Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
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Orakei
Yali
Charles
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Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
petite pause musicale dans matinée de boulot et quelques lignes ... Peut être que ça inspirera certains de poursuivre le texte ...
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Le port, je le connais depuis que je suis en âge de marcher. Mon grand père, mon père travaillaient dans les anciens docks et ma mère m’y emmenait souvent. Plus tard, pendant les vacances, je m’échappais souvent de la maison pour les rejoindre et contempler, assis dans un coin, le ballet des cargos, chalutiers et autres remorqueurs, rêvant boucanier et corsaire, flibustier et pirate, Stevenson, Hemingway, Surcouf et trésors … Mes aïeux pensaient que je quitterai l’école dès l’âge légal atteint pour, comme eux, charger, décharger, charger … Mais à mes seize ans, le grand père avait passé l’arme à gauche depuis longtemps et une hernie discale avait vieilli mon père de vingt ans, le clouant à la table de sa cuisine devant un verre de rouge, à moitié vide. Les docks fermés, l’activité de commerce s’orientait désormais vers Le Havre. Seul restait un minuscule port de pêche, progressivement grignoté par la marina des riches plaisanciers anglais.
Enfin, finalement au port, j’y travaille aussi en quelque sorte. Les jours de beau temps, je reste assis à la même place qu’enfant. Et au milieu des bonjours timides et des sourires affligés, je fixe cet horizon de bleu gris. D’équinoxe en solstice, j’embarque dans chaque bateau, étarquant les cordages, manipulant sextant et compas pour d’estran en grand large naviguer vers mes rives rêvées. Quand vient la solitude du soir, la houle me prend et le roulis secoue les trottoirs brillants. L’alcool raccourcit les nuits de tempête et essuie les embruns brumeux du matin revenant, la marée me lavant de l’ivresse pour me rappeler que chaque jour, sans prendre la mer, je fais la manche.
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Quand les bars ferment, que les marins rejoignent leurs bords
Moi je rêve encore jusqu'au matin debout sur le port
Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil
Le port, je le connais depuis que je suis en âge de marcher. Mon grand père, mon père travaillaient dans les anciens docks et ma mère m’y emmenait souvent. Plus tard, pendant les vacances, je m’échappais souvent de la maison pour les rejoindre et contempler, assis dans un coin, le ballet des cargos, chalutiers et autres remorqueurs, rêvant boucanier et corsaire, flibustier et pirate, Stevenson, Hemingway, Surcouf et trésors … Mes aïeux pensaient que je quitterai l’école dès l’âge légal atteint pour, comme eux, charger, décharger, charger … Mais à mes seize ans, le grand père avait passé l’arme à gauche depuis longtemps et une hernie discale avait vieilli mon père de vingt ans, le clouant à la table de sa cuisine devant un verre de rouge, à moitié vide. Les docks fermés, l’activité de commerce s’orientait désormais vers Le Havre. Seul restait un minuscule port de pêche, progressivement grignoté par la marina des riches plaisanciers anglais.
Enfin, finalement au port, j’y travaille aussi en quelque sorte. Les jours de beau temps, je reste assis à la même place qu’enfant. Et au milieu des bonjours timides et des sourires affligés, je fixe cet horizon de bleu gris. D’équinoxe en solstice, j’embarque dans chaque bateau, étarquant les cordages, manipulant sextant et compas pour d’estran en grand large naviguer vers mes rives rêvées. Quand vient la solitude du soir, la houle me prend et le roulis secoue les trottoirs brillants. L’alcool raccourcit les nuits de tempête et essuie les embruns brumeux du matin revenant, la marée me lavant de l’ivresse pour me rappeler que chaque jour, sans prendre la mer, je fais la manche.
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
Difficile de poursuivre Charles, faire la Manche face à la mer est une faim en soi…
Yali- Nombre de messages : 8624
Age : 60
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
Je fais la manche. Oui, la manche face à la Manche. Je chante en pensant à autre chose. Je pense toujours à autre chose. Autre chose, ce n'est pas la Manche, plutôt la mer du Nord ou la baltique. Helsinki, Tallinn, tout ça. Je pense aux vieux cargo, je me demande comment ils font ces gens là, les marins. Comment ils font pour ne pas penser à autre chose justement, autre chose que les poissons qu'ils pechent, le saumon, le thon, tout ça. Ou ceux qu'ils mangent, le haddock, le hareng. Est-ce qu'ils pensent aux femmes, comment ? Pensées légères, érotiques ? Pensées frustrées, amères ?
