Exo « Anonyme » : Les ados de l’octobre

Il aime ce froid de neuf heures,
Le souffle qui fume aux naseaux du mulet
En ce val il a pour amie cette brume
Lorsqu’il trace des lignes en vainqueur
Passé tous les romains et tous les empereurs
Il penche et pèse sur l’araire.
Le petit compte au pas les billons
Le petit suit au sillon d’à côté
Il arpente dans le limon brun et gras
L’effet et la récompense des bras.
Le père retient ses mots au-devant de la terre
Bien que pauvre bien que serf
Il aime la lumière pâle et grise du soc
Qui mieux que l’éclair et la hache de Chlotaire
Fend le silence d’un sol où sent encore le hêtre.
Le petit regarde le bleu de la chaumière
Qui monte dans un gris déjà fait pour l’hiver
Tous deux ont oublié l’aurochs
Et portent en secret la marque d’un maître.

Le père et le fils unis dans le labeur.
Ce poème me touche, me parle énormément.
Le passage que je préfère:
Le petit suit au sillon d’à côté
Il arpente dans le limon brun et gras
L’effet et la récompense des bras.
Le père retient ses mots au-devant de la terre
Bien que pauvre bien que serf
Il aime la lumière pâle et grise du soc

Ce que j'ai préféré, je crois, c'est ne pas savoir qui est le narrateur : le père, l'aurochs, ou un heureux témoin ? Le passage entre le père et le fils qui marchent côte à côte en oubliant leur misère est plein de poésie.

court, dense, habité

J'étais parti sur des Ado-lescents : fausse piste. Il s'agit de labours. Diantre... Peut-être un peu trop de que/qui à mon goût, mais quelques vers bien balancés il me semble. "oublié l'aurochs" : ont-ils relégué le boeuf et le joug pour atteler le mulet au collier d'épaule? ou bien cela voudrait-il dire que la Préhistoire est déjà loin derrière ?

Envie de dire : Loïc ?
La précision des terme " ados", "billons", " araire" m'y font fort penser...
Mais " le petit" m'évoquerait plutôt Legone ( ne me demandez pas pourquoi !)

oui mais quelle marque, quel maître, et nous...le secret?

pardon, je n'ai pas compris...
maintenant si...désolée.

j'ai beaucoup aimé:

"Il aime ce froid de neuf heures,
Le souffle qui fume aux naseaux du mulet"

"Le père retient ses mots au-devant de la terre
Bien que pauvre bien que serf
Il aime la lumière pâle et grise du soc"

"Le petit regarde le bleu de la chaumière
Qui monte dans un gris déjà fait pour l’hiver"

Et portent en secret la marque d’un maître.

un maître ? = le seigneur et le Seigneur.

Paysans du Haut Moyen Age: pas encore tous chrétiens loin s'en faut. Cette marque ils la portent en secret car rien n'indique, rien n'écrit, qu'ils appartiennent à leur seigneur. Ils sont attachés à lui par la terre qu'il cultivent et ce lien, si puissant, demeure invisible, silencieux, secret à tout observateur étranger. De là aussi les lignes "mélodiques" de la terre, du silence, de la marque de la terre, en filigrane dans ce texte jeté en 10 minutes à la face d'un oubli assuré.

Curieux, j'aurais cru qu'on m'eût taxé de "poésie dans le genre Regain"...

Flatté néanmoins d'avoir été comparé (par Coline Dé qui m'adore parfois quand je suis anonymisé) à du Loïc. Pourtant mon texte est trop descriptif (et peut-être trop peu ferreux) pour se rapprocher du Loïc où la nostalgie prend par surprise et non d'emblée (pas sûr d'ailleurs que mon petit texte soit nostalgique: je le trouve XIXèmement naturaliste).
Je reconnais cependant à Coline le mérite d'avoir tenté très largement des attributions. Par ex. Legone je ne connais pas assez pour m'y risquer. On devrait d'ailleurs comparer la liste des auteurs et celle des évoqués par les devineurs et devineuses.

Ca me parle comme une toile de Millet et j'aime bien quand les poètes peignent.