Les cris miniatures

Là, tu m'as cueillie par complète surprise, au détour d'une phrase :

Ma mère est là, devant moi.

Je pensais justement que l'emploi de "salaud" ne se justifiait pas dans le cadre d'un sacrifice rituel et je tombe sur ces quelques mots qui apportent une nouvelle dimension non seulement au passage mais au récit tout entier sûrement.
Quel retournement, j'en suis toute échevelée !

Sinon, je constate une utilisation toujours généreuse des adjectifs, mais je ne le déplore pas parce qu'il me semble que chaque adjectif est soigneusement choisi, riche de sens.

Sur la langue à proprement parler, j'ai relevé :
les couvertures marron, (adj de couleur invariable)
Et les êtres sont sans âmes (je mettrais bien "âme" au singulier, chaque être n'en possède qu'une ; en français on a un collectif contrairement à l'anglais qui privilégie un pluriel)
je glane la douleur en slaves compactes, ("salves", sûrement ?)

j'ai buté sur la syntaxe de cette proposition isolée, il me semble qu'il manque un complément (la connivence entre ceci et cela) :
la connivence est grande,

et j'ai beaucoup aimé la fausse dérision de cette image : Me voilà seul dans le bide du diable.

décliné*, excusez-moi

Excellent portrait de la mère, je trouve. Cruel, lucide, affectueux pourtant.

Remarques :
"les malheurs de son enfance, distanciation critique et délavant tout objet tâté dans l'enfance" : je trouve la répétition dommageable
"yeux bleus (et non "bleues")"

Je réponds parce que c'est en haut :
socque, si cela ne vous dérange pas, et ce car votre avis m'importe beaucoup, pouvez-vous commenter les deux passages postés avant celui-ci ? Je m'excuse d'avance de cette demande un peu osée.

Oui, je me rappelle assez bien ce que j'avais pensé en les lisant, mais souvenez-vous que j'étais fort mal disposée alors : j'ai trouvé l'ensemble verbeux, comme une reprise de ce que vous aviez déjà dit. Je pensais que cela patinait...
La présentation du cadavre, j'ai bien aimé, avec sa gorge distendue, mais j'ai regretté que vous partiez du sexe tout de suite, cela m'a paru trop évident. Je l'aurais peut-être vu pris par l'autre bout, parce que cette gorge, c'était vraiment bien.

Parce que tu manies si bien les mots j'ai plaisir à lire le portrait de la mère mais franchement, rien de ce que tu en dis n'équivaut la force de ceci :

sa splendeur de machine de guerre

Si le sentiment de culpabilité du narrateur n'est pas surprenant, il n'en est pas moins émouvant ici, tel que tu le formules.



l'accomplissement charnel décliné pour toujours se taire

Je n'ai pas tout lu, je m'en suis tenue aux 2 ou 3 premiers passages. J'ai beaucoup aimé le début et puis, plus on avançait, plus j'avais besoin de "respirer" dans ce texte que je trouve - à mon goût - trop dense dans le style et l'écriture. Quand je lis, même si c'est bien écrit et riche (et peut être même surtout dans ce cas), j'ai besoin d'une "respiration" qui aère, allège un peu le texte et me laisse le temps de "savourer" ce que je viens de lire. Ici, j'ai dû renoncer sous peine d'étouffement.
PS : un petit truc qui m'a gênée dans le première partie : "L’air est bourré de senteurs glaciales. Je crois sentir "

J'ai pris trop de retard. Il faut que je lise ça calmement. Commentaire à venir, donc.

Je pense que cette fin peut clôturer très élégamment la nouvelle. D'une manière générale, j'ai beaucoup aimé ces deux extraits, où la progression a quelque chose d'implacable. Je vous inviterais plutôt à revenir sur des parties antérieures où, m'a-t-il semblé, vous vous égariez un peu dans l'onirisme.

