Exo en direct, mais pas vraiment
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Peter Pan
grieg
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Exo en direct, mais pas vraiment
12 décembre 2009
8 heures douze
Julien
Le plafond danse.
Comme il est blanc, ça n’a rien de bouleversant.
Le silence est à peine dérangé par un murmure de coton sur peau soyeuse.
« Bonjour. »
La voix est douce et claire, à peine voilée de nuit, une « kleine mörgen musik », une berceuse qui me caresse l’émotion.
Elle se lève, traverse la chambre. Nue. J’ai la tête dans le cul, le sien.
Je note que sa fesse droite est plus jolie que l’autre, de très peu.
Elle tire les rideaux. Quelqu’un a collé sur la baie vitrée un poster de paysage exotique : palmiers, plage et lagon bleu.
Seulement ce n’est pas un poster. C’est le paradis, en vrai.
Je suis dans l’hôtel de Grégoire et Pierre.
« On va prendre un petit déjeuner ? », elle me dit.
Pas plus loin qu’un peu plus tard, on est assis en terrasse. On vient de passer au buffet. Nos assiettes sont pleines de fruits, d’œufs, de saucisses grasses. Dans les tasses, le café fume, et moi aussi, comme un pompier. Nos voisins de table grimacent, ils ont raison, mais je m’en fous. Le jus d’orange n’est pas frais pressé, des haut-parleurs distillent une musique d’ascenseur locale qui rythme la cadence des serveuses autochtoons dodues et rayonnantes.
Tout est vert, bleu, jaune, avec des touches écarlates éparses.
Au loin, de gros nuages éclaboussent de noir le ciel azur et le surf blanc grogne sur la barrière de corail. J’ai encore la gueule de bois mais avec un cœur de miel et j’entends de joyeuses abeilles chanter.
On me sert des clichés avec mes œufs brouillés et j’adore ça.
Elle est face à moi, silencieuse, le menton disposé dans la paume de la main entre ses doigts repliés ; sous sa bouche une teinte un peu plus sombre que la peau donne à l’ourlet de ses lèvres une grâce profonde ; ses yeux sont juste assez creusés pour s’ombrer sans fard.
Je plonge dans son décolleté, qui n’en est pas vraiment un, et qui n’en est que plus émouvant : le relâchement d’un vêtement trop porté, trop souvent tendu par une poitrine faite pour moi, avec des boutons inutiles, d’autant plus sexy qu’ils ne sont que décoratifs. A chacun de ses gestes, j’entends presque le tissu cacher sa joie.
Et j’ignore son nom.
Plus loin un chat m’observe avec son sourire de vol d’oiseau à l’envers.
J’ai été invité à passer quelques semaines dans la bulle des deux malades. Grégoire et Pierre ont convoqué Madjid, aussi, et quelques autres.
Hier, ils nous ont donné une soirée comme ils en ont le secret, leurs « gouffre à oubli », comme les appelle Madjid ; ces soirées où tout se mêle, le plaisir, l’excitation ; le repos et l’exténuation ; alcool et sexe ; drogue, image et sons ; Peoples, inconnus, Stars et clochards… Le monde, leur monde, un peu le mien aussi.
J’ai beau avoir séjourné souvent dans la biosphère, j’ai beau avoir voyagé partout dans le monde, chaque fois que je suis là, je me laisse prendre. J’ai le cœur à l’envers, une âme de gosse. Chaque fois ils m’épatent avec leur monde.
Je revois Grégoire me dire :
« Il n’a pas eu le temps de peaufiner en sept jours. Nous créerons ce monde là en sept ans, et il sera parfait. »
Et ce monde est parfait.
Et la fille en face de moi est parfaite.
Et ma gueule de bois est parfaite.
J’embrasse la fille sur la joue, et je retourne à la chambre. J’ai une mission à remplir. Nous avons tous une mission, Madjid, les autres et moi.
Hier matin, durant le transfert entre l’autre monde et celui-ci, on nous a confié, un Di-pad, un micro portable, un Di-pod ; tout le nécessaire pour que nous enregistrions nos souvenirs, que nous consignions absolument tout ce qui s’est passé depuis le début de l’histoire avec Pierre et Grégoire. On nous a même mis à disposition, chacun, une secrétaire particulière.
Je me demande si je n’ai pas laissé la mienne seule, attablée devant son petit déjeuner.
Je commencerai sans elle, je n’ai que quelques semaines et tant à raconter.
8 heures douze
Julien
Le plafond danse.
Comme il est blanc, ça n’a rien de bouleversant.
Le silence est à peine dérangé par un murmure de coton sur peau soyeuse.
« Bonjour. »
La voix est douce et claire, à peine voilée de nuit, une « kleine mörgen musik », une berceuse qui me caresse l’émotion.
Elle se lève, traverse la chambre. Nue. J’ai la tête dans le cul, le sien.
Je note que sa fesse droite est plus jolie que l’autre, de très peu.
Elle tire les rideaux. Quelqu’un a collé sur la baie vitrée un poster de paysage exotique : palmiers, plage et lagon bleu.
Seulement ce n’est pas un poster. C’est le paradis, en vrai.
Je suis dans l’hôtel de Grégoire et Pierre.
« On va prendre un petit déjeuner ? », elle me dit.
Pas plus loin qu’un peu plus tard, on est assis en terrasse. On vient de passer au buffet. Nos assiettes sont pleines de fruits, d’œufs, de saucisses grasses. Dans les tasses, le café fume, et moi aussi, comme un pompier. Nos voisins de table grimacent, ils ont raison, mais je m’en fous. Le jus d’orange n’est pas frais pressé, des haut-parleurs distillent une musique d’ascenseur locale qui rythme la cadence des serveuses autochtoons dodues et rayonnantes.
Tout est vert, bleu, jaune, avec des touches écarlates éparses.
Au loin, de gros nuages éclaboussent de noir le ciel azur et le surf blanc grogne sur la barrière de corail. J’ai encore la gueule de bois mais avec un cœur de miel et j’entends de joyeuses abeilles chanter.
On me sert des clichés avec mes œufs brouillés et j’adore ça.
Elle est face à moi, silencieuse, le menton disposé dans la paume de la main entre ses doigts repliés ; sous sa bouche une teinte un peu plus sombre que la peau donne à l’ourlet de ses lèvres une grâce profonde ; ses yeux sont juste assez creusés pour s’ombrer sans fard.
