La valse des bouchers Ou le bal des héros
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Arielle
hesscaël C.
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La valse des bouchers Ou le bal des héros
La valse des bouchers
Ou le bal des héros
« Ce matin la campagne est belle comme hier.
Ses arbres sont bien droits, ils sont beaux, ils sont fiers !
Mais la cloche a sonné le tocsin par trois fois,
Et maman m’a parlé de Madame Bertha. »
Bertha Pantocrator arrose de sa voix,
Grande diva malade, enrouée, elle aboie
Sur la campagne verte ; et chaque postillon
Est un obus de fer que crache le canon.
La douceur de son chant, dernière médecine,
Étête le clocher de la ville voisine.
Et l’engeance terrible de la grosse dame
Ecroule les maisons, tue l’enfant et la femme.
A travers le pays court la grande nouvelle !
Les affiches aux murs, les courriers, les appels !
Les esprits revanchards ont liés fleur et fer !
Quatorze ans et demi, le siècle part en guerre.
Les chefs ont empoigné la carte de pays
Et doucement leurs doigts s’éloignent de Paris.
Ils lacèrent la terre, ils creusent des fossés,
Des flèches au crayon et des morts par milliers.
On voit sortir de terre, au doux cri du sifflet,
Des bataillons de pères, de fils, de mariés.
Ils s’en vont en courant, aux ordres d’un képi,
Danser avec la Mort, la faux, et le fusil.
La lignée uniforme avance dans la boue,
Les mollets dans la terre et du sang aux genoux.
Le vent souffle et abat les hommes de carton !
A moins que ce ne soient ces petits bouts de plomb ?
Sous le feu de mitraille les corps sont hachés,
Les régiments criblés et les membres tranchés.
Le bataillon de viande aux bouchers de l'horreur
Par le sang de son frère est noyé dans la peur.
La nuit, quand tout s’endort, une silhouette passe
Entre les barbelés où les hommes trépassent.
Belzébuth est assis à la table des rois
Et savoure en riant cet excellent repas !
C’est l’haleine des morts le mordant dans le froid
Qui glace les squelettes, les sangs et les doigts.
Elle est là, silencieuse, à planer sur chacun,
A glisser sur les champs - jolie brume de juin.
Au fond du vieux fossé, moisi et verminé,
Le soldat ne dort pas : il ne peut plus rêver.
Tout recroquevillé, attaqué par les poux,
Il s’enterre et salit son uniforme à trou.
Pleurez soldats, pleurez, car c’est votre regard
Qui abreuve la terre à chacun des départs.
Il coule dans vos larmes la couleur du sang !
C’est tout votre pays qui pleure ses enfants.
Les longs bombardements, les cratères, le bruit !
N’ont pas gêné le dormeur de soixante-dix.
Ils ont même, ô merci ! laissé paître en les cieux
Nos soldats médaillés du val au cresson bleu.
« Au milieu de ces ruines, restes des pères,
Ce tas de corps exsangues, débris de nos guerres,
Ce soir notre campagne a eu bien du chagrin,
Mais l'enfer d’aujourd’hui est meilleur que demain. »
Ou le bal des héros
« Ce matin la campagne est belle comme hier.
Ses arbres sont bien droits, ils sont beaux, ils sont fiers !
Mais la cloche a sonné le tocsin par trois fois,
Et maman m’a parlé de Madame Bertha. »
Bertha Pantocrator arrose de sa voix,
Grande diva malade, enrouée, elle aboie
Sur la campagne verte ; et chaque postillon
Est un obus de fer que crache le canon.
La douceur de son chant, dernière médecine,
Étête le clocher de la ville voisine.
Et l’engeance terrible de la grosse dame
Ecroule les maisons, tue l’enfant et la femme.
A travers le pays court la grande nouvelle !
Les affiches aux murs, les courriers, les appels !
Les esprits revanchards ont liés fleur et fer !
Quatorze ans et demi, le siècle part en guerre.
Les chefs ont empoigné la carte de pays
Et doucement leurs doigts s’éloignent de Paris.
Ils lacèrent la terre, ils creusent des fossés,
Des flèches au crayon et des morts par milliers.
On voit sortir de terre, au doux cri du sifflet,
Des bataillons de pères, de fils, de mariés.
Ils s’en vont en courant, aux ordres d’un képi,
Danser avec la Mort, la faux, et le fusil.
La lignée uniforme avance dans la boue,
Les mollets dans la terre et du sang aux genoux.
Le vent souffle et abat les hommes de carton !
A moins que ce ne soient ces petits bouts de plomb ?
Sous le feu de mitraille les corps sont hachés,
Les régiments criblés et les membres tranchés.
Le bataillon de viande aux bouchers de l'horreur
Par le sang de son frère est noyé dans la peur.
La nuit, quand tout s’endort, une silhouette passe
Entre les barbelés où les hommes trépassent.
Belzébuth est assis à la table des rois
Et savoure en riant cet excellent repas !
C’est l’haleine des morts le mordant dans le froid
Qui glace les squelettes, les sangs et les doigts.
Elle est là, silencieuse, à planer sur chacun,
A glisser sur les champs - jolie brume de juin.
