La jolie sorcière

Quand on organise une soirée, on n'invite pas la sorcière du coin, même si elle est très belle. C'était ça, l'ennui.
Je m'en fiche, songea Marie. Je n'ai besoin de personne. Au beau milieu du cours d'histoire, elle écoutait Marcy Mysterfull et Pam Steeford programmer une fête pour ce week-end. Elle ne pouvait s'empêcher de les entendre : M. Bort parlait d'une voix tellement douce, comme s'il s'excusait, qu'il ne pouvait couvrir leurs chuchotements excités. Marie prêtait l'oreille, mine de rien, en regrettant de ne pouvoir s'en aller. Alors elle griffonnait sur son cahier quadrillé.
Elle était habitée de sentiments contradictoires. Elle détestait Marcy et Pam, et souhaitait leur mort ou au moins un bel accident qui les traumatiseraient et leur gâcherait la vie. En même temps, elle aurait terriblement aimé être invitée. Ce n'était pas comme si elle tenait à être la fille la plus populaire, la plus admirée du lycée. Elle se ferait une place qui n'appartiendrait qu'à elle.
Les autres diraient :
- Oh, cette Marie, elle est bizarre mais qu'est-ce qu'on ferait sans elle ?
Et ce serait parfait, du moment qu'elle aurait sa place.
Seulement ça n'arriverait jamais. Marcy ne penserait jamais à l'inviter, parce qu'il ne lui viendrait pas à l'idée de faire ce que personne n'avait jamais fait. Personne n'invitait la sorcière ; personne ne pensait que Marie, la jolie fille aux yeux qui faisaient peur, aurait envie de venir.
Et je m'en fiche, se dit-elle encore, le cerveau assailli de pensées. C'est ma dernière année. Encore un semestre à tirer. Ensuite, fini le lycée et j'espère ne plus revoir personne d'ici.
Sauf que c'était bien ça, le problème. Dans une petite ville comme celle-ci, tout le monde se voyait sans arrêt, années après années.
Plus elle fantasmait, plus elle griffonnait. Ou plutôt, c'était sa main qui griffonnait, son cerveau était occupé ailleurs. Si bien qu'en baissant la tête, elle vit soudain ce qu'elle avait dessiné.
Une toile d'araignée.
Mais l'étonnant, c'était ce qui apparaissait dessous en filigrane. Deux yeux.
Enormes, ronds, avec des cils immenses. Deux yeux de Bambi. Ou d'enfant.



Un texte par semaine en prose et poésie, L'artitstecmoi. Comme le précédent a été posté hier, celui-ci sera déverrouillé lundi 23 janvier. Merci.
La Modération

< Ajoutons que, bien entendu, après déverrouillage, il ne faudra plus poster de texte dans cette section avant le lundi 30 janvier.
Merci.
La Modération >
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Jusqu'avant la chute, le personnage me rappelle un peu celui dans le musical américain ''Wicked''. Vous avez déjà vu ? M'enfin !

Le texte est bien mené. La chute bien pensée. Je pourrais en avoir plus, ça ne me gênerait pas !

Elle me plaît bien aussi cette tranche de vie. Ç'aurait pu être mièvre, banal, c'est frais, traité avec un grain de fantaisie bien plaisant.
Quelques coquilles orthographiques que l'ami Alex corrigera sans nul doute.

Dis donc, tu es doué ! Deuxième texte de toi que je lis, et ça me plaît beaucoup !
Vas-y, fonce !( enfin....un seul par semaines ;-(( )

Tu sembles avoir un style bien à toi, une personnalité, un univers. Le tout sans doute légèrement déjanté ce qui n'est pas pour déplaire.

Je suis aussi charmée par ce deuxième texte et guetterai les suivants.

Un début intrigant!
J'aime beaucoup le titre aussi.