Je plonge dans son décolleté, qui n’en est pas vraiment un, et qui n’en est que plus émouvant : le relâchement d’un vêtement trop porté, trop souvent tendu par une poitrine faite pour moi, avec des boutons inutiles, d’autant plus sexy qu’ils ne sont que décoratifs. A chacun de ses gestes, j’entends presque le tissu cacher sa joie.
Et j’ignore son nom.
Plus loin un chat m’observe avec son sourire de vol d’oiseau à l’envers.
J’ai été invité à passer quelques semaines dans la bulle des deux malades. Grégoire et Pierre ont convoqué Madjid, aussi, et quelques autres.
Hier, ils nous ont donné une soirée comme ils en ont le secret, leurs « gouffre à oubli », comme les appelle Madjid ; ces soirées où tout se mêle, le plaisir, l’excitation ; le repos et l’exténuation ; alcool et sexe ; drogue, image et sons ; Peoples, inconnus, Stars et clochards… Le monde, leur monde, un peu le mien aussi.
J’ai beau avoir séjourné souvent dans la biosphère, j’ai beau avoir voyagé partout dans le monde, chaque fois que je suis là, je me laisse prendre. J’ai le cœur à l’envers, une âme de gosse. Chaque fois ils m’épatent avec leur monde.
Je revois Grégoire me dire :
« Il n’a pas eu le temps de peaufiner en sept jours. Nous créerons ce monde là en sept ans, et il sera parfait. »
Et ce monde est parfait.
Et la fille en face de moi est parfaite.
Et ma gueule de bois est parfaite.
J’embrasse la fille sur la joue, et je retourne à la chambre. J’ai une mission à remplir. Nous avons tous une mission, Madjid, les autres et moi.
Hier matin, durant le transfert entre l’autre monde et celui-ci, on nous a confié, un Di-pad, un micro portable, un Di-pod ; tout le nécessaire pour que nous enregistrions nos souvenirs, que nous consignions absolument tout ce qui s’est passé depuis le début de l’histoire avec Pierre et Grégoire. On nous a même mis à disposition, chacun, une secrétaire particulière.
Je me demande si je n’ai pas laissé la mienne seule, attablée devant son petit déjeuner.
Je commencerai sans elle, je n’ai que quelques semaines et tant à raconter.
grieg- Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo en direct, mais pas vraiment
1984
Un jour de 1984 - je me souviens parfaitement de l’année parce que c’est aussi celle de la mort de mon père -, j'ai cessé d'exister pour devenir un autre, pour le pire, surtout pour le meilleur.
Je ne sais pas encore si Grégoire est un malade génial où le héros d'une aventure extraordinaire mais, une chose est sûre, je serais mort si je ne l'avais pas rencontré. Pire encore, je n'aurais pas voulu connaître ma destinée sans l'intervention du bonhomme.
Grégoire est apparu un matin, assis sur le trottoir, face à l'unique fenêtre du salon de ma vieille maison. Il se tenait parfaitement immobile et J'aurais pu l'ignorer tout à fait s'il n'avait eu cette agaçante obstination dans le regard. Il s'était installé, chez moi comme chez lui, sans avoir frappé à ma porte, sans même avoir jamais foulé du pied le carrelage blanchâtre de l'entrée.
J’ouvrais la fenêtre.
"Qu'est-ce que tu fous là, Greg ?
- Faut que je te parle. Je peux entrer ?
- Attends, j'me réveille, vas faire un tour et repasse dans trois quatre heures.
- Fais-moi un café.
- Tu te crois où toi ? Hein !
- S'il te plaît !
- Fais pas chier, me gonfle pas au réveil.
- Fais-moi un café, faut que je te parle, c'est vraiment important."
Grégoire tremblait un peu, souriait aussi. Je vis assez vite qu'il n'était pas - ou trop - dans son assiette.
- T'as un problème Greg ? Il m'a fait un grand, un énorme sourire.
Si l'attitude de Grégoire m'étonnait, la mienne n'était pas moins étrange. J'avais l'habitude d'être rude, direct, violent parfois. Là, je restais attentif, avant même qu'il ne parle, le mec m'intriguait.
Il avança jusqu'à la table, s'assit.
"Fais-moi un café, s'il te plaît.
- Tu m'expliques...
De la cuisine, je pouvais l'apercevoir jouer avec les miettes de pain laissées sur la table. Ses yeux brillaient encore mais son sourire s'était effacé. Il commença:
- Combien de temps crois-tu qu'il te reste à vivre ?
- Quoi ?
- Combien de temps crois-tu qu'il te reste à vivre ?
- Oh là ! Pas bon, tu vas pas me prendre la tête dès l'matin...
- Je viens faire un deal avec toi, ça peut te rapporter un maximum de fric."
Il semblait sûr de lui. En un instant il avait prit dix ans. Il ne souriait plus. Il m'avait parlé argent, je ne pouvais pas l'ignorer.
"Combien de temps... Non... Oublie... Je vais formuler ça autrement… Si tu devais mourir demain ou dans les jours qui viennent, est-ce que tu serais prêt à changer radicalement ta vie pour avoir un sursis ?
- C'est quoi ces conneries ?
Il sortit une liasse de billets de sa poche.
- Réponds-moi.
- Putain, t’as eu ça où ?
Il me lança la liasse, posa ses mains à plat sur la table, se leva et avança jusqu'à la fenêtre. Il prit à pleines mains les barreaux qui nous protégeaient des vols, les secoua.
- Bon ! On recommence… Tu veux gagner beaucoup d'argent ?
- HHainHain !
- Bien ! Alors à partir d'aujourd'hui, je te donnerai la même liasse chaque semaine si tu fais exactement ce que je te demande de faire. Deal ?
J'habitais avec mes parents le rez-de-chaussée d'une petite maison carrée blanche qui ne comptait pour tout étage que ce rez-de-chaussée. J'en ai vu de semblables, plus tard, au Mexique. J'ignorais alors que ma petite baraque miteuse perdue au fin fond d'un vieux quartier parisien pouvait avoir des copies à l'autre bout du monde.
J’avais presque 18 ans, je n'avais pas trop la côte dans le quartier avec les mecs de mon âge, alors, j'avais l'habitude de traîner avec les mômes du coin. Je les emmenais voir des films dans le cinéma de quartier, leur apprenais à fumer, les baladais sur ma bécane kittée. J'avais le beau rôle.
Grégoire et moi n'étions ni proches ni opposés, indifférents, et même s'il était plutôt malin, c'était seulement un des mecs qui traînaient dans le quartier, rien de plus, rien de remarquable.
Ce jour là tout a changé. Il est entré dans ma vie comme on entre dans une nouvelle maison. Il a refait la maçonnerie, abattu des cloisons, ouvert des espaces.