Moi j'y pense tous les jours à leurs bonnes femmes, je vais les voir certains soirs, quand elles ont couché les gosses, elles me font voir leurs bas. On boit un peu de whisky et on fait l'amour pendant quelques minutes, pas plus, pour pas qu'elles aient trop de peine aprés... Elles sont belles les femmes de marins, elles n'ont jamais froid, autre chose que celles que je vois sur la plage pendant l'été, celles que j'appelle les parisiennes, celles qui ne suportent pas la pluie et le ciel gris. Celles que je déteste, celles que j'envoie au septième ciel, les soirs de pleine lune.
Moi j'y pense tous les jours à leurs bonnes femmes, je vais les voir certains soirs, quand elles ont couché les gosses, elles me font voir leurs bas. On boit un peu de whisky et on fait l'amour pendant quelques minutes, pas plus, pour pas qu'elles aient trop de peine aprés... Elles sont belles les femmes de marins, elles n'ont jamais froid, autre chose que celles que je vois sur la plage pendant l'été, celles que j'appelle les parisiennes, celles qui ne suportent pas la pluie et le ciel gris. Celles que je déteste, celles que j'envoie au septième ciel, les soirs de pleine lune.
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
Jolie suite Orakei ! ça me plait et ça me fait plaisir que tu aies poursuivi le texte. A qui le tour pour la suite ? ;-)
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
Les soirs de pleine lune sont les plus dangereux.
Pour ceux qui font la manche. Face à la Manche. Ou non.
Parce que les soirs de pleine lune, un ennemi sans merci prend possession d'eux. De leur corps. De leur âme.
Le spleen. Le blues. La mélancolie.
Alors les souvenirs reviennent. Les grands-pères. Les grands-mères. Les marins sans leurs femmes. Et les femmes des marins.
La tentation est grande de les rejoindre par le fond. De voguer pour de bon au gré des courants et des reflets de la lune.
Il suffit alors de se lever. De se pencher. De regarder. Et de plonger. Dans l'océan de la mémoire.
C'est là qu'arrive le cri. Hurlement d'une femme qui ne veut pas dépasser les sept minutes de plaisir. Désespoir de l'assoiffé face à une porte close ou une ardoise trop noircie. Aboiement du chien que la pleine lune effraie.
Le cri qui réveille. Le cri qui ramène à la vie.
La vie des vagues. Des reflets de la lune sur les vagues. Et du murmure de la mer.
Alors le soir de pleine lune reprend sa valise. Se dit que le voyage aura lieu une autre fois. Il cède la place au petit matin. L'aube naissante riche de toutes les promesses. Notamment celle des bateaux qui reviennent...
Pour ceux qui font la manche. Face à la Manche. Ou non.
Parce que les soirs de pleine lune, un ennemi sans merci prend possession d'eux. De leur corps. De leur âme.
Le spleen. Le blues. La mélancolie.
Alors les souvenirs reviennent. Les grands-pères. Les grands-mères. Les marins sans leurs femmes. Et les femmes des marins.
La tentation est grande de les rejoindre par le fond. De voguer pour de bon au gré des courants et des reflets de la lune.
Il suffit alors de se lever. De se pencher. De regarder. Et de plonger. Dans l'océan de la mémoire.
C'est là qu'arrive le cri. Hurlement d'une femme qui ne veut pas dépasser les sept minutes de plaisir. Désespoir de l'assoiffé face à une porte close ou une ardoise trop noircie. Aboiement du chien que la pleine lune effraie.
Le cri qui réveille. Le cri qui ramène à la vie.
La vie des vagues. Des reflets de la lune sur les vagues. Et du murmure de la mer.
Alors le soir de pleine lune reprend sa valise. Se dit que le voyage aura lieu une autre fois. Il cède la place au petit matin. L'aube naissante riche de toutes les promesses. Notamment celle des bateaux qui reviennent...
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
Notamment celle des bateaux qui reviennent d’une nuit de labeur à traquer à coups de satellites les derniers bancs de poissons. De temps en temps, je vais les raconter à mon vieux, histoire de, quelques heures, le sortir de son tonneau fermenté. J’efface le voile de son regard pour dessiner devant ses yeux ragaillardis celles des catamarans que je lui dis convoyer de Caraïbe en Cap vert, de tropique en équateur. Je lui décris d’insensés cocotiers empruntant leurs couleurs aux vitrines d’agences de voyage, d’immenses forêts vierges que me ressasse Guy, mon copain de Gwada, qu’aimerait bien y retourner dans son île de soleil. Et parfois, je lui parle de pêche miraculeuse où tout à coup, en une soirée, les bancs de thon se sont multipliés, dégageant de nouveaux espoirs et de nouvelles promesses de richesse. De toute façon, le vieux a la mémoire éphémère et la lucidité sélective, sinon, ça fait longtemps qu’il aurait compris que je fabule.
