Parfois, on avale les mots...
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Frédéric Prunier
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Parfois, on avale les mots...
Parfois on avale les mots comme un tunnel avale les trains, sans les digérer.
Personne, pourtant, ne se trouve simultanément à l’entrée ni à la sortie des tunnels et ne peut dire ce qu’il advient des passagers dans l’intervalle.
Certains tricotent sans doute d’interminables écharpes de fumée qu’ils lanceront par les portières ouvertes des wagons, si le voyage se termine. D’autres se dessinent sur le visage des paysages bucoliques, car on sait bien que les trains recherchent les troupeaux pour parader et se faire applaudir.
Dans les compartiments, les bagages bâillent et réclament que l’on éteigne les lumières, tandis que les plus hardis des voyageurs, dans les couloirs, tentent de creuser le sol pour retrouver le fil de leurs pensées, les aiguilles de leur montre et le tracé originel des premières rivières.
On dit même qu’un astre factice éblouit les yeux des plus fous les entraînant à lire les petites lettres inscrites sur les paupières de la lune (mais eux sont des poètes et personne ne s’étonne de leurs bizarreries).
Et les chauves-souris désireuses de partir en croisière se cachent dans les chignons des plus belles femmes, se doutant bien qu’elles sont sirènes retournant à l’océan.
Personne, pourtant, ne se trouve simultanément à l’entrée ni à la sortie des tunnels et ne peut dire ce qu’il advient des passagers dans l’intervalle.
Certains tricotent sans doute d’interminables écharpes de fumée qu’ils lanceront par les portières ouvertes des wagons, si le voyage se termine. D’autres se dessinent sur le visage des paysages bucoliques, car on sait bien que les trains recherchent les troupeaux pour parader et se faire applaudir.
Dans les compartiments, les bagages bâillent et réclament que l’on éteigne les lumières, tandis que les plus hardis des voyageurs, dans les couloirs, tentent de creuser le sol pour retrouver le fil de leurs pensées, les aiguilles de leur montre et le tracé originel des premières rivières.
On dit même qu’un astre factice éblouit les yeux des plus fous les entraînant à lire les petites lettres inscrites sur les paupières de la lune (mais eux sont des poètes et personne ne s’étonne de leurs bizarreries).
Et les chauves-souris désireuses de partir en croisière se cachent dans les chignons des plus belles femmes, se doutant bien qu’elles sont sirènes retournant à l’océan.
Invité- Invité
Re: Parfois, on avale les mots...
J'ai beaucoup aimé cette errance des mots qui se perdent. Tricoter des écharpes de fumée... joli !
Les troupeaux qui applaudissent... amusant !
Les voyageurs qui creusent... on imagine leur mine absorbée
Retrouver les aiguilles de leur montre : ça, j'ai bien aimé, surtout pour évoquer ce temps de voyage entre parenthèses
Sinon, éclaircie, ne pourrais-tu modifier ton titre en ajoutant : les mots, comme dans la première phrase ? Il me semble que ce serait plus heureux :-)
(proposition retenue, titre modifié à la demande de l'auteure)
Les troupeaux qui applaudissent... amusant !
Les voyageurs qui creusent... on imagine leur mine absorbée
Retrouver les aiguilles de leur montre : ça, j'ai bien aimé, surtout pour évoquer ce temps de voyage entre parenthèses
Sinon, éclaircie, ne pourrais-tu modifier ton titre en ajoutant : les mots, comme dans la première phrase ? Il me semble que ce serait plus heureux :-)
(proposition retenue, titre modifié à la demande de l'auteure)
Invité- Invité
Re: Parfois, on avale les mots...
J'applaudis la force poétique de ce texte qu'on dirait toujours à la limite de basculer du côté du ridicule et du surfait. Mais non, ça reste très joli, inventif. C'est agréable à la lecture.
Je suis plus réservé sur les chauve-souris.
Par contre, oui, cette métaphore mot-bouche, train-tunnel, avec l'obscurité inexplicable de ces deux passages, je trouve que c'est très intéressant et à exploiter.
Je suis plus réservé sur les chauve-souris.
Par contre, oui, cette métaphore mot-bouche, train-tunnel, avec l'obscurité inexplicable de ces deux passages, je trouve que c'est très intéressant et à exploiter.
Re: Parfois, on avale les mots...
Un train de pensée des plus intéressants.
