Mais
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Mais
MAIS
*
Elle serait n’importe qui
je la croiserais sur un pont
la perdrais sur un quai
elle me dirait j’ai de l’humour
avec un air bien trop sérieux
je pourrais me moquer d’elle
de ce rire qu’elle retiendrait
d’une façon d’être au monde
un tantinet timide
je lui dirais des mots cochons
puis des je t’aime
puis à nouveau des mots cochons
du regard ô je la saisirais au vol
délicatement
comme on retape une carlingue
comme on dit pute
comme on se cogne un doigt de pied
elle serait
sur trois points précis mon opposée
elle dirait souvent le mot précis
parfois tu manques de toupet
m’assénerait-elle seulement parfois
souvent elle manquerait de prudence
elle me raconterait avec passion
des choses très futiles
puis lassée laisserait choir
quelques mots derrière elle
quelques mots d’un bon sens
qui me glacerait d’effroi
elle m’admirerait
j’admirerais son amour pour moi
mais
peu à peu
de jour en jour
nous commencerions à manquer
d’un détail très précis
que je ne verrais pas
parce que je suis un homme
et que les hommes voient en retard
la nuit tomberait sur nous
tout nous semblerait difficile
elle ferait semblant de dormir
et moi semblant de ne pas le savoir
nous ferions semblant pour la gloire
pour la beauté du geste
pour
le panache et pour le reste
l’appétit ne viendrait plus
il n’y aurait plus ni je t’aime
ni mots cochons
elle me dirait tu ne me fais plus rire
je lui dirais je ne plaisante pas
elle grifferait ma joue ses traits
se déformeraient soudain
je serrerais son cou
puis nous ferions l’amour
une dernière fois
par pure envie de meurtre
pour marquer l’autre à vie
le matin viendrait rien ne serait dit
nous mangerions dans le silence
puis je l’accompagnerais à la gare
il serait précisément midi
un dernier geste une moue gênée dernier regard
et elle serait partie
je ne devrais plus la revoir
plus jamais
et alors sur ce quai pour moi pour ma fierté
à cet instant précis
tu serais n’importe qui
*
*
Elle serait n’importe qui
je la croiserais sur un pont
la perdrais sur un quai
elle me dirait j’ai de l’humour
avec un air bien trop sérieux
je pourrais me moquer d’elle
de ce rire qu’elle retiendrait
d’une façon d’être au monde
un tantinet timide
je lui dirais des mots cochons
puis des je t’aime
puis à nouveau des mots cochons
du regard ô je la saisirais au vol
délicatement
comme on retape une carlingue
comme on dit pute
comme on se cogne un doigt de pied
elle serait
sur trois points précis mon opposée
elle dirait souvent le mot précis
parfois tu manques de toupet
m’assénerait-elle seulement parfois
souvent elle manquerait de prudence
elle me raconterait avec passion
des choses très futiles
puis lassée laisserait choir
quelques mots derrière elle
quelques mots d’un bon sens
qui me glacerait d’effroi
elle m’admirerait
j’admirerais son amour pour moi
mais
peu à peu
de jour en jour
nous commencerions à manquer
d’un détail très précis
que je ne verrais pas
parce que je suis un homme
et que les hommes voient en retard
la nuit tomberait sur nous
tout nous semblerait difficile
elle ferait semblant de dormir
et moi semblant de ne pas le savoir
nous ferions semblant pour la gloire
pour la beauté du geste
pour
le panache et pour le reste
l’appétit ne viendrait plus
il n’y aurait plus ni je t’aime
ni mots cochons
elle me dirait tu ne me fais plus rire
je lui dirais je ne plaisante pas
elle grifferait ma joue ses traits
se déformeraient soudain
je serrerais son cou
puis nous ferions l’amour
une dernière fois
par pure envie de meurtre
pour marquer l’autre à vie
le matin viendrait rien ne serait dit
nous mangerions dans le silence
puis je l’accompagnerais à la gare
il serait précisément midi
un dernier geste une moue gênée dernier regard
et elle serait partie
je ne devrais plus la revoir
plus jamais
et alors sur ce quai pour moi pour ma fierté
à cet instant précis
tu serais n’importe qui
*
Re: Mais
la passion
du regard ô je la saisirais au vol
délicatement
puis l'oubli
à cet instant précis
tu serais n’importe qui
la fragilité de nos rapports tellement vrai
du regard ô je la saisirais au vol
délicatement
puis l'oubli
à cet instant précis
tu serais n’importe qui
la fragilité de nos rapports tellement vrai
So-Back- Nombre de messages : 3652
Age : 100
Date d'inscription : 04/04/2014
Re: Mais
ô, poète, fils du boucher et de la dentelière, tu tiens le siècle entre tes dents, tu déchires et tu secoues puis, d' un regard très doux, tu demandes furtivement "pourquoi tout ça?"...
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Mais
"fils du boucher et de la dentellière"
Au fait, j'adore cette expression, je trouve ça très juste, merci Polixène.
Au fait, j'adore cette expression, je trouve ça très juste, merci Polixène.
Re: Mais
Les longs poèmes me font toujours un peu peur. Je ne m'y risque qu'en renaclant. Ici, ma réticence a été rapidement vaincue. Il y a un début, une acmé et une fin, Bref une histoire. Il y a chez tous lecteurs de poésie, un enfant qui sommeille. Aussi, quand il se réveille à la lecture d'un poème, c'est que celui-ci est manifestement réussi. L'affaire est menée tambour battant, je veux dire avec rythme et la geste (le mot est pompeux !) Et convaincante… du quai au lit et du lit au quai. En un mot, ce poème me botte (le mot est cavalier).
HELLION- Nombre de messages : 477
Age : 74
Date d'inscription : 19/08/2017
Re: Mais
J'ai beaucoup aimé ce poème qui se referme en une boucle, une histoire racontée en raccourci avec sa passion et sa violence dans un style qui m'évoque un peu Prévert. Une histoire qui pourrait, qui aurait pu. Tout est fluide et bien vu, très réussi pour moi.
demi-lune- Nombre de messages : 795
Age : 63
Localisation : Tarn
Date d'inscription : 07/11/2009
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