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Cauchemar cliché

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Message  Flaneuse Ven 28 Nov 2008 - 8:38

Ce soir, je vous l’assure sans fard, il faut me craindre. Ce jour défunt, je revêts pour l’heure le voile de la laideur. Pourquoi s’affubler de beau, quand la noirceur va si bien et que l’usure moule le monde comme une seconde peau ? Je serais mal vêtue de rire pour exorciser ce démon jailli des limbes où je me sème, mais il ne me sied pas non plus de geindre sur cet état qui inhibe le chagrin même.

Cette nuit, ma vie démaquillée, je dors dans des draps de Satan ! Emmaillotée à l’ombre dans les langes du mépris, j’ai le goût mauvais du rien, la cruauté du néant.

Je suis ce poing sans interrogation qui atteint la joue d’un enfant, cet accent grave qui ponctue la phrase qui blesse, cette virgule mal placée où butte le mot promesse, cet antre parenthèse où s’incrimine la parole minuscule…
Et en frappes magistrales, et au pied de la lettre, je suis le terme capital.

Je suis l’arène où joutent les pleutres malveillances, les gradins bondés de toutes les détresses ; parmi la foule houleuse des refoulés, le fiel de l’abandon au fond du verre de l’absence ; jusqu’à la nausée de l’ivresse, le choc forcené des cultures qui trinquent, ingérant la liqueur écoeurante des rancœurs affamées…
Et sur ce relent de la veille, et sur ces représailles intestines, et sur le sacre des tyrans, je suis l’hypocrisie légendaire, l’épitaphe assassine et la profanation des reliques humanitaires.

Je suis le mortier dans les plumes de cette aile qui bat notre ère, le tremplin maudit du carnage industriel, la mécanique de l’accoutumance et du gaspillage, l’usage délétère des produits chimiques, la turbulence viciée des véhicules, les gaz prisonniers au creux des artères asthmatiques, le reflux intense de gerbes toxiques…
Et par le stress des saisons et l’acidité du ciel, par la sénescence des terres et l’abattement des arbres, par la lassitude du paysage et le déclin de la verdure, par l’agonie des mers et le tarissement des sources, par ce pli sur la carte et par cette agression perpétuelle, je suis un crime innommable, une injure à la nature.

Je suis un guichet fermé où se massent les cœurs ouverts, un radeau d’infortune vers une terre d’exit, un espoir mensonger sur un encart publicitaire, un libre-service inaccessible, le dôme en carton poubelle des sans-abri ; je suis leur gîte et leur couvert manquant, la gratuité du froid et de la maladie, une planche insalubre pour une pauvreté intangible, le crachat de la douane à la frontière ennemie, un salaire de misère perdu à la sueur de l’affront.

Je suis le visage impénétrable, la verrue sur l’âme des quidams égoïstes qui s’oppressent machinalement dans la cohue, chacun plongé incognito dans un épisode monocorde de sa sphère, parcourant au passage un trajet répétitif, saluant le silence austère des autres individus, le pas alerte mais l’esprit gourd et l’air abêti, insensibles aux frictions familières de leur colonie...
Ainsi par ces aiguilles qui tournent irréversibles, ces minutes qui déferlent puis s’étirent interminables, pour venir inexorables ricocher sur la journée, à une allure concurremment fastidieuse et endiablée, ainsi par ce travail inéluctable de la résignation, je suis le verrou de leur cellule.

Je suis l’oeil parfois sourd et le corps criblé de la science, le champ de mire de son ironie, l’assurance de son doute, le forage de ses acquis ; le truchement des inconsciences que traduit l’extinction des feux de l’Art, la créativité révolue, le chef-d’œuvre vérolé, sous le joug et la licence des modèles standards et rouages artificiels de la société ; je suis les oripeaux de la richesse, réduite à la seule fierté de mendier… son Bien.

Je suis en somme le vitriol de l’existence, je suis d’autant le vœu d’en finir.

Maintenant, assurément il faut me craindre, je suis la griffe de l’Absurdité.

Flaneuse

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Message  Invité Ven 28 Nov 2008 - 9:10

Hum. Des images amples, mais qui, à mon avis, n'évitent pas le piège de la grandiloquence. Le tout pour une révélation décevante.

J'ai trouvé que l'Himalaya accouchait d'un mulot. Désolée. Cela dit, pour moi l'écriture est soignée, mais trop "premier degré". Pour dénoncer l'absurdité, elle manque d'un grain de folie...

Si, au début, une formule intrigante qui me plaît :
"l’usure moule le monde comme une seconde peau".

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Message  Invité Ven 28 Nov 2008 - 10:08

Dans tous les textes que je lis de toi Flaneuse, je trouve qu'il y a de l'idée, de l'expression, du vocabulaire, une forme d'originalité... mais je me sens en général vite étouffée par la pléthore d'images, de mots. C'est un trop opressant, alors que j'incline plutôt vers le dépouillé et le fluide. C'est une affaire de goût, n'y vois pas là de critique personnelle ou irréversible.

Au passage, je bute sur le verbe buter , orthographe paradoxale il est vrai.

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Message  Flaneuse Ven 28 Nov 2008 - 10:22

Socque,
Je vous rejoins dans votre critique.
Grandiloquence, Litanies, Clichés…
L’absurdité de cette chose ridicule – notre société – qui se fait pompeusement et se défait à l’excès, sans se refaire au naturel.
Je ne pouvais pas donner dans la légèreté ou le grain de folie, ç’aurait été contraire à ce qui me pèse sur le monde.

Mais j’admets que cela vaudrait la peine d’essayer.

Easter,
En vérité, j’ai très envie de « m’atteler » à un style plus dépouillé.

Flaneuse

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Message  Invité Ven 28 Nov 2008 - 14:01

J'adore les sonorités : jailli des limbes où je me sème,
le magnifique Je suis l’arène où joutent les pleutres malveillances (que j'aurais vraiment aimé écrire !) et d'autres...
Je suis globalement en accord avec le sens,
mais il y a un effet de saturation rapide, il me manque des ruptures de ton, des plages plus calmes, quelque chose qui puisse mettre en valeur ces grandes envolées lyriques, une façon d'orchestrer que tu ne maîtrise pas encore tout à fait.
J'aimerais voir ce que ça donnerait, un style dépouillé.

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Message  Invité Ven 28 Nov 2008 - 14:02

avec un s à maîtrise, c'est mieux

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Message  Sahkti Mer 17 Déc 2008 - 8:30

J'aime le côté emphatique de l'ensemble, ces phrases grandiloquentes à prononcer d'un ton sentencieux. Je me suis surprise à lire ton texte à haute voix :-)
La chute, par contre, me déçoit; j'aurais préféré qu'il n'y en ait pas, d'autant plus que tu joues sur la longueur, tu étires l'idée presque à outrance, de quoi capter l'attention du lecteur et puis, blam, ce n'est "que" l'absurdité qui nous parle. Du coup, avec cette fin, je relis le texte autrement et je trouve que c'est beaucoup de bruit pour peu de choses. Dommage, car tu as réussi à créer une ambiance de ténèbres et de jugement final tout au long de ton texte et ça retombe à plat dans la dernière ligne.
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