Je n'ai pas bien compris d'abord. Un mauvais délire.
Après son premier passage, il restait une liasse de billets, une somme colossale pour un apprenti mécanicien comme moi. Je flairais un peu le mauvais coup, mais ça n'aurait pas été mon premier. J'étais prêt à faire tout ce qu'il m'aurait demandé, j'avais déjà imaginé les plus incroyables arnaques sans jamais envisager qu'il n'espérait rien du petit branleur des bas quartiers, mais qu'il voulait faire de moi quelqu'un d'autre, refaire les peintures.
Les événements se sont enchaînés très vite. Ma transformation fut laborieuse.
Il est revenu deux jours plus tard. Le matin encore. J'allais sortir. Je travaillais de bonne heure.
" Greg. Je pars au boulot, Qu'est-ce que tu veux ?
- J'ai téléphoné à ton patron, t'as donné ta démission. Je te donne six mois de paye d'avance, maintenant ton patron c'est moi, si tu veux bien.
- Tu déconnes.
- Regarde les billets
- Qu'est-ce qu'il a dit ?
- Merci !
- Sérieux ?
- Tu veux l'appeler ?
- Non, non, c'est bon. Qu'est-ce que j'dois faire ?
- Pour l'instant, je veux que tu apprennes. Je veux que tu saches lire, écrire...
- C'est tout ?
- Chaque chose en son temps... Ah si...
- Ouais ?
- Je t'interdis de toucher à un moteur de voiture ou de moto tant que tu travailleras avec moi.
- Mais, ma bécane...
- T'as encore le choix, mais si tu bosses avec moi tu ne feras plus de mécanique, jamais, même la plus petite réparation. Sinon, je te vire, et il n’y aura pas d’avertissement.
Je me souviens avoir hésité à ce moment là. J'allais lui prendre son fric et l'envoyer se faire foutre ce petit con. Il ajouta aussitôt qu'il me trouverait une moto neuve pour mes dix-huit ans, dans deux semaines, avec un mécanicien en plus, une ligne directe, un mécanicien à mon service, qui viendrait dès que j'aurais besoin de lui. Un rêve d'enfant. Je lui ai demandé d'où venait tout son argent. J'ai oublié ce qu'il a répondu. E n fait, je n’ai jamais vraiment attendu de réponses à mes questions. J'avais compris que je devais me laisser porter, comme on fait la planche sur l'eau.
C'était la première fois que j'étais intelligent.
Ce jour là, je l’ai suivi sans rien dire dans le métro, tout ceci était absurde, lui, moi, l'argent. J'ai pensé aussi à la valise qui m’attendrait devant la porte, quand mon patron aurait appelé mon père. Aucune importance. J'étais prêt à aller loin avec Grégoire, au moins pendant deux semaines. Je n'avais jamais encore pensé si loin ; si, peut-être quand j'imaginais mon père touchant un tiercé gagnant, et la façon dont je lui aurais fait la peau avant qu'il ne parte tout dépenser avec une pute.
Grégoire m'emmena dans les beaux quartiers, dans un immeuble vieillot bien entretenu, l'entrée puait la cire.
Au dernier étage, Il frappa à une porte. Un type d'une vingtaine d'années nous ouvrit. Poli. Il nous invita à nous asseoir sur un canapé jaune, au centre du studio, passa dans la cuisine. La machine à café pétaradait. Presque prêt. Il revint chargé d'un plateau qu'il posa sur la table basse, s'assit sur un pouf marron.
" Combien de sucres ?
- Aucun pour moi, dit Grégoire.
- Quatre, pour moi."
J'aimais le sucre, pas tellement le café. Grégoire me présenta Laurent, étudiant en quelque chose, il allait devenir mon professeur, m'apprendre le français, les mathématiques. Je regardais le gnome et compris qu'il était sérieux. Pauvre Laurent. J'allais passer trois heures par jour à écouter cet étudiant m'apprendre les bases grammaticales et les théorèmes grecs alors que j'avais les poches pleines de billets. J'essayais de me rappeler si j'avais quitté l'école pour échapper à ça où juste pour gagner ma vie. Grégoire me rappela que j'avais toujours le choix, mais que si j'acceptais de revenir ici ce serait pour apprendre bien et vite. Qu'il contrôlerait personnellement mes progrès. Récompenses et punitions. Il parla peu mais sut trouver les mots justes, j'acceptais. L'autre n'avait pas bougé, il sirotait son café trop chaud. Il allait souffrir le pauvre. Il faudrait qu'il prenne son café avec trois valium s'il voulait pouvoir dormir encore.
Les semaines qui suivirent furent monotones. Je ne voyais Grégoire que le vendredi soir. Il passait vérifier mes progrès. Ça n'avançait pas. A qui la faute ? À ce trou du cul de Laurent qui pensait qu'avoir l'air pédé ça rendait plus cultivé. A moi qui ne pensais guère que le soir dans mon lit, et sûrement pas à la syntaxe.
Le fait est que, chaque jour, j'apprenais moins que le précédent. J'étais crevé, désespéré, prêt à tout pour trouver une solution. Le studio, Laurent, les maths, le français, la cire, j'en pouvais plus. Tous les soirs, j'enfourchais ma nouvelle bécane, tournais sans fin autour de Paris, sur le périphérique, à chaque embranchement une issue, sortir là et continuer, tout recommencer.
Je n'eus pas à affronter mon père, il mourut.
Il était passé à côté de la vie pour ne pas avoir su faire de choix, il est mort sans qu’on lui demande son avis. Selon les témoins un homme s'est avancé vers lui à la sortie du métro et lui a tiré deux balles, une dans le ventre, une dans la tête. Personne n'a jamais essayé de savoir pourquoi. Personne, à ma connaissance, n'a été interrogé, soupçonné, inquiété. Mon père est mort comme il a vécu, dans l’indifférence et le mépris.
L'événement n’a pas bouleversé le quotidien de ma petite famille. Ma mère n'a pas bien tenu son rôle de veuve, et s'est saoulée pendant près d'une semaine. Ce fut un peu dur pour mes sœurs, mais le nouvel appartement dans lesquelles je les avais installées a diverti leur tristesse. J'étais devenu chef de famille. J'étais aussi Directeur Artistique de la société Version dont j’ignorais tout. Nous commencions une nouvelle petite vie confortable et moi seul savait à quel point notre avenir était précaire. Tout dépendait de mon aptitude à ingurgiter les connaissances que l'autre tentait vainement de m'inculquer. Tout dépendait des caprices de Grégoire.
