Petit ange
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Rebecca
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Petit ange
Mort subite du nourrisson.
Doux euphémisme pour meurtre subit du nourrisson, étranglement subit du braillard, étouffement prolongé des hurlements braillards du nourrisson. Hurlements silencieux de la mère subitement meurtrière. Que cessent les cris. Que vienne le silence .Et la paix.
Angélique regardait s’agiter convulsivement la crevette. Si épuisée.
Il fallait prendre une décision. Et pour cela réfléchir. Réfléchir. Oui, se souvenir. « Etait-ce à nouveau l’heure du biberon ? L’enfant peut-être était mouillé. Oui, sans doute. Chercher une couche. Peut-être d’abord faire chauffer le biberon. Il était trempé, l’enfant. Remettre son oreiller en place .»
Angélique le regardait fixement, assourdie par la fureur vocale du petit animal, fascinée par la fureur frénétique des membres s’agitant en tous sens. La bouche de l’enfant, ouverte sur la faim, la colère ou la peur, peut-être déjà le dégoût de la vie se tordait, les petits poings rageurs, le petit corps vorace,le petit vaurien réclamaient.
Il fallait réagir. Et agir. Angélique s’assit, plutôt se laissa tomber. Inerte, le regard vide, le corps flétri, D’abord, se concentrer. Elle regarda par la fenêtre le défilé incessant des voitures, des camions, des autobus .Elle se mit à compter sur sa main droite le nombre de voitures rouges, puis sur sa main gauche le nombre d’autobus. Ne pas se laisser déborder. Par le flot incessant de la circulation. Par les pensées éparpillées, affolées comme des mouches. Par les vagissements sonores. Ne pas oublier un véhicule. Au dessus de cinq dans chaque catégorie, se concentrer encore plus car les doigts ne sont plus des repères fiables. Elle sursauta.
Le téléphone ! Qui cela pouvait-il être ? Qui venait la déranger ? Aller répondre ? Aller répondre et perdre le fil de ses pensées, ne plus savoir combien d’autobus, de voitures rouges…Ne pas répondre. Laisser sonner. Et s’interroger.
« Qui m’appelle ? A-t-il eu son biberon ? Combien de temps s’est écoulé, il y a déjà trois heures ? Dois-je le changer ? Combien de voitures ? »
Angélique s’extirpa de sa chaise et de ses réflexions, péniblement, et se dirigea vers le téléphone. Quand elle attrapa le combiné, son correspondant avait raccroché.
Et l’autre qui hurlait ! Angélique sentit la haine comme une lame de fond. Et ses larmes comme autant d’armes effilées, et ses rêves massacrés, sa pensée effilochée. Vacillante, elle s’approcha du berceau.
« A cause de toi, c’est à cause de toi, le morveux, le moche, le braillard, le jamais content. Je ne saurai pas qui a appelé. Ni combien de voitures sont passées. Tu n’auras pas ton biberon, ton bib je vais le jeter. »
Elle le fit. Puis rongée de remords, elle en prit un autre dans le frigo, le posa dans le réchauffe-biberon, brancha celui-ci, il lui sembla que le bébé se calmait. Elle n’en était pas sure.
« Depuis combien de temps pleurait-il ? Mais qui au bout du fil ? 7voitures rouges, 4 autobus … peut-être… Ah oui… Aller chercher une couche. Maintenant ? Ou après le biberon ? Après. »
Le biberon fut prêt. Mais le nourrisson dormait quand Angélique lui apporta sa pitance.
Dépitée, Angélique. Et maintenant, comment allait-elle le changer ? Remettre son oreiller en place ? Elle voyait le drap trempé sous le petit corps au visage rougi. Elle le regardait, les yeux mouillés, la vue brouillée, l’esprit embrouillé. Elle se sentait confuse, déjà confuse.
Le réveiller ? Et entendre à nouveau le flot incessant des cris stridents, se sentir rejetée comme une vague sur la grève, fracassée comme celle ci sur ce rocher, déchiquetée par des coquillages acérés, désolée comme un rivage en hiver, comme une mère abandonnée sous des nuages porteurs d’orage !
« Oui, désolée. Désolée, mon ange. »
Note : « L'expression mort subite du nourrisson désigne le décès subit et imprévu d'un nourrisson de moins d'un an, apparemment en parfaite santé, et dont la mort demeure inexplicable même après une enquête approfondie. Principale cause de décès des nouveau-nés pendant la première année, le syndrome de mort subite du nourrisson (MSN) reste à ce jour inexpliquée. Cette affection complexe semble avoir des origines multiples et fait l'objet de nombreuses recherches. »
Doux euphémisme pour meurtre subit du nourrisson, étranglement subit du braillard, étouffement prolongé des hurlements braillards du nourrisson. Hurlements silencieux de la mère subitement meurtrière. Que cessent les cris. Que vienne le silence .Et la paix.
Angélique regardait s’agiter convulsivement la crevette. Si épuisée.
