histoires d'image 1
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'toM
seyne
Floralyre
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histoires d'image 1
J'ai repris le projet de recueil dont je vous avais fait lire des petits textes nommés "focale", écrits à partir de photographies d'H. Cartier Bresson. J'ai eu envie de prolonger l'expérience en écrivant pour chacun une version "poésie", en vers de 8 mots. Voici le premier :
couverture (pour chaque texte j'ai indiqué la place dans le livre)
A la fin on s’est tous retrouvés sur la terrasse couverte. Les deux garçons silencieux, assis sur sur le rebord de pierre, genoux pliés ; les deux hommes qui parlaient de pêche, d’un certain endroit de la rivière propice ; et les deux chiens qui se tournaient autour.
Nous, les deux filles adossées à la même fine colonne, on avait bu toute l’eau de la bouteille.
Personne ne se regardait. La chaleur était encore forte, le soleil faisait une ligne au bord, on ne se décidait pas à rentrer.
On suivait des yeux les ombres des peupliers, qui semblaient fuir leurs troncs si droits vers la courbe de la colline. Ma peur était tombée depuis longtemps mais je sentais encore en moi les vibrations. Les autres ne savaient rien de ce qui m’était arrivé en début d’après-midi, et je n’avais pas envie d’en parler. J’avais seulement envie d’être avec eux, d’être ensemble.
....
Le toit s’avance sur nos fronts,
protège du ciel éclatant nos yeux ; la
lumière atténuée emplit de douceur cet espace
couvert que nous partageons avec deux garçons
deux hommes et leurs deux chiens flairant.
Adossées à la fine colonne, petite amie
nos bras d'enfants dessinaient des récits
nos mains fines signaient l’air tiède
l’été ancien semblait s’être endormi.
couverture (pour chaque texte j'ai indiqué la place dans le livre)
A la fin on s’est tous retrouvés sur la terrasse couverte. Les deux garçons silencieux, assis sur sur le rebord de pierre, genoux pliés ; les deux hommes qui parlaient de pêche, d’un certain endroit de la rivière propice ; et les deux chiens qui se tournaient autour.
Nous, les deux filles adossées à la même fine colonne, on avait bu toute l’eau de la bouteille.
Personne ne se regardait. La chaleur était encore forte, le soleil faisait une ligne au bord, on ne se décidait pas à rentrer.
On suivait des yeux les ombres des peupliers, qui semblaient fuir leurs troncs si droits vers la courbe de la colline. Ma peur était tombée depuis longtemps mais je sentais encore en moi les vibrations. Les autres ne savaient rien de ce qui m’était arrivé en début d’après-midi, et je n’avais pas envie d’en parler. J’avais seulement envie d’être avec eux, d’être ensemble.
....
Le toit s’avance sur nos fronts,
protège du ciel éclatant nos yeux ; la
lumière atténuée emplit de douceur cet espace
couvert que nous partageons avec deux garçons
deux hommes et leurs deux chiens flairant.
Adossées à la fine colonne, petite amie
nos bras d'enfants dessinaient des récits
nos mains fines signaient l’air tiède
l’été ancien semblait s’être endormi.
Re: histoires d'image 1
J'aime beaucoup la juxtaposition des deux textes, la manière dont chacun m'évoque une histoire différente mais avec les mêmes visualisations d'images, le contraste entre le contexte plus large dans lequel s'inscrit le premier et le deuxième complètement suspendu dans le temps. J'aime beaucoup aussi le rythme dans la version poésie.
Floralyre- Nombre de messages : 33
Age : 31
Date d'inscription : 09/03/2020
Re: histoires d'image 1
Merci Floralyre de ce commentaire qui répond aux questions que je me posais concernant cette idée qui m'est venue d'écrire une version "poésie", à partir de la même image. Je vais continuer.
Les vers "arithmonymes", où on compte les mots, c'est une forme qui semble un peu stupide, ou en tout cas on voit mal au début ce que cela peut apporter, sinon une contrainte, un travail. Mais étrangement, cela apporte un jeu dans le rythme, quelque chose de cahotant ou de suspendu qui est pour moi très poétique.
Les vers "arithmonymes", où on compte les mots, c'est une forme qui semble un peu stupide, ou en tout cas on voit mal au début ce que cela peut apporter, sinon une contrainte, un travail. Mais étrangement, cela apporte un jeu dans le rythme, quelque chose de cahotant ou de suspendu qui est pour moi très poétique.
Re: histoires d'image 1
p 13
Le vendeur de pommes a un mouchoir blanc noué autour du cou, c’est un pauvre homme. Il attend tout le jour à côté de son panier, les légumes sont de l’autre côté. Il a plusieurs espèces d’arbres dans son verger, m’a-t-il expliqué, qui produisent de juillet à novembre...et il y a les pommes de garde qu’on met au cellier, qui lentement se chargent en sucre, jusqu’en janvier.
Ce matin je suis passée et j’ai voulu parler encore avec lui, mais il semblait étrange. Il avait un regard fuyant, hanté. Il m’a dit qu’il avait eu « une crise », hier soir. Il avait vu un homme qui autrefois lui avait fait du mal, dont il rêvait parfois. Mais hier cet homme était vraiment là, dans la boutique, à le regarder sans rien dire, puis il était parti.
Je suis revenue ce soir en rentrant du travail. Il s’était endormi contre son panier. Juste à côté de lui, sur le mur, un petit garçon dessinait à la craie un personnage, un homme avec un chapeau, aux yeux écarquillés.
Je le connais cet enfant, il traîne tout le temps, avec son visage maigre et son regard trop profond, ses yeux cernés.
Il marche dans le territoire du rêve
il a plongé profond dans le sommeil
et respire l'odeur familière des pommes -
il va, au bord du fleuve étranger.
L'eau est jaune comme l'odeur miellée
des pommes. Ici, il est sourd et
aveugle, la tête renversée, les yeux clos.
Ailleurs, au bord du fleuve il marche
les yeux grand ouverts, le regard braqué.
Le vendeur de pommes a un mouchoir blanc noué autour du cou, c’est un pauvre homme. Il attend tout le jour à côté de son panier, les légumes sont de l’autre côté. Il a plusieurs espèces d’arbres dans son verger, m’a-t-il expliqué, qui produisent de juillet à novembre...et il y a les pommes de garde qu’on met au cellier, qui lentement se chargent en sucre, jusqu’en janvier.
Ce matin je suis passée et j’ai voulu parler encore avec lui, mais il semblait étrange. Il avait un regard fuyant, hanté. Il m’a dit qu’il avait eu « une crise », hier soir. Il avait vu un homme qui autrefois lui avait fait du mal, dont il rêvait parfois. Mais hier cet homme était vraiment là, dans la boutique, à le regarder sans rien dire, puis il était parti.
Je suis revenue ce soir en rentrant du travail. Il s’était endormi contre son panier. Juste à côté de lui, sur le mur, un petit garçon dessinait à la craie un personnage, un homme avec un chapeau, aux yeux écarquillés.
Je le connais cet enfant, il traîne tout le temps, avec son visage maigre et son regard trop profond, ses yeux cernés.
Il marche dans le territoire du rêve
il a plongé profond dans le sommeil
et respire l'odeur familière des pommes -
il va, au bord du fleuve étranger.
L'eau est jaune comme l'odeur miellée
des pommes. Ici, il est sourd et
aveugle, la tête renversée, les yeux clos.
Ailleurs, au bord du fleuve il marche
les yeux grand ouverts, le regard braqué.
Re: histoires d'image 1
Utile de mettre les deux en vis à vis. Si je retrouve cette forme de transe dans la poésie, elle reste "étrange" sans la hantise du marchand à la vue de l'homme.
Avec ces juxtapositions du temps qui ressortent, entre ce qu'il vit, ce qu'il dit de son passé, cette apparition de l'enfance mais dont le dessin le ramène -pour moi- à cet homme. La force du texte court. Le poème je le vois comme une illustration. C'est marrant comment partir d'une photo, vers un texte, vers un poème, vers une illustration...
Avec ces juxtapositions du temps qui ressortent, entre ce qu'il vit, ce qu'il dit de son passé, cette apparition de l'enfance mais dont le dessin le ramène -pour moi- à cet homme. La force du texte court. Le poème je le vois comme une illustration. C'est marrant comment partir d'une photo, vers un texte, vers un poème, vers une illustration...
'toM- Nombre de messages : 278
Age : 68
Date d'inscription : 10/07/2014
Re: histoires d'image 1
Sur la photo, il y a seulement l'homme endormi avec ses pommes et le dessin à la craie au-dessus de lui sur le mur.
Ce sont les yeux écarquillés du dessin qui m'ont suggéré la hantise, et un enfant avait été là pour le tracer.
Ce sont les yeux écarquillés du dessin qui m'ont suggéré la hantise, et un enfant avait été là pour le tracer.
Re: histoires d'image 1
p 15
La vieille maison s’est effondrée pendant la nuit, toute seule ; il ne reste qu’un bout de façade encadrant la porte, et des amas de briques derrière.
Les voisins dormaient et ne se sont pas réveillés, il est vrai que les maisons habitées les plus proches sont au moins à trente mètres. Tout autour d’elle il n’y a plus que des terrains vagues, elle était seule encore debout, avec sa grande ouverture bouchée par de la tôle.
La poussière est retombée dans la nuit noire, lentement, sans personne pour la voir, et ce matin elle poudre tous les abords, le trottoir inégal, les buttes de terre où poussent des touffes. L’enfant voit sa soeur et deux copines passer devant lui - elles ne le voient pas, il est assis dans un recoin, de l’autre côté de la rue. Hier encore, il était entré dans la maison pour nourrir le jeune merle, se faufilant entre la tôle et l’embrasure de la porte. L’oiseau commençait à reprendre des forces, dans sa boîte à chaussures. Il n’ose pas trop aller voir.
Corps d’enfants en mouvement, dans les
ruines. Petites jambes, voix aiguës, manteaux gris.
Comme oiseaux sans ailes habitant l’air
leurs trajets effleurent les murs sans toit
les maisons sans intérieur, les choses informes.
Ils explorent, ajustés à ce monde presque englouti.
Derrière les murets effondrés ils trouvent, chercheurs
sans regrets les vestiges, les objets survivants.
La vieille maison s’est effondrée pendant la nuit, toute seule ; il ne reste qu’un bout de façade encadrant la porte, et des amas de briques derrière.
Les voisins dormaient et ne se sont pas réveillés, il est vrai que les maisons habitées les plus proches sont au moins à trente mètres. Tout autour d’elle il n’y a plus que des terrains vagues, elle était seule encore debout, avec sa grande ouverture bouchée par de la tôle.
La poussière est retombée dans la nuit noire, lentement, sans personne pour la voir, et ce matin elle poudre tous les abords, le trottoir inégal, les buttes de terre où poussent des touffes. L’enfant voit sa soeur et deux copines passer devant lui - elles ne le voient pas, il est assis dans un recoin, de l’autre côté de la rue. Hier encore, il était entré dans la maison pour nourrir le jeune merle, se faufilant entre la tôle et l’embrasure de la porte. L’oiseau commençait à reprendre des forces, dans sa boîte à chaussures. Il n’ose pas trop aller voir.
Corps d’enfants en mouvement, dans les
ruines. Petites jambes, voix aiguës, manteaux gris.
Comme oiseaux sans ailes habitant l’air
leurs trajets effleurent les murs sans toit
les maisons sans intérieur, les choses informes.
Ils explorent, ajustés à ce monde presque englouti.
Derrière les murets effondrés ils trouvent, chercheurs
sans regrets les vestiges, les objets survivants.
Re: histoires d'image 1
Tellement sensible à la forme italique en vers
compteuse conteuse de mots
7 mots par vers de 9 vers par texte / pervers Nevers
je les sens si puissants que la prose s'efface à leur profit
par la contrainte tu touches une forme qui t'invite à l'économie
- elliptique - relevant ou révélant l'essence poétique des mots
la mise en miroir reflet opposition prend sens
je kiffe
compteuse conteuse de mots
7 mots par vers de 9 vers par texte / pervers Nevers
je les sens si puissants que la prose s'efface à leur profit
par la contrainte tu touches une forme qui t'invite à l'économie
- elliptique - relevant ou révélant l'essence poétique des mots
la mise en miroir reflet opposition prend sens
je kiffe
Pussicat- Nombre de messages : 4841
Age : 56
Localisation : France
Date d'inscription : 17/02/2012
Re: histoires d'image 1
oui, merci Pussicat, tu mets la griffe dessus...je suis incapable de dire en quoi cette contrainte apporte une forme de magie, mais je le ressens ainsi.
Re: histoires d'image 1
P 17
On visitait New York. On avait l’impression d’avoir tout vu ou presque. L’étonnante ville, prise dans tous ses bras de fleuves, avec ces ponts sans fin qui se lançaient au-dessus, les tours crénelant le ciel, et comme une porte invisible grand-ouverte sur l’océan miroitant, ses îles, sa Statue. On avait parcouru les rues pleines d’arbres des vieux quartiers, pris des ascenseurs interminables, vu des panoramas où la brume atténuait de tous côtés l’horizon. On avait mangé grec, italien et russe.
En cette fin d’après-midi je l’ai laissé à l’hôtel, et j’ai pris le métro vers un coin de la ville encore non exploré. Dès la sortie, débouchant dans la rue, j’ai compris qu’il n’y aurait rien d’admirable à voir là. Une atmosphère de pauvreté et de désoeuvrement, des gens qui me regardaient passer depuis leurs portes. La crasse, et les célèbres escaliers extérieurs en métal, noirs sur le ciel blanc. Je marchais vite comme si j’allais quelque part, traversant rue après rue, mais intéressée.
C’est là que je l’ai vu : assis sur la bordure du trottoir, les fesses en équilibre, dans la rue étroite. Il parlait - comme on parle à quelqu’un - à un chaton pelotonné en face de lui, qui écoutait. J’ai suspendu mon pas une seconde, il m’a jeté un coup d’œil, le chaton a déguerpi.
Je suis repartie, emportant avec moi l’empreinte hostile de son regard.
Il parle pour tous ceux qui veulent
l’entendre, chats des rebords de caves,
pigeons gras miroitants, et même les passants
ses frères, bien qu’ils n’écoutent
presque rien. Il leur parle avec colère
de l’état du monde... Le chaton
s’est assis pour le regarder mieux,
alors il se penche, assis au bord
du trottoir, l’interroge sur sa vie.
On visitait New York. On avait l’impression d’avoir tout vu ou presque. L’étonnante ville, prise dans tous ses bras de fleuves, avec ces ponts sans fin qui se lançaient au-dessus, les tours crénelant le ciel, et comme une porte invisible grand-ouverte sur l’océan miroitant, ses îles, sa Statue. On avait parcouru les rues pleines d’arbres des vieux quartiers, pris des ascenseurs interminables, vu des panoramas où la brume atténuait de tous côtés l’horizon. On avait mangé grec, italien et russe.
En cette fin d’après-midi je l’ai laissé à l’hôtel, et j’ai pris le métro vers un coin de la ville encore non exploré. Dès la sortie, débouchant dans la rue, j’ai compris qu’il n’y aurait rien d’admirable à voir là. Une atmosphère de pauvreté et de désoeuvrement, des gens qui me regardaient passer depuis leurs portes. La crasse, et les célèbres escaliers extérieurs en métal, noirs sur le ciel blanc. Je marchais vite comme si j’allais quelque part, traversant rue après rue, mais intéressée.
C’est là que je l’ai vu : assis sur la bordure du trottoir, les fesses en équilibre, dans la rue étroite. Il parlait - comme on parle à quelqu’un - à un chaton pelotonné en face de lui, qui écoutait. J’ai suspendu mon pas une seconde, il m’a jeté un coup d’œil, le chaton a déguerpi.
Je suis repartie, emportant avec moi l’empreinte hostile de son regard.
Il parle pour tous ceux qui veulent
l’entendre, chats des rebords de caves,
pigeons gras miroitants, et même les passants
ses frères, bien qu’ils n’écoutent
presque rien. Il leur parle avec colère
de l’état du monde... Le chaton
s’est assis pour le regarder mieux,
alors il se penche, assis au bord
du trottoir, l’interroge sur sa vie.
Re: histoires d'image 1
La peinture au couteau, -qui taille dans le vif de l'existence- de ces deuxièmes versions est un véritable bonheur.
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: histoires d'image 1
Envisages-tu leur publication?
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: histoires d'image 1
Si je ne me trompe, il n'est pas possible d'accéder à l'image. Le texte ayant vocation à répondre à la photo comme s'il s'en dégageait un scénario, je regrette de ne pas pouvoir m'y frotter. Aurais-tu la gentillesse de tout simplement nous donner un lien ?
HELLION- Nombre de messages : 477
Age : 74
Date d'inscription : 19/08/2017
Re: histoires d'image 1
bonjour Polixène, bonjour Hellion.
J'ai bien fini de le travailler, ce recueil et je vais me mettre en quête d'un éditeur, oui.
L'image, je l'ai cherchée sur le web, je n'arrive pas à poster le lien. Si vous tapez sur google "Henry Cartier Bresson : l'homme au chat", vous obtenez une série de photos et c'est la 5ème, très proche de la description que j'en ai faite.
J'ai bien fini de le travailler, ce recueil et je vais me mettre en quête d'un éditeur, oui.
L'image, je l'ai cherchée sur le web, je n'arrive pas à poster le lien. Si vous tapez sur google "Henry Cartier Bresson : l'homme au chat", vous obtenez une série de photos et c'est la 5ème, très proche de la description que j'en ai faite.
Re: histoires d'image 1
non, ce n'est pas celle-ci, c'est la suivante, prise dans une rue très étroite à New York.
Re: histoires d'image 1
on voit un petit bout de ciel
moment de solitude ou de réconfort avec le chat
moment de solitude ou de réconfort avec le chat
So-Back- Nombre de messages : 3652
Age : 100
Date d'inscription : 04/04/2014
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