Les racines de la folie
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Les racines de la folie
Dans un coin très sombre, obscur voire même carrément opaque de mon cerveau pousse une monstrueuse petite plante. Elle n’est pas moche du tout simplement terrifiante et mortellement épineuse. A cet endroit précis la lumière ne filtre jamais. Pas de photosynthèse ni d’arrosage, le végétal se nourrit d’un mélange d’hallucinations et de jus de vieilles synapses que la macération a chargé en éthanol. C’est pas une métaphore grotesque de mon subconscient ni un terrain vague où ma mémoire balance ses ordures, juste une parcelle de quelques millimètres qui échappe à tout contrôle de ma part.
Je ne sais pas vraiment pourquoi une plante a poussé là, au milieu des mines, dans cette terre boueuse aussi avenante à la vie que peut l’être la surface de pluton. Quand je remue la tête je sens ses feuilles me caresser les méninges et transformer mes pensées en Gidorah, ce magnifique monstre à trois têtes. Quand je secoue franchement ma boîte crânienne, un pollen se libère et le Gidorah prend la parole. Moi-même je ne comprends pas grand-chose à son mélange d’onomatopées et de cris gutturaux. Je perçois juste qu’il n’est pas très content et que certaines choses peu plaisantes vont se passer, envers et contre toute forme de logique.
A la base, la plante devait être un germe de microbe, un élément extrêmement viral que mon cerveau a foutu à la porte de sa boîte sans indemnités de départ. Dégoûtée de s’être fait virer alors qu’elle était sûr d’apporter de bonnes idées, la bactérie à errer un peu dans la matière grise avant de tomber sur ce sol hostile et d’y planter ses racines. Petit à petit, elle a accompagné mes faits et gestes au fil de ma vie, m’a parfois dicté une conduite chaotique en s’emparant des commandes grâce à de puissants jets de sève. A la place des fleurs, une multitude de petits yeux aux pupilles dilatées scrutent le monde et guettent une fissure pour s’y glisser et ainsi pouvoir interférer avec ma liberté de penser.
A mes 18 ans, désireux de prendre mon indépendance vis-à-vis de mes parents et de ce végétal parasite, j’ai avalé une bouteille de désherbant. J’ai passé les 15 premiers jours de ma majorité à l’hôpital mais la saloperie est toujours là, plus arrogante et manipulatrice que jamais. Tapie dans l’ombre, elle sait se faire oublier pour mieux éclore en pistils démoniaques quand je m’y attends le moins. C’est son côté vicelarde. Plus la situation ne se prête pas à ce qu’elle surgisse de son lopin contaminé, plus elle savoure son entrée fracassante dans ma capacité à réfléchir et à agir. C’est entièrement à cause d’elle que j’ai foutu une tarte à mon banquier qui me refusait un découvert. J’ai aussi été viré d’une boîte de nuit quand, particulièrement éméché, j’ai vainement tenté de mettre dans mon lit la serveuse sans le consentement de son mec monté comme une armoire à glace. Elle bourgeonne de plaisir à chaque fois que je me retrouve chez les flics à cause de ses conneries. Et difficile de leur expliquer que c’est pas moi mais une herbe folle dans ma tête. Chez le coiffeur, je lui demande à chaque boule à zéro de bien appuyer sur le côté gauche de mon caillou avec l’espoir de voir sa tondeuse me traverser la peau et lui couper sa sale tige.
C’est une plante qui ne se fane pas apparemment. Je ne sais pas exactement quand elle a commencé à me pourrir la tête mais ça remonte au plus loin que sont capables d’aller mes souvenirs. Peut être depuis ma naissance. En plus de me manipuler comme une marionnette, elle adore penser à ma place. Mettre des « oui mais non » un peu partout dans mes schémas intellectuels.
- Tu veux trier tes papiers là ? Oui mais non, tu t’en fous, t’as autres chose à foutre. Vas plutôt sonner chez ta voisine lui demander si elle n’a pas un problème de plomberie…
Du coup faut que j’attende les rares moments ou elle détourne son attention pour payer mes factures et aller m’excuser auprès de la voisine au sujet de mon intérêt douteux pour sa tuyauterie.
Depuis le temps que je l’héberge, j’ai fini par lui donner un nom. J’ai décidé que c’était une plante femelle et qu’elle s’appellerait Amy-Lee. C’est joli et peu banal mais on devine sous la candeur des douces sonorités le piège à peine dissimulé.
Un jour j’ai décidé de ne plus lutter contre ses douloureuses floraisons oculaires et d’aller dans le sens de sa perception des choses. Frontalement, j’ai suivi la direction de son lobe en disant amen à toutes ses idées saugrenues et les portes de la psychiatrie se sont ouvertes devant moi.
Et puis j’ai eu une idée assez machiavélique je lavoue mais très efficace. Je suis allé acheter un bouquet de fleurs en bas de chez moi et après avoir agité la tête dans tous les sens, un peu comme un métaleux piqué par un frelon, j’ai éternué dessus de toutes mes forces. J’ai cherché dans mon répertoire l’adresse de la personne la plus insupportable à mes yeux. Je me suis rendu à son domicile pour déposer sur son paillasson la girandole de fleurs avec un petit mot.