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
Ca fait longtemps qu'il aurait compris que je fabule. La mer n'a pas encore tenu ses promesses; les longues sirènes au soir sont celles de feux lointains, de retours presque bredouille, les sirènes d'un monde qui s'éloigne de lui-même.
Elle roule des galets au bruit délicieux et crépite doucement dans le sable. Je lui prête alors une parole qu'elle m'adresse de toute la force de son mouvement, de toute la conviction de ses lointains qu'un soleil rasant a cilié d'or rosissant:
"Viens".
Elle roule des galets au bruit délicieux et crépite doucement dans le sable. Je lui prête alors une parole qu'elle m'adresse de toute la force de son mouvement, de toute la conviction de ses lointains qu'un soleil rasant a cilié d'or rosissant:
"Viens".
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
"Viens, restes pas là tout seul comme un goéland les pieds dans un filet"
me dit Jojo, un poteau de longue date.Enfin, un pilier de bar plutôt.
Ca vie , elle avait été comme un Chrismas pudding.
Flamboyante.Le temps des criées, des poches pleines.
Du homard à en faire chavirer un chalutier tapant sa proue à même la vague.
Puis il y avait eû l'accident. La main qui s'était engagée dans le treuil.
Le temps pour lui, il s'était arreté.Devant le formulaire de la sécu "mer".
On lui avait refusé sa pension sous pretexte qu'il était ivre mort au moment de l'erreur.
Faire la manche, pour un manchot, cela divise les gains par deux.
Mais le statut permet de multiplier la compassion par deux.
Ce qui restait du pudding, c'était rien qu'un bout de gateau au coeur indigèste.
On regarde les optimistes des gamins, on écoute le bruit des cordes qui castagnent les mâts.
Jojo me dit: "Demain on prend le tunnel sous la manche"
Je lui répond " Chantes moi un Brel".
me dit Jojo, un poteau de longue date.Enfin, un pilier de bar plutôt.
Ca vie , elle avait été comme un Chrismas pudding.
Flamboyante.Le temps des criées, des poches pleines.
Du homard à en faire chavirer un chalutier tapant sa proue à même la vague.
Puis il y avait eû l'accident. La main qui s'était engagée dans le treuil.
Le temps pour lui, il s'était arreté.Devant le formulaire de la sécu "mer".
On lui avait refusé sa pension sous pretexte qu'il était ivre mort au moment de l'erreur.
Faire la manche, pour un manchot, cela divise les gains par deux.
Mais le statut permet de multiplier la compassion par deux.
Ce qui restait du pudding, c'était rien qu'un bout de gateau au coeur indigèste.
On regarde les optimistes des gamins, on écoute le bruit des cordes qui castagnent les mâts.
Jojo me dit: "Demain on prend le tunnel sous la manche"
Je lui répond " Chantes moi un Brel".
Invité- Invité
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
Dans ma ville, le soir, il y a plein d'étoiles. Plein d'étoiles dans le regard de Jojo, pas dans le ciel, encore moins dans le coeur des gens. Au Morvant, on boit des bières irlandaises, et quand on en a trop bu on voit des jolies filles brunes qui nous touchent, elles font des nattes avec nos cheveux longs. Nos cheveux longs comme leurs ongles parfaits.
Une fois, Jojo, il a vu des serpents, des salamandres, des lézards quoi. Il les voyait vraiment et il criait à se dilater les cordes vocales. Il criait et se grattait de partout. Et nous tous, devant nos pauvres pintes on se fendait la poire jusqu'à ce qu'il s'écroule sur le parquet. En voulant le relever j'ai vu des larmes sur ses joues, j'en ai touché une avec mon doigt, que j'ai porté à mes lèvres, c'était salé. Salé comme la Baltique. Alors je me suis dit que je ne rêverais plus de partir là-bas, je me suis dit que désormais j'irai voguer dans les larmes de Jojo. Oui, dans les larmes de Jojo, sur mon bateau ivre.
Une fois, Jojo, il a vu des serpents, des salamandres, des lézards quoi. Il les voyait vraiment et il criait à se dilater les cordes vocales. Il criait et se grattait de partout. Et nous tous, devant nos pauvres pintes on se fendait la poire jusqu'à ce qu'il s'écroule sur le parquet. En voulant le relever j'ai vu des larmes sur ses joues, j'en ai touché une avec mon doigt, que j'ai porté à mes lèvres, c'était salé. Salé comme la Baltique. Alors je me suis dit que je ne rêverais plus de partir là-bas, je me suis dit que désormais j'irai voguer dans les larmes de Jojo. Oui, dans les larmes de Jojo, sur mon bateau ivre.
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
jolis textes, vraiment, ça me plait bien !
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
peut être demain si j'ai un moment et un peu d'inspiration ...Orakei a écrit:Je sèche, personne pour continuer ?...
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
"sécher" devant tous ces mots qui parlent d'eau ?! ;-)Orakei a écrit:Je sèche, personne pour continuer ?...
Moi c'est pas trop mon truc, ça rigole pas assez :-)))
Peut-être Lyra ?
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
mentor a écrit:"sécher" devant tous ces mots qui parlent d'eau ?! ;-)Orakei a écrit:Je sèche, personne pour continuer ?...
Moi c'est pas trop mon truc, ça rigole pas assez :-)))
Peut-être Lyra ?
Bah, t'as un peu participé quand même puisque t'as parlé de ton île au narrateur ;-)))
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
exact ! on m'a fait parler !! ça m'a bien fait rire d'ailleurs, Charles, merci pour l'idée sympa !Charles a écrit:Bah, t'as un peu participé quand même puisque t'as parlé de ton île au narrateur ;-)))
Re: Emmenez moi (à poursuivre si ça vous inspire ?)
Allongé sur mon banc, je m'endormi. Je rêvais longtemps :
Au petit matin, je plongeai dans l'eau du fleuve, pour me laver, me dégourdir l'esprit, énervé par cette nuit agitée.
De l'autre côté du fleuve Absolutis, je franchis l'enceinte d'une nouvelle ville plus au sud du sud. Les rues interminables avaient des tracés compliqués.
Je traversai une zone brouillon, profusion de cases, de cabanes, de bungalows construits pêle-mêle, « à la va comme j'te pousse », les uns à côté des autres, tantôt séparés par d'étroits corridors insalubres, tantôt agencés de part et d'autre d'un semblant de rues disproportionnées, permettant aux autobus et gros camions de circuler plus facilement.
Sur le port, les semi-remorques, acculés aux entrepôts géants, attendaient leur chargement.
Entremêlés d'histoires de circulation bloquée, de pieds écrasés, de conducteurs imprudents au milieu des cyclistes à sonnettes, les crieurs de commerçants scandaient les qualités de leurs marchandises. Entre dithyrambes pompeuses et insultes glaireuses, sur fond de musique hurlante diffusée par les bars, grands ouverts, les courses des enfants se faufilaient, joyeuses, pour être stoppées nettes, devant les femmes qui invectivaient les pickpockets.
Les travailleurs maigrichons espéraient se faire embaucher pour décharger les cargos. En file indienne, les hommes portaient sur la tête, enroulée par des linges, des sacs de riz, des sacs de poudre de lait, des sacs de chaux, des sacs de ciment, des sacs de céréales, des sacs de sacs, des sacs lourds, des sacs d'effort, des sacs toute la journée, des sacs pleins de poussière, des sacs remplis de cris et hurlements, des sacs gonflés par la sueur des décharnés du port.
Bousculé, chahuté, je me heurtai au chaland, bloquai les stressés nerveux, errai sans but, n'imaginant pouvoir se sortir de ce bourbier fourmillant.
A mon tour, je me chargeai de sacs d'arachides, une seule fois, malheureuse, sur la tête, les autres suivantes, sur l'épaule. Ma file à moi s'engouffrait dans le ventre d'un navire aussi haut qu'un immeuble, en suivant le chemin étroit de passerelles en escaliers instables.
Une cloche sonna. Les travailleurs s'attablèrent devant la porte d'une bukka, et dévorèrent le contenu pâteux de leur plateau-gamelle trop vite terminé. Discipliné, au second coup de sifflet, je repris le rang, sous une chaleur écrasante.
Une semaine complète de travail éreintant, combla les cales. Avec en poche ma maigre paye, je regagnai ma couche improvisée sur le bateau, bien à l'abri des regards, pour m'y endormir profondément.
Agapatou était là. Cachée elle aussi très près de moi, elle m'accompagna tout le temps de la traversée. Agapatou éteinte dans le noir, me regarda. Fatigué d'avoir tant porté, j'observai ma compagne. Nourris exclusivement de cacahuètes et d'huile de palme, au quotidien, nos menus eurent les effets diarrhéiques attendus. Bercés ou réveillés, tantôt ballottés, tantôt agacés par le bruit sourd des vagues contre la coque, nous deux, clandestins étendus, nous nous rapprochâment un peu plus chaque jour, pour lutter contre le froid qui nous enserrait.
Un chat vint se caliner sous mon menton. La bruine était présente tout alentour. Fraicheur du petit matin. Je me relevai encore ému par cette Agapatou. Soleil de mes nuits. J'ai la manche mouillée. Avec mes pièces de reste, je peux m'offrir un petit canon. C'est décidé, je vais partir.
Au petit matin, je plongeai dans l'eau du fleuve, pour me laver, me dégourdir l'esprit, énervé par cette nuit agitée.
De l'autre côté du fleuve Absolutis, je franchis l'enceinte d'une nouvelle ville plus au sud du sud. Les rues interminables avaient des tracés compliqués.
Je traversai une zone brouillon, profusion de cases, de cabanes, de bungalows construits pêle-mêle, « à la va comme j'te pousse », les uns à côté des autres, tantôt séparés par d'étroits corridors insalubres, tantôt agencés de part et d'autre d'un semblant de rues disproportionnées, permettant aux autobus et gros camions de circuler plus facilement.
Sur le port, les semi-remorques, acculés aux entrepôts géants, attendaient leur chargement.
Entremêlés d'histoires de circulation bloquée, de pieds écrasés, de conducteurs imprudents au milieu des cyclistes à sonnettes, les crieurs de commerçants scandaient les qualités de leurs marchandises. Entre dithyrambes pompeuses et insultes glaireuses, sur fond de musique hurlante diffusée par les bars, grands ouverts, les courses des enfants se faufilaient, joyeuses, pour être stoppées nettes, devant les femmes qui invectivaient les pickpockets.
Les travailleurs maigrichons espéraient se faire embaucher pour décharger les cargos. En file indienne, les hommes portaient sur la tête, enroulée par des linges, des sacs de riz, des sacs de poudre de lait, des sacs de chaux, des sacs de ciment, des sacs de céréales, des sacs de sacs, des sacs lourds, des sacs d'effort, des sacs toute la journée, des sacs pleins de poussière, des sacs remplis de cris et hurlements, des sacs gonflés par la sueur des décharnés du port.
Bousculé, chahuté, je me heurtai au chaland, bloquai les stressés nerveux, errai sans but, n'imaginant pouvoir se sortir de ce bourbier fourmillant.
A mon tour, je me chargeai de sacs d'arachides, une seule fois, malheureuse, sur la tête, les autres suivantes, sur l'épaule. Ma file à moi s'engouffrait dans le ventre d'un navire aussi haut qu'un immeuble, en suivant le chemin étroit de passerelles en escaliers instables.
Une cloche sonna. Les travailleurs s'attablèrent devant la porte d'une bukka, et dévorèrent le contenu pâteux de leur plateau-gamelle trop vite terminé. Discipliné, au second coup de sifflet, je repris le rang, sous une chaleur écrasante.
Une semaine complète de travail éreintant, combla les cales. Avec en poche ma maigre paye, je regagnai ma couche improvisée sur le bateau, bien à l'abri des regards, pour m'y endormir profondément.
Agapatou était là. Cachée elle aussi très près de moi, elle m'accompagna tout le temps de la traversée. Agapatou éteinte dans le noir, me regarda. Fatigué d'avoir tant porté, j'observai ma compagne. Nourris exclusivement de cacahuètes et d'huile de palme, au quotidien, nos menus eurent les effets diarrhéiques attendus. Bercés ou réveillés, tantôt ballottés, tantôt agacés par le bruit sourd des vagues contre la coque, nous deux, clandestins étendus, nous nous rapprochâment un peu plus chaque jour, pour lutter contre le froid qui nous enserrait.
Il n'est ni lieu ni temps pour celui qui a reçu un coeur pour aimer.
Un chat vint se caliner sous mon menton. La bruine était présente tout alentour. Fraicheur du petit matin. Je me relevai encore ému par cette Agapatou. Soleil de mes nuits. J'ai la manche mouillée. Avec mes pièces de reste, je peux m'offrir un petit canon. C'est décidé, je vais partir.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
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