Exo live vendredi 21 juin à 20 h ?

J'aime tout, à part le noooooon final qui me semble de trop. 

Le rythme du premier paragraphe, avec ses répétitions et sa ponctuation qui évoquent si bien le côté lancinant de l'insomnie...

La façon dont les souvenirs se mêlent à l'Ici et maintenant, beau tissage ! 

Le mélange des dialogues et de l'introspection.

La mise en page.

Pour quelqu'un qui n'avait pas compris la consigne (sic), je dis bravo ! 

Et ce thème de l'insomnie, du sommeil, du coma, que tu as déjà traité, je trouve qu'il va très bien à ton écriture.

C'est beau !

La solitude poignante de l'enfance.

On a envie que ce soit l'extrait d'un récit plus long, on voudrait un avant et un après !

L'écriture détachée, sans pathos, renforce la mélancolie douce qui se dégage du texte.

J'aime aussi la mise en page, les blocs comme des briques qui forment le château de la mémoire.

ah c'est une fille

Il se tenait debout sur le toit, au bord du vide. Il aimait venir ici, la vue sur la ville était somptueuse. Au loin, les tours de la cathédrale lui rappelaient qu’il n’était que poussière d’éternité, que le temps n’existait pas davantage pour lui que pour les gargouilles de pierre. Lent effritement, obscurcissement progressif.
Les toitures luisaient à peine dans la lumière, dégradé de fer, zinc, ardoises. Le soleil couchant apportait une brillance nacrée au spectacle de la ville. En bas, tout en bas, le boulevard et sa circulation incessante, les hommes tels des fourmis, les platanes aux frondaisons mouvantes et argentées.
Il laissa les échos de l’humanité le pénétrer. C’était comme une marée sombre et brouillée, comme l’océan, là-bas, au loin. L’océan, il ne l’aimait pas. Impossible de se souvenir, malgré ses efforts, impossible de se rappeler autre chose que l’eau noire et froide, les cris et l’épouvante.
Son regard balaya les immeubles, leurs façades gris-souris, traversa les appartements et les ascenseurs, survola les squares, les cours d’écoles et les silhouettes ternes des passants. Il hésita. Rester, partir ? Il était assoiffé. Cendres, seul un goût de cendres était perceptible. Ailleurs, peut-être… Il déploya ses ailes, plongea. Noir.

Il apparut assis sur le muret de granit. Sous ses doigts, les éclats de mica. Derrière, il devinait le fracas des vagues sur la digue. Instinctivement, il se recroquevilla, une sueur froide perla sur son front. Qu’est-ce-qui l’avait attiré ici ? Il allait fuir loin de ce lieu de damnés, lorsque soudain il la vit. Scintillante de couleurs, mouvante comme une flamme. Abasourdi, pétrifié, il contempla cette femme qui avançait sur le chemin, cette femme dont émanait la chaleur qu’il croyait perdue.
 
Malou cherchait des yeux le bateau de Pierrick. Elle ne comprenait plus, ne savait plus. Elle aimait Guillaume, oui. Elle aimait Sacha, pourtant. Elle allait devenir folle tant ses pensées ricochaient entre légèreté et tristesse, exaltation et mélancolie. Toute la palette des sentiments la traversait. Elle vibrait, tendue, écartelée entre eux deux.
Le petit chalutier émergea derrière le Cap Gris-Nez. Malou s’approcha du muret, s’appuya sur le granit, si doux sous ses paumes. Soudain, elle les reconnut au loin, trois silhouettes sur le pont, Pierrick à la barre,  Guillaume et Sacha ensemble, relevant le filet, comme si tout était normal, comme si aimer deux hommes pouvait être simple.
 
Elle le frôlait à présent. Elle rayonnait de tant d’émotions, il en fut étourdi. L’amour, l’angoisse, l’incompréhension, la colère et l’attente, tout le pénétra alors qu’elle se penchait vers le large. Il ferma les yeux, huma profondément, respira son odeur, il avait oublié ce qu’était l’odeur, l’odeur douce et sucrée et amère de l’amour. Il rouvrit vite les paupières, paniqué à l’idée de ne plus voir ses couleurs. Mais non. Elle fronça les sourcils, puis sourit, leva un bras et adressa un grand signe vers l’eau. Son sourire… Il sentit une onde de bonheur le parcourir, des sanglots aussi, des larmes de soulagement et de délivrance. Il l’avait trouvée... Il se pencha doucement, tout doucement vers son visage, pressa sa tempe contre la sienne, approcha sa bouche de son oreille, émerveillé, chuchota quelques mots, les yeux clos.
 
Sur le bateau, les deux hommes la virent, lui retournèrent son salut. Elle imagina que le vent portait leurs rires jusqu’à ses oreilles, entendit la musique de ce rire, de ce bonheur à venir. Un souffle rassurant, la promesse que tout irait bien. Malou, apaisée, lumineuse, s’abandonna alors au serment tacite.