Il fallait prendre une décision. Et pour cela réfléchir. Réfléchir. Oui, se souvenir. « Etait-ce à nouveau l’heure du biberon ? L’enfant peut-être était mouillé. Oui, sans doute. Chercher une couche. Peut-être d’abord faire chauffer le biberon. Il était trempé, l’enfant. Remettre son oreiller en place .»
Angélique le regardait fixement, assourdie par la fureur vocale du petit animal, fascinée par la fureur frénétique des membres s’agitant en tous sens. La bouche de l’enfant, ouverte sur la faim, la colère ou la peur, peut-être déjà le dégoût de la vie se tordait, les petits poings rageurs, le petit corps vorace,le petit vaurien réclamaient.
Il fallait réagir. Et agir. Angélique s’assit, plutôt se laissa tomber. Inerte, le regard vide, le corps flétri, D’abord, se concentrer. Elle regarda par la fenêtre le défilé incessant des voitures, des camions, des autobus .Elle se mit à compter sur sa main droite le nombre de voitures rouges, puis sur sa main gauche le nombre d’autobus. Ne pas se laisser déborder. Par le flot incessant de la circulation. Par les pensées éparpillées, affolées comme des mouches. Par les vagissements sonores. Ne pas oublier un véhicule. Au dessus de cinq dans chaque catégorie, se concentrer encore plus car les doigts ne sont plus des repères fiables. Elle sursauta.
Le téléphone ! Qui cela pouvait-il être ? Qui venait la déranger ? Aller répondre ? Aller répondre et perdre le fil de ses pensées, ne plus savoir combien d’autobus, de voitures rouges…Ne pas répondre. Laisser sonner. Et s’interroger.
« Qui m’appelle ? A-t-il eu son biberon ? Combien de temps s’est écoulé, il y a déjà trois heures ? Dois-je le changer ? Combien de voitures ? »
Angélique s’extirpa de sa chaise et de ses réflexions, péniblement, et se dirigea vers le téléphone. Quand elle attrapa le combiné, son correspondant avait raccroché.
Et l’autre qui hurlait ! Angélique sentit la haine comme une lame de fond. Et ses larmes comme autant d’armes effilées, et ses rêves massacrés, sa pensée effilochée. Vacillante, elle s’approcha du berceau.
« A cause de toi, c’est à cause de toi, le morveux, le moche, le braillard, le jamais content. Je ne saurai pas qui a appelé. Ni combien de voitures sont passées. Tu n’auras pas ton biberon, ton bib je vais le jeter. »
Elle le fit. Puis rongée de remords, elle en prit un autre dans le frigo, le posa dans le réchauffe-biberon, brancha celui-ci, il lui sembla que le bébé se calmait. Elle n’en était pas sure.
« Depuis combien de temps pleurait-il ? Mais qui au bout du fil ? 7voitures rouges, 4 autobus … peut-être… Ah oui… Aller chercher une couche. Maintenant ? Ou après le biberon ? Après. »
Le biberon fut prêt. Mais le nourrisson dormait quand Angélique lui apporta sa pitance.
Dépitée, Angélique. Et maintenant, comment allait-elle le changer ? Remettre son oreiller en place ? Elle voyait le drap trempé sous le petit corps au visage rougi. Elle le regardait, les yeux mouillés, la vue brouillée, l’esprit embrouillé. Elle se sentait confuse, déjà confuse.
Le réveiller ? Et entendre à nouveau le flot incessant des cris stridents, se sentir rejetée comme une vague sur la grève, fracassée comme celle ci sur ce rocher, déchiquetée par des coquillages acérés, désolée comme un rivage en hiver, comme une mère abandonnée sous des nuages porteurs d’orage !
« Oui, désolée. Désolée, mon ange. »
Note : « L'expression mort subite du nourrisson désigne le décès subit et imprévu d'un nourrisson de moins d'un an, apparemment en parfaite santé, et dont la mort demeure inexplicable même après une enquête approfondie. Principale cause de décès des nouveau-nés pendant la première année, le syndrome de mort subite du nourrisson (MSN) reste à ce jour inexpliquée. Cette affection complexe semble avoir des origines multiples et fait l'objet de nombreuses recherches. »
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Petit ange
Le début du texte peut rebuter les lecteurs mais personnellement j'aime ce jeu de phrases qui s'allongent en intervertissant la place des mots.
Vous devriez peut-être accentuer l'importance des troubles du comportement d'Angélique par rapport au lent trépas du nourrisson. (je ne sais pas si ma lecture est exacte mais c'est dans ce sens que je perçois la force du texte)
Les chiffres devraient être écrits en toutes lettres.
L'utilisation de "celle-ci" est gênante car même si le bon sens indique que le pronom désigne la vague, on a l'impression qu'il remplace le rocher. De même que l'emploi du "ce" est étrange au vu des autres déterminants de la phrase.
Vous devriez peut-être accentuer l'importance des troubles du comportement d'Angélique par rapport au lent trépas du nourrisson. (je ne sais pas si ma lecture est exacte mais c'est dans ce sens que je perçois la force du texte)
Les chiffres devraient être écrits en toutes lettres.
[...] rejetée comme une vague sur la grève, fracassée comme celle-ci sur ce rocher
L'utilisation de "celle-ci" est gênante car même si le bon sens indique que le pronom désigne la vague, on a l'impression qu'il remplace le rocher. De même que l'emploi du "ce" est étrange au vu des autres déterminants de la phrase.
Re: Petit ange
Rien à changer Rebecca, démonstration convaincante.
Des émotions qui remontent...
Hey, ça nous rajeunit pas tout ça ! ;-)
(juste une chose, j'ai remarqué le jeu sur les sonorités, ça ne me dérange pas, mais je crois que le texte est assez solide pour s'en passer.)
Des émotions qui remontent...
Hey, ça nous rajeunit pas tout ça ! ;-)
(juste une chose, j'ai remarqué le jeu sur les sonorités, ça ne me dérange pas, mais je crois que le texte est assez solide pour s'en passer.)
Invité- Invité
Mauvaise mère, va !
Il n’y en aura pas une pour relever l’autre, hein ? C’est brillant et enlevé, inquiétant comme toute mise en cause de certitudes bêlantes et, partant, jubilatoire.
S’il était possible d’éditer les textes envoyés, je proposerais volontiers de supprimer le nota informatif ; cessons de guider nos lecteurs comme des chiens d’aveugles. Ils sont grands, surtout sur ce site ; ne les insultons pas en les pensant ignares et laissons ceux qui doutent chercher par eux-mêmes.
Mais bon, je dis ça, je dis rien. J’aime ce texte et pis c’est tout.
S’il était possible d’éditer les textes envoyés, je proposerais volontiers de supprimer le nota informatif ; cessons de guider nos lecteurs comme des chiens d’aveugles. Ils sont grands, surtout sur ce site ; ne les insultons pas en les pensant ignares et laissons ceux qui doutent chercher par eux-mêmes.
Mais bon, je dis ça, je dis rien. J’aime ce texte et pis c’est tout.
Re: Petit ange
Quelle poigne.
Belle maîtrise des sentiments de déroute.
J'adore la partie jouée à la fenêtre où cette mère compte les véhicules.
Belle maîtrise des sentiments de déroute.
J'adore la partie jouée à la fenêtre où cette mère compte les véhicules.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Petit ange
Ce teste m'a mis dans un état complexe et c'est sans doute la preuve de sa force: Il semble décrire si bien un sentiment qu'intérieurement je ne peux accepter ou plutôt 'supporter'. Cette maternité immature rejoint l'explication des dénis de grossesses. J'ai finir de lire bientôt autant "en déroute"que cette mère !
Re: Petit ange
Pour moi rien de bien convaincant. Un exercice de style sans fond. Un texte sans message et sans histoire.
Adekwatt- Nombre de messages : 271
Age : 37
Localisation : Auvergne (Volvic !)
Date d'inscription : 21/10/2009
Re: Petit ange
je ne vois pas trop le rapport avec la mort subite du nourrisson : "décès soudain, brutal et inattendu du jeune enfant, ... apparemment en bonne santé, lors de son sommeil.") ici, il crie ,vocifère ...
Me semble que sans cette mention qui m'a semblé incongrue, le texte serait meilleur. Le portrait de cette mère dépassée, dévastée est plutôt réussi, crédible et touchant.
Me semble que sans cette mention qui m'a semblé incongrue, le texte serait meilleur. Le portrait de cette mère dépassée, dévastée est plutôt réussi, crédible et touchant.
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Petit ange
Dommage pour la répétition de braillard dans les premières lignes.
J'ai cru qu'Angélique allait réellement commettre l'irréparable et c'est affreux à dire, je sais, mais tu as tellement bien fait ressentir la rage qu'elle contient que ça ne m'aurait pas surprise, je l'aurais accepté (je parle de l'acte dans l'enchaînement des événements, pas de l'acte en soi).
Un amour-haine que beaucoup ont vécu, un jour ou l'autre, face à des pleurs incessants quand l'esprit n'en peut plus. Pas pour autant qu'il faut agir, c'est clair, mais tu pointes ainsi la fragilité de cette barrière qui empêche de le faire. Tu fais également naître une confusion dans les émotions dans la mesure où cet épuisement moral est tel qu'on le palpe et on se glisse dans la peau de cette femme, en se demandant ce que nous ferions-nous. Effrayant tout de même...
J'ai cru qu'Angélique allait réellement commettre l'irréparable et c'est affreux à dire, je sais, mais tu as tellement bien fait ressentir la rage qu'elle contient que ça ne m'aurait pas surprise, je l'aurais accepté (je parle de l'acte dans l'enchaînement des événements, pas de l'acte en soi).
Un amour-haine que beaucoup ont vécu, un jour ou l'autre, face à des pleurs incessants quand l'esprit n'en peut plus. Pas pour autant qu'il faut agir, c'est clair, mais tu pointes ainsi la fragilité de cette barrière qui empêche de le faire. Tu fais également naître une confusion dans les émotions dans la mesure où cet épuisement moral est tel qu'on le palpe et on se glisse dans la peau de cette femme, en se demandant ce que nous ferions-nous. Effrayant tout de même...
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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