Mes remarques :
« première victime du courroux qu'elle a toujours rêvé de m'affliger » : je pense qu’on afflige quelqu’un de quelque chose, on qu’on lui inflige quelque chose ; pour moi, votre construction n’est pas correcte
« Tandis que je reste à maudire et à aimer ma mère, d'énormes limaces noires me "grimpent » : une faute de frappe ici ; j’aime beaucoup la première partie de la phrase
« les courbes du chameau au-devant de la lune »
« Satanée jungle »
« je crie à pleins poumons »
« tous les liquides du monde ont réuni leur pitié » : j’aime beaucoup !
« les sales bêtes m'ont reniflé, de très près, m'ont même balancé au visage un peu de leur haleine putride, féroce, puis sont reparties, l'air de rien »
« Ces personnes ont des visages ordinaires, mais sont entièrement nues et ont des cernes immenses » : la pauverté des verbes est dommageable ici, je trouve ; question de densité dans unephrase assez courte, j’ai l’impression
« jamais le rythme ne change, jamais la cadence n’est interrompue »
« Entre les tempes maussades éclatées comme les cendres s’éparpillent dans le lit de la rivière, les senteurs sont sèches et roulent sous les regards en traînées impalpables. » : qui s’éparpillent dans le lite de la rivière, puisque les senteurs sont sèches et roulent ? Où est le sujet du verbe ?
« Une maladie inconnue, apparemment, l'ayant comme rongée de l'intérieur »
« quelques minutes seulement après que je me sois (« après que je m’étais levé », ou « après que je me suis levé » : « après que » est suivi de l’indicatif) levé »

"sans véritablement d'inspiration" dis-tu ...
je te lis et me dis que tu dois t'ennuyer fort dans le carcan de tes cours de français...

Cela dit, il me semble que la transition se fait bien et la fin nous permet de mieux appréhender le narrateur qui devient palpable.
J'ai trouvé à la lecture le passage sur la mère un tout petit peu trop long, appuyé sinon répétitif ; à la relecture, cela ne m'a pas paru aussi évident, surtout avec cette indication, précieuse par son clin d'œil à la réalité :

Cet appartement est gris, tout gris, et il soupire sans cesse..

Je relève ceci, pour moi, une oriflamme :

Je préfère au monde fade, mécanique, articulé, les surprises de la nuit qui tombent et balbutient, vous font traverser le matin avec la gorge encore enrouée des bonheurs du sommeil, les lèvres encore craquelées du long cri survenu à la vue des pâleurs de l'aube ou bien à la vue du phallus sanglant qui s'est planté dans votre mère. Autre chose que les serpents venimeux du travail, une autre couleur que celle des chagrins visqueux de la femme la veille au soir... j'espère faire le bon choix.

Absolument cohérent, pour moi. Il me semble particulièrement bien venu que tu relies tout l'univers onirique décrit à une réalité objective et à une réalité psychique qui le justifie. La sortie du fantastique que cela implique donne encore plus d'impact au ton du texte.
(Je ne sais pas si ce que je te dis est clair, je suis retournée par ce que tu écris)

Il me semble qu'il y a quelques longueurs, tu pourrais élaguer un peu
( la jungle ? )
Ou cette impression vient d'un nouveau "réveil" ?
là ? :

Je me réveille. Mes membres sont toujours aussi douloureux. J'ai l'impression d'avoir quitté le flou de ces derniers temps où les mouvements de la jungle étaient omniprésents et où j'échappais au sommeil seulement pour ramper, me rendormir, délirer, ramper, me rendormir, délirer... spirale infinie. Cette fois-ci, j'ai dormi plus longtemps, je le sens. Je suis réveillé mais n'arrive pas encore à ouvrir les yeux. Néanmoins, je sais que je ne suis plus dans la jungle. Je ne reconnais pas les bruits, les odeurs, l'atmosphère. Là, cela semble plus tranquille, moins acéré, moins oppressant. L'espoir surgit : peut-être suis-je mort ?

" - Non, tu n'es pas mort, me dit une voix caverneuse.