J'apprécie la poésie des images, l'agencement des mots en question, le travail de composition - parce qu'il y a un sacré travail en amont de ce résultat - reste discret, sans cet effet de labeur qu'on trouve souvent en poésie.
La longueur des phrases est bien évidemment un parti pris ; toutefois, si je le trouve approprié au paragraphe concernant les jolies "écharpes de fumée", je pense qu'il n'est pas forcément nécessaire dans tout ce qui suit ; à mon avis des phrases plus courtes, sans mots de liaison ("tandis que") auraient plus de force (simple opinion personnelle).
J'apprécie la poésie des images, l'agencement des mots en question, le travail de composition - parce qu'il y a un sacré travail en amont de ce résultat - reste discret, sans cet effet de labeur qu'on trouve souvent en poésie.
La longueur des phrases est bien évidemment un parti pris ; toutefois, si je le trouve approprié au paragraphe concernant les jolies "écharpes de fumée", je pense qu'il n'est pas forcément nécessaire dans tout ce qui suit ; à mon avis des phrases plus courtes, sans mots de liaison ("tandis que") auraient plus de force (simple opinion personnelle).
Invité- Invité
Re: Parfois, on avale les mots...
belle recherche
exploration poétique
entre sens, image, les "senstations" d'un voyage...
...et quel titre .. ! ..
exploration poétique
entre sens, image, les "senstations" d'un voyage...
...et quel titre .. ! ..
Re: Parfois, on avale les mots...
J'aime assez : images, montage, évocations, champs possibles du sens (on sait pour en prendre un exemple -je sais je devrais sourcer...- que l'image du train entrant dans un tunnel est la métaphore subliminale d'un acte sexuel; métaphore -pas sûr que ce soit le mot exact- notamment utilisée par Hitchcock).
Mais je m'interroge sur le rapport poésie/prose que ce texte en clairs et obscurs d'Eclaircie me paraît soulever. Et comme je suis dans mon quart d'heure de tripotage syntagmatique, de découpage expérimental, je vais désagencer et réagencer. Oh, pas grand chose. J'espère que l'Eclair ci n'en prendra pas ombrage :
Parfois on avale les mots comme un tunnel avale les trains, sans les digérer.
la question du hiatus wa /on (parfois on) :
On avale parfois les mots comme un tunnel avale les trains, sans les digérer.
la question du double Avale (qui certes peut se défendre) :
On avale parfois les mots comme un tunnel les trains, sans les digérer.
==> ça génère toutefois le PB tunnel-le-les trains ou tunnell'les trains
==> ça propose un tunnel qui étreint
la question "le LES de Les digérer est-il franchement utile?" :
On avale parfois les mots comme un tunnel les trains, sans digérer.
J'explore, même sans le vouloir, j'y suis conduis, le plasma des sens possibles qui surgissent, se mêlent, se confusionnent ou se laissent entrevoir au-delà de l'agencement des images et de la ou des directions où nous conduit l'auteure dans son explicite. Ce riche plasma où se noue la vie nous propose la suite suivante (bof: j'aurais pû éviter...) :
avale - mots (+maux) - tunnel (+la sortie) - tune - n'aile / n'elle - train (+ fuir +voyage + éloignement +route tracée + force virile du fer ) - étreint - sans digérer (+ sans lait + sans lady + s'enlaidit + gérer + sans gérer)
C'est ce que j'entends confusément, pas forcément ce que le texte signifie ou trimballe, pas forcément l'inconscient de l'auteur. Mais c'est sans doute un submatériel qui concourt au fonds imaginaire et poétique du texte, à sa puissance évocatrice.
Je reviens à la lettre et à la question poétique ave cun second et dernier exemple:
D’autres se dessinent sur le visage des paysages bucoliques, car on sait bien que les trains recherchent les troupeaux pour parader et se faire applaudir.
la question du "se dessinent sur" :
l'allitération en -S se défend bien sûr, mais je ne suis pas certain qu'elle apporte quelque chose. Perso elle me gêne plutôt. Essai :
D’autres dessinent sur leur visage des paysages bucoliques,
==> cela génère une ambigüité avec le visage des premiers voyageurs évoqués à la phrase précédente. Re :
D’autres visages se peignent en paysages bucoliques,
Pas ultra convaincu mais je m'aperçois que je veux conserver l'assonance visages / paysages qui est naturellement la clé de ce passage, le paysage bucolique s'opposant à la noirceur évoquée par le tunnel voire le train et ouvrant vers l'extérieur, les vaches qui se pressent en rang comme à applaudir (effectivement, l'image est juste -de là à dire que les humains sont vaches...). bien entendu le buco- même avec un seul C, rappelle par la vertu du son la bouche, le tunnel, la béance. Il rappelle d'autan tplus la bouche que les vaches applaudisseuses broutent..