Quand Grégoire venait pour sa visite hebdomadaire, Laurent était imperturbable. Il sirotait silencieusement son café. Pas un mouvement. Il n'avait jamais l'air étonné, gêné par mes réponses. Comme s'il avait accepté de faire son boulot sans avoir à montrer de résultats. Mon ignorance n'était pour lui nullement liée à son incompétence.
Un de ces soirs d'examens, agacé par son attitude, je l'ai cogné, je l'ai cogné si fort qu'il est tombé dans les pommes.
Le lendemain seul son visage tuméfié témoignait de la baston. Il me reçut comme d'habitude, débita ses cours, et n'évoqua la raclée que par un léger couinement suivi d'une grimace de douleur quand il voulut se moucher.
Mon apprentissage dura plus de six mois au terme desquels j'étais aussi nul que le premier jour.
Un soir, Grégoire vint me chercher.
Il m'invita à me lever et à le suivre.
Je saluais Laurent pour la dernière fois et suivais Grégoire comme un enfant.
Ce n'était pas seulement l'argent qui m'empêchait de l'envoyer se faire foutre. C'était autre chose, une force.
Il m'invita à dîner avec trois nanas superbes et un mec plutôt extraverti. La soirée commença bien, cadre raffiné, service stylé, Grégoire discutait allègrement tandis que je mangeais mon entrée en m'imaginant une sieste coquine entre les gros seins d'une de ces déesses brunes. Avant le plat principal, alors que chacun buvait ses paroles, Grégoire décida qu'il était temps pour lui de partir. Sans explication, il se leva et m'invita à poursuivre mon dîner avec ce petit monde, il me verrait demain. Chacun sorti sa petite phrase pour le retenir, tous semblaient navrés, j'étais pétrifié. Après avoir vérifié que mon érection n'était pas trop visible, Je me levais pour le suivre.
"Tu vas où, merde, tu vas pas me laisser ?
- Retourne t'asseoir !
Rien à dire. J'avais à peine parcouru quelques mètres pour le rejoindre, mon retour vers la table me parut incroyablement long. J'avançais à petit pas, j'osais à peine regarder les quatre autres. Je croisais un miroir. Sous mon grand nez, mes lèvres luisaient. Saloperie de vinaigrette. J'essuyais ma bouche avec la manche de mon pull. Presque arrivé.
« … Cette fille n’est qu’un épiphénomène, dans deux ans on aura même oublié qu’elle existe… ». Ils parlaient fort, le beau gosse avait pris la place de Grégoire. Je m'asseyais sans bruit, discret, passait la langue sur mes dents. Un des gros seins se tourna vers moi.
« Grégoire nous a dit que tu ne croyais pas à la new wave. Tu prévois une révolution musicale radicale ? » C'était à moi qu'elle parlait. Vénus daignait m'adresser la parole et je ne trouvais pas ma serviette.
- Hein ?
- T'imagines une révolution radicale dans le monde musical ?
- J'imagine que dalle.
Ça les a fait rire. Bien. J'avais retrouvé ma serviette.
- Non, sérieusement. Grégoire nous a dit que tu avais des idées géniales.
Ils me posaient des tas de questions dont je ne comprenais absolument pas le sens. Ils énumérèrent des tas de noms de groupes, de musiciens, de genres musicaux.
J'attendais qu'un des noms me soit connu pour entrer dans la conversation. Rien. J'entendais pour la première fois des mots qui devaient devenir les bases de mon vocabulaire.
On avait ouvert les robinets sous mes aisselles.
« Embrasse-moi idiot », peut-être, « papa chanteur », « l’Aziza»... Johnny ? S'il vous plaît, même Fréderic François, Stéphanie de Monaco.
Rien.
Quelques gouttes de sueur perlaient sur mes tempes.
Je commençais à m'énerver. Le connard et les pétasses continuaient leur énumération. Ma chaise était inconfortable. Le cul me grattait. Ils n'allaient pas tarder à me relancer. Partir. J'avais même plus envie de baiser les gouines.
- Oh, moi j'y connais que dalle, m'entendis-je murmurer.
Un jour de 1984 - je me souviens parfaitement de l’année parce que c’est aussi celle de la mort de mon père -, j'ai cessé d'exister pour devenir un autre, pour le pire, surtout pour le meilleur.
Je ne sais pas encore si Grégoire est un malade génial où le héros d'une aventure extraordinaire mais, une chose est sûre, je serais mort si je ne l'avais pas rencontré. Pire encore, je n'aurais pas voulu connaître ma destinée sans l'intervention du bonhomme.
Grégoire est apparu un matin, assis sur le trottoir, face à l'unique fenêtre du salon de ma vieille maison. Il se tenait parfaitement immobile et J'aurais pu l'ignorer tout à fait s'il n'avait eu cette agaçante obstination dans le regard. Il s'était installé, chez moi comme chez lui, sans avoir frappé à ma porte, sans même avoir jamais foulé du pied le carrelage blanchâtre de l'entrée.
J’ouvrais la fenêtre.
"Qu'est-ce que tu fous là, Greg ?
- Faut que je te parle. Je peux entrer ?
- Attends, j'me réveille, vas faire un tour et repasse dans trois quatre heures.
- Fais-moi un café.
- Tu te crois où toi ? Hein !
- S'il te plaît !
- Fais pas chier, me gonfle pas au réveil.
- Fais-moi un café, faut que je te parle, c'est vraiment important."
Grégoire tremblait un peu, souriait aussi. Je vis assez vite qu'il n'était pas - ou trop - dans son assiette.
- T'as un problème Greg ? Il m'a fait un grand, un énorme sourire.
Si l'attitude de Grégoire m'étonnait, la mienne n'était pas moins étrange. J'avais l'habitude d'être rude, direct, violent parfois. Là, je restais attentif, avant même qu'il ne parle, le mec m'intriguait.
Il avança jusqu'à la table, s'assit.
"Fais-moi un café, s'il te plaît.
- Tu m'expliques...
De la cuisine, je pouvais l'apercevoir jouer avec les miettes de pain laissées sur la table. Ses yeux brillaient encore mais son sourire s'était effacé. Il commença:
- Combien de temps crois-tu qu'il te reste à vivre ?
- Quoi ?
- Combien de temps crois-tu qu'il te reste à vivre ?
- Oh là ! Pas bon, tu vas pas me prendre la tête dès l'matin...
- Je viens faire un deal avec toi, ça peut te rapporter un maximum de fric."