J'ouvre les yeux, on m'y invite. A ma droite, l'homme. Je le retrouve identique, son sourire indéchiffrable toujours présent. Je m'apprête à parler. Il lève une main paume ouverte, cligne doucement des yeux, et me met un doigt devant la bouche.

"- Non, tes questions sont inutiles. Je suppose que tu t'es plu dans l'endroit où je t'ai amené... d'autant que ma surprise a dû bien te réjouir ! Tu as crié très fort, cela m'a fait plaisir... ta mère, elle, est restée silencieuse, étrangement. Je la pensais heureuse de te retrouver, j'ai dû me tromper.

- Où sommes-nous ? dis-je péniblement en avalant ma salive.

- Dans le monde réel, pris dans sa véritable et absolue conception. Regarde autour de toi."

Mais c'est vraiment très fort ! Peut-être trop dense, je ne sais pas , il faudrait que je l'imprime et le lise d'un trait sur papier pour me rendre mieux compte.
Mais tu as un univers et surtout des images d'une beauté confondante.
Moi aussi j'aurais plaisir à te rencontrer, si l'occasion se présentait, lu-k, tu attises vraiment la curiosité.

Merci beaucoup, encore une fois. Tout cela me fait très plaisir !
J'espère une fois tous vous rencontrer, moi aussi, peut-être à l'occasion d'un de ces "rassemblements" organisés sur le site, comme celui qui a eu lieu cet été ? Je me ferai une joie d'y participer, même si je conçois bien les barrières de l'âge... (personnellement, j'ai toujours réussi à passer outre, si l'adulte y convient)

Je suis désolé de faire remonter ce topic ; je tiens juste à poster une version intégrale de cette nouvelle, afin que la relecture de certains soit facilitée.

Merci beaucoup, une troisième fois, je vous dois beaucoup. En un an, j'ai énormément progressé, énormément appris, sur ce forum...

lu-k, ayant déjà lu votre nouvelle (et, dans l'ensemble, l'ayant beaucoup aimée), vous comprendrez que je ne relise pas pour la seule traque des changements que vous avez pu apporter dans cette version... Le plaisir de la découverte serait absent, on ne peut pas bisser les premières fois. Cela dit, à mon avis, vous avez bien fait de rassembler le tout pour permettre à d'autres lecteurs de tout appréhender d'un coup.

Vous devez être content d'être parvenu à une longueur de "vraie" nouvelle ! Cela m'a exaltée, la première fois que j'y suis arrivée...

Oh, socque, je comprends tout à fait, surtout que, pour le moment, il n'y a pas de changements !
Je postais juste cela pour Coline et Easter qui, visiblement, souhaitaient une relecture de la nouvelle toute entière...

Tout à fait, je suis très, très heureux d'avoir su atteindre cette longueur... jusque-là, mes textes étaient seulement des fragments, quelques fois plusieurs pages, mais jamais de cette taille-là...

Merci lu-k de tes attentions. Je vais imprimer le tout, ce sera plus simple à faire maintenant que tu as tout réuni ; je préfère quand même une version papier à la lecture sur écran, fragmentée ou non.

Ha oui, quand même 16 pages Word. Impressionnant !

lu-k, je ne doute pas que tu sois le bienvenu lors d'une prochaine rencontre VE, sans que la différence d'âge pose un quelconque problème.

lu-k, j'aimerais mettre un texte de toi sur mon blog, peut-être pas cris miniatures parce qu'il serait un peu long - quoique...
Serais-tu d'accord ?

Je vous en prie, Coline, cela me ferait plaisir !
Par contre, en échange, pourriez-vous me passer l'adresse ?

Je trouve ça tellement nickel, les idées s'enchaînent avec une cohérence vraiment parfaite on ne s'ennuie pas à lire vraiment.

http://la-cle-a-mots-lettres.over-blog.com/
Merci, lu-k, je serai vraiment contente de faire partager mon enthousiasme pour ton écriture.
Préfères-tu que je mette les cris miniatures ou un autre texte ? Par ailleurs, si tu fais un tour sur mon blog, tu verras que je publie souvent en couleur ; dis-moi si tu as une préférence pour une police et pour une couleur. Si tu as en tête une illustration ( sous réserve qu'elle soit petite et libre de droits) merci de me la communiquer, j'essaie en général de laisser le choix aux auteurs ou sinon de trouver quelque chose qui corresponde.
Maintenant, si je mets cris miniatures, le texte étant long, je ne mettrai probablement pas d'illustration, à moins que tu n'en aies une aussi géniale que le texte : là, je ne pourrai pas résister !

Oulàlà, je ne cache pas que tout cela me flatte énormément... c'est à moi de vous remercier...
Sincèrement, je n'ai aucune préférence. C'est votre espace, mettez le texte qui vous conviendra, n'importe lequel, dans tous les cas cela ne me posera aucun problème. Pour la police, la couleur, de même... quant à l'illustration, je n'en ai pas à vous proposer, désolé, je n'y avais pas pensé préalablement.

Je vous laisse donc le choix, et continue de rougir à vos éloges...

Coline, je viens d'aller voir sur votre blog ; merci beaucoup pour ces compliments, encore une fois.
Je remarque que vous n'avez posté que la deuxième partie de mon texte. Est-ce volontaire ?

Non, lu-k, je pense que c'est parce que le texte est trop long , je l'avais bien pris en entier, mais je viens juste de m'apercevoir qu'il n'y en a que la moitié ; il doit falloir le mettre en deux parties ( je suis nulle dans ces trucs techniques même si bien peu techniques !)
Je vais rectifier ça, mais il me faut récupérer ou refaire le texte de présentation : je l'ai effacé ( quand je serai grande, j'apprendrai à me servir d'un ordinateur !) et je ne suis pas sûre de pouvoir le faire ce soir.
Demain au plus tard.
Et contente que ça te fasse plaisir, c'est vraiment un plaisir partagé !

J'ai lu au fur et à mesure sans commenter.
J'ai imprimé la version intégrale pour relire le tout à mon aise et je poste mes impressions demain.

Luk, si le coeur t'en dit, ça vaudrait la peine de t'inscrire ici:
http://www.vosecrits.com/conversations-atelier-f4/projet-dedition-appel-aux-auteurs-t5571.htm
Ton texte et toi le valez amplement.

J’ai relu l’ensemble d’une traite, offrant ainsi davantage de consistance à ce magnifique texte qui n’en manquait pas mais gagne en valeur en étant considéré comme un ensemble plutôt que comme des fragments successifs.
Quelle belle plume tu déploies ici ! Tu maintiens ce goût de l’élégance dans l’écriture, cette utilisation d’un vocabulaire proche du lyrisme et cette plongée dans des univers oniriques ou sensoriels, mais contrairement à d’autres textes de toi (en particulier les premiers), tu as réussi à te défaire du superficiel pour te concentrer sur des émotions essentielles. Cela donne dès lors encore plus de force aux mots qui peuvent prendre possession du récit sans en faire trop.

Je ne rentrerai pas dans le détail technique, d’autres l’ont fait avant moi et de manière très efficace, inutile d’y revenir.
Je tiens toutefois à redire à quel point je suis conquise par la maturité de ton écriture, sa progression et ta manière de créer un monde envoûtant. La poésie présente dans tes lignes est de belle qualité et me touche beaucoup, la structure du récit est ample et solide, les émotions, fortes, sont évoquées avec justesse… bref, cela me paraît être un excellent texte.

Bravo et merci Luk !

Ouep, de l'avis de socque, et même j'ajoute : Maldoror en banderait. J'aime tout particulièrement la lettre du frère, mais l'amont n'est pas en reste.
Tout comme socque, je serais curieux de savoir à quelles dates tu montes à Paris : il est possible que je fasse de même (rien de sûr pour le moment), alors dès fois que...
Enfin, je n'ai que bravo à dire.
Et up le texte pour l'occasion.

Chako Noir a écrit:l'amont n'est pas en reste.

et l'aval aussi, bien sûr. (faute d'inattention de ma part)