Bon le labeuratoire ferme.
Mais je m'interroge sur le rapport poésie/prose que ce texte en clairs et obscurs d'Eclaircie me paraît soulever. Et comme je suis dans mon quart d'heure de tripotage syntagmatique, de découpage expérimental, je vais désagencer et réagencer. Oh, pas grand chose. J'espère que l'Eclair ci n'en prendra pas ombrage :
Parfois on avale les mots comme un tunnel avale les trains, sans les digérer.
la question du hiatus wa /on (parfois on) :
On avale parfois les mots comme un tunnel avale les trains, sans les digérer.
la question du double Avale (qui certes peut se défendre) :
On avale parfois les mots comme un tunnel les trains, sans les digérer.
==> ça génère toutefois le PB tunnel-le-les trains ou tunnell'les trains
==> ça propose un tunnel qui étreint
la question "le LES de Les digérer est-il franchement utile?" :
On avale parfois les mots comme un tunnel les trains, sans digérer.
J'explore, même sans le vouloir, j'y suis conduis, le plasma des sens possibles qui surgissent, se mêlent, se confusionnent ou se laissent entrevoir au-delà de l'agencement des images et de la ou des directions où nous conduit l'auteure dans son explicite. Ce riche plasma où se noue la vie nous propose la suite suivante (bof: j'aurais pû éviter...) :
avale - mots (+maux) - tunnel (+la sortie) - tune - n'aile / n'elle - train (+ fuir +voyage + éloignement +route tracée + force virile du fer ) - étreint - sans digérer (+ sans lait + sans lady + s'enlaidit + gérer + sans gérer)
C'est ce que j'entends confusément, pas forcément ce que le texte signifie ou trimballe, pas forcément l'inconscient de l'auteur. Mais c'est sans doute un submatériel qui concourt au fonds imaginaire et poétique du texte, à sa puissance évocatrice.
Je reviens à la lettre et à la question poétique ave cun second et dernier exemple:
D’autres se dessinent sur le visage des paysages bucoliques, car on sait bien que les trains recherchent les troupeaux pour parader et se faire applaudir.
la question du "se dessinent sur" :
l'allitération en -S se défend bien sûr, mais je ne suis pas certain qu'elle apporte quelque chose. Perso elle me gêne plutôt. Essai :
D’autres dessinent sur leur visage des paysages bucoliques,
==> cela génère une ambigüité avec le visage des premiers voyageurs évoqués à la phrase précédente. Re :
D’autres visages se peignent en paysages bucoliques,
Pas ultra convaincu mais je m'aperçois que je veux conserver l'assonance visages / paysages qui est naturellement la clé de ce passage, le paysage bucolique s'opposant à la noirceur évoquée par le tunnel voire le train et ouvrant vers l'extérieur, les vaches qui se pressent en rang comme à applaudir (effectivement, l'image est juste -de là à dire que les humains sont vaches...). bien entendu le buco- même avec un seul C, rappelle par la vertu du son la bouche, le tunnel, la béance. Il rappelle d'autan tplus la bouche que les vaches applaudisseuses broutent..
Bon le labeuratoire ferme.
Re: Parfois, on avale les mots...
waouhh ! quelle rapidité à me commenter, vous me faites vraiment plaisir.
Iris, proposition très judicieuse et retenue, merci. En fait, je ne savais pas quel titre lui donner.
Marine, j'apprécie tant ton écriture que je suis vraiment touchée de tes compliments.
Easter, ta remarque sur la longueur des phrases est très intéressante, je crois souvent alourdir alors que je pourrais mettre un point.
Quand au "travail", ben non, je n'ai pas changé, je ne sais pas faire, il m'a été plus long de taper avec un seul doigt que de composer. Mais, j'ai relu une fois ou deux et modifier un mot ou deux.
Fréderic Prunier, joli le "senstations" ! merci
Marvejols, je suis estomaquée de la complexité de votre cerveau, j'irais bien le visiter en détail. Je ne suis, bien sûr, pas fâchée du tout de votre "autopsie"
Des pistes me semblent intéressantes, comme la recherche pour supprimer le premier hiatus. Pour l’allitération en "s", je ne partage pas votre avis, je la trouve légère et pas gênante.
