Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
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Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
C'était au bord du fleuve,
Mon père s'éteignait.
J'étais à son chevet
Et là-bas sur les blés, triomphaient les oiseaux,
Tandis que je glanais les épis de la mort.
.
Avant que la finale alluvion de son sang
N'inonde de ses heures l'incertain détroit,
Abattu tel un arbre,
Du temps il déterra
Sa pâle main de vie toute encore fardée.
Sous la nuit qui tombait
Je la pris en ma paume et l’écoutai parler :
« Laissez-moi encore un peu marcher, disait-il.
Je trouverai ce soir la nouvelle grimace
Pour effrayer la mort.
Je sais, oh oui je sais !
Au creux de mes orbites,
Mes yeux déjà se tournent,
D’acides floraisons s'élèvent de mes joues
Et ma main n'est que branche au bâton qui tâtonne.
Maudit soit ce sommeil qui m’ôte à la décence !
Car alors est crevasse ma bouche édentée
Et mon nez caverneux, ronflant museau de bête.
Alentours de ma tête en la fripe des draps,
Sont jaunes mes cheveux plus funestes qu'épines.
Je sais l'hésitation de mes jambes sans chair
Si juste au vertical j’ai l’affront de prétendre.
Je sais, surtout, je sais,
Mais laissez-moi encore un peu marcher ! »
Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient.
C'était au bord du fleuve,
Mon père s'éteignait.
J'étais à son chevet
Et là-bas sur les blés, triomphaient les oiseaux,
Tandis que je glanais les épis de la mort.
.
Avant que la finale alluvion de son sang
N'inonde de ses heures l'incertain détroit,
Abattu tel un arbre,
Du temps il déterra
Sa pâle main de vie toute encore fardée.
Sous la nuit qui tombait
Je la pris en ma paume et l’écoutai parler :
« Laissez-moi encore un peu marcher, disait-il.
Je trouverai ce soir la nouvelle grimace
Pour effrayer la mort.
Je sais, oh oui je sais !
Au creux de mes orbites,
Mes yeux déjà se tournent,
D’acides floraisons s'élèvent de mes joues
Et ma main n'est que branche au bâton qui tâtonne.
Maudit soit ce sommeil qui m’ôte à la décence !
Car alors est crevasse ma bouche édentée
Et mon nez caverneux, ronflant museau de bête.
Alentours de ma tête en la fripe des draps,
Sont jaunes mes cheveux plus funestes qu'épines.
Je sais l'hésitation de mes jambes sans chair
Si juste au vertical j’ai l’affront de prétendre.
Je sais, surtout, je sais,
Mais laissez-moi encore un peu marcher ! »
Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient.
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
Une belle ampleur, mais je pense que j'ai déjà lu beaucoup mieux de toi ; pour moi, c'est comme si la force et la douleur du sujet t'avaient entraîné dans des facilités d'expression, comme si tu n'avais pas eu suffisamment de recul. Je pense aux nombreuses inversions dans tes vers, qui, selon moi, brident la force, font verser le poème dans quelque chose de plus lisse, avec un petit côté "joli-poétique".
Cela dit, j’adore
« Laissez-moi encore un peu marcher, disait-il.
et les trois derniers vers.
Le titre est magnifique !
Quelques exemples de ce que je veux dire :
« Et là-bas sur les blés, triomphaient les oiseaux » : superbe, mais tiens-tu à la virgule ?
« je glanais les épis de la mort » : précieux, à mon goût, trop « joli » pour la dureté de ce que (me semble-t-il) tu veux exprimer
« Avant que la finale alluvion de son sang » : pourquoi l’inversion adjectif-substantif ? Elle me paraît un poil affectée et non indispensable à la métrique
Cela dit, j’adore
« Laissez-moi encore un peu marcher, disait-il.
et les trois derniers vers.
Le titre est magnifique !
Quelques exemples de ce que je veux dire :
« Et là-bas sur les blés, triomphaient les oiseaux » : superbe, mais tiens-tu à la virgule ?
« je glanais les épis de la mort » : précieux, à mon goût, trop « joli » pour la dureté de ce que (me semble-t-il) tu veux exprimer
« Avant que la finale alluvion de son sang » : pourquoi l’inversion adjectif-substantif ? Elle me paraît un poil affectée et non indispensable à la métrique
Invité- Invité
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
Bonjour Hellian,
j'ai aimé ce poème, ce qu'il raconte ; j'ai même eu le droit à une image gratis à la fin ; je me suis "réellement" imaginé cet homme, la peau sur les os, face au vent, priant les oiseaux de le laisser marcher...
Je vous fait ici part d'une ou deux réflexions que je me suis faites.
J'oubliais un truc ; ce n'est pas pour tout ramener à moi mais ça fait trois nuits de suite que dans ma chambre, un criquet chante une douce mélodie à mes oreilles; alors moi aussi je lui parle même si ce n'est pas un oiseau...
j'ai aimé ce poème, ce qu'il raconte ; j'ai même eu le droit à une image gratis à la fin ; je me suis "réellement" imaginé cet homme, la peau sur les os, face au vent, priant les oiseaux de le laisser marcher...
Je vous fait ici part d'une ou deux réflexions que je me suis faites.
Dans ce passage, j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de "DE" au vers carré (c'est un peu comme le mètre carré mais c'est pour les vers), c'est surtout le hiatus "N'inonde de" qui m'a le plus gêné...Avant que la finale alluvion de son sang
N'inonde de ses heures l'incertain détroit,
Là vous allez sûrement dire que c'est moi qui suis complètement tordu mais j'ai du mal à prononcer "est crevasse", à chaque fois je pense "écrevisse" !Car alors est crevasse ma bouche édentée
Et pour conclure, je n'ai pas trop aimé le "surtout" calé entre les deux "je sais", je ne l'ai pas trouvé approprié, je me suis dit qu'il y avait peut-être ici un autre mot possible...Je sais, surtout, je sais,
Mais laissez-moi encore un peu marcher ! »
Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient.
J'oubliais un truc ; ce n'est pas pour tout ramener à moi mais ça fait trois nuits de suite que dans ma chambre, un criquet chante une douce mélodie à mes oreilles; alors moi aussi je lui parle même si ce n'est pas un oiseau...
Peter Pan- Nombre de messages : 3709
Age : 49
Localisation : Pays des rêves et de l'imaginaire
Date d'inscription : 16/04/2009
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
Je viens de lire le commentaire de socque ; j'ai oublié de vous dire que je trouve également le titre magnifique...
Peter Pan- Nombre de messages : 3709
Age : 49
Localisation : Pays des rêves et de l'imaginaire
Date d'inscription : 16/04/2009
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
Pour des raisons personnelles ce texte me vrille, je n'arrive pas à le lire avec le recul de l'oeil critique. Voilà. Rien d'autre. Merci Hellian.
Invité- Invité
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
Je trouverai ce soir la nouvelle grimace
Pour effrayer la mort.
Que ceci m'a touchée ! Comme beaucoup d'éléments de ton texte d'ailleurs, que je trouve beau et digne, élégant également.
Attention toutefois à ne pas te laisser trop guider par l'émotion, proche par moments du pathos, dans ce besoin d'énoncer la douleur d'une perte à venir. Tu ne franchis pas la ligne mais il en faudrait peu pour que ce soit le cas et ce serait dommage.
Pour effrayer la mort.
Que ceci m'a touchée ! Comme beaucoup d'éléments de ton texte d'ailleurs, que je trouve beau et digne, élégant également.
Attention toutefois à ne pas te laisser trop guider par l'émotion, proche par moments du pathos, dans ce besoin d'énoncer la douleur d'une perte à venir. Tu ne franchis pas la ligne mais il en faudrait peu pour que ce soit le cas et ce serait dommage.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
je ressent une poésie très forte dans ce vers rikiki :
cela certainement été généré par ce qui précède, je n'en sais rien, ou ce qui suit.Seuls les poètes savent faire ça : un truc lu un million de fois mais qui fait mouche, impromptu. je me garde donc bien de savoir pourquoi.Sous la nuit qui tombait
Invité- Invité
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
"je profite que c'est en haut...."
merci d'avoir repéré cela, Panda. C'est vrai que les strophes qui précèdent participe d'une "mise en scène" ( en référence à Van Gogh) dont ce petit vers est le point d'orgue.
merci d'avoir repéré cela, Panda. C'est vrai que les strophes qui précèdent participe d'une "mise en scène" ( en référence à Van Gogh) dont ce petit vers est le point d'orgue.
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
un peu sur la réserve pour les 2 premières strophes
mais la suite est somptueuse
cette marche vers la mort, pour la narguer une dernière fois
j'ai pensé "à mon dernier repas" de Brel, mais ici moins de morgue et davantage d'amour
un hommage magnifique au père................ému
mais la suite est somptueuse
cette marche vers la mort, pour la narguer une dernière fois
j'ai pensé "à mon dernier repas" de Brel, mais ici moins de morgue et davantage d'amour
un hommage magnifique au père................ému
mitsouko- Nombre de messages : 560
Age : 64
Localisation : Paris
Date d'inscription : 08/11/2008
Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
Comme Mitsouko j'ai pensé à Brel, mais avec " J'arrive"...
Chacun s'exprime à sa façon devant l'horreur de l'inéluctable, mais c'est toujours poignant.
Emouvant contraste : le père quitte la vie, les oiseaux chantent. Très beau poème.
Chacun s'exprime à sa façon devant l'horreur de l'inéluctable, mais c'est toujours poignant.
Emouvant contraste : le père quitte la vie, les oiseaux chantent. Très beau poème.
Invité- Invité
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
l'ensemble est touchant, mais il y une sorte de complexité qui me gêne, je ne saurais pas vraiment la définir et cela m'embête..
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
Très puissant que cette oreille attentive
Difficile à commenter, il s'agit d'un poème qui ne peut que se partager
Difficile à commenter, il s'agit d'un poème qui ne peut que se partager
Roz-gingembre- Nombre de messages : 1044
Age : 62
Date d'inscription : 14/11/2008
forum vos écrits : poésie :: ainsi parlait mon père...
Bonjour
Je me joins volontiers à ce concert de louanges
et, pour ne pas déroger, j'ajoute aussi une petite critique.
Dans:
"je la pris en ma paume et l'écoutai parler",
est-ce que le récitant écoute la main? Je crois plutôt qu'il écoute le père (ou sa voix). Mais alors la phrase ne me semble pas grammaticalement correcte.
Cordialement,
Ch
Je me joins volontiers à ce concert de louanges
et, pour ne pas déroger, j'ajoute aussi une petite critique.
Dans:
"je la pris en ma paume et l'écoutai parler",
est-ce que le récitant écoute la main? Je crois plutôt qu'il écoute le père (ou sa voix). Mais alors la phrase ne me semble pas grammaticalement correcte.
Cordialement,
Ch
apelsinjuice- Nombre de messages : 25
Age : 84
Localisation : Paris
Date d'inscription : 08/10/2009
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
ça m'a semblé assez classique dans sa forme, peut être un peu vieillot dans le vocabulaire, les tournures ... mais les dernières strophes m'ont totalement emporté. A partir de "Maudit soit ce sommeil ..", j'ai trouvé ça superbe. J'ai peu de références poétiques mais je ne saurai dire pourquoi, j'ai eu une pensée pour le bâteau ivre ... ô que ma quille éclate ...
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 49
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
J'ai eu beaucoup de mal avec ce poème. Une poésie très "fin XIXème" sur laquelle plane l'ombre de quelques décadents oubliés. Il y a une lourdeur générale qui me gêne dans ces vers : par exemple, la mention des "orbites", les "épis de la mort", "pour effrayer la mort". Il y a un goût presque forcé du morbide que j'ai trouvé agaçant, là où la simplicité avait sa place.
Mais Hellian, tout de même, vous avez un style que j'aime d'habitude, avec ses grandes tentures pourpres et ses nobles accents : seulement, aujourd'hui, vous écrasez la mine en appuyant un peu trop.
Mais Hellian, tout de même, vous avez un style que j'aime d'habitude, avec ses grandes tentures pourpres et ses nobles accents : seulement, aujourd'hui, vous écrasez la mine en appuyant un peu trop.
Invité- Invité
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
Sébastien R a écrit:J'ai eu beaucoup de mal avec ce poème. Une poésie très "fin XIXème" sur laquelle plane l'ombre de quelques décadents oubliés. Il y a une lourdeur générale qui me gêne dans ces vers : par exemple, la mention des "orbites", les "épis de la mort", "pour effrayer la mort". Il y a un goût presque forcé du morbide que j'ai trouvé agaçant, là où la simplicité avait sa place.
Mais Hellian, tout de même, vous avez un style que j'aime d'habitude, avec ses grandes tentures pourpres et ses nobles accents : seulement, aujourd'hui, vous écrasez la mine en appuyant un peu trop.
Je suis assez d'accord, finalement.
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Ainsi parlait mon père aux oiseaux qui chantaient
Ton poème m'a fait penser à Musset, "La nuit de décembre" :
"Un an après, il était nuit ;
J'étais à genoux près du lit
Où venait de mourir mon père.
Au chevet du lit vint s'asseoir
Un orphelin vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère."
En moins régulier (en moins long, aussi !), mais aussi beau, aussi sensible. Et ça remue, car chacun, j'en suis sûre, pense à son propre père en lisant ce texte...
"Un an après, il était nuit ;
J'étais à genoux près du lit
Où venait de mourir mon père.
Au chevet du lit vint s'asseoir
Un orphelin vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère."
En moins régulier (en moins long, aussi !), mais aussi beau, aussi sensible. Et ça remue, car chacun, j'en suis sûre, pense à son propre père en lisant ce texte...
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