Exo lecture 1

Tous les matins, je me laisse aller dans une page purgative. Tous les matins, parfois le soir, je laisse parler les parties de moi qui ont un truc à dire, ou pas. Qui déblatèrent mes questionnements, mes envies frustrées, mes enthousiasmes débordants, histoire de partir l’esprit neuf, moins dilué de pensées parasites.

Dans les actes manqués du jour, la poursuite du « Démon », qui s’est arrêté d’un coup de paupière ce vendredi 6 février à la page 95. Je passe sur VE, je cherche un moyen de noyer ma culpabilité de ne pas être encore plus loin malgré mon envie. Jusque là, Selby Jr hésite entre m’épater et m’ennuyer avec son personnage. Si vous êtes une femme (mariée), Harry est un ami qui vous veut du bien, donc ? C’est descriptif, c’est neutre, mais ça baise et ça commence à perdre les pédales. Voyons voir plus loin…
Mais voilà, où caser un démon, quand on a déjà les siens, plus gentils c’est sûr, mais confortablement installés ?

Hier : arpenter les rues de Bruxelles, se dénicher un petit italien, Pizzeria Pronto, près de la Bourse. Le vin italien un peu acide me met les idées dans la quatrième dimension. Dehors, rassembler l’esprit en vrac, se mettre dans les yeux les murs et les gens de la ville. Puis s’arrêter prendre un café à la Fleur en Papier Doré. En me disant que Magritte ou Alechinsky ont peut-être regardé ce même mur rempli de vieilles photos, d’illustrations passées, de taches et de souvenirs. J’observe la vieille photo de groupe prise en face de l’estaminet et me dis que Magritte avait une femme à l’allure triste et un air de banquier en temps de crise.

L’endroit me plaît et je m’y laisse perdre, ma tête contre une épaule.

Dans ma poche, des places pour « Elève libre », le film de Joachim Lafosse. On s’attend au pire, on s’attend au meilleur, et on s’installe dans les sièges bleus du Vendôme, dans le quartier Matongé. Dans ce cinéma, les ouvreuses sont encore payées au pourboire.
Derrière nous, on entend deux amies de près de quatre-vingts ans :

— Ca m’étonne comme tu es capable de venir au cinéma sans jamais savoir ce que tu viens voir !
— Je sais, mais je suis comme ça.

C’est là qu’on se doute qu’elles n’ont pas connaissance du sujet du film.

La bobine défile. Un ado qui se plante à l’école et décide de passer le jury en étudiant avec un ami de sa mère. Ami qui, accompagné d’un autre couple, s’est aussi mis en tête de faire son éducation sexuelle. Manipulation perverse, voyeurisme, abus, opportunisme, tout le monde entre dans le jeu et personne n’en sort.

Encore une histoire de démons.

La salle revient dans la lumière, il n’y a pas de musique de fin, les gens se sentent mal, sauf les deux mamies qui saluent en riant cette éducation réussie.
Fin de l’écran témoin.

Dans le train qui nous ramène, une femme a la voix de Yolande Moreau, et j’attends l’arrivée de « Poussin », qui ne vient jamais.

Au retour, le bouquin est là, à côté du lit, mais il y reste, finalement. Il y a mon Diable qui me rejoint sous les draps et tant pis pour le Démon.