Il semblait sûr de lui. En un instant il avait prit dix ans. Il ne souriait plus. Il m'avait parlé argent, je ne pouvais pas l'ignorer.
"Combien de temps... Non... Oublie... Je vais formuler ça autrement… Si tu devais mourir demain ou dans les jours qui viennent, est-ce que tu serais prêt à changer radicalement ta vie pour avoir un sursis ?
- C'est quoi ces conneries ?
Il sortit une liasse de billets de sa poche.
- Réponds-moi.
- Putain, t’as eu ça où ?
Il me lança la liasse, posa ses mains à plat sur la table, se leva et avança jusqu'à la fenêtre. Il prit à pleines mains les barreaux qui nous protégeaient des vols, les secoua.
- Bon ! On recommence… Tu veux gagner beaucoup d'argent ?
- HHainHain !
- Bien ! Alors à partir d'aujourd'hui, je te donnerai la même liasse chaque semaine si tu fais exactement ce que je te demande de faire. Deal ?
J'habitais avec mes parents le rez-de-chaussée d'une petite maison carrée blanche qui ne comptait pour tout étage que ce rez-de-chaussée. J'en ai vu de semblables, plus tard, au Mexique. J'ignorais alors que ma petite baraque miteuse perdue au fin fond d'un vieux quartier parisien pouvait avoir des copies à l'autre bout du monde.
J’avais presque 18 ans, je n'avais pas trop la côte dans le quartier avec les mecs de mon âge, alors, j'avais l'habitude de traîner avec les mômes du coin. Je les emmenais voir des films dans le cinéma de quartier, leur apprenais à fumer, les baladais sur ma bécane kittée. J'avais le beau rôle.
Grégoire et moi n'étions ni proches ni opposés, indifférents, et même s'il était plutôt malin, c'était seulement un des mecs qui traînaient dans le quartier, rien de plus, rien de remarquable.
Ce jour là tout a changé. Il est entré dans ma vie comme on entre dans une nouvelle maison. Il a refait la maçonnerie, abattu des cloisons, ouvert des espaces.
Je n'ai pas bien compris d'abord. Un mauvais délire.
Après son premier passage, il restait une liasse de billets, une somme colossale pour un apprenti mécanicien comme moi. Je flairais un peu le mauvais coup, mais ça n'aurait pas été mon premier. J'étais prêt à faire tout ce qu'il m'aurait demandé, j'avais déjà imaginé les plus incroyables arnaques sans jamais envisager qu'il n'espérait rien du petit branleur des bas quartiers, mais qu'il voulait faire de moi quelqu'un d'autre, refaire les peintures.
Les événements se sont enchaînés très vite. Ma transformation fut laborieuse.
Il est revenu deux jours plus tard. Le matin encore. J'allais sortir. Je travaillais de bonne heure.
" Greg. Je pars au boulot, Qu'est-ce que tu veux ?
- J'ai téléphoné à ton patron, t'as donné ta démission. Je te donne six mois de paye d'avance, maintenant ton patron c'est moi, si tu veux bien.
- Tu déconnes.
- Regarde les billets
- Qu'est-ce qu'il a dit ?
- Merci !
- Sérieux ?
- Tu veux l'appeler ?
- Non, non, c'est bon. Qu'est-ce que j'dois faire ?
- Pour l'instant, je veux que tu apprennes. Je veux que tu saches lire, écrire...
- C'est tout ?
- Chaque chose en son temps... Ah si...
- Ouais ?
- Je t'interdis de toucher à un moteur de voiture ou de moto tant que tu travailleras avec moi.
- Mais, ma bécane...
- T'as encore le choix, mais si tu bosses avec moi tu ne feras plus de mécanique, jamais, même la plus petite réparation. Sinon, je te vire, et il n’y aura pas d’avertissement.
Je me souviens avoir hésité à ce moment là. J'allais lui prendre son fric et l'envoyer se faire foutre ce petit con. Il ajouta aussitôt qu'il me trouverait une moto neuve pour mes dix-huit ans, dans deux semaines, avec un mécanicien en plus, une ligne directe, un mécanicien à mon service, qui viendrait dès que j'aurais besoin de lui. Un rêve d'enfant. Je lui ai demandé d'où venait tout son argent. J'ai oublié ce qu'il a répondu. E n fait, je n’ai jamais vraiment attendu de réponses à mes questions. J'avais compris que je devais me laisser porter, comme on fait la planche sur l'eau.
C'était la première fois que j'étais intelligent.
Ce jour là, je l’ai suivi sans rien dire dans le métro, tout ceci était absurde, lui, moi, l'argent. J'ai pensé aussi à la valise qui m’attendrait devant la porte, quand mon patron aurait appelé mon père. Aucune importance. J'étais prêt à aller loin avec Grégoire, au moins pendant deux semaines. Je n'avais jamais encore pensé si loin ; si, peut-être quand j'imaginais mon père touchant un tiercé gagnant, et la façon dont je lui aurais fait la peau avant qu'il ne parte tout dépenser avec une pute.
Grégoire m'emmena dans les beaux quartiers, dans un immeuble vieillot bien entretenu, l'entrée puait la cire.
Au dernier étage, Il frappa à une porte. Un type d'une vingtaine d'années nous ouvrit. Poli. Il nous invita à nous asseoir sur un canapé jaune, au centre du studio, passa dans la cuisine. La machine à café pétaradait. Presque prêt. Il revint chargé d'un plateau qu'il posa sur la table basse, s'assit sur un pouf marron.
" Combien de sucres ?
- Aucun pour moi, dit Grégoire.
- Quatre, pour moi."
J'aimais le sucre, pas tellement le café. Grégoire me présenta Laurent, étudiant en quelque chose, il allait devenir mon professeur, m'apprendre le français, les mathématiques. Je regardais le gnome et compris qu'il était sérieux. Pauvre Laurent. J'allais passer trois heures par jour à écouter cet étudiant m'apprendre les bases grammaticales et les théorèmes grecs alors que j'avais les poches pleines de billets. J'essayais de me rappeler si j'avais quitté l'école pour échapper à ça où juste pour gagner ma vie. Grégoire me rappela que j'avais toujours le choix, mais que si j'acceptais de revenir ici ce serait pour apprendre bien et vite. Qu'il contrôlerait personnellement mes progrès. Récompenses et punitions. Il parla peu mais sut trouver les mots justes, j'acceptais. L'autre n'avait pas bougé, il sirotait son café trop chaud. Il allait souffrir le pauvre. Il faudrait qu'il prenne son café avec trois valium s'il voulait pouvoir dormir encore.
