Huit pieds sous vers entre deux rimes

Les racines du crépuscule
en étranglant tes illusions
brisent le fil de l'horizon
l'avenir au caveau t'accule

L'univers se fait minuscule
coincé entre murs et plafond
comme une poupée de chiffon
tu te laisses faire
tu bascules

Les mains croisées sur ton giron
chute inopinée du menton
un sourire béat pendule
tu ne crains plus le ridicule

Lâché en toute indiscrétion
un pet
au fumet majuscule
des effluves de ta cellule
n'est pas le plus nauséabond

Dessous ton nez moussent des bulles
l'escarre ronge tes talons
et ton cul flétri
tubercule qu'une purée verte macule

Danse des boyaux qui ondulent
tes tripes suent de gras limons
étreinte obscure
de leur tréfonds monte un concert de mandibules.

Une très belle construction, une recherche formelle que j'apprécie ! J'ai aimé, mais regrette la présence de cet "obscure" qui, pour moi, ébranle sérieusement l'édifice.

Et bravo pour le rythme !

Composition trés réussie. Des fleuves de macabres effluves affleurent de ce cadavre en décomposition.

c'est baudelairien, Arielle !
(et ravie de ce retour tant attendu :-))

Easter(Island) a écrit:et ravie de ce retour tant attendu

pareil, sans e à ravie
;-)

Beaucoup de subtilité dans ce texte, esquissée à travers des lignes plus brutales que dans d'autres de tes textes. Plus brutales, donc, mais tout aussi musicales, car de tout ceci s'élève une mélodie grinçante, désabusée, bien soutenue par un rythme maîtrisé, dont l'apprécie qu'il ne soit pas mécanique ou mathématique.
Tu me parais à l'aise dans ce registre plus sombre, dramatique à souhait et c'est un vrai plaisir de te lire !

Mon message est parti tout seul, pfff.

Beaucoup de bonnes choses, dont ce:
tes tripes suent de gras limons
étreinte obscure
de leur tréfonds monte un concert de mandibules.

Je retrouve avec plaisir cette musicalité qui est tienne et qui ici dessert de bien âpres propos!
Dérision bien posée. Oui c'est ce que je retiendrais, le bien posé; dans l'art de savoir dire les choses.
Et puis ce petit clin d'oeil lumineux que tu nous mets en avatar et qui montre bien d'où vient tout ça.
Toujours un plaisir de te lire

Je suis bien embêté Arielle, pour commenter votre poème, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord c'est assez dur de vous donner un avis négatif, après la si jolie louange dont vous avez gratifié mon homme qui marche.

Mais surtout, il y a quelques mois, un de vos poèmes m'avait franchement bluffé. C'était "Baiser du soir", je m'en souviens encore.

Enfin, avouons le: je n'ai pas aimé votre texte.

A votre décharge je n'aime pas le thème, d'emblée.

Mais je ne pense pas que cela explique tout. La raison profonde de mon ressenti négatif, c'est que je n'ai pas vu dans votre poème La charogne de Baudelaire, la beauté dans l'immonde. Certes, l'esthétique formelle est là et je salue l'exercice, mais elle reste formelle alors que je pense qu'elle aurait pu être tellement plus profonde!

Je n'ai pas la présomption de dire que c'est ce que vous vouliez atteindre en écrivant ce texte, mais vous expose ce que j'aurais aimé y trouver.

*la prétention (suis fatigué moi ce soir)

a la lecture, je me suis retrouvé à lire du stephen king, "elle ne va pas y aller quand même" à la fin je l'ai relu car c'est fameux..

il y a dans ce texte quelque chose d'insoutenable qui vous renvoie vous réfugier vers des considérations esthètiques... Le rythme, la forme... Même pas peur !
Oui, bien sûr, oui, le rythme, la forme, excellents... Mais bon, c'est Arielle, aussi. Il reste que le fond, il faut s'y coltiner... superbement servi comme un plat gastronomique dans un restau classieux, sauf que ça vous fout une super nausée existentielle. Pas merci, Arielle de m'avoir rappelé ma condition. Je préférais ma petite vanité !

Je passe et reviendrai sans doute quand le méthane aura rejoint Andromède...

Je ne peux dire 'mieux' que les précédents commentateurs.
J'aurais aimé être la première à vous dire que je pensais lire du Baudelaire. Merci.

Décidément, Arielle, je ne peux que paraphraser:
"Tout est bon chez elle ya rien à jeter
Au fond de la bière il faut tout collecter".
Je suis bluffé comme à chaque fois, par ton aisance; bien sûr, on n'enseignera pas ce poème chez les sœurs de la Visitation: l'âme transcendante qui échappe à la corruption n'y est pas montrée, le texte serait donc jugé peu édifiant en l'état. Mais que de jolis vers, et de trouvailles heureuses! Ne serait-ce que pour les qualités formelles, bravo!

Bonjour Arielle,

en te lisant, une réflexion m'est venue (pour une fois que je pense !)

Je me suis dit qu'il n'était pas utile en poésie de choisir une forme si c'était pour faire de pauvres rimes (ou des rimes pauvres) ; j'en fait aussi parfois mais j'essaie d'éviter.

Du coup, je suis divisé ; je me dis que tu aurais pu écrire ce poème sans rimes et dire d'aussi belles choses, et tes rimes me gênent car j'ai du coup l'impression que tu n'as pas vraiment "travaillé" ce poème...

Peter Pan a écrit:Bonjour Arielle,

en te lisant, une réflexion m'est venue (pour une fois que je pense !)

Je me suis dit qu'il n'était pas utile en poésie de choisir une forme si c'était pour faire de pauvres rimes (ou des rimes pauvres) ; j'en fait aussi parfois mais j'essaie d'éviter.

Du coup, je suis divisé ; je me dis que tu aurais pu écrire ce poème sans rimes et dire d'aussi belles choses, et tes rimes me gênent car j'ai du coup l'impression que tu n'as pas vraiment "travaillé" ce poème...

Ben oui, mais voilà, Arielle a composé son poème comme ça, avec des rimes... ou pas... cela lui confère un air de liberté qui s'accommode fort bien de ce que vous désignez comme "rimes pauvres ".

Il semble que la rime riche soit votre quête du jour... Cool, Peter cool ! entre la rime pauvre et la rime riche, il y a la rime en voie de développement; ce n'est pas la moins intéressante...

Les commentaires ont parlé.
J'adore ce texte.
Merci merci merci.