Vous êtes là un peu psy, ça ne me gêne pas du tout, car l'écriture fait partie pour moi d'une thérapie. Depuis que je suis lue et commentée, j'en ai plus appris sur moi qu'au cours de mes 50 premières années.
A lire des poètes, on apprend à les connaître très intimement, ceux que ça pourraient déranger, doivent le savoir avant de partager.
Grand merci à tous, vous me comblez
Iris, proposition très judicieuse et retenue, merci. En fait, je ne savais pas quel titre lui donner.
Marine, j'apprécie tant ton écriture que je suis vraiment touchée de tes compliments.
Easter, ta remarque sur la longueur des phrases est très intéressante, je crois souvent alourdir alors que je pourrais mettre un point.
Quand au "travail", ben non, je n'ai pas changé, je ne sais pas faire, il m'a été plus long de taper avec un seul doigt que de composer. Mais, j'ai relu une fois ou deux et modifier un mot ou deux.
Fréderic Prunier, joli le "senstations" ! merci
Marvejols, je suis estomaquée de la complexité de votre cerveau, j'irais bien le visiter en détail. Je ne suis, bien sûr, pas fâchée du tout de votre "autopsie"
Des pistes me semblent intéressantes, comme la recherche pour supprimer le premier hiatus. Pour l’allitération en "s", je ne partage pas votre avis, je la trouve légère et pas gênante.
Vous êtes là un peu psy, ça ne me gêne pas du tout, car l'écriture fait partie pour moi d'une thérapie. Depuis que je suis lue et commentée, j'en ai plus appris sur moi qu'au cours de mes 50 premières années.
A lire des poètes, on apprend à les connaître très intimement, ceux que ça pourraient déranger, doivent le savoir avant de partager.
Grand merci à tous, vous me comblez
Invité- Invité
Re: Parfois, on avale les mots...
Un bien joli voyage onirique dans lequel je retiens particulièrement cette lecture des "petites lettres inscrites sur les paupières de la lune" qu'enfant déjà je tentais de déchiffrer.
Re: Parfois, on avale les mots...
Derrière le train j'ai vu les métaphores filer ;-)
Une écriture qui trouve sa densité +++
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Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: Parfois, on avale les mots...
Vous avez dit, cher cousin ? - J'aime beaucoup ces bizarreries. Des fois le bizarre part dans l'abstraction, là, pas du tout. C'est surréaliste, très précis, visible. On dirait du Magritte. Je n'isole pas telle ou telle image, parce que pour moi, un texte est une pièce entière et que séparer une phrase l'appauvrit. Par contre la dernière me fait l'effet d'avoir été remisée là en attendant qu'on lui trouve sa vraie place; avec un participe présent un peu pressé d'en finir (mais l'essentiel est de participer).
Brèfle, je me serais bien arrêté sur ces bizarreries.
Très ....
Brèfle, je me serais bien arrêté sur ces bizarreries.
Très ....
Ariel- Nombre de messages : 160
Age : 68
Localisation : Finistère, ascendant CévennE
Date d'inscription : 03/10/2011
Re: Parfois, on avale les mots...
Je ne sais pas quels maux tu as avalés, mais les mots que tu as recrachés, tout frais, sont bien parlants !
Tunnel prête à de multiples jeux interprétatifs, mais il n'y a guère que Louis pour savoir dire ces choses avec finesse et délicatesse... et je partage l'avis d'Ariel : c'est l'ensemble du texte qui vaut ! Celui-ci m'a ravie, j'y ai retrouvé ce que j'aime : une simplicité poétique, de l'humour, de la légèreté et du ( des ) sens, avec de jolis agencements de mots.
Tu reviens en grande forme, on dirait !
Tunnel prête à de multiples jeux interprétatifs, mais il n'y a guère que Louis pour savoir dire ces choses avec finesse et délicatesse... et je partage l'avis d'Ariel : c'est l'ensemble du texte qui vaut ! Celui-ci m'a ravie, j'y ai retrouvé ce que j'aime : une simplicité poétique, de l'humour, de la légèreté et du ( des ) sens, avec de jolis agencements de mots.
Tu reviens en grande forme, on dirait !
Invité- Invité
Re: Parfois, on avale les mots...
C'est chouette en effet !
et même si le traitement est tout à fait différent, je le mettrais bien en pendant du texte d'alex
http://www.vosecrits.com/t13107-le-grand-tombeau
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Parfois, on avale les mots...
Le train des mots passe par notre bouche, sans toujours les "digérer" , sans les assimiler, les accepter ou les supporter.
C’est dire que les mots passent par nous, sans venir de nous.
Nous sommes un lieu traversé par les mots. Nous sommes en transit des paroles.
Mais ne sommes pas toujours un estomac par lequel nous les faisons nôtres, par lequel nous nous les incorporons.
Parfois nous ne retenons pas les mots, nous les laissons passer comme un tunnel laisse passer un train ; nous ne sommes pas une station, pas un point de départ ni un terminus. Alors gare aux mots !
Ne sommes parfois qu’un obscur boyau où circulent des wagons de paroles, un chemin de fer, et de chair, par où les mots voyagent.
Qu’advient-il des mots lors de leur passage en nous ? Nul ne saurait le dire… nulle ubiquité ne permet une présence simultanée à l’entrée et à la sortie d’un tunnel. Rien n’est visible en lui ; le tunnel : ce trou noir. Ce manque de simultanéité est la marque d’un temps de traversée pendant lequel on ne sait ce qu’il advient des mots passagers, on ne sait les transformations qu’ils pourraient subir lors de leur passage, ou les effets qu’ils pourraient produire en nous.
On peut pourtant imaginer ce que font les voyageurs dans le tunnel.
« Certains tricotent sans doute d’interminables écharpes de fumée ». Les mots tissent un long tissu, une écharpe inconsistante, une fumée. Une vapeur légère ; du vent ! Ces mots qui passent par notre trou noir s’envolent, s’étendent sous forme de longs nuages, pour finir par se dissiper. Ce n’était rien, juste quelques mots évaporés, sans poids, sans chair, sans vérité.
« D’autres se dessinent sur le visage des paysages bucoliques, car on sait bien que les trains recherchent les troupeaux pour parader et se faire applaudir ». Les mots que l’on n’assimile pas ne se donnent que pour le paraître, l’esbroufe, le mensonge et le simulacre. Ils se donnent des airs « bucoliques » pour plaire aux troupeaux, à tous ruminants trop humains, comme à tous moutons de Panurge. A tous ceux qui aiment voir passer, juste passer, le train des phrases.
Les mots ont leurs bagages et, « dans les compartiments, les bagages bâillent et réclament que l’on éteigne les lumières ». La charge des mots ne se laisse pas voir, ni leur poids, ni dénotations ni connotations, quand on les avale, sans les mâcher, sans déguster toute leur saveur. On ne sait pas ce qu’ils ont dans le ventre quand, les mots avalés, on ne les a pas au ventre, dans ses tripes ; quand on ne les a pas à cœur.
Les voyageurs les plus « hardis », eux, « dans les couloirs, tentent de creuser le sol pour retrouver le fil de leurs pensées, les aiguilles de leur montre et le tracé originel des premières rivières. » Quelques mots tentent de retrouver leur sens profond, en creusant le sol d’où ils tirent leur origine, les profondeurs d’où ils prennent naissance, d’où ils prennent source. De fil en aiguille, ils cherchent leur sens. Jusqu’à leur étymologie, « le tracé originel des premiers rivières », leur premier écoulement sur la langue antique avant d’être avalés.
Ces mots-là commencent à s’incarner, à se faire chair, jusque dans leur esprit ; ces mots-là prennent corps, jusqu’à se faire humains voyageurs.
Les plus « fous » d’entre eux sont des poètes. Leurs mots sont lus sur les « paupières de la lune », la nuit, quand le jour ferme ses yeux, mais ouvre des cieux ; quand le soleil trompeur, « un astre factice », lumière de la seule raison, trop éblouit ; quand on est dans la lune, songeur, plutôt que sur terre, raisonneur.
Les mots se font corps de poètes lunaires quand ils s’écrivent sur les paupières.
Tous les transports sont permis quand les mots se font lunaires ; quand ils nous pénètrent et nous changent, quand ils nous métamorphosent, alors, comme de viles chauves-souris, au vol court de la nuit, l’on peut être sirènes dans les océans, et l'on peut partir dans de longues croisières aux vastes horizons, cachés dans la chevelure des « plus belles femmes ».
Quand les mots ne sont plus simplement « avalés », quand ils ne nous traversent plus, mais s’emparent de nous, ils nous emportent avec eux dans leur voyage, se font la chair de notre vie, et de nous ses aventuriers.
Une belle prose poétique, dans ce texte, Eclaircie, qui décèle le pouvoir des mots, bien plus grand qu’on ne le croit communément.
C’est dire que les mots passent par nous, sans venir de nous.
Nous sommes un lieu traversé par les mots. Nous sommes en transit des paroles.
Mais ne sommes pas toujours un estomac par lequel nous les faisons nôtres, par lequel nous nous les incorporons.
Parfois nous ne retenons pas les mots, nous les laissons passer comme un tunnel laisse passer un train ; nous ne sommes pas une station, pas un point de départ ni un terminus. Alors gare aux mots !
Ne sommes parfois qu’un obscur boyau où circulent des wagons de paroles, un chemin de fer, et de chair, par où les mots voyagent.
Qu’advient-il des mots lors de leur passage en nous ? Nul ne saurait le dire… nulle ubiquité ne permet une présence simultanée à l’entrée et à la sortie d’un tunnel. Rien n’est visible en lui ; le tunnel : ce trou noir. Ce manque de simultanéité est la marque d’un temps de traversée pendant lequel on ne sait ce qu’il advient des mots passagers, on ne sait les transformations qu’ils pourraient subir lors de leur passage, ou les effets qu’ils pourraient produire en nous.
On peut pourtant imaginer ce que font les voyageurs dans le tunnel.
« Certains tricotent sans doute d’interminables écharpes de fumée ». Les mots tissent un long tissu, une écharpe inconsistante, une fumée. Une vapeur légère ; du vent ! Ces mots qui passent par notre trou noir s’envolent, s’étendent sous forme de longs nuages, pour finir par se dissiper. Ce n’était rien, juste quelques mots évaporés, sans poids, sans chair, sans vérité.
« D’autres se dessinent sur le visage des paysages bucoliques, car on sait bien que les trains recherchent les troupeaux pour parader et se faire applaudir ». Les mots que l’on n’assimile pas ne se donnent que pour le paraître, l’esbroufe, le mensonge et le simulacre. Ils se donnent des airs « bucoliques » pour plaire aux troupeaux, à tous ruminants trop humains, comme à tous moutons de Panurge. A tous ceux qui aiment voir passer, juste passer, le train des phrases.
Les mots ont leurs bagages et, « dans les compartiments, les bagages bâillent et réclament que l’on éteigne les lumières ». La charge des mots ne se laisse pas voir, ni leur poids, ni dénotations ni connotations, quand on les avale, sans les mâcher, sans déguster toute leur saveur. On ne sait pas ce qu’ils ont dans le ventre quand, les mots avalés, on ne les a pas au ventre, dans ses tripes ; quand on ne les a pas à cœur.
Les voyageurs les plus « hardis », eux, « dans les couloirs, tentent de creuser le sol pour retrouver le fil de leurs pensées, les aiguilles de leur montre et le tracé originel des premières rivières. » Quelques mots tentent de retrouver leur sens profond, en creusant le sol d’où ils tirent leur origine, les profondeurs d’où ils prennent naissance, d’où ils prennent source. De fil en aiguille, ils cherchent leur sens. Jusqu’à leur étymologie, « le tracé originel des premiers rivières », leur premier écoulement sur la langue antique avant d’être avalés.
Ces mots-là commencent à s’incarner, à se faire chair, jusque dans leur esprit ; ces mots-là prennent corps, jusqu’à se faire humains voyageurs.
Les plus « fous » d’entre eux sont des poètes. Leurs mots sont lus sur les « paupières de la lune », la nuit, quand le jour ferme ses yeux, mais ouvre des cieux ; quand le soleil trompeur, « un astre factice », lumière de la seule raison, trop éblouit ; quand on est dans la lune, songeur, plutôt que sur terre, raisonneur.
Les mots se font corps de poètes lunaires quand ils s’écrivent sur les paupières.
Tous les transports sont permis quand les mots se font lunaires ; quand ils nous pénètrent et nous changent, quand ils nous métamorphosent, alors, comme de viles chauves-souris, au vol court de la nuit, l’on peut être sirènes dans les océans, et l'on peut partir dans de longues croisières aux vastes horizons, cachés dans la chevelure des « plus belles femmes ».
Quand les mots ne sont plus simplement « avalés », quand ils ne nous traversent plus, mais s’emparent de nous, ils nous emportent avec eux dans leur voyage, se font la chair de notre vie, et de nous ses aventuriers.
Une belle prose poétique, dans ce texte, Eclaircie, qui décèle le pouvoir des mots, bien plus grand qu’on ne le croit communément.
Louis- Nombre de messages : 458
Age : 69
Date d'inscription : 28/10/2009
Re: Parfois, on avale les mots...
c'est extraordinaire Eclaircie, comme une rêverie ferroviaire, un monde de chez Ubu, tu as ici une très belle écriture.
Re: Parfois, on avale les mots...
Pas grand chose à ajouter, Louis a tout très bien expliqué (je n'avais pas tout compris merci).
Sinon il me semble déceler, et c'est ce qui m'a intrigué, qq chose comme un thème de miroir, de réciprocité. En rapport avec votre avatar peut etre ?
Invité- Invité
Re: Parfois, on avale les mots...
ou comment treizes lignes de pure magie poétique peuvent donner libre cours à autant de commentaires, dissections, autopsies et autres rêveries bizarres...
pour ma part, je ferai dans le court : j'aime !
pour ma part, je ferai dans le court : j'aime !
Pussicat- Nombre de messages : 4846
Age : 57
Localisation : France
Date d'inscription : 17/02/2012
Re: Parfois, on avale les mots...
j'aime le dialogue et je veux vous répondre, d'autant que le sujet "mon texte, donc moi", m'intéresse beaucoup ! ;-)
Arielle j'étais sûre que tu les connaissais aussi.
Ba, j'aime bien les +++
Ariel, bonne pioche, en fait j'ai trouvé léger le dernier paragraphe, mais je n'avais plus d'idées. L'évocation de Magritte m'enchante, un artiste que j'apprécie.
coline, merci, je ne sais pas si beaucoup écrivent dans la quiétude, le calme et la sérénité, pour moi c'est toujours dans l'urgence, dans l'hyper-exaltation-action-joie-douleur-etc
Janis, je n'avais pas encore commenté alex quand tu as déposé ce commentaire. A côté de son texte, je me sens petite, mon objectif : à côté de son texte me sentir "autre", bon, y a du boulot !
Louis, je suis éblouie par le soin apporté à votre commentaire, fond, forme. Si ce n'était les citations de mon écrit, ce pourrait être un texte suffisant en soi. De plus lorsque je laisse mon instinct me dicter les mots, vous savez les relier à un sens profond très pertinent. Vous me faites là un cadeau dont la valeur est immense.
Loïc, rare commentateur (je taquine), merci d'avoir laissé ces mots.
Condremon, est-ce important de comprendre ? parfois oui, pour être plus à l'aise avec un texte et parfois non, on en reste à une impression, bonne ou mauvaise et c'est très bien ainsi.
confidence, je suis partie de l'idée que je craignais de ne pas savoir bien lire, de ne pas savoir apprécier tout ce que l'auteur met d'information, de force, de talent dans un écrit et j'ai déliré, enfin j'ai laissé venir les phrases.
Pussicat, j'adore ton commentaire, comme tous les autres, merci d'être venue.
Arielle j'étais sûre que tu les connaissais aussi.
Ba, j'aime bien les +++
Ariel, bonne pioche, en fait j'ai trouvé léger le dernier paragraphe, mais je n'avais plus d'idées. L'évocation de Magritte m'enchante, un artiste que j'apprécie.
coline, merci, je ne sais pas si beaucoup écrivent dans la quiétude, le calme et la sérénité, pour moi c'est toujours dans l'urgence, dans l'hyper-exaltation-action-joie-douleur-etc
Janis, je n'avais pas encore commenté alex quand tu as déposé ce commentaire. A côté de son texte, je me sens petite, mon objectif : à côté de son texte me sentir "autre", bon, y a du boulot !
Louis, je suis éblouie par le soin apporté à votre commentaire, fond, forme. Si ce n'était les citations de mon écrit, ce pourrait être un texte suffisant en soi. De plus lorsque je laisse mon instinct me dicter les mots, vous savez les relier à un sens profond très pertinent. Vous me faites là un cadeau dont la valeur est immense.
Loïc, rare commentateur (je taquine), merci d'avoir laissé ces mots.