Les semaines qui suivirent furent monotones. Je ne voyais Grégoire que le vendredi soir. Il passait vérifier mes progrès. Ça n'avançait pas. A qui la faute ? À ce trou du cul de Laurent qui pensait qu'avoir l'air pédé ça rendait plus cultivé. A moi qui ne pensais guère que le soir dans mon lit, et sûrement pas à la syntaxe.
Le fait est que, chaque jour, j'apprenais moins que le précédent. J'étais crevé, désespéré, prêt à tout pour trouver une solution. Le studio, Laurent, les maths, le français, la cire, j'en pouvais plus. Tous les soirs, j'enfourchais ma nouvelle bécane, tournais sans fin autour de Paris, sur le périphérique, à chaque embranchement une issue, sortir là et continuer, tout recommencer.
Je n'eus pas à affronter mon père, il mourut.
Il était passé à côté de la vie pour ne pas avoir su faire de choix, il est mort sans qu’on lui demande son avis. Selon les témoins un homme s'est avancé vers lui à la sortie du métro et lui a tiré deux balles, une dans le ventre, une dans la tête. Personne n'a jamais essayé de savoir pourquoi. Personne, à ma connaissance, n'a été interrogé, soupçonné, inquiété. Mon père est mort comme il a vécu, dans l’indifférence et le mépris.
L'événement n’a pas bouleversé le quotidien de ma petite famille. Ma mère n'a pas bien tenu son rôle de veuve, et s'est saoulée pendant près d'une semaine. Ce fut un peu dur pour mes sœurs, mais le nouvel appartement dans lesquelles je les avais installées a diverti leur tristesse. J'étais devenu chef de famille. J'étais aussi Directeur Artistique de la société Version dont j’ignorais tout. Nous commencions une nouvelle petite vie confortable et moi seul savait à quel point notre avenir était précaire. Tout dépendait de mon aptitude à ingurgiter les connaissances que l'autre tentait vainement de m'inculquer. Tout dépendait des caprices de Grégoire.
Quand Grégoire venait pour sa visite hebdomadaire, Laurent était imperturbable. Il sirotait silencieusement son café. Pas un mouvement. Il n'avait jamais l'air étonné, gêné par mes réponses. Comme s'il avait accepté de faire son boulot sans avoir à montrer de résultats. Mon ignorance n'était pour lui nullement liée à son incompétence.
Un de ces soirs d'examens, agacé par son attitude, je l'ai cogné, je l'ai cogné si fort qu'il est tombé dans les pommes.
Le lendemain seul son visage tuméfié témoignait de la baston. Il me reçut comme d'habitude, débita ses cours, et n'évoqua la raclée que par un léger couinement suivi d'une grimace de douleur quand il voulut se moucher.
Mon apprentissage dura plus de six mois au terme desquels j'étais aussi nul que le premier jour.
Un soir, Grégoire vint me chercher.
Il m'invita à me lever et à le suivre.
Je saluais Laurent pour la dernière fois et suivais Grégoire comme un enfant.
Ce n'était pas seulement l'argent qui m'empêchait de l'envoyer se faire foutre. C'était autre chose, une force.
Il m'invita à dîner avec trois nanas superbes et un mec plutôt extraverti. La soirée commença bien, cadre raffiné, service stylé, Grégoire discutait allègrement tandis que je mangeais mon entrée en m'imaginant une sieste coquine entre les gros seins d'une de ces déesses brunes. Avant le plat principal, alors que chacun buvait ses paroles, Grégoire décida qu'il était temps pour lui de partir. Sans explication, il se leva et m'invita à poursuivre mon dîner avec ce petit monde, il me verrait demain. Chacun sorti sa petite phrase pour le retenir, tous semblaient navrés, j'étais pétrifié. Après avoir vérifié que mon érection n'était pas trop visible, Je me levais pour le suivre.
"Tu vas où, merde, tu vas pas me laisser ?
- Retourne t'asseoir !
Rien à dire. J'avais à peine parcouru quelques mètres pour le rejoindre, mon retour vers la table me parut incroyablement long. J'avançais à petit pas, j'osais à peine regarder les quatre autres. Je croisais un miroir. Sous mon grand nez, mes lèvres luisaient. Saloperie de vinaigrette. J'essuyais ma bouche avec la manche de mon pull. Presque arrivé.
« … Cette fille n’est qu’un épiphénomène, dans deux ans on aura même oublié qu’elle existe… ». Ils parlaient fort, le beau gosse avait pris la place de Grégoire. Je m'asseyais sans bruit, discret, passait la langue sur mes dents. Un des gros seins se tourna vers moi.
« Grégoire nous a dit que tu ne croyais pas à la new wave. Tu prévois une révolution musicale radicale ? » C'était à moi qu'elle parlait. Vénus daignait m'adresser la parole et je ne trouvais pas ma serviette.
- Hein ?
- T'imagines une révolution radicale dans le monde musical ?
- J'imagine que dalle.
Ça les a fait rire. Bien. J'avais retrouvé ma serviette.
- Non, sérieusement. Grégoire nous a dit que tu avais des idées géniales.
Ils me posaient des tas de questions dont je ne comprenais absolument pas le sens. Ils énumérèrent des tas de noms de groupes, de musiciens, de genres musicaux.
J'attendais qu'un des noms me soit connu pour entrer dans la conversation. Rien. J'entendais pour la première fois des mots qui devaient devenir les bases de mon vocabulaire.
On avait ouvert les robinets sous mes aisselles.
« Embrasse-moi idiot », peut-être, « papa chanteur », « l’Aziza»... Johnny ? S'il vous plaît, même Fréderic François, Stéphanie de Monaco.
Rien.
Quelques gouttes de sueur perlaient sur mes tempes.
Je commençais à m'énerver. Le connard et les pétasses continuaient leur énumération. Ma chaise était inconfortable. Le cul me grattait. Ils n'allaient pas tarder à me relancer. Partir. J'avais même plus envie de baiser les gouines.
- Oh, moi j'y connais que dalle, m'entendis-je murmurer.
grieg- Nombre de messages : 6156
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Re: Exo en direct, mais pas vraiment
Et tous de pouffer. J'étais trop. Extra balle. Qu'est-ce qu'avait bien pu leur raconter Grégoire sur mon compte ? Une sérieuse connerie vu le crédit qui m'était donné.
A l’entrée du restau, j'ai aperçu une Star, personne ne semblait l'avoir repéré. Une issue.
- Hé, matez! Dis-je en pointant le doigt vers la vedette. Ils se retournèrent. Une des filles se cacha le visage dans les mains. Je m'attendais à l'entendre pousser un petit cri hystérique, genre fan des Beatles, elle gémit seulement.
- Oh, non, faîtes quelque chose, je veux pas le voir, pas maintenant. Il m'a vu ?
- J'en ai bien peur.
Je ne comprenais pas bien. Mon cœur cherchait à sortir de ma poitrine comme une groupie hystérique. Une star, qui s'approchait de nous, en plus. Je n'en croyais pas mes yeux. Il s'arrêta à notre table.
- Salut les filles ! Ça baigne !
Il embrassa tout le monde sauf moi. J'avais eu peur qu'il le fasse, j'étais gêné qu'il ne l'ait pas fait. Il fallait que je dise un truc, n'importe quoi. Si je n'avais rien dit il ne m'aurait sûrement même pas vu, mais je n’ai jamais su me taire :
- J'adore vos chansons...
La fille leva la tête. Elle me lança un regard noir. Tilt. La star ne me regarda même pas. Il pointa un doigt vers moi, comme un chanteur de rock'n'roll.
- C'est qui l'branleur.
Game over. J'aurais du lui casser la tête. S'il avait été n'importe qui, je lui aurais écrasé le nez sur la table. Mais je me suis senti rougir et mon cœur en a profité pour se barrer. J'aurais dû partir avec lui.
Ça a vite dégénéré. La fille l'a engueulé. Pas à cause de ce qu'il m'avait dit. Pour autre chose. J'ignore quoi. Ça a duré au moins cinq minutes. Je n'écoutais pas, j'avais assez à discuter avec mon amour propre.
Quand enfin il partit, il fallut que je l’ouvre encore :
- Il est con ce mec ! Y s’prend pour qui ?
Ils se sont tous tournés vers moi. Leurs yeux.
Pour la première et la dernière fois de ma vie j'ai senti le mépris me couvrir comme un bain de boue, lourd et visqueux.
A l’entrée du restau, j'ai aperçu une Star, personne ne semblait l'avoir repéré. Une issue.
- Hé, matez! Dis-je en pointant le doigt vers la vedette. Ils se retournèrent. Une des filles se cacha le visage dans les mains. Je m'attendais à l'entendre pousser un petit cri hystérique, genre fan des Beatles, elle gémit seulement.
- Oh, non, faîtes quelque chose, je veux pas le voir, pas maintenant. Il m'a vu ?
- J'en ai bien peur.
Je ne comprenais pas bien. Mon cœur cherchait à sortir de ma poitrine comme une groupie hystérique. Une star, qui s'approchait de nous, en plus. Je n'en croyais pas mes yeux. Il s'arrêta à notre table.
- Salut les filles ! Ça baigne !
Il embrassa tout le monde sauf moi. J'avais eu peur qu'il le fasse, j'étais gêné qu'il ne l'ait pas fait. Il fallait que je dise un truc, n'importe quoi. Si je n'avais rien dit il ne m'aurait sûrement même pas vu, mais je n’ai jamais su me taire :
- J'adore vos chansons...
La fille leva la tête. Elle me lança un regard noir. Tilt. La star ne me regarda même pas. Il pointa un doigt vers moi, comme un chanteur de rock'n'roll.
- C'est qui l'branleur.
Game over. J'aurais du lui casser la tête. S'il avait été n'importe qui, je lui aurais écrasé le nez sur la table. Mais je me suis senti rougir et mon cœur en a profité pour se barrer. J'aurais dû partir avec lui.
Ça a vite dégénéré. La fille l'a engueulé. Pas à cause de ce qu'il m'avait dit. Pour autre chose. J'ignore quoi. Ça a duré au moins cinq minutes. Je n'écoutais pas, j'avais assez à discuter avec mon amour propre.
Quand enfin il partit, il fallut que je l’ouvre encore :
- Il est con ce mec ! Y s’prend pour qui ?
Ils se sont tous tournés vers moi. Leurs yeux.
Pour la première et la dernière fois de ma vie j'ai senti le mépris me couvrir comme un bain de boue, lourd et visqueux.
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Re: Exo en direct, mais pas vraiment
12 décembre 2009
13 heures cinq
Madjid
Julien est excité. Je l’observe depuis cinq bonnes minutes. Sa drôle de gueule exprime mille sentiments à la seconde, les grimaces se succèdent tandis qu’il s’acharne à faire courir ses deux doigts sur le clavier.
Il n’a jamais été beau, mais les années lui vont bien. Il se bonifie. L’embonpoint sur son visage a réussi à engloutir un peu son nez grotesque.
Il a l’air de s’amuser. Il a l’air heureux.
J’hésite à taper à la baie vitrée, mais je ne vais pas rester là toute la journée.
Je frappe. Il ne réagit pas. Plus fort. Il se tourne vers moi. Les yeux hagards. Il cherche. Le reflet de la lumière l’empêche de me voir. Je colle mon nez sur la vitre et tire la langue. Son sourire s’élargit. Il rabat l’écran du portable, se lève, traverse la chambre à grandes enjambées.
La baie vitrée s’ouvre.
- Je ne t’avais pas entendu Madj. Merde, t’as tout salopé.
- Ça va Zen ?
Zen, c’était son surnom quand on était môme, du verlan, à l’opposé de son caractère, ça nous avait toujours fait rire. Grégoire et moi, sommes les seuls, je crois, à l’avoir jamais appelé comme ça.
Il passe un doigt sur les traces de buée baveuses, jette un œil par-dessus mon épaule, vérifie si je suis seul, je suppose.
- La forme ! Et toi ?
- Les gosses sont à la plage, Olivia au massage, je me suis dit que j’allais venir t’emmerder.
- T’es toujours le bienvenu, mon grand. Tu veux boire un…
- Ouais, sers-moi un jus - pas un de leur trucs bizarres –, après, on fait impasse sur les politesses, et tu me dis ce que tu penses de leur nouvelle lubie ? C’est pas ça que t’étais en train de taper, au moins ?
-
Julien se dirige vers le bar, je l’entends réfléchir. De loin, il me lance :
- J’en ai bien peur.
- On t’as pas vu de la matinée, apparemment, t’es à fond dedans, et vu l’état de ma secrétaire ce matin, je dirais que t’as du mettre le paquet cette nuit aussi.
- Ah ? C’était la tienne ?… C’est quoi son prénom, déjà ?
- Caroline, je crois. Je lui ai dit que je n’aurais pas besoin d’elle, aujourd’hui. Elle doit rattraper sa nuit.
