemble le texte me plaît. On sent que tu ne te prends pas au sérieux (et ça c'est une qualité, parce que d'autres...), et en même temps tu rends bien l'ambiance scolaire, les rapports des ados entre eux... Le ton familier passe bien, parce qu'on sent que tu sais aussi écrire autrement ;-))
J'ai relevé :

mate la vue

et souri à :

dès la première seconde

je me demande si c'est volontaire...

Merci Island ! Pour la "première seconde" ça n'était pas volontaire au départ, je m'en étais rendue compte en relisant^^. Chez un ado c'est vrai que la notion espace temps est parfois un peu spéciale ;-)

Toujours aussi amusant à lire... Toujours aussi bien écrit.
Un tout petit peu de difficultés à savoir qui dit quoi dans les dialogues. Mais c'est sans importance ; le suivi est bon

J'en apprends des choses ! la vieille galanterie française a bien foutu le camps, il me semble...
;-)) ;-))
Mais j'aime beaucoup ce style qui colle au récit avec ce langage très ado...
Tu as raison, il me semble, de parler de choses que tu connais ; les personnages sont bien campés, on y croit. Et je crois vraiment que c'est la bonne manière de commencer dans l'écriture.

Trop de mots vulgaires à mon gout mais bien écrit quand-même.

"c’est un vrai manche à ballet" --> faute de frappe ou jeu de mot ?

manisa06 a écrit: "c’est un vrai manche à ballet" --> faute de frappe ou jeu de mot ?

faute d'inattention^^

Peut-être par moments un excès dans le langage cru employé, trop brutal, mais c'est vrai, terriblement réaliste.
Sinon, c'est très vivant, ça sonne juste et ce type, imbuvable, est très présent dans ton texte, un vrai personnage comme il en existe plein.
Je trouve aussi que tu arrives très bien à restituer la haine qu'on peut parfois ressentir face à certaines personnes, pour toutes sortes de raisons qu'on s'invente pour se justifier à soi-même de les détester à ce point. C'est bien rendu!