Vagabond de trois sous

Vagabond de trois sous,
en souvenir des longs et beaux vagabondages


Il marche à l’horizon l’Homme chéri des muses.
Parti d’un coup de pied son pas le mène et l’use
Dans la course du ciel ou l’élan de la Terre ;
Le poète s’égare et brûle ses repères.

Longeant les champs blanchis sous la langue de glace
Il entend les corbeaux railler sa pauvre face.
Mordue, gelée, blessée, sa peau est au martyr !
Souffrant le long chemin fruit de son cher désir.
La couronne de ronce au roi des éclairés
Le ceint et le déchire aux pieds ensanglantés.

Son bagage est léger, il n’a qu’un baluchon !
Un sac de vieille toile en unique maison.
Une plume, un peu d’encre et beaucoup de feuillets !
Habillé d’idéal de rêves se revêt.

Le poète s’envole en séraphin sans âge
Et son pas des chemins quitte les droites sages.
Il erre dans le jour, il erre dans la nuit,
Il erre du coucher jusqu’à l’aube qui luit.

Il tire de son rêve un tissu de coton.
« C’est vous belle Urania qui m’offrez votre nom !
Il me protègera, reine, soyez ma foi ;
Soyez mon feu contre le souffle hyémal roi ! »
Phœbé a tournoyé, son lourd dû a fourni,
Terra, maîtresse mère, est tenue dans l’abri
Sous l’autre astre du ciel ; blanche la Lune veille
Et couvre d’un halo la terre qui sommeille.

Alors le vagabond s’étend dans les étoiles.
Et oubliant le corps dans la vapeur des voiles
Que tombe sur la plaine un bel ange endormi,
L’Egaré apatride en oublie son esprit.

La rosée matinale abreuve le rêveur
-C’est un vin de champagne à l’ivresse du cœur !
Il trace son sillon - notre ciel est son sol !
N’ayant plus que sur Terre un mouvement d’envol.

Il danse le poète ! Il danse dans le vent !
Vagabond de trois sous au côté d’un enfant.
Quand il quitte les muses de ses rêveries
Il a l’œil tacheté de mille poésies.

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Un sujet et un traitement fort classiques... De beaux vers amples. Personnellement je trouve le sujet archi-rebattu, mais j'aime toujours lire un poème aussi bien maîtrisé.

Une remarque :
"Mordue, gelée, blessée, sa peau est au martyre !" (oui, un martyr souffre le martyre, c'est bizarre).

Belle maitrise de la balade en alexandrins sous les étoiles.

De belles sonorités, mais il m'aura fallu trois bonnes tentatives, avant de prononcer correctement :

Soyez mon feu contre le souffle hyémal roi ! »

C'est bien aussi le classique classique...

Ce classique n'est pas, a priori, ma tasse de thé mais je dois dire que ta poésie -ici et avant- force l'admiration, riche et tellement maîtrisée.
Relevé au passage un vers qui m'a tout spécialement plu :
Il trace son sillon - notre ciel est son sol !

J'ai du mal à accrocher le train du lyrisme comme celui-ci.
cela m'endort. Difficile dès lors d'être objectif et constructif.
Alléger le début, partir sur un autre rythme ?

Il danse le poète ! Il danse dans le vent !
Vagabond de trois sous au côté d’un enfant.
Quand il quitte les muses de ses rêveries
Il a l’œil tacheté de mille poésies.

A présent qu'il s'est prouvé, à lui-même, sa capacité à versifier très honorablement dans le respect des règles, le poète peut s'essayer à des pas de danse moins classiques, il me paraît en avoir les capacités, je le lis dans son oeil tacheté ;-)

" le poète peut s'essayer à des pas de danse moins classiques "

je sais pas trop... en fait ça me tente moyennement, et puis c'est vrai qu'en plus de ma nette préférence pour celui-ci, c'est devenu presque un réflexe, l'alexandrin ! c'est tellement plus simple !

Voici un registre qui te sied et que tu maîtrises bien, hesscaël. Aussi ai-je envie de copier Arielle en prônant des idées moins classiques. Ose donc, diantre! :-) (facile à dire hein, je sais!)

Il y a là du bel ouvrage sur la versification, sur la maîtrise de la technique mais aussi du sujet que tu déclines entre lyrisme et classicisme.
J'ai envie de te lire dans un autre style, je suis sûre que tu le pourrais !

J'ai dans la tête Arthur Rimbaud et ses poches crevées, qui m'a semblé être le guide de ta plume pour ces alexandrins très joliment construits. C'est du classique très méritant.

Un sujet rebattu quand il est si noblement écrit est pour moi une nouveauté et le mérite en revient à l'originalité, la maîtrise de l'alexandrin et la belle musicalité.

Je me suis régalée! Merci!