Condremon, est-ce important de comprendre ? parfois oui, pour être plus à l'aise avec un texte et parfois non, on en reste à une impression, bonne ou mauvaise et c'est très bien ainsi.
confidence, je suis partie de l'idée que je craignais de ne pas savoir bien lire, de ne pas savoir apprécier tout ce que l'auteur met d'information, de force, de talent dans un écrit et j'ai déliré, enfin j'ai laissé venir les phrases.
Pussicat, j'adore ton commentaire, comme tous les autres, merci d'être venue.
Invité- Invité
Re: Parfois, on avale les mots...
Beaucoup d'images qui me parlent dans ce texte
Notamment le passage
creuser le sol pour retrouver le fil de leurs pensées, les aiguilles de leur montre et le tracé originel des premières rivières.
Notamment le passage
creuser le sol pour retrouver le fil de leurs pensées, les aiguilles de leur montre et le tracé originel des premières rivières.
Nicolah- Nombre de messages : 120
Age : 32
Date d'inscription : 26/09/2012
Re: Parfois, on avale les mots...
Remarquable.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 74
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: Parfois, on avale les mots...
En fait j'aime bien comprendre. Et là je crois que j'ai compris, du moins certaines choses. Il s'agit d'un exercice d'écriture automatique qui au dela du sens ouvre une fenêtre sur l'inconscient. le côté automatique explique aussi certaines tournures ou certains mots qui m'intriguaient (je veux dire on peut suivre le fil - justement).
Comme quoi les commentaires de l'auteur sont aussi important que le texte lui même, parfois.
C'est en cela que VE est intéressant je trouve.
Comme quoi les commentaires de l'auteur sont aussi important que le texte lui même, parfois.
C'est en cela que VE est intéressant je trouve.
Invité- Invité
Re: Parfois, on avale les mots...
Je n'ajouterai rien d'intelligent
Juste un mot pour dire que j'ai adoré
Une poésie en prose fluide, imagée, un poil surréaliste
tout ce que j'aime
Juste un mot pour dire que j'ai adoré
Une poésie en prose fluide, imagée, un poil surréaliste
tout ce que j'aime
Invité- Invité
Re: Parfois, on avale les mots...
j'aime trop , le sujet , le titre , le traitement , j'suis trop jaloux ....
Re: Parfois, on avale les mots...
petite bafouille rapide en cadeau
…
Parfois on avale des mots
et c’est souvent
les fois où dire je t’aime
ne vient pas
pas comme ça
et là plein de mots
d’autres
viennent se coller en pétales
autour de ceux
qui ne sortiront plus
on avale des mots
sans les digérer
sachant que
doucement
ils vous étranglent
…
Parfois on avale des mots
et c’est souvent
les fois où dire je t’aime
ne vient pas
pas comme ça
et là plein de mots
d’autres
viennent se coller en pétales
autour de ceux
qui ne sortiront plus
on avale des mots
sans les digérer
sachant que
doucement
ils vous étranglent
…
Re: Parfois, on avale les mots...
Beaucoup a déjà été dit sur ce très beau texte, mais il m'importe d'en saluer à mon tour la grande force poétique. J'aurai grand plaisir à te relire, éclaircie.
Merci en passant à Louis pour sa fine et éclairante interprétation de cette prose poétique.
Merci en passant à Louis pour sa fine et éclairante interprétation de cette prose poétique.
Invité- Invité
Re: Parfois, on avale les mots...
beau silex biface à la cryptique réversible et assez haut perchée, allant du sol sensible aux méninges.
mais qu'apprends-je? dans les chignons des plus belles femmes respectables se cachent des chauve-souris désireuses? mais on m'avait caché ça !!
sinon le quizz, le tracé originel des premieres rivières, j'aurais dit le saumon.
et les sirenes retournant à l'océan, j'aurais dit la tortue des galapagos.
quand ça monte, c'est un saumon. et quand ça descend, c'est une tortue.
mais qu'apprends-je? dans les chignons des plus belles femmes respectables se cachent des chauve-souris désireuses? mais on m'avait caché ça !!
sinon le quizz, le tracé originel des premieres rivières, j'aurais dit le saumon.
et les sirenes retournant à l'océan, j'aurais dit la tortue des galapagos.
quand ça monte, c'est un saumon. et quand ça descend, c'est une tortue.
hi wen- Nombre de messages : 899
Age : 27
Date d'inscription : 07/01/2011
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