- Caroline… Elle ne ressemble pas à une Caroline ; ça doit-être pour ça que j’ai zappé.
Avant qu’il ne me raconte dans le détail la façon dont il a oublié comme elle baise bien, je change de sujet.
- Tu réalises que la dernière fois qu’ils nous ont tous réunis, ça a foutu en l’air la vie de pas mal de mecs ?
- J’y pense.
- Et ça te fout pas la trouille ?
- Même pas. Et puis, ça m’éclate de raconter tout ça. J’avais toujours voulu le faire, c’est l’occasion, là.
- Je peux lire ?
Il m’observe un instant, hésite.
- Non, pas encore, je sais même pas ce que je vais garder, c’est du brut, je me suis un peu laissé aller. J’avance un peu, et je te ferai voir le truc. Faut que je corrige les conneries et les passages trop intimes.
- Ouch ! Tu fais dans l’intime ?
- Un peu, ouais… Bien obligé… Tu vas le faire, toi ?
- Je ne sais pas. Je ne comprends pas bien pourquoi ils nous demandent ça, et je ne sais pas si j’ai envie de revenir sur certains souvenirs. Et puis, ma secrétaire est trop canon, je ne pense pas qu’Olivia me laissera m’enfermer seul avec elle.
Julien sourit, ses yeux brillent. Je devrais savoir, pourtant, qu’il ne faut jamais lui parler gonzesse si on veut retenir toute son attention.
On reste là une bonne heure.
Il me parle de ses dernières conquêtes, en rajoute sûrement, comme toujours, il me fait rire.
La vodka est venue corser un peu les jus d’orange. Je suis bien. J’ai l’alcool nostalgique. On évoque les souvenirs, j’ai des détails qui me reviennent et me collent la chair de poule. J’ai bien envie de m’y mettre aussi. Finalement, ça pourrait être sympa. Ils nous ont demandé des choses bien plus bizarres dans le passé. Et puis, ça pourrait-être intéressant de faire un petit bilan.
On boit encore quelques verres.
Julien me dit qu’il va continuer un peu, et qu’il me retrouve, avant la pluie de cinq heures, au bar.
Je repars. Par la porte cette fois. Ma suite est à deux pas. J’ai un peu de temps.
Dans le couloir, je me demande par quoi je vais commencer. Au premier sang ? À notre petite enfance ? J’ai le visage de ma mère qui m’apparaît et me tire le cœur.
Les capteurs me détectent, la porte s’ouvre devant moi. « Bonjour Madjid, Olivia est avec les enfants à la piscine, elle repassera avant l’apéritif », me dit une voix synthétique dans l’entrée.
La suite est vide. Je passe dans les chambres. Personne. Mon bureau est spacieux. Je m’assois sur le fauteuil qui m’engouffre en un wwouusshh lénifiant. J’aurais bien besoin d’un autre verre.
Une sieste.
Non, si je me laisse aller, je ne le ferai jamais.
Concentration. J’allume l’ordi. Le logo « Disoft windows » apparaît sur l’écran. Les icônes s’alignent. Je clique sur « Disoft word ».
Nouvelle page, pour le passé.
Quand ?
J’hésite à mettre une date, me demande si je dois me souvenir du début, ou bien du moment où tout le bordel a vraiment commencé. J’essaye de comprendre ce que Grégoire attend de nous vraiment.
Peu importe.
13 heures cinq
Madjid
Julien est excité. Je l’observe depuis cinq bonnes minutes. Sa drôle de gueule exprime mille sentiments à la seconde, les grimaces se succèdent tandis qu’il s’acharne à faire courir ses deux doigts sur le clavier.
Il n’a jamais été beau, mais les années lui vont bien. Il se bonifie. L’embonpoint sur son visage a réussi à engloutir un peu son nez grotesque.
Il a l’air de s’amuser. Il a l’air heureux.
J’hésite à taper à la baie vitrée, mais je ne vais pas rester là toute la journée.
Je frappe. Il ne réagit pas. Plus fort. Il se tourne vers moi. Les yeux hagards. Il cherche. Le reflet de la lumière l’empêche de me voir. Je colle mon nez sur la vitre et tire la langue. Son sourire s’élargit. Il rabat l’écran du portable, se lève, traverse la chambre à grandes enjambées.
La baie vitrée s’ouvre.
- Je ne t’avais pas entendu Madj. Merde, t’as tout salopé.
- Ça va Zen ?
Zen, c’était son surnom quand on était môme, du verlan, à l’opposé de son caractère, ça nous avait toujours fait rire. Grégoire et moi, sommes les seuls, je crois, à l’avoir jamais appelé comme ça.
Il passe un doigt sur les traces de buée baveuses, jette un œil par-dessus mon épaule, vérifie si je suis seul, je suppose.
- La forme ! Et toi ?
- Les gosses sont à la plage, Olivia au massage, je me suis dit que j’allais venir t’emmerder.
- T’es toujours le bienvenu, mon grand. Tu veux boire un…
- Ouais, sers-moi un jus - pas un de leur trucs bizarres –, après, on fait impasse sur les politesses, et tu me dis ce que tu penses de leur nouvelle lubie ? C’est pas ça que t’étais en train de taper, au moins ?
-
Julien se dirige vers le bar, je l’entends réfléchir. De loin, il me lance :
- J’en ai bien peur.
- On t’as pas vu de la matinée, apparemment, t’es à fond dedans, et vu l’état de ma secrétaire ce matin, je dirais que t’as du mettre le paquet cette nuit aussi.
- Ah ? C’était la tienne ?… C’est quoi son prénom, déjà ?
- Caroline, je crois. Je lui ai dit que je n’aurais pas besoin d’elle, aujourd’hui. Elle doit rattraper sa nuit.
- Caroline… Elle ne ressemble pas à une Caroline ; ça doit-être pour ça que j’ai zappé.
Avant qu’il ne me raconte dans le détail la façon dont il a oublié comme elle baise bien, je change de sujet.
- Tu réalises que la dernière fois qu’ils nous ont tous réunis, ça a foutu en l’air la vie de pas mal de mecs ?
- J’y pense.
- Et ça te fout pas la trouille ?
- Même pas. Et puis, ça m’éclate de raconter tout ça. J’avais toujours voulu le faire, c’est l’occasion, là.
- Je peux lire ?
Il m’observe un instant, hésite.
- Non, pas encore, je sais même pas ce que je vais garder, c’est du brut, je me suis un peu laissé aller. J’avance un peu, et je te ferai voir le truc. