La fin du monde

Ce matin-là, ma fille jouait dans sa chambre, au-dessus. Elle racontait des histoires à son ours ou à une poupée, je ne sais pas. Pendant que je lisais, j’entendais son babil, qui remplissait l’air de petites clochettes de cristal.
Soudain, elle prit un ton plus sentencieux, comme lorsqu’elle imite la maîtresse.
- Alors voilà, disait-elle, un jour il y a eu l’homme, et après les ours.
Bon, elle parlait à son ours… Puis elle reprit :
- Non, d’abord, il y a eu l’eau, la Terre, le ciel et en dernier le soleil. Après seulement l’homme est apparu. Au départ il était tout nu. Voilà.
Evidemment, je tendis l’oreille à cette énumération. Répondant à une question imaginaire de l’ours, ma fille répliqua :
- Ah oui, bien sûr. Avec sa femme. Pour pas qu’il soit tout seul.
Intrigué, décidément, je montais la rejoindre pour tirer cette affaire au clair.
- Tu vas bien, ma chérie ?
- Oui, Papa, répondit-elle sans se retourner.
- Tu as lu ça quelque part ? Je veux dire, ce que tu racontes à ton ours, à propos de la Terre, du ciel… ?
- Non.
Je la dérangeais, bien sûr. Mais la curiosité fut la plus forte.
- Tu l’as inventé ?
- Oui.
- Ah ! C’est bien. Mais alors les animaux, ils arrivent quand ?
- Après l’homme bien sûr, sinon comment ils vont manger ? Ici, c’est nous qui donnons à manger à Tommy.
- Oui, tu as raison, ma puce. Et la fin du monde, tu as une idée ?
Elle réfléchit, puis comprit que le meilleur moyen de me faire déguerpir, c’était de trouver une réponse valable.
- Tout se passera à l’envers. D’abord, il n’y aura plus d’animaux. On sera obligés de manger que des légumes. Puis le soleil va disparaître.
- Il fera très froid, alors ?
- Oui. Et quand il ne restera plus qu’un seul homme, tout seul, il n’aura pas le courage d’attendre la fin. Il se jettera à l’eau avant, et il disparaîtra. Mais tu ne sais pas déjà tout ça, Papa ?
Je m’approchais d’elle.
- Non. Ou alors j’ai oublié. Tu sais, je ne connais pas grand-chose là-dessus. Mais il y a quand même une chose dont je suis sûr.
- Et c’est quoi ?
Les enfants adorent les certitudes des adultes. Ca doit leur faire penser aux escargots qui transportent leur maison sur le dos ; un peu encombrant , mais bien commode pour s’y réfugier.
- Eh bien, depuis que tu es née, c’est toi mon soleil.
- Vrai ?
Je l’embrassais dans le cou.
- Oui, vrai. Quand tu es loin, j’ai froid, et il m’arrive d’avoir peur du loup. Alors je t’emporte partout avec moi.
Elle m'a souri. Alors j’ai vite redescendu l’escalier, parce que j'étais sur le point de chialer comme un con.

touchant, très joli
un beau conte




ça y est, t'as atteint ton quota de textes :-)))

Très jolie chute (une fin qui sort du cadre de langage courant ou soutenu, ça ajoute un joli rythme).
Un message ecolo (si si !), en plus !

Bref, j'aime beaucoup. Moi au départ je pensais que c'était un bébé dieu qui racontait à son nounours son projet d'un univers débile où il y aurait des boules de pierre ou de gaz, sur lesquels il y aurait des bestioles bizarres...
Peut-être un prochain texte ?

J'en prends de la graine.

Ouaaah !!!

pas facile à réaliser ce genre de récit dialogué.
là, c'est très réussi
c'est simple, sobre et sympa.
tout ce qu'il faut pour une lecture agréable

Oui, c'est une jolie histoire. Les enfants ont ce petit truc qui rend les adultes si cons. Et c'est touchant.

Par contre, gros bémol sur la question qui déclenche le reste : la question sur la fin du monde. Je veux dire, quel âge elle a, cette gosse ? 5 ans ? Ets-ce qu'on pose cette question à un enfant plein d'éteincelles et de projets de construction ?

J'en sais rien, mais ça m'a choqué de le lire. Le père que je ne suis pas a tiqué. Un peu brut, quand même. Si la petiote en avait parlé toute seule, pas de souci.

J'aime énormément les trois phrases sur les certitudes des adultes, ça m'a bien fait rire !
Je supprimerais le puis dans "elle réfléchit, puis elle comprit que ..."....ne me demande pas pourquoi, suis incapable de le justifier !
Il y a dans ce texte une énorme bouffée de tendresse.

Sur un autre registre, beaucoup de sensibilité. Et de bon sens de la part de l'enfant visionnaire :-)

Oui, grosse, grosse bouffée de tendresse, joliment adressée.

La perle du mois à mon humble avis :

"Les enfants adorent les certitudes des adultes. Ca doit leur faire penser aux escargots qui transportent leur maison sur le dos ; un peu encombrant , mais bien commode pour s’y réfugier."

très fin, j'aime beaucoup!

Attendrissant: message personnel? Il est bien.
Peu de choses à en dire , si ce n'est merci pour elle.
Des tirets longs en projet ?

Hum. Je ne retrouve pas cette justesse de ton que j'aime tant dans votre écriture ; en toute franchise, je trouve l'histoire concon, trop "mignonne".

Et la fin, alors, le pathos ! La dernière phrase me paraît inutile, j'avais compris le propos...

C'était un exercice d'atelier d'écriture. Thème : la fin du monde. Durée : 15 mn. Juste un petit truc sympa. Ca m'a valu un franc succès de la part des femmes de l'atelier (ultra majoritaires) !

Je n'ai pas bien relu, il y a 2 "alors" à la fin.

kazar a écrit:Je veux dire, quel âge elle a, cette gosse ? 5 ans ? Ets-ce qu'on pose cette question à un enfant plein d'éteincelles et de projets de construction ?

Oui, on peut. Mais sans doute pas exprimé de la sorte.
Contrairement à d'autres, je n'ai pas trouvé cela très naturel, ni vraiment fluide. Il manque d'hésitations dans ces questions, de réflexions naïves ou de pensées réellement enfantines. Tout cela sonne trop fluide et trop téléguidé pour que je me laisse réellement embarquer dans cette histoire.

J'ai adoré :

j’entendais son babil, qui remplissait l’air de petites clochettes de cristal.

Et j'ai adoré le texte. Très touchant et émouvant. Je ne le réduirais pas à un texte "gentil" : il y a des textes gentils qui ne parviennent pas à toucher le lecteur et à transmettre des émotions. Celui-ci est porteur de sentiment, avec son peu de mots et son vocabulaire simple. Bravo!

Très agréable à lire. Et attendrissant. Merci.