Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
+5
outretemps
à tchaoum
mentor
Kilis
Arielle
9 participants
Page 1 sur 1
Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
Dans notre village cinq ou six familles tout au plus se partageaient le petit cimetière paroissial. Chaque année aux alentours de la Toussaint on entendait gravillonner, à pas menus entre les tombes, une poignée de petites vieilles toujours les mêmes. Elles trottinaient entre les "très chers parents" les "inoubliables" et les "bienaimés" qui, au fil du temps et des alliances, les avaient faites toutes plus ou moins cousines… Pas étonnant qu'elles se ressemblent tant avec leur petit arrosoir et leur binette à l'identique!
Ces dernières décennies nous avions vu, comme partout ailleurs, notre population s'enrichir de nouveaux arrivants. Venus de la ville pour la plupart, il s'agissait de jeunes couples avec ou sans enfants, avides de renifler notre air pur et désirant se rincer les poumons et les méninges des miasmes urbains. On mourait peu parmi ces gens-là et sous leurs dalles de granit, nos anciens, rassemblés à l'ombre du clocher, restaient tranquillement entre eux comme seigneurs en leur donjon tandis qu'à leurs pieds s'agitait le petit peuple des vivants.
Et ils s'agitaient joliment les vivants en cette veille d'élections municipales! A la mairie d'abord où on transformait la grande salle des mariages en bureau de vote, l'urne comme un gros aquarium trônant au centre de la table du conseil, l'isoloir coquettement drapé d'un joli tissu à fleurs… Au bistrot, ensuite ou on s'empoignait ferme malgré la liste unique qu'on eut trouvé inconcevable de laisser telle quelle:
- L'Antoine! Plutôt crever, tiens, que de lui faire cadeau d'une seule voix et ma femme et ma belle-mère sont d'accord avec moi pour une fois!
- Et la Martine… Qu'est ce que c'est que ces conneries maintenant? Une bonne femme à la mairie, on aura tout vu. Aux fourneaux la Martine, comme les autres, études ou pas études! La politique c'est une affaire d'hommes!
Et on rayait, et on rayait. A mesure que les pastis et les panachés se succédaient sur le comptoir, la liste qui n'était déjà pas bien longue s'amenuisait, rétrécissait au-delà du raisonnable. Alors on partait d'un grand rire, tous en chœur, autour d'un nom rajouté au feutre rouge, celui du Bébert par exemple, sorte de Diogène sans famille ni vraies ressources, vivant à l'écart avec une tripotée de chats, dans sa vieille caravane derrière le hangar communal. D'autres noms s'ajoutaient, déclenchant chaque fois la même hilarité ou les protestations les plus véhémentes.
On semblait ne s'accorder sérieusement que sur un seul nom. Celui-là avait été l'adjoint de l'ancien maire pendant son dernier mandat et on l'avait vu à l'œuvre aux côtés du vieux Schmidt qui le présentait comme son poulain. Celui-là, si les anciens du cimetière, là-haut, avaient pu donner leur avis, ils l'auraient reconnu comme héritier de leurs valeurs: Petit-fils ou neveu, petit cousin à divers degrés, il avait un lien de parenté avec chacun de nos morts. Christian Valet était un gars du pays et un bon gars, chacun pouvait en témoigner.
Personne ne s'étonna donc de lui voir passer l'écharpe dès le mercredi suivant lors de la première réunion du conseil. Un vin d'honneur suivit, rassemblant, au Bon Chasseur comme il se doit, tous les amis du nouveau maire. Autant dire que les neuf- dixièmes du village se retrouvèrent à "l'Annexe" comme on appelait entre nous le bistrot jouxtant la mairie.
Si l'élection du Christian à la tête de notre commune avait fait la quasi-unanimité de ses administrés, c'est curieusement dans sa propre famille qu'elle avait provoqué le plus d'étonnement.
Des quatre enfants qu'avaient eus les époux Valet, le petit Christian était bien le dernier à qui ils auraient pensé qu'on puisse donner un jour du "Monsieur le Maire" ! Gamin timide et discret, trop sensible au dire de son institutrice, il avait grandi dans l'ombre de son frère aîné. Il partageait l'admiration béate de ses parents pour cet héritier mâle sûr de son droit, toujours prêt à le faire respecter par ses cadets à grands coups de gueule et de brimades variées. Il n'avait pas le goût des études le Damien, la famille désolée avait bien dû admettre qu'il avait trop de sang pour rester à s'étioler sur des bouquins à longueur de journée. Il entra donc à l'atelier, chez Renault, comme l'avait fait son père en son temps, ni plus ni moins. Quant au Christian, un maraîcher qui venait de s'installer dans le coin accepta de le former puis de l'embaucher par la suite s'il donnait satisfaction.
En faisant les marchés avec son patron il s'était trouvé une petite femme douce et délicate comme un bouquet d'anémones. Elle nous avait paru fragile et un peu pâle à nous qui cultivons plutôt la grosse laitue bien pommée mais elle lui avait fait trois beaux enfants qui avaient poussé sans histoires et commençaient à voler de leurs propres ailes.
Quand notre ancien maire, était venu lui demander de s'inscrire sur sa liste aux précédentes élections, le Christian avait bien hésité un peu avant d'accepter, surpris qu'on ait pu penser à lui plutôt qu'à son frère aîné. Le père Schmidt savait ce qu'il faisait et il avait pressenti l'efficacité et le dévouement sans ostentation dont serait capable son futur adjoint.
Le Christian prit immédiatement son rôle très au sérieux. Que ce soit pour tenir à jour "la paperasse" qui était la bête noire du vieux Schmidt ou pour débrouiller un problème de clôture entre deux voisins grincheux, notre édile pouvait compter sur la finesse et la diplomatie de son second qui trouvait toujours les mots justes et les solutions qui permettent de dénouer les plus venimeux conflits.
Depuis qu'il exerçait ses fonctions d'adjoint le Christian n'apparaissait plus qu'en coup de vent à l'Annexe où il aimait bien pourtant, autrefois, s'attarder avec les piliers du lieu à refaire le monde ou à s'esclaffer au détriment des Belges et des Blondes. Tout son temps libre il le passait désormais dans le petit bureau de la mairie ou en réunions interminables au chef-lieu du canton quand il n'allait pas visiter l'un d'entre nous, alité avec une mauvaise grippe ou relégué dans ce qu'on appelle pudiquement aujourd'hui ces maisons du troisième âge…
Il n'était pas rare de le voir, le samedi , en train de fendre un stère de bois dans la cour de l'une ou l'autre de nos veuves ou bien, les matins d'hiver, dégageant à la pelle à neige le trottoir devant leur porte… Le Bébert, enfin, surnommé "Pipi-de-chat" à cause du parfum tenace qu'il promenait avec lui, trouvait toujours table ouverte chez lui et sa petite femme.
Il s'occupait également d' un gamin du village que chacun savait exceptionnellement doué pour la musique. La mère, élevant seule sa nichée de marmots, n'avait ni le temps ni les moyens de faire fructifier le don de son Nicolas.
Sachant qu'avant de se mettre à vibrer elle-même comme une corde de violon, la vieille Amélie avait été violoniste dans un orchestre et l'ayant souvent entendue se désoler de voir son instrument condamné au silence de son étui, le Christian était allé la voir. Il s'était entendu avec elle pour qu'elle montre au gamin les rudiments de son art avant de le faire admettre à l'école de musique du canton où il le conduisait désormais deux fois par semaine comme s'il s'était agit de son propre fils.
Ces dernières décennies nous avions vu, comme partout ailleurs, notre population s'enrichir de nouveaux arrivants. Venus de la ville pour la plupart, il s'agissait de jeunes couples avec ou sans enfants, avides de renifler notre air pur et désirant se rincer les poumons et les méninges des miasmes urbains. On mourait peu parmi ces gens-là et sous leurs dalles de granit, nos anciens, rassemblés à l'ombre du clocher, restaient tranquillement entre eux comme seigneurs en leur donjon tandis qu'à leurs pieds s'agitait le petit peuple des vivants.
Et ils s'agitaient joliment les vivants en cette veille d'élections municipales! A la mairie d'abord où on transformait la grande salle des mariages en bureau de vote, l'urne comme un gros aquarium trônant au centre de la table du conseil, l'isoloir coquettement drapé d'un joli tissu à fleurs… Au bistrot, ensuite ou on s'empoignait ferme malgré la liste unique qu'on eut trouvé inconcevable de laisser telle quelle:
- L'Antoine! Plutôt crever, tiens, que de lui faire cadeau d'une seule voix et ma femme et ma belle-mère sont d'accord avec moi pour une fois!
- Et la Martine… Qu'est ce que c'est que ces conneries maintenant? Une bonne femme à la mairie, on aura tout vu. Aux fourneaux la Martine, comme les autres, études ou pas études! La politique c'est une affaire d'hommes!
Et on rayait, et on rayait. A mesure que les pastis et les panachés se succédaient sur le comptoir, la liste qui n'était déjà pas bien longue s'amenuisait, rétrécissait au-delà du raisonnable. Alors on partait d'un grand rire, tous en chœur, autour d'un nom rajouté au feutre rouge, celui du Bébert par exemple, sorte de Diogène sans famille ni vraies ressources, vivant à l'écart avec une tripotée de chats, dans sa vieille caravane derrière le hangar communal. D'autres noms s'ajoutaient, déclenchant chaque fois la même hilarité ou les protestations les plus véhémentes.
On semblait ne s'accorder sérieusement que sur un seul nom. Celui-là avait été l'adjoint de l'ancien maire pendant son dernier mandat et on l'avait vu à l'œuvre aux côtés du vieux Schmidt qui le présentait comme son poulain. Celui-là, si les anciens du cimetière, là-haut, avaient pu donner leur avis, ils l'auraient reconnu comme héritier de leurs valeurs: Petit-fils ou neveu, petit cousin à divers degrés, il avait un lien de parenté avec chacun de nos morts. Christian Valet était un gars du pays et un bon gars, chacun pouvait en témoigner.
Personne ne s'étonna donc de lui voir passer l'écharpe dès le mercredi suivant lors de la première réunion du conseil. Un vin d'honneur suivit, rassemblant, au Bon Chasseur comme il se doit, tous les amis du nouveau maire. Autant dire que les neuf- dixièmes du village se retrouvèrent à "l'Annexe" comme on appelait entre nous le bistrot jouxtant la mairie.
Si l'élection du Christian à la tête de notre commune avait fait la quasi-unanimité de ses administrés, c'est curieusement dans sa propre famille qu'elle avait provoqué le plus d'étonnement.
Des quatre enfants qu'avaient eus les époux Valet, le petit Christian était bien le dernier à qui ils auraient pensé qu'on puisse donner un jour du "Monsieur le Maire" ! Gamin timide et discret, trop sensible au dire de son institutrice, il avait grandi dans l'ombre de son frère aîné. Il partageait l'admiration béate de ses parents pour cet héritier mâle sûr de son droit, toujours prêt à le faire respecter par ses cadets à grands coups de gueule et de brimades variées. Il n'avait pas le goût des études le Damien, la famille désolée avait bien dû admettre qu'il avait trop de sang pour rester à s'étioler sur des bouquins à longueur de journée. Il entra donc à l'atelier, chez Renault, comme l'avait fait son père en son temps, ni plus ni moins. Quant au Christian, un maraîcher qui venait de s'installer dans le coin accepta de le former puis de l'embaucher par la suite s'il donnait satisfaction.
En faisant les marchés avec son patron il s'était trouvé une petite femme douce et délicate comme un bouquet d'anémones. Elle nous avait paru fragile et un peu pâle à nous qui cultivons plutôt la grosse laitue bien pommée mais elle lui avait fait trois beaux enfants qui avaient poussé sans histoires et commençaient à voler de leurs propres ailes.
Quand notre ancien maire, était venu lui demander de s'inscrire sur sa liste aux précédentes élections, le Christian avait bien hésité un peu avant d'accepter, surpris qu'on ait pu penser à lui plutôt qu'à son frère aîné. Le père Schmidt savait ce qu'il faisait et il avait pressenti l'efficacité et le dévouement sans ostentation dont serait capable son futur adjoint.
Le Christian prit immédiatement son rôle très au sérieux. Que ce soit pour tenir à jour "la paperasse" qui était la bête noire du vieux Schmidt ou pour débrouiller un problème de clôture entre deux voisins grincheux, notre édile pouvait compter sur la finesse et la diplomatie de son second qui trouvait toujours les mots justes et les solutions qui permettent de dénouer les plus venimeux conflits.
Depuis qu'il exerçait ses fonctions d'adjoint le Christian n'apparaissait plus qu'en coup de vent à l'Annexe où il aimait bien pourtant, autrefois, s'attarder avec les piliers du lieu à refaire le monde ou à s'esclaffer au détriment des Belges et des Blondes. Tout son temps libre il le passait désormais dans le petit bureau de la mairie ou en réunions interminables au chef-lieu du canton quand il n'allait pas visiter l'un d'entre nous, alité avec une mauvaise grippe ou relégué dans ce qu'on appelle pudiquement aujourd'hui ces maisons du troisième âge…
Il n'était pas rare de le voir, le samedi , en train de fendre un stère de bois dans la cour de l'une ou l'autre de nos veuves ou bien, les matins d'hiver, dégageant à la pelle à neige le trottoir devant leur porte… Le Bébert, enfin, surnommé "Pipi-de-chat" à cause du parfum tenace qu'il promenait avec lui, trouvait toujours table ouverte chez lui et sa petite femme.
Il s'occupait également d' un gamin du village que chacun savait exceptionnellement doué pour la musique. La mère, élevant seule sa nichée de marmots, n'avait ni le temps ni les moyens de faire fructifier le don de son Nicolas.
Sachant qu'avant de se mettre à vibrer elle-même comme une corde de violon, la vieille Amélie avait été violoniste dans un orchestre et l'ayant souvent entendue se désoler de voir son instrument condamné au silence de son étui, le Christian était allé la voir. Il s'était entendu avec elle pour qu'elle montre au gamin les rudiments de son art avant de le faire admettre à l'école de musique du canton où il le conduisait désormais deux fois par semaine comme s'il s'était agit de son propre fils.
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
Le petit Valet devenant adjoint puis maire, s'était soudain senti responsable du bien être, de la sécurité, voire du bonheur de toute notre commune. Tâche écrasante, s'il en est, le propulsant en première ligne lui qui, depuis son enfance, s'était toujours soucié de passer inaperçu, de s'effacer dans l'ombre de ses aînés.
Chacun appréciait sa patience, l'attention qu'il prêtait à nos moindres jérémiades, et dieu sait si nous savions nous plaindre! Sa petite femme, pourtant si discrète et toujours prête à le seconder dans son sacerdoce, finit par nous avouer qu'elle s'inquiétait pour sa santé. Il s'épuisait à en perdre le sommeil, toujours à la recherche d'une solution pour reloger une famille en détresse ou s'évertuant à tirer de son marasme un pauvre diable perdu d'alcool.
Quand on vantait devant lui les mérites de son cadet, le Damien ricanait, narquois:
- C'est pas maraîcher qu'il aurait dû faire mon frangin, je l'ai toujours dit, c'est assistante sociale!
Il avait lui-même changé de métier et c'était désormais au volant d'un semi-remorque qu'on le voyait traverser le village. Ne manquant jamais de faire une pause au Bon Chasseur, histoire d'épater un peu la galerie des désoeuvrés, chômeurs ou retraités chevillés au bar. Notre fier camionneur ne rechignait pas, bien au contraire, à faire visiter son outil de travail à tous ces oisifs. Il se régalait de les voir bâiller d'admiration mais dès qu'il avait claqué la portière et remis en route son mastodonte ils rigolaient entre eux:
- C'est quand même plus impressionnant qu'une écharpe tricolore, un engin pareil…
- Il lui fallait bien ça, au Damien, pour ne pas être en reste derrière son petit frère!
Personne n'était dupe bien sûr. L'aîné des Valet digérait mal, de voir grandir la popularité de son cadet. Depuis l'élection de celui-ci, en privé comme en public, il ne s'adressait plus à lui autrement que par un cérémonieux "Monsieur le Maire" ce qui faisait sourire leurs parents toujours prêts à saluer la finesse de l'humour de leur "grand".
Il s'était offert depuis quelques mois la compagnie d'un grand chien, sorte de dogue-allemand mâtiné de lévrier dont il était presque aussi fier que de son camion. Il allait régulièrement "l'entraîner", comme il disait, sur les petits chemins de terre longeant les champs de maïs. Il le faisait courir derrière sa moto se vantant de lui faire pousser des pointes à plus de soixante km/h.
Le reste du temps, le Garou vagabondait librement dans les rues du village. C'était une brave bête, pas agressive pour deux sous mais d'un tempérament facétieux, son jeu favori consistant à effrayer les groupes de chevaux de loisir qui traversent régulièrement nos vallons. Guettant leur passage, tapi sous une haie, il surgissait à l'improviste au cœur du troupeau provoquant une belle panique parmi les montures et leurs cavaliers ainsi que quelques jolies chutes pour les moins expérimentés d'entre eux.
Notre maire eut droit, bien entendu, aux réclamations du centre équestre. Mais quand il fit part à son frère des menaces de fourrière qu'encourait le Garou pour divagations sur la voie publique, le Damien refusa tout net de contraindre son chien à la moindre discipline:
- Cow-boys de mes deux! Explosa-t-il. Quand on sait pas tenir un cheval on fait de la trottinette! Mon Garou est chez lui dans ce village et ces guignols ne viendront pas faire la loi chez moi! Quant à toi, Monsieur le Maire, tu n'as pas intérêt à marcher dans leurs combines sous prétexte que tu dois faire régner l'ordre public…Tu sais très bien qu'il est doux comme un agneau, mon chien, mais que c'est avec un flingue, moi, que j'irais le récupérer à la fourrière.
Les choses en étaient restées là, le Garou n'ayant pas eu l'occasion d'organiser de nouveaux rodéos ni de provoquer de nouvelles plaintes. Cependant, le Damien inventa bientôt un nouveau jeu.
Il s'arrangeait dans ses tournées pour traverser de plus en plus souvent notre village au volant de son camion. Passant devant chez lui il se signalait par un vigoureux coup de klaxon qu'apprit très vite à reconnaître son chien. Celui-ci déboulait alors à toute allure et fonçait dans le sillage du semi-remorque jusqu'au Bon Chasseur où s'arrêtait le Damien, sautant de sa cabine pour féliciter son molosse en précisant à la cantonade la vitesse à laquelle le Garou venait de dévaler la pente de la grand-rue. Les 50 km/h autorisés en agglomération étaient bien entendu le dernier de ses soucis.
Christian rongeait son frein face à ces provocations répétées, indécis quant à la manière de réagir au mieux sans déclencher la fureur de son aîné mais les choses, hélas, allaient se régler d'elles-mêmes.
Ce mercredi-là, il revenait de la ville où il avait accompagné le Nicolas à sa leçon de violon. Le gamin était particulièrement heureux et volubile, lui ayant détaillé, tout au long du trajet, les diverses étapes de l'examen qu'il venait de passer avec les félicitations et les encouragements des profs de l'école de musique. Il avait hâte d'aller faire son compte-rendu à la vieille Amélie qui suivait de très près les progrès de son protégé.
Christian venait de déposer le jeune musicien sur le trottoir en face de chez Amélie quand le klaxon du semi-remorque lui vrilla les tympans. Il vit son frère derrière le volant, les yeux braqués sur son rétroviseur dans lequel devait s'encadrer son chien… Il ne vit pas le gamin qui se précipitait sous les roues de l'engin, il ne vit que le violon qui prenait son envol, qui s'élevait, lui sembla-t-il , avec une incroyable lenteur avant de retomber aux pieds de la vieille dame qui était sortie pour accueillir Nicolas et qui hurlait, hurlait maintenant, secouée de haut en bas par un spasme qu'aucun remède ne parviendrait plus jamais à apaiser.
Bien que n'étant pas originaire de notre village la mère de Nicolas tint à ce que son fils fut enterré dans notre cimetière. Nos anciens durent se pousser un peu pour accueillir parmi eux le petit cercueil de bois blanc dans lequel on avait glissé les restes disloqués du violon à côté de ceux du violoniste. Les petites vieilles qui désherbent et astiquent les tombes chuchotent que parfois, le soir, quand elles repoussent la grille derrière elles, il leur arrive d'entendre… mais ce sont de vieilles radoteuses et sourdes pour la plupart d'ailleurs!
Quant-à notre maire, il termina péniblement son mandat, n'étant plus que l'ombre de lui-même. Il a recueilli le Garou abandonné par son frère, parti on ne sait où. Ils ont souvent entre eux de longs conciliabules dans lesquels le chien semble tenir le rôle de celui qui exige et décide, le Christian se contentant, le plus souvent, de secouer la tête d'un air soumis et résigné.
Chacun appréciait sa patience, l'attention qu'il prêtait à nos moindres jérémiades, et dieu sait si nous savions nous plaindre! Sa petite femme, pourtant si discrète et toujours prête à le seconder dans son sacerdoce, finit par nous avouer qu'elle s'inquiétait pour sa santé. Il s'épuisait à en perdre le sommeil, toujours à la recherche d'une solution pour reloger une famille en détresse ou s'évertuant à tirer de son marasme un pauvre diable perdu d'alcool.
Quand on vantait devant lui les mérites de son cadet, le Damien ricanait, narquois:
- C'est pas maraîcher qu'il aurait dû faire mon frangin, je l'ai toujours dit, c'est assistante sociale!
Il avait lui-même changé de métier et c'était désormais au volant d'un semi-remorque qu'on le voyait traverser le village. Ne manquant jamais de faire une pause au Bon Chasseur, histoire d'épater un peu la galerie des désoeuvrés, chômeurs ou retraités chevillés au bar. Notre fier camionneur ne rechignait pas, bien au contraire, à faire visiter son outil de travail à tous ces oisifs. Il se régalait de les voir bâiller d'admiration mais dès qu'il avait claqué la portière et remis en route son mastodonte ils rigolaient entre eux:
- C'est quand même plus impressionnant qu'une écharpe tricolore, un engin pareil…
- Il lui fallait bien ça, au Damien, pour ne pas être en reste derrière son petit frère!
Personne n'était dupe bien sûr. L'aîné des Valet digérait mal, de voir grandir la popularité de son cadet. Depuis l'élection de celui-ci, en privé comme en public, il ne s'adressait plus à lui autrement que par un cérémonieux "Monsieur le Maire" ce qui faisait sourire leurs parents toujours prêts à saluer la finesse de l'humour de leur "grand".
Il s'était offert depuis quelques mois la compagnie d'un grand chien, sorte de dogue-allemand mâtiné de lévrier dont il était presque aussi fier que de son camion. Il allait régulièrement "l'entraîner", comme il disait, sur les petits chemins de terre longeant les champs de maïs. Il le faisait courir derrière sa moto se vantant de lui faire pousser des pointes à plus de soixante km/h.
Le reste du temps, le Garou vagabondait librement dans les rues du village. C'était une brave bête, pas agressive pour deux sous mais d'un tempérament facétieux, son jeu favori consistant à effrayer les groupes de chevaux de loisir qui traversent régulièrement nos vallons. Guettant leur passage, tapi sous une haie, il surgissait à l'improviste au cœur du troupeau provoquant une belle panique parmi les montures et leurs cavaliers ainsi que quelques jolies chutes pour les moins expérimentés d'entre eux.
Notre maire eut droit, bien entendu, aux réclamations du centre équestre. Mais quand il fit part à son frère des menaces de fourrière qu'encourait le Garou pour divagations sur la voie publique, le Damien refusa tout net de contraindre son chien à la moindre discipline:
- Cow-boys de mes deux! Explosa-t-il. Quand on sait pas tenir un cheval on fait de la trottinette! Mon Garou est chez lui dans ce village et ces guignols ne viendront pas faire la loi chez moi! Quant à toi, Monsieur le Maire, tu n'as pas intérêt à marcher dans leurs combines sous prétexte que tu dois faire régner l'ordre public…Tu sais très bien qu'il est doux comme un agneau, mon chien, mais que c'est avec un flingue, moi, que j'irais le récupérer à la fourrière.
Les choses en étaient restées là, le Garou n'ayant pas eu l'occasion d'organiser de nouveaux rodéos ni de provoquer de nouvelles plaintes. Cependant, le Damien inventa bientôt un nouveau jeu.
Il s'arrangeait dans ses tournées pour traverser de plus en plus souvent notre village au volant de son camion. Passant devant chez lui il se signalait par un vigoureux coup de klaxon qu'apprit très vite à reconnaître son chien. Celui-ci déboulait alors à toute allure et fonçait dans le sillage du semi-remorque jusqu'au Bon Chasseur où s'arrêtait le Damien, sautant de sa cabine pour féliciter son molosse en précisant à la cantonade la vitesse à laquelle le Garou venait de dévaler la pente de la grand-rue. Les 50 km/h autorisés en agglomération étaient bien entendu le dernier de ses soucis.
Christian rongeait son frein face à ces provocations répétées, indécis quant à la manière de réagir au mieux sans déclencher la fureur de son aîné mais les choses, hélas, allaient se régler d'elles-mêmes.
Ce mercredi-là, il revenait de la ville où il avait accompagné le Nicolas à sa leçon de violon. Le gamin était particulièrement heureux et volubile, lui ayant détaillé, tout au long du trajet, les diverses étapes de l'examen qu'il venait de passer avec les félicitations et les encouragements des profs de l'école de musique. Il avait hâte d'aller faire son compte-rendu à la vieille Amélie qui suivait de très près les progrès de son protégé.
Christian venait de déposer le jeune musicien sur le trottoir en face de chez Amélie quand le klaxon du semi-remorque lui vrilla les tympans. Il vit son frère derrière le volant, les yeux braqués sur son rétroviseur dans lequel devait s'encadrer son chien… Il ne vit pas le gamin qui se précipitait sous les roues de l'engin, il ne vit que le violon qui prenait son envol, qui s'élevait, lui sembla-t-il , avec une incroyable lenteur avant de retomber aux pieds de la vieille dame qui était sortie pour accueillir Nicolas et qui hurlait, hurlait maintenant, secouée de haut en bas par un spasme qu'aucun remède ne parviendrait plus jamais à apaiser.
Bien que n'étant pas originaire de notre village la mère de Nicolas tint à ce que son fils fut enterré dans notre cimetière. Nos anciens durent se pousser un peu pour accueillir parmi eux le petit cercueil de bois blanc dans lequel on avait glissé les restes disloqués du violon à côté de ceux du violoniste. Les petites vieilles qui désherbent et astiquent les tombes chuchotent que parfois, le soir, quand elles repoussent la grille derrière elles, il leur arrive d'entendre… mais ce sont de vieilles radoteuses et sourdes pour la plupart d'ailleurs!
Quant-à notre maire, il termina péniblement son mandat, n'étant plus que l'ombre de lui-même. Il a recueilli le Garou abandonné par son frère, parti on ne sait où. Ils ont souvent entre eux de longs conciliabules dans lesquels le chien semble tenir le rôle de celui qui exige et décide, le Christian se contentant, le plus souvent, de secouer la tête d'un air soumis et résigné.
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
Une ambiance à la Chabrol pour cette chronique provinciale bien appréciée.
Une remarque. Dans la phrase du début :
Une remarque. Dans la phrase du début :
J'aurais tendance à penser qu'elles ne sont justement pas toujours les mêmes ces petites vieilles, et qu'en toute logique leur nombre diminue au fil des années... Ou alors, peut-être veux-tu signifier qu'à mesure que les anciennes disparaissent elles sont remplacées par de "nouvelles petites vieilles" qui prennent l'aspect de leurs aînées parties habiter au cimetière ? Oui c'est possible, ça fonctionne bien aussi.une poignée de petites vieilles toujours les mêmes.
Invité- Invité
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
Coupe mon amie coupe, si tu le veux:Celui-là avait été l'adjoint de l'ancien maire pendant son dernier mandat et on l'avait vu à l'œuvre aux côtés du vieux Schmidt qui le présentait comme son poulain.
Celui-là avait été l'adjoint de l'ancien maire pendant son dernier mandat. On l'avait vu à l'œuvre aux côtés du vieux Schmidt qui le présentait comme son poulain.
Sinon j'ai trouvé l'écriture fragile. Une rémanence de ta poésie qui affronte un texte qui s'en passerais bien. Dur dur. Mais gros encouragements aussi.
:-)
Invité- Invité
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
Oui Island ces petites vieilles sont et ne sont pas toujours les mêmes, c'est sans importance...un peu comme des Parques mêlant dans leurs fils les morts et les vivants.
Oui, oui, Panda couper ces phrases interminables à force de vouloir trop en dire...Celle-là m'avait échappé, merci de mettre le doigt dessus! Sinon, je croyais avoir fait une toilette minucieuse et avoir mis des chaussettes bien propres avant d'enfiler ces sabots-là...et voilà que tu me dis que ma poésie pue des pieds là dessous! Malgré tes encouragements je me sens confuse et j'aimerais bien quelques éclaircissements de ta part
Oui, oui, Panda couper ces phrases interminables à force de vouloir trop en dire...Celle-là m'avait échappé, merci de mettre le doigt dessus! Sinon, je croyais avoir fait une toilette minucieuse et avoir mis des chaussettes bien propres avant d'enfiler ces sabots-là...et voilà que tu me dis que ma poésie pue des pieds là dessous! Malgré tes encouragements je me sens confuse et j'aimerais bien quelques éclaircissements de ta part
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
Bien aimé ton texte. Une écriture soignée, souple. Un rien trop "classique" à mon goût. Cependant ce classicisme se prête bien au cadre désuet et stéréotypé du village. Tu as vraiment le sens de la narration.
Je ne m'attendais pas à une fin aussi froide. Oui, un petit air de Chabrol comme dit Island.
Je ne m'attendais pas à une fin aussi froide. Oui, un petit air de Chabrol comme dit Island.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
encore un sujet "terroir", j'aime bien le genre
tu n'as pas le style outretemps mais tu racontes bien, c'est précis, complet, trop peut-être, il n'y a guère de place pour se poser des questions, tout y est ;-)
si, j'ai une question : le frère, Damien, théoriquement il a pas dû pouvoir partir comme ça, on ne sait où, après une grosse connerie pareille, non ?
en tout cas : une vraie nouvelle, merci
tu n'as pas le style outretemps mais tu racontes bien, c'est précis, complet, trop peut-être, il n'y a guère de place pour se poser des questions, tout y est ;-)
si, j'ai une question : le frère, Damien, théoriquement il a pas dû pouvoir partir comme ça, on ne sait où, après une grosse connerie pareille, non ?
en tout cas : une vraie nouvelle, merci
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
ça me remet en tête l'idée d'un classement à plusieurs entrées, une indexation thématique...
Oui, bon.
J'aime bien ça, Arielle.
On sent un peu venir la grosse connerie vu le profil du frère aîné, mais la forme qu'elle prend fout un coup. Mais je me demande si nos textes ne nous trahissent pas plus que le carbone 14 :-)
Pourquoi ai-je l'impression d'avoir vécu dans ces villages ?
Oui, bon.
J'aime bien ça, Arielle.
On sent un peu venir la grosse connerie vu le profil du frère aîné, mais la forme qu'elle prend fout un coup. Mais je me demande si nos textes ne nous trahissent pas plus que le carbone 14 :-)
Pourquoi ai-je l'impression d'avoir vécu dans ces villages ?
à tchaoum- Nombre de messages : 612
Age : 75
Date d'inscription : 06/05/2007
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
Toujours la limpide et chiadée écriture, mais quelle chute. Merveilleux de cruauté. Cela vous secoue la chose, et de si terrible façon! C'est vraimment senti, jusque dans les caractères. Mais que va t-il donc advenir de ton pauvre maire?
outretemps- Nombre de messages : 615
Age : 77
Date d'inscription : 19/01/2008
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
Je retrouve l'ambiance des petits villages français. Ils sont différents, ici.
Je devrais me mettre à chercher les autres " Chroniques rustiques " dans ce forum. Merci pour ce texte !
Je devrais me mettre à chercher les autres " Chroniques rustiques " dans ce forum. Merci pour ce texte !
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 47
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
Arielle a écrit:Oui Island ces petites vieilles sont et ne sont pas toujours les mêmes, c'est sans importance...un peu comme des Parques mêlant dans leurs fils les morts et les vivants.
Oui, oui, Panda couper ces phrases interminables à force de vouloir trop en dire...Celle-là m'avait échappé, merci de mettre le doigt dessus! Sinon, je croyais avoir fait une toilette minucieuse et avoir mis des chaussettes bien propres avant d'enfiler ces sabots-là...et voilà que tu me dis que ma poésie pue des pieds là dessous! Malgré tes encouragements je me sens confuse et j'aimerais bien quelques éclaircissements de ta part
Rien de bien grave, Arielle, rassure-toi, mais quelques originalités, comme les doublons -gars-bon gars-,
Ce ne sont pas des fautes de style, bien entendu, mais ta manière d'écrire. Je te faisait part d'un ressenti, pas d'un jugement.il ne vit que le violon qui prenait son envol, qui s'élevait, lui sembla-t-il.
:-)
Invité- Invité
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
à tchaoum a écrit:Pourquoi ai-je l'impression d'avoir vécu dans ces villages ?
Je pense qu'à deux ou trois générations près la plupart d'entre nous est issue de ces villages ou a été en contact étroit avec eux. Ca doit rester inscrit quelquepart en nous...
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
outretemps a écrit: Mais que va t-il donc advenir de ton pauvre maire?
Ne t'en fais pas pour lui, je suis entrain de le récupérer pour lui refaire une nouvelle santé dans les jardins de la baronne sur les pas de Louis la Brouette...
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
Lucy a écrit:Je retrouve l'ambiance des petits villages français. Ils sont différents, ici.
Ce serait sympa que tu nous parles un peu de la vie de ces villages d'Outreflaque, Lucy.
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
Ah, je viens de faire une bien jolie ballades, avec quelques petites longueurs (dans les phrases longues, comme dit Panda). Mais oui, une bien belle ballade. Ça sent un peu le Maupassant, avec un chouilla plus de " poésie' chez toi.
ninananere- Nombre de messages : 1010
Age : 49
Localisation : A droite en haut des marches
Date d'inscription : 14/03/2007
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
Ah... celui-là, j'aurais vraiment regretté de ne pas avoir dit quel plaisir j'ai pris à sa lecture... même si la fin en est désespérément triste.
Merci Arielle... je l'ai lu plusieurs fois. Et à chaque fois avec autant d'émotion.
Merci Arielle... je l'ai lu plusieurs fois. Et à chaque fois avec autant d'émotion.
Reginelle- Nombre de messages : 1753
Age : 74
Localisation : au fil de l'eau
Date d'inscription : 07/03/2008
Re: Chroniques rustiques III: Le violon d'Amélie
J'ai le sentiment qu'à force de trop bien travailler ton écriture (c'est un compliment ceci), tu oublies de la laisser respirer. Je m'explique: tout est beau, lisse, bien rangé et c'est bien, mais j'aurais aimé un peu plus de vie, de punch, de spontanéité, bref que ça bouge davantage. Pas dans l'action mais dans le raconté, que ça sonne plus oral en quelque sorte. D'autant plus que tes personnes semblent disposer d'une truculence qui leur permettrait cela. Remarque, c'est une question de goût, donc ça se discute tout à fait.
Peut-être racontes-tu aussi trop, trop de choses, sans laisser de place au mystère et à l'évocation.
Ceci dit, le sujet est chouette et vaudrait la peine d'être revu et amélioré, tu peux le faire, si si! :-)
Peut-être racontes-tu aussi trop, trop de choses, sans laisser de place au mystère et à l'évocation.
Ceci dit, le sujet est chouette et vaudrait la peine d'être revu et amélioré, tu peux le faire, si si! :-)
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Sujets similaires
» Projet d'édition 1 - Chroniques rustiques
» Chroniques rustiques IV - Louis la Brouette
» Ocres rustiques
» Chroniques martiennes
» FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
» Chroniques rustiques IV - Louis la Brouette
» Ocres rustiques
» Chroniques martiennes
» FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum