La paix des laids

La paix des laids.

J’ai rêvé cet instant du désir aboli
Où le sexe piteux pour toujours s’amollit.
Ah, s’affranchir enfin
Du besoin de vos corps,
De l’envie des parfums
Dont je m’enivre encor.

A vos jambes promis en leur fourche caudine,
Mon caudal appendice, affligeante badine,
Ne vous faisant gémir,
Ni la vue de vos culs
Me donnant à frémir,
Alors, j’aurai vaincu

La chimère des sens, rescapé de ce gouffre
Où le vivant s’épuise et gesticule et souffre.
Dois-je attendre la mort
Pour qu’arrive le temps
Où cette chair s’endort,
Où mon ventre haletant

S’abstiendra de ramper sur un autre qui bée
Au motif d’une fièvre si vite tombée ?
Savourer la victoire
De ma bite arrachée
Aux lascives mâchoires
D’une femme fâchée !

Lui dire ma chérie, mon ultime beauté,
Que bénie soit la nuit où ton Dieu m’a ôté,
Tandis que je dormais,
Toute idée de la baise,
Car je puis désormais
Être moche à mon aise.

J'aime beaucoup cette version revisitée du repos du guerrier si peu politiquement correcte ...euh je veux dire si peu cul...turellement correcte...Belle mise en bouche de mots parfaitement assortis pour célébrer une désirable perte d'appétit !

je te remercie, chère Rebecca, de ton aimable et spirituel commentaire. Dois-je noter, après un embrasement soudain et prometteur, une accalmie morphinique de la fréquentation du site, à moins que ma production littéraire ne devienne ennuyeuse…il est vrai que la poésie classique ne trouve plus grâce aux yeux et au cœur de nos amis. Bah, « sic transit gloria mubdi » comme disait Jules qui savait de quoi il causait.

Juliette ( Gréco, of course) chantait me semble-t-il quelque chose d'approchant " le désir charmant de devenir vieille".
J'ai beaucoup aimé le choc de la forme classique et du vocabulaire (rageur ?) cru ou plutôt
mi cru : bite, cul, baise
mi cuit : fourche caudine, caudal appendice
le mélange est détonnant et délectable ! Entre l'ange et la bête, se retrouver homme tout simplement ...et homme de talent !

"Ô poète pompeux, que ta pompe ne cesse",
Rugit la poétesse, "j'ai faim de tes ivresses,
Et sans toi n'ose point montrer ma rime en esse"

Coline D,

Merci de ton appréciation. Je te croyais peu sensible à la rime, mais quand on l'assaisonne de quelques épices, j'observe avec plaisir que tu y reprends gout. C'est pour moi un privilège que d'avoir raviver au seuil de tes vingt ans ton intérêt pour le mi-cru mi-cuit.

Polixène,

Sœur ( frère) ?)de Cassandre
Qu'il est doux de t'entendre
Quand point tes mots n'engendrent
Un théâtre de cendres.