- De la part d’Amy-Lee. Tu ne te rappelle peut être plus de moi mais je ne t’ai jamais oublié. Serais tu d’accord pour un tête à tête, partager quelques idées sur un avenir que l’on pourrait imaginer en commun. »
Je ne porte toujours pas mon ennemi dans mon estime mais j'ai appris que lui, par contre, portait très bien la camisole...
Je suis rentré chez moi en souriant. A la place laissée vacante par la merdeuse, j’ai planté des tomates cerise et quand mes amis viennent me voir dans ma tête, c’est un véritable régal à l’apéro.
Je ne sais pas vraiment pourquoi une plante a poussé là, au milieu des mines, dans cette terre boueuse aussi avenante à la vie que peut l’être la surface de pluton. Quand je remue la tête je sens ses feuilles me caresser les méninges et transformer mes pensées en Gidorah, ce magnifique monstre à trois têtes. Quand je secoue franchement ma boîte crânienne, un pollen se libère et le Gidorah prend la parole. Moi-même je ne comprends pas grand-chose à son mélange d’onomatopées et de cris gutturaux. Je perçois juste qu’il n’est pas très content et que certaines choses peu plaisantes vont se passer, envers et contre toute forme de logique.
A la base, la plante devait être un germe de microbe, un élément extrêmement viral que mon cerveau a foutu à la porte de sa boîte sans indemnités de départ. Dégoûtée de s’être fait virer alors qu’elle était sûr d’apporter de bonnes idées, la bactérie à errer un peu dans la matière grise avant de tomber sur ce sol hostile et d’y planter ses racines. Petit à petit, elle a accompagné mes faits et gestes au fil de ma vie, m’a parfois dicté une conduite chaotique en s’emparant des commandes grâce à de puissants jets de sève. A la place des fleurs, une multitude de petits yeux aux pupilles dilatées scrutent le monde et guettent une fissure pour s’y glisser et ainsi pouvoir interférer avec ma liberté de penser.
A mes 18 ans, désireux de prendre mon indépendance vis-à-vis de mes parents et de ce végétal parasite, j’ai avalé une bouteille de désherbant. J’ai passé les 15 premiers jours de ma majorité à l’hôpital mais la saloperie est toujours là, plus arrogante et manipulatrice que jamais. Tapie dans l’ombre, elle sait se faire oublier pour mieux éclore en pistils démoniaques quand je m’y attends le moins. C’est son côté vicelarde. Plus la situation ne se prête pas à ce qu’elle surgisse de son lopin contaminé, plus elle savoure son entrée fracassante dans ma capacité à réfléchir et à agir. C’est entièrement à cause d’elle que j’ai foutu une tarte à mon banquier qui me refusait un découvert. J’ai aussi été viré d’une boîte de nuit quand, particulièrement éméché, j’ai vainement tenté de mettre dans mon lit la serveuse sans le consentement de son mec monté comme une armoire à glace. Elle bourgeonne de plaisir à chaque fois que je me retrouve chez les flics à cause de ses conneries. Et difficile de leur expliquer que c’est pas moi mais une herbe folle dans ma tête. Chez le coiffeur, je lui demande à chaque boule à zéro de bien appuyer sur le côté gauche de mon caillou avec l’espoir de voir sa tondeuse me traverser la peau et lui couper sa sale tige.
C’est une plante qui ne se fane pas apparemment. Je ne sais pas exactement quand elle a commencé à me pourrir la tête mais ça remonte au plus loin que sont capables d’aller mes souvenirs. Peut être depuis ma naissance. En plus de me manipuler comme une marionnette, elle adore penser à ma place. Mettre des « oui mais non » un peu partout dans mes schémas intellectuels.
- Tu veux trier tes papiers là ? Oui mais non, tu t’en fous, t’as autres chose à foutre. Vas plutôt sonner chez ta voisine lui demander si elle n’a pas un problème de plomberie…
Du coup faut que j’attende les rares moments ou elle détourne son attention pour payer mes factures et aller m’excuser auprès de la voisine au sujet de mon intérêt douteux pour sa tuyauterie.
Depuis le temps que je l’héberge, j’ai fini par lui donner un nom. J’ai décidé que c’était une plante femelle et qu’elle s’appellerait Amy-Lee. C’est joli et peu banal mais on devine sous la candeur des douces sonorités le piège à peine dissimulé.
Un jour j’ai décidé de ne plus lutter contre ses douloureuses floraisons oculaires et d’aller dans le sens de sa perception des choses. Frontalement, j’ai suivi la direction de son lobe en disant amen à toutes ses idées saugrenues et les portes de la psychiatrie se sont ouvertes devant moi.
Et puis j’ai eu une idée assez machiavélique je lavoue mais très efficace. Je suis allé acheter un bouquet de fleurs en bas de chez moi et après avoir agité la tête dans tous les sens, un peu comme un métaleux piqué par un frelon, j’ai éternué dessus de toutes mes forces. J’ai cherché dans mon répertoire l’adresse de la personne la plus insupportable à mes yeux. Je me suis rendu à son domicile pour déposer sur son paillasson la girandole de fleurs avec un petit mot.
- De la part d’Amy-Lee. Tu ne te rappelle peut être plus de moi mais je ne t’ai jamais oublié. Serais tu d’accord pour un tête à tête, partager quelques idées sur un avenir que l’on pourrait imaginer en commun. »
Je ne porte toujours pas mon ennemi dans mon estime mais j'ai appris que lui, par contre, portait très bien la camisole...
Je suis rentré chez moi en souriant. A la place laissée vacante par la merdeuse, j’ai planté des tomates cerise et quand mes amis viennent me voir dans ma tête, c’est un véritable régal à l’apéro.
Mezkalator- Nombre de messages : 24
Age : 44
Date d'inscription : 26/10/2012
Re: Les racines de la folie
C'est un plaisir de te lire, et de voir ton personnage se débattre contre cette chose envahissante, ou y céder.
Il y a quelques traits d'humour impayables qui agrémentent bien le texte.
Plus la situation ne se prête pas à ce qu’elle surgisse de son lopin contaminé, plus elle savoure son entrée fracassante dans ma capacité à réfléchir et à agir.
Pourquoi pas :
moins la situation se prête à..., plus elle savoure...
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Re: Les racines de la folie
Ok, c'est très chouette, grinçant et inventif.
Mais : j'ai un petit problème avec les temps.
Le récit commence au présent et donc raconte ce qui est en cours.
Puis à la fin on apprend que le narrateur s'est débarrassé de la plante, le passé composé est de mise.
Il me semble donc que le début du texte devrait être "Dans un coin très sombre, obscur voire même carrément opaque de mon cerveau poussait une monstrueuse petite plante. " et la suite du même tonneau, pour exprimer l'antériorité à l'action salvatrice de la fin.
Ou alors remanier la fin, pour que ce soit cohérent sur le plan chronologique.
Question forme, il y a des coquilles orthographiques mais aussi ce vilain "voire même" redondant.
On dit "voire" ou "même" mais pas les deux ensemble, ils sont synonymes.
Egalement ceci : "Plus la situation ne se prête pas à ce qu’elle surgisse de son lopin contaminé, plus elle savoure son entrée fracassante dans ma capacité à réfléchir et à agir. " Ce serait tout aussi simple et moins encombrant de dire : "Moins la situation se prête... plus elle savoure..."
Mais : j'ai un petit problème avec les temps.
Le récit commence au présent et donc raconte ce qui est en cours.
Puis à la fin on apprend que le narrateur s'est débarrassé de la plante, le passé composé est de mise.
Il me semble donc que le début du texte devrait être "Dans un coin très sombre, obscur voire même carrément opaque de mon cerveau poussait une monstrueuse petite plante. " et la suite du même tonneau, pour exprimer l'antériorité à l'action salvatrice de la fin.
Ou alors remanier la fin, pour que ce soit cohérent sur le plan chronologique.
Question forme, il y a des coquilles orthographiques mais aussi ce vilain "voire même" redondant.
On dit "voire" ou "même" mais pas les deux ensemble, ils sont synonymes.
Egalement ceci : "Plus la situation ne se prête pas à ce qu’elle surgisse de son lopin contaminé, plus elle savoure son entrée fracassante dans ma capacité à réfléchir et à agir. " Ce serait tout aussi simple et moins encombrant de dire : "Moins la situation se prête... plus elle savoure..."
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Re: Les racines de la folie
Pardon, je viens de voir que Iris avait déjà relevé la même phrase bancale.
Alors, j'en profite pour t'encourager à venir commenter les copains, c'est un partage, qui fonctionne dans les deux sens.
Alors, j'en profite pour t'encourager à venir commenter les copains, c'est un partage, qui fonctionne dans les deux sens.
Invité- Invité
Re: Les racines de la folie
Merci pour vos lectures et corrections.
< Vous ne pourrez pas dire que vous n'aviez pas été prévenu...
http://www.vosecrits.com/t11914p480-discussions-autour-de-nos-textes#361620
http://www.vosecrits.com/t11914p480-discussions-autour-de-nos-textes#361881
http://www.vosecrits.com/t12177p360-discussions-autour-de-nos-textes#361883
http://www.vosecrits.com/t12177p360-discussions-autour-de-nos-textes#361885
http://www.vosecrits.com/t12177p360-discussions-autour-de-nos-textes#361887
http://www.vosecrits.com/t11914p520-discussions-autour-de-nos-textes#362716
La Modération >
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< Vous ne pourrez pas dire que vous n'aviez pas été prévenu...
http://www.vosecrits.com/t11914p480-discussions-autour-de-nos-textes#361620
http://www.vosecrits.com/t11914p480-discussions-autour-de-nos-textes#361881
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Mezkalator- Nombre de messages : 24
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