Maki Tentation
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Maki Tentation
Je regardais les tranches de saumon comme si elles allaient me sauver la vie. Pas que j’étais un putain d’expert en cuisine, mais y’avait cette idée, ce truc dans ma tête : rouler des makis, foutre le poisson bien enroulé dans l’algue et faire semblant que ça avait un sens. Je n’avais pas encore bougé, juste une pensée fugace pour les baguettes que j’allais utiliser, et cette voix est tombée sur moi.
— Excuse-moi, je peux te parler une seconde ?
Je lève la tête. Une femme. Asiatique, le genre fine mais avec des hanches comme une claque au visage, tu vois ? Pas trop maquillée, une robe qui disait : "J’en ai rien à foutre", mais elle savait qu'elle était jolie, usée mais jolie.
—Oui...
Elle s’approche, je goute son odeur. Un parfum de fleurs avec quelque chose de plus sale, un truc qui rampe sous la surface.
—Tu aimes les sushis, les roulés ?
Un rire m’échappe, amer, comme si elle avait sorti la blague du siècle.
—Les makis, tu veux dire ?
Elle hocha la tête, et là, elle sort son téléphone. Elle se rapproche encore, nos bras se frôlent. Son parfum devient plus fort, ça me prend aux tripes. Elle fait défiler des photos sur son écran, des rouleaux de maki bien alignés, parfaits.
—Trois euros le rouleau de maki, quatre pour les California rolls.
Elle parlait vite, trop vite. Pas juste pour vendre ces putains de sushis. Elle avait besoin de quelque chose.
— Tu vois, en vrai, mon copain travaille dans un restau et...
Je termine sa phrase, sans même y réfléchir.
—Il te ramène les invendus.
Elle hoche la tête, un petit sourire sur ses lèvres.
— C'est ça, et tu vois, je veux pas faire de gâchis. Des fois, j'en distribue, mais j’ai pas que ça à faire, tu comprends...
— Ouais, je capte.
Elle rit, un peu… On échange nos numéros. Elle éclate de rire.
—Bon, je dois aller chercher un truc sans gluten...
Elle bifurque, direction le rayon bio. Je la regarde s’éloigner, mais mes jambes décident de la suivre sans même que je réfléchisse.
Je m’approche d’elle, baissant un peu la voix, comme pour lui raconter un secret.
—Tu sais quoi ? J’ai plein de trucs sans gluten à la maison...
Ses yeux se plissent légèrement, curieuse.
— Comment ça se fait ?
Je souris.
— J’ai pillé un magasin bio abandonné pendant une semaine... J’ai fait le plein, tu peux même pas imaginer. J’ai même de la lessive bio, putain, t’y crois à ça ? Des spaghettis de quinoa ! »
Elle éclate de rire.
— T’es un vrai malade, toi !
Je continue, un sourire en coin.
— Hé, t’as encore rien vu...
Elle secoue la tête, toujours amusée, mais son regard se fait un peu plus grave.
—En fait, j’avais tout le temps mal au ventre, tu vois ? J’ai fait des analyses, des tests, une coloscopie... Enfin, tout ça pour comprendre que j’étais allergique au gluten.
Elle soupire, haussant légèrement les épaules.
—Ouais, c’est con tout ça…
Je la regardais, et elle continuait de parler. Son débit rapide et nerveux comme un moteur qui tourne à vide.
—En vrai, là, j’en ai marre. Je me sens seule, je me fais chier. Mon copain, il bosse toute la journée et dès qu’il rentre, il fume. Il reste dans son coin, m’ignore. Je suis devenue un putain de fantôme. »
—Pourquoi ? Il est fatigué ? Il fume beaucoup ?
—Non non...
— Et puis moi, je peux pas trop parler, je picole un peu...
Elle fit une pause, hésitante, puis lâcha d’un coup :
— Non, moi je prends de la Cc, alors tu vois...
Je la regarde, un peu pris de court.
— Ah ouais, ça se voit, t’es speed, j’avoue...
Elle sourit, presque avec tristesse.
— Mais moi, ce qui me manque, c’est les câlins. L’affection, tu vois. J’ai besoin d’amour... Je suis pas là juste pour faire le ménage et vider les couilles de monsieur quand il en a besoin !
Elle me dit ça droit dans les yeux, dans ce rayon où un paquet de pâtes coûtait quatre euros les cinq cents grammes. Elle était en colère… Ses yeux brillaient, humides.
— J’aime les peaux douces, j’ai besoin de toucher, de sentir ça, tu vois ? Je veux jouer cache-cache à poil et qu’il me trouve nue dans le lit tu vois…Vraiment, je vais craquer, j’en peux plus…Je vais rentrer à Bordeaux si ça continu comme ça…
Je pouvais voir ce feu au fond d’elle, cette détresse. Et moi, là, à l’écouter, je sentais le gouffre de ma propre solitude s'ouvrir un peu plus. J’avais tout perdu, tout quitté. Plus rien ne me retenait nulle part. Isolé, cramponné à des mots, à la musique, et à quelques bières pour tenir le coup. En attendant quoi ? Qu’une autre âme vienne exploser ma vie en mille morceaux.
Elle parlait toujours, mais je ne l’entendais plus vraiment. Ses fines lèvres rouges vermillon s’ouvraient se fermaient… Tout ce que je voulais, c’était la plaquer contre ces gâteaux sans sucre, sans farine, sans gluten, sans rien, et lui fourrer ma langue dans la bouche pour goûter son âme, ma collé à elle, lui faire sentir ma fougue… pour lui faire sentir tout ce que je n’arrivais pas à dire avec des mots. Une étreinte bio, bonne pour la santé et gratuite.
— Hé, t’es là ou tu t’es barré dans le cosmos ?
Je secoue la tête, revenant à la réalité.
—Ouais, ouais, désolé. J'suis là...
— J’ai besoin de liquide vaisselle.
Elle me regardait, hésitante.
— Allez, on y va.
Cette petite sensation de ne plus être seul. Marcher à côté de quelqu’un, même si c’est juste pour du liquide vaisselle... c’était divin. Presque irréel. Je la suivais, mais elle partait dans l'autre sens. Putain, elle n'allait même pas dans le bon rayon.
— Qu’est-ce que tu fais ? C’est par là.
Elle se retourne, un sourire en coin.
— Ok, ok, je te suis. Ma parole, tu connais le magasin par cœur. »
Je hausse les épaules.
—Quel parfum t’as pris pour ton liquide vaisselle ?
— Citron.
— Propre.
— Il me faut aussi de la lessive. D’habitude, je la prends à Action, mais là, j’ai pas le choix. La Dash à trois euros, tu l’as déjà vue ? Regarde ici, cinq euros !
Elle s'agite, frénétique. Je secoue la tête.
—Attends, attends, mate ça. » Je descends le rayon, attrape un bidon en bas. « La moins chère du monde. Deux euros.
Elle dévisse le bouchon, renifle.
— Putain, elle est bonne... t’as presque envie de la boire !
Je souris, l’air de rien.
— De nada. »
On traînait encore un peu dans le magasin, l’air de rien, comme si on avait tout le temps du monde. Puis, direction les caisses. Pas grand monde. Une chance.
Je paye mes trucs en premier.
— Et tu as la carte fidélité Intermarché ?
Je la regarde, un peu surpris.
— Non... m’en fous un peu de ça.
Elle secoue la tête, l’air faussement outré.
— T’es con, tu devrais la faire, tu ferais des économies !
Elle me dit ça comme si elle me filait un tuyau en bourse, du genre à me faire des millions.
— Bon, ok, ok. Je me tourne vers la caissière. Madame, je voudrais faire la carte fidélité Intermarché.
Elle éclate de rire, fière d’elle, puis paye ses trucs à son tour. On se retrouve devant la borne où je dois entrer mes infos pour l’inscription. Pendant que je tape, elle sort son téléphone et me le colle sous le nez.
— Regarde ma fille. Elle sourit, un brin d'orgueil dans la voix. C’est une Chinoir, moitié Chine, moitié Noire.
Je pars dans un fou rire.
—Chinoir, sérieux ?
La gamine devait avoir une vingtaine d’années déjà.
—Tu l’as eue jeune, non ?
— Ouais, je vais être grand-mère...
— Ah ouais, le bordel ! T’as pas l’air si vieille pourtant...
Elle sourit, satisfaite. « Je sais, je sais... encore heureux.
—C’est quoi ton prénom au faite, j’ai zappé ?
—Julia et toi ?
—Mo…
La carte était prête. On sort du magasin ensemble.
— Moi j’habite là, tu vois. Juste à gauche. Si tu veux, tu viens, je te montre les sushis, les makis...
Je fais une pause. Un corbeau croasse quelque part, ou peut-être que je deviens dingue. Elle est là, les mains dans le dos, avec cette petite lueur d'espoir dans ses yeux, persuadée que je vais la suivre, comme tous ces connards avant moi. Que je vais sauter à pied joints dans ses sables mouvant.
Ho…Mon tendre sashimi, j’ai déjà donné, tout donné. Je me retrouve à peine à flot, les cicatrices encore fraîches. Pas question de replonger dans ce merdier. Ce n’est qu’un humain, faillible, cherchant peut-être aussi un peu d’amour. Mais merde, je ne peux pas me laisser entraîner. Pas encore. Pas cette fois. Je respire, je fais le tri, et j’essaie de ne pas laisser ce vide me consumer.
—Y a de la bière aussi, si tu veux...
—Ok, allons-y.
Après tout, qu’est-ce que je risque ? J’ai une carte de fidélité Intermarché.
— Excuse-moi, je peux te parler une seconde ?
Je lève la tête. Une femme. Asiatique, le genre fine mais avec des hanches comme une claque au visage, tu vois ? Pas trop maquillée, une robe qui disait : "J’en ai rien à foutre", mais elle savait qu'elle était jolie, usée mais jolie.
—Oui...
Elle s’approche, je goute son odeur. Un parfum de fleurs avec quelque chose de plus sale, un truc qui rampe sous la surface.
—Tu aimes les sushis, les roulés ?
Un rire m’échappe, amer, comme si elle avait sorti la blague du siècle.
—Les makis, tu veux dire ?
Elle hocha la tête, et là, elle sort son téléphone. Elle se rapproche encore, nos bras se frôlent. Son parfum devient plus fort, ça me prend aux tripes. Elle fait défiler des photos sur son écran, des rouleaux de maki bien alignés, parfaits.
—Trois euros le rouleau de maki, quatre pour les California rolls.
Elle parlait vite, trop vite. Pas juste pour vendre ces putains de sushis. Elle avait besoin de quelque chose.
— Tu vois, en vrai, mon copain travaille dans un restau et...
Je termine sa phrase, sans même y réfléchir.
—Il te ramène les invendus.
Elle hoche la tête, un petit sourire sur ses lèvres.
— C'est ça, et tu vois, je veux pas faire de gâchis. Des fois, j'en distribue, mais j’ai pas que ça à faire, tu comprends...
— Ouais, je capte.
Elle rit, un peu… On échange nos numéros. Elle éclate de rire.
—Bon, je dois aller chercher un truc sans gluten...
Elle bifurque, direction le rayon bio. Je la regarde s’éloigner, mais mes jambes décident de la suivre sans même que je réfléchisse.
Je m’approche d’elle, baissant un peu la voix, comme pour lui raconter un secret.
—Tu sais quoi ? J’ai plein de trucs sans gluten à la maison...
Ses yeux se plissent légèrement, curieuse.
— Comment ça se fait ?
Je souris.
— J’ai pillé un magasin bio abandonné pendant une semaine... J’ai fait le plein, tu peux même pas imaginer. J’ai même de la lessive bio, putain, t’y crois à ça ? Des spaghettis de quinoa ! »
Elle éclate de rire.
— T’es un vrai malade, toi !
Je continue, un sourire en coin.
— Hé, t’as encore rien vu...
Elle secoue la tête, toujours amusée, mais son regard se fait un peu plus grave.
—En fait, j’avais tout le temps mal au ventre, tu vois ? J’ai fait des analyses, des tests, une coloscopie... Enfin, tout ça pour comprendre que j’étais allergique au gluten.
Elle soupire, haussant légèrement les épaules.
—Ouais, c’est con tout ça…
Je la regardais, et elle continuait de parler. Son débit rapide et nerveux comme un moteur qui tourne à vide.
—En vrai, là, j’en ai marre. Je me sens seule, je me fais chier. Mon copain, il bosse toute la journée et dès qu’il rentre, il fume. Il reste dans son coin, m’ignore. Je suis devenue un putain de fantôme. »
—Pourquoi ? Il est fatigué ? Il fume beaucoup ?
—Non non...
— Et puis moi, je peux pas trop parler, je picole un peu...
Elle fit une pause, hésitante, puis lâcha d’un coup :
— Non, moi je prends de la Cc, alors tu vois...
Je la regarde, un peu pris de court.
— Ah ouais, ça se voit, t’es speed, j’avoue...
Elle sourit, presque avec tristesse.
— Mais moi, ce qui me manque, c’est les câlins. L’affection, tu vois. J’ai besoin d’amour... Je suis pas là juste pour faire le ménage et vider les couilles de monsieur quand il en a besoin !
Elle me dit ça droit dans les yeux, dans ce rayon où un paquet de pâtes coûtait quatre euros les cinq cents grammes. Elle était en colère… Ses yeux brillaient, humides.
— J’aime les peaux douces, j’ai besoin de toucher, de sentir ça, tu vois ? Je veux jouer cache-cache à poil et qu’il me trouve nue dans le lit tu vois…Vraiment, je vais craquer, j’en peux plus…Je vais rentrer à Bordeaux si ça continu comme ça…
Je pouvais voir ce feu au fond d’elle, cette détresse. Et moi, là, à l’écouter, je sentais le gouffre de ma propre solitude s'ouvrir un peu plus. J’avais tout perdu, tout quitté. Plus rien ne me retenait nulle part. Isolé, cramponné à des mots, à la musique, et à quelques bières pour tenir le coup. En attendant quoi ? Qu’une autre âme vienne exploser ma vie en mille morceaux.
Elle parlait toujours, mais je ne l’entendais plus vraiment. Ses fines lèvres rouges vermillon s’ouvraient se fermaient… Tout ce que je voulais, c’était la plaquer contre ces gâteaux sans sucre, sans farine, sans gluten, sans rien, et lui fourrer ma langue dans la bouche pour goûter son âme, ma collé à elle, lui faire sentir ma fougue… pour lui faire sentir tout ce que je n’arrivais pas à dire avec des mots. Une étreinte bio, bonne pour la santé et gratuite.
— Hé, t’es là ou tu t’es barré dans le cosmos ?
Je secoue la tête, revenant à la réalité.
—Ouais, ouais, désolé. J'suis là...
— J’ai besoin de liquide vaisselle.
Elle me regardait, hésitante.
— Allez, on y va.
Cette petite sensation de ne plus être seul. Marcher à côté de quelqu’un, même si c’est juste pour du liquide vaisselle... c’était divin. Presque irréel. Je la suivais, mais elle partait dans l'autre sens. Putain, elle n'allait même pas dans le bon rayon.
— Qu’est-ce que tu fais ? C’est par là.
Elle se retourne, un sourire en coin.
— Ok, ok, je te suis. Ma parole, tu connais le magasin par cœur. »
Je hausse les épaules.
—Quel parfum t’as pris pour ton liquide vaisselle ?
— Citron.
— Propre.
— Il me faut aussi de la lessive. D’habitude, je la prends à Action, mais là, j’ai pas le choix. La Dash à trois euros, tu l’as déjà vue ? Regarde ici, cinq euros !
Elle s'agite, frénétique. Je secoue la tête.
—Attends, attends, mate ça. » Je descends le rayon, attrape un bidon en bas. « La moins chère du monde. Deux euros.
Elle dévisse le bouchon, renifle.
— Putain, elle est bonne... t’as presque envie de la boire !
Je souris, l’air de rien.
— De nada. »
On traînait encore un peu dans le magasin, l’air de rien, comme si on avait tout le temps du monde. Puis, direction les caisses. Pas grand monde. Une chance.
Je paye mes trucs en premier.
— Et tu as la carte fidélité Intermarché ?
Je la regarde, un peu surpris.
— Non... m’en fous un peu de ça.
Elle secoue la tête, l’air faussement outré.
— T’es con, tu devrais la faire, tu ferais des économies !
Elle me dit ça comme si elle me filait un tuyau en bourse, du genre à me faire des millions.
— Bon, ok, ok. Je me tourne vers la caissière. Madame, je voudrais faire la carte fidélité Intermarché.
Elle éclate de rire, fière d’elle, puis paye ses trucs à son tour. On se retrouve devant la borne où je dois entrer mes infos pour l’inscription. Pendant que je tape, elle sort son téléphone et me le colle sous le nez.
— Regarde ma fille. Elle sourit, un brin d'orgueil dans la voix. C’est une Chinoir, moitié Chine, moitié Noire.
Je pars dans un fou rire.
—Chinoir, sérieux ?
La gamine devait avoir une vingtaine d’années déjà.
—Tu l’as eue jeune, non ?
— Ouais, je vais être grand-mère...
— Ah ouais, le bordel ! T’as pas l’air si vieille pourtant...
Elle sourit, satisfaite. « Je sais, je sais... encore heureux.
—C’est quoi ton prénom au faite, j’ai zappé ?
—Julia et toi ?
—Mo…
La carte était prête. On sort du magasin ensemble.
— Moi j’habite là, tu vois. Juste à gauche. Si tu veux, tu viens, je te montre les sushis, les makis...
Je fais une pause. Un corbeau croasse quelque part, ou peut-être que je deviens dingue. Elle est là, les mains dans le dos, avec cette petite lueur d'espoir dans ses yeux, persuadée que je vais la suivre, comme tous ces connards avant moi. Que je vais sauter à pied joints dans ses sables mouvant.
Ho…Mon tendre sashimi, j’ai déjà donné, tout donné. Je me retrouve à peine à flot, les cicatrices encore fraîches. Pas question de replonger dans ce merdier. Ce n’est qu’un humain, faillible, cherchant peut-être aussi un peu d’amour. Mais merde, je ne peux pas me laisser entraîner. Pas encore. Pas cette fois. Je respire, je fais le tri, et j’essaie de ne pas laisser ce vide me consumer.
—Y a de la bière aussi, si tu veux...
—Ok, allons-y.
Après tout, qu’est-ce que je risque ? J’ai une carte de fidélité Intermarché.
Rezkallah- Nombre de messages : 54
Age : 42
Date d'inscription : 21/03/2015
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