Au fond du vieux fossé, moisi et verminé,
Le soldat ne dort pas : il ne peut plus rêver.
Tout recroquevillé, attaqué par les poux,
Il s’enterre et salit son uniforme à trou.
Pleurez soldats, pleurez, car c’est votre regard
Qui abreuve la terre à chacun des départs.
Il coule dans vos larmes la couleur du sang !
C’est tout votre pays qui pleure ses enfants.
Les longs bombardements, les cratères, le bruit !
N’ont pas gêné le dormeur de soixante-dix.
Ils ont même, ô merci ! laissé paître en les cieux
Nos soldats médaillés du val au cresson bleu.
« Au milieu de ces ruines, restes des pères,
Ce tas de corps exsangues, débris de nos guerres,
Ce soir notre campagne a eu bien du chagrin,
Mais l'enfer d’aujourd’hui est meilleur que demain. »
hesscaël C.- Nombre de messages : 52
Age : 34
Date d'inscription : 14/01/2009
Re: La valse des bouchers Ou le bal des héros
Si j'ai perdu intérêt un petit peu vers "La nuit, quand tout s’endort, une silhouette passe", j'ai quand même globalement beaucoup apprécié ce poème, sur un thème qui me touche toujours. Je salue ton travail de composition, il est remarquable à mes yeux.
Juste un bémol sur : "La douceur de son chant, dernière médecine, " dont le sens se justifie mal, il me semble.
Juste un bémol sur : "La douceur de son chant, dernière médecine, " dont le sens se justifie mal, il me semble.
Invité- Invité
Re: La valse des bouchers Ou le bal des héros
Beaucoup de souffle dans ces beaux vers classiques et frémissants que je qualifierais d'hugoliens en dépit de l'allusion au dormeur du val
Comment lis-tu le vers :
Au milieu de ces ruines, restes des pères auquel je ne vois que 11 syllabes si on ne prononce aucune diérèse ?
Comment lis-tu le vers :
Au milieu de ces ruines, restes des pères auquel je ne vois que 11 syllabes si on ne prononce aucune diérèse ?
Re: La valse des bouchers Ou le bal des héros
Décidément les " auteurs " sont inspirés en ce moment, que de souffle épique !
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: La valse des bouchers Ou le bal des héros
(Arielle) Comment lis-tu le vers :
Au milieu de ces ruines, restes des pères auquel je ne vois que 11 syllabes si on ne prononce aucune diérèse ?
Effectivement, et j'explique d'où vient l'erreur.
J'ai longuement hésité, modifié ce vers au fil du temps (ce texte est en fait vieux de plusieurs années), variant entre " ces restes des pères " ou encore " restes de nos pères " ... et j'ai dû sans doute copier une version intermédiaire où aucune des variantes n'est inscrite.
Entre CES et DE NOS mon coeur balance..!
C'est bien une erreur de ma part ; je m'en excuse.
Merci en tout cas pour vos commentaires.
Au milieu de ces ruines, restes des pères auquel je ne vois que 11 syllabes si on ne prononce aucune diérèse ?
Effectivement, et j'explique d'où vient l'erreur.
J'ai longuement hésité, modifié ce vers au fil du temps (ce texte est en fait vieux de plusieurs années), variant entre " ces restes des pères " ou encore " restes de nos pères " ... et j'ai dû sans doute copier une version intermédiaire où aucune des variantes n'est inscrite.
Entre CES et DE NOS mon coeur balance..!
C'est bien une erreur de ma part ; je m'en excuse.
Merci en tout cas pour vos commentaires.
hesscaël C.- Nombre de messages : 52
Age : 34
Date d'inscription : 14/01/2009
Re: La valse des bouchers Ou le bal des héros
"Belzébuth est assis à la table des rois
Et savoure en riant cet excellent repas "
Tout honte bue et sans cynisme aucun , moi aussi j'ai savouré
presqu'en riant cet excellent repas de vers que tu nous as offert !
Et savoure en riant cet excellent repas "
Tout honte bue et sans cynisme aucun , moi aussi j'ai savouré
presqu'en riant cet excellent repas de vers que tu nous as offert !
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: La valse des bouchers Ou le bal des héros
Beaucoup de classe et de noblesse dans tes vers, soignés, travaillés de belle manière.
J'ai craint au début avec la première strophe qu'il ne soit question de poésie prosée (ou prose poétique si on préfère) mais non, pas du tout, tout cela s'envole ensuite vers des cieux solennels et lyriques à la fois.
J'ai craint au début avec la première strophe qu'il ne soit question de poésie prosée (ou prose poétique si on préfère) mais non, pas du tout, tout cela s'envole ensuite vers des cieux solennels et lyriques à la fois.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: La valse des bouchers Ou le bal des héros
beaucoup aimé, par le sujet et la dynamique de l'écriture qui pour moi ne s'essouffle pas
les premières strophes allusives, apportent beaucoup à la suite du texte, un peu comme une énigme qui se résoud dans l'horreur.
les premières strophes allusives, apportent beaucoup à la suite du texte, un peu comme une énigme qui se résoud dans l'horreur.
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