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Isabel (une minuscule enragée)

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Isabel (une minuscule enragée) Empty Isabel (une minuscule enragée)

Message  bertrand-môgendre Ven 18 Mai 2012 - 12:08

Isabel



Il y avait foule sur la place.

Trujillo, la ville du repos, se métamorphosait à l'occasion du festival international du printemps. Un printemps doux à Noël donnait léger printemps à Pâques, agréable printemps au mois d'août et chaud printemps à la Toussaint, période favorable pour le festival. Or aujourd'hui, l'association des éleveurs et propriétaires de chevaux Paso péruviens organisait le concours national.

Non loin de la place d'armes, les rues accueillaient les commerçants au tempérament nonchalant. Habituellement, avec dix soles en poche, Isabel parvenait à composer un repas pour cinq personnes à base de riz, maïs, avocat, poisson ou cochon d'Inde suivant l'offre proposée. Aujourd'hui elle voulait en dépenser cent. Elle envisageait pour cette journée particulière, de préparer un seco de cabrito con frijoles (ragoût de chevreau tendre avec les haricots noirs).
Isabel travaillait du côté du quartier du Golf comme nounou dans une famille de parvenus, chez Jean-François et Carla. Destinée différente pour les deux femmes originaires du même village. Elle trouvait sa compatriote bien chanceuse d'avoir pu décrocher le jackpot répondant au doux nom de Jean-François le français. Jalousie ? Non. Isabel remerciait souvent Carla de l'avoir prise à son service.

Lui, un ancien militaire à la retraite âgé de cinquante-cinq ans, avait bourlingué un peu partout dans le monde. Durant sa jeunesse, engagé au sein de la marine nationale française en tant que matelot,  il obtint le grade de major, une promotion qui facilita ensuite son entrée dans la marine marchande. Les cinq  années suivantes, il fut embauché comme second puis acheva sa carrière civile avec le titre mérité de chef mécanicien. Dans le port de Salaverry, sa prise de terre se nommait Carla. Jimena et Maríanela, leurs étincelles d'amour transformèrent le courant alternatif de leur relation en mouvement continu.
 
Jean-François quitta la mer, se fixa avec femme et filles à Trujillo. Son apprentissage de la langue espagnole fut passable malgré la persévérance de son épouse. Celle-ci endossait facilement le rôle d'interprète.
L'immobilier fut leur gagne-pain. Ils consacraient leur temps à négocier l'achat et la vente de maisons. Leurs  meilleurs contacts résidaient dans le quartier du Golf, un endroit chic de Trujillo où étaient concentrés tous les nantis du pays, les gros bonnets de la drogue issus de Colombie et autres pays limitrophes cherchant l'espace, la discrétion, un endroit pour se dorer la pilule en profitant de la renommée climatique de la ville.
Les affaires étant juteuses, Jean-François et Carla gagnaient de l'argent, beaucoup d'argent, ce qui leur permit de se faire construire à leur tour une belle villa. Le quartier était quadrillé en permanence par des watchmen, parfois corrompus, qui surveillaient les biens des habitants.

Bien sûr, vivre dans ces belles demeures vous écartait un peu des réalités de la vie. Isabel maintenait le lien direct avec la population locale. C'est elle qui reçut les premières menaces adressées à son patron el gringo lorsque celui-ci avait acheté un monstrueux 4 x 4 et acquis trois chiens, gardiens féroces de leur propriété.
Un, puis deux contacts téléphoniques les menacèrent du rapt imminent de la plus âgée de leur fille. De payer une rançon n'était rien à comparer du prix de la vie de leur enfant. Les négociations se déroulèrent dans la douleur, ils réussirent à récupérer Marianela dans une cabane à proximité du Rio Moche.
Les larmes versées influèrent sur le cours de leur vie. Jean-François dormait avec son pistolet sous l'oreiller. Un policier lui avait conseillé d'établir lui-même sa propre justice en douce, à condition d'enterrer discrètement les cadavres. Sinon, il risquait de finir ses jours dans une geôle péruvienne en cas de dénonciation.

Un soir où ils participaient à une négociation bien arrosée, Carla passa un coup de fil à Isabel pour la prévenir de leur retard. Elle ne devaient pas les attendre et coucher les enfants. Alors qu'ils venaient d'effectuer une bonne trentaine de kilomètres, leur véhicule fut stoppé par une bande de gosses jouant au ballon sous la lueur du reverbère proche de leur portail. Une bagarre éclata. Les coups de poings, les claques fusaient.
Un enfant resta allongé sur la chaussée tandis que les autres disparaissaient dans la nuit.
Silence totale.
Jean-François et Carla, convaincus de l'urgence de la situation, décidèrent de porter secours à la victime immobile. Ils sortirent ensemble du véhicule et se précipitèrent vers le corps inerte. Lorsqu'ils crurent l'atteindre, le comédien s'enfuit à toutes jambes. D'évidence ils s'étaient fait piégés.
Quatre hommes encadraient leur voiture. Face à telle situation, le seul repli possible était la maison à moins de 50 mètres. Ils coururent main dans la main. Jean-François apperçu deux paires d'yeux qui brillaient dans la pénombre, juste devant le portail. Les deux individus tenaient dans leur main pendante le reflet fugace de la lune. Ils venaient à leur rencontre vite et droit sur eux.
Jean-François posa une main sur l'épaule de Carla et l'attira contre lui. Son coeur battait fort. Était-ce dû à la course, la peur ? Non, juste la crainte de ne pas être à la hauteur.
La panique s'empara de lui. Il eut envie de s'arrêter, de faire demi-tour. C'était renier la promesse faite aux siens. Il se devait d'aller de l'avant. Son rôle de protecteur l'obligea à se confronter à la réalité. Discrètement, il dégaina son arme, enserra fermement la crosse.
Bien sérrés, ils avancèrent d'un pas... puis d'un autre... espacés par une éternité. Le drame se conjuguait au présent.
Et soudain les corps des deux hommes lancés à vive allure vinrent percuter Jean-François. La cruauté s'inscrivait sur leur visage.

— Fais attention où tu vas, hijo de puta, éructa l'un des individus en le menaçant d'une lame bien effilée.
— Si tu ne pars pas d'ici, tu pourrais bien le regretter, lui souffla le second en le piquant dans le bas du ventre.

La violence du coup porté colla Jean-François contre le grillage. Malgré l'ivresse, il eut le réflexe de brandir son revolver. Comme Carla, il brailla à tue tête en les menaçant de l'arme :

— Vous pouvez me descendre ce soir, mais je ne suis pas le seul de mon espèce dans cette ville. Il y en a d'autres qui, comme moi, veulent que le calme rè...

Il ne pu achever sa tirade. Un coup de pied précis fit voler le révolver sur le trottoir. Un des attaquant planta son couteau dans le bras avec lequel Jean-François tentait de se protéger. Affaiblit par la première blessure, il s'affaissa le long du grillage, d'abord à genoux, puis sur le côté. C'est le talon du second agresseur qui projeta la tête contre le sol.
Il entendit les cris de Carla, puis, oh miracle, ceux de Isabel qui lachait enfin les chiens. Le sang se mit à couler de sa bouche tandis que les femmes le transportaient à l'abri.

Les infirmières guérirent les blessures corporelles. Mais l'agression avait atteind la force morale de Jean-François et Carla. Tout comme les trois chiens, l'arme et le véhicule s'étaient volatilisées ce soir là.

Un matin, quatre cadavres de brebis flotaient dans l'eau de la piscine. Elle fut vidée.
Tout ce qui pouvait faire état de leur train de vie aisé était vandalisé. Chaque nuit apportait son lot d'angoisse : la ligne tétéphonique coupée, le jardin d'agrément saccagé, les murs d'enceinte tagués. Ils se méfiaient de tout, s'endormaient les quatre ensemble dans la même chambre, avec la crainte de se voir trucidés durant leur sommeil.
Après plusieurs braquages à leur domicile, ne voulant plus mettre la vie des filles en péril, ils décidèrent de déménager.

En attendant de nouveaux acquéreurs pour la maison mise en vente, Isabel veillerait en permanence sur la propriété. Elle refusait de quitter son pays. Sur l'insistance de Jean-François, elle y installerait ses trois enfants. Son mari, embauché comme garde du corps de la famille, continura à surveiller les lieux, revolver chargé dans la ceinture.
Jean-François acheta des billets d'avion pour lui et les siens, à destination de son Poitou natal où ils comptaient couler des jours heureux, à la grande satisfaction de Carla qui se faisait une idée grandiose, mais tronquée de la France.

Il y avait foule sur la place d'armes.
Les chevaux envahissaient les rues. Les cavaliers et les spectateurs buvaient beaucoup de bière. Par habitude et mesure de sécurité, le centre-ville fut bloqué à la circulation.
Devant l'immobilisme pantois des badauds et la nonchalance des festivaliers, le chauffeur de taxi débarqua Jean-François, Carla, les enfants et les bagages dans une rue noire de monde. Alors, sans rien dire, d'un seul mouvement, ils se mirent en marche, comme aimantés par l'attrait de la gare routière, inquiets et chargés comme des bêtes de somme. Les pétards claquaient sous leurs pas. La tête de l'européen dépassait de la marée humaine. Un bon repère pour tous.
. Une bousculade, puis deux et déjà, le portefeuille avait disparu.
Le temps de s'en appercevoir, les valises des deux fillettes s'étaient envolées. Elles avec.
D'autres pétards explosaient. Subitement, Jean-François se sentit fétu de paille ballotté par les vagues. Renversé puis piétiné, il s'échoua sur le pavé. Il se vidait de son sang.
Carla hurlait.
La fanfare couvrait les rires et les chants, les pétards et les cris. Une atmosphère festive règnait à Trujilla.
Le soleil était de la partie offrant aux habitants un chaud printemps.


Isabel prit plaisir à préparer son repas.
Dans la grande maison du quartier du Golf, beaucoup d'invités apprécièrent leurs retrouvailles en ce jour de fête
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Isabel (une minuscule enragée) Empty Réminiscence.

Message  ubikmagic Ven 18 Mai 2012 - 15:45

Hello,

Une ou deux peccadilles ( silence totale ), mais je ne détaille pas.
Dans l'ensemble, récit intéressant. On regrette juste que tout ça soit raconté partout sur le même mode, un peu passif, un peu passé, comme si tout s'était déjà déroulé, comme une réminiscence. Du coup, on a plus de mal à s'impliquer. Et pourtant...
Bref, ce serait pour moi le point à revoir.
Mais le matériau de départ est bon. Et la fin excellente.

Ubik.
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Isabel (une minuscule enragée) Empty Re: Isabel (une minuscule enragée)

Message  Invité Ven 18 Mai 2012 - 19:14

La chute est bien amenée, je ne m’attendais pas à ça. J’ai pourtant le sentiment que le récit manque de force, d'un certain charisme, tout étant relaté sur le même ton, même le guet-apens, même les incidents successifs. Alors que cela fonctionne bien pour renforcer l'effet de surprise de la fin, j'ai tendance à penser, comme Ubik, que cette espèce de narration factuelle n'invite pour le reste pas le lecteur à vraiment entrer dans le texte, et fait de lui au contraire un spectateur atone, presque un élément superflu.
Ce qui ne m'empêche pas d'apprécier le récit, je trouve l'anecdote savoureuse, j'aime aussi le dépaysement. Je ne comprends juste pas le minuscule de cette Enragée...

Quelques remarques de langue :

De payer une rançon n'était rien à comparer du prix de la vie de leur enfant. ("comparé à")
Elle ne devaient pas les attendre et coucher les enfants. ("devait")
D'évidence ils s'étaient fait piégés. ("piéger")
Jean-François apperçu deux paires d'yeux qui brillaient dans la pénombre, ("aperçut")
Bien sérrés, ils avancèrent d'un pas ("serrés")
Il ne pu achever sa tirade. ("put" )
Affaiblit par la première blessure, ("Affaibli")
Mais l'agression avait atteind la force morale de Jean-François et Carla. Tout comme les trois chiens, l'arme et le véhicule s'étaient volatilisées ce soir là. ("atteint" ; "volatilisés")
Sur l'insistance de Jean-François, elle y installerait ses trois enfants. Son mari, embauché comme garde du corps de la famille, continura à surveiller les lieux, ("continuerait", pour la cohérence avec le verbe précédent)
Le temps de s'en appercevoir, ("apercevoir")

Des bricoles de tirets ici et là, de majuscules aussi (de mémoire : "le Français")


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Isabel (une minuscule enragée) Empty Re: Isabel (une minuscule enragée)

Message  Invité Sam 19 Mai 2012 - 6:39

Ce récit m'a captivée. Un passage m'a émue : celui où Jean-François est tiraillé entre la crainte du danger et le devoir de se ressaisir pour protéger les siens.

Jean-François posa une main sur l'épaule de Carla et l'attira contre lui. Son coeur battait fort. Était-ce dû à la course, la peur ? Non, juste la crainte de ne pas être à la hauteur.
La panique s'empara de lui. Il eut envie de s'arrêter, de faire demi-tour. C'était renier la promesse faite aux siens. Il se devait d'aller de l'avant. Son rôle de protecteur l'obligea à se confronter à la réalité. Discrètement, il dégaina son arme, enserra fermement la crosse

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Message  Janis Sam 19 Mai 2012 - 9:24

c'est vrai qu'il n'y a pas de saillies dans ce texte, même au cœur des scènes les plus rudes, tout est raconté d'un ton étale. Ça me plaît assez, cette façon, ça donne de l'étrangeté et de l'espace.
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Message  Remus Sam 19 Mai 2012 - 12:07

Bonjour,

J'ai beaucoup aimé, les petites erreurs ont été relevées,
Le titre, je le comprends simplement : Isabel est celle qui a tout manigancé, est-ce un complot de sa part pour vivre dans cette belle villa, prendre la vie de cette belle famille, qu'elle enviait tant.
Un texte bien mené,

Bien à vous,
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Message  Invité Sam 19 Mai 2012 - 17:01

Soit, Remus, cela est très clair, mais le "minuscule" m'intrigue. Tu ne sais peut-être pas que Bertrand a déjà commis des Enragé(e)s célèbres, certains ayant même fait l'objet d'un recueil.
Voir le catalogue.
D'ailleurs, ce faisant, je réalise que les récentes enragées sont toutes "minuscules", et féminines...

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Message  Lucy Sam 19 Mai 2012 - 17:32

Un bon récit. Des p'tites fautes par-ci, par-là.
Plaisir de lecture pour quelque chose de bien amené.
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Message  Remus Sam 19 Mai 2012 - 18:28

Easter(Island) a écrit:Soit, Remus, cela est très clair, mais le "minuscule" m'intrigue. Tu ne sais peut-être pas que Bertrand a déjà commis des Enragé(e)s célèbres, certains ayant même fait l'objet d'un recueil.
Voir le catalogue.
D'ailleurs, ce faisant, je réalise que les récentes enragées sont toutes "minuscules", et féminines...

Effectivement, je ne le savais pas ! J'vais jeter un oeil sur le catalogue alors,
Le minuscule m'intrigue aussi cela dit,
Peut-être parce qu'elle paraît minuscule à côté de cette belle femme qui a tout pour elle et qui est sa patronne ?
Et que finalement c'est elle qui tire son épingle du jeu ?
Remus
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Message  Invité Lun 21 Mai 2012 - 8:07

Même avis qu'Easter. Je suis resté en surface. Le reste a été dit (style et autres).

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