Maudits poètes

Ils m’ont dit :
va-t’assoir, tout ça ce n’est qu’une question de travail, tu prends une chaise, un bureau, une feuille de papier, un crayon et tu bosses. Rien ne vaut le travail pour maitriser les mots. Elle se niche là la poésie. Tu nous fais rire avec tes idées révolues, les mots ça se malaxent, ça s’entrechoquent, ça se confrontent ça se maitrisent, manquerait plus que ça qu’ils nous échappent.
Ils m’ont dit ça les poètes.
Ils m’ont dit la poésie c’est que du travail.
Ils avaient peur que ça leur échappe, ils avaient peur de perdre le pouvoir,
ils ne voulaient pas admettre un autre quelque chose
« Dieu est mort » a dit le poète.

Mon amour, peut-on être poète quand on est philosophe ?

Ils font tant de bruit avec leurs mots, eux, les maudits poètes.
Des poèmes puissance 9 sur l’échelle de Richter,
ils font des listes, ils avalent les points et gomment les virgules,
ils écrivent en majuscules, raisonnent les mots
les mettent à l’épreuve du sens avec abnégation des sens.
Ils distordent les rimes à l’échelle des vers
ils saccagent les sons
ils détruisent les lyres, les petits cils qui battent dans le creux de l’oreille.
Oui, le lyrisme est démodé, la guerre nous l’a tué, ouvre les yeux petite
Et il a dit le poète, il a dit :
« Orphée est mort »

Mon amour, peut-on être poète quand on est assassin ?

Les poètes sont en guerre
ont déniché l’ennemi
ont mis dans une marmite le sang des assoiffés, et tournent
tournent à la grande spatule
ils mitonnent du boudin
au deuil des inspirés.

Je vous écris de ma table et sur ma feuille j’écris :
il n’y a plus rien à dire,
seulement à consommer.

Sourire, et pas qu'un peu.
Mais je comprends pas le choix du découpage, m'est avis qu'il tient mieux en prose ce texte, et qu'en prose il aurait eu ce petit je ne sais quoi de supplément d'irrévérencieux, ce brin un tantinet plus taquin comme à l'envers de l'exemple.

J'ai un petit problème avec l'emploi du mot "révolues" ici, qui me semble aller à contresens de la démonstration, ou alors je n'ai rien compris...
Autrement, et sous réserve d'avoir tout compris :-) j'ai bien aimé ce texte insolent, méchant juste ce qu'il faut. Bon dosage Eddy !

Mouais.
A mon avis pas assez méchant pour être intéressant.
Plus de sang !

"Tu nous fais rire avec tes idées révolues, les mots ça se malaxent, ça s’entrechoquent, ça se confrontent ça se maitrisent, manquerait plus que ça qu’ils nous échappent"

juste un doute là sur le sujet de ces verbes : "ça" auquel cas verbes au singulier / ou "les mots" ? je pencherais pour la première option...

sinon, tout ceci me plaît beaucoup : ce sont des vers libres, aussi bien par la forme que par le propos.

Excellent ! J'ai particulièrement aimé cette chute.

Verrai ça plus ramassé, à la sauce prose, Madame ! ^^

moi j'ai aimé le questionnement que ce texte génère, en fait c'est quoi la poésie, une espèce d'auto analyse, un loisir égoïste, une façon de dire merde à l'univers....ou les trois à la fois

Merci de vos remarques. Le choix de la prose, j'y ai pensé mais impossible d'expliquer pourquoi cette forme s'est imposée.
Révolues c'est bien le bon mot Easter et je comprends que tu sursautes! y'a une bonne dose de contradiction dans ce texte et de provocation vous l'avez compris. En poésie aussi.

La poésie d'aujourd'hui est plurielle, riche variée, elle décoiffe, remet en cause, se joue des conventions ou plonge dedans. En même temps elle suit une mode -et c'est aussi cela que je dénonce, une mode où l'inspiration n'a plus cours, où le travail du texte prime. De la poésie phénoménologique en quelque sorte.
Et puis parfois il y a le poète qui confie sa plume à son talent, qui lui fait confiance. Cela ne donne pas un style particulier, cela donne un poème.
Le problème est que le travail est quand même nécessaire, mais il doit venir après, il doit servir le poème et pas en être l'origine.
Ce texte a ne pas prendre au sérieux n'avait qu'un seul but -merci Loic de l'avoir relevé : questionner!

lilicub a écrit:"Tu nous fais rire avec tes idées révolues, les mots ça se malaxent, ça s’entrechoquent, ça se confrontent ça se maitrisent, manquerait plus que ça qu’ils nous échappent"

juste un doute là sur le sujet de ces verbes : "ça" auquel cas verbes au singulier / ou "les mots" ? je pencherais pour la première option...

sinon, tout ceci me plaît beaucoup : ce sont des vers libres, aussi bien par la forme que par le propos.

oui, le sujet (ça) est singulier.

j'aime bien ce petit texte qui chatouille un peu nos amis poètes :-) suis curieux de voir ce que quelques uns pourront en dire ...

Si je n'adhère que très moyennement au fond, je trouve la forme attirante, secouée et secouante. Tu mets pas mal de punch dans tout cela et ce découpage faussement poétique renforce cette impression.

J'ai bien aimé, j'ai souri en lisant ce texte.
Tu dis que la forme s'est imposée à toi. C'est intéressant.
Moi, je la laisserai comme ça. Parler de poésie en utilisant les retours à la ligne, c'est nécessaire à mon avis. Le narrateur parle des poètes comme s'il s'agissait des autres, mais il s'essaie à la forme poétique. J'aime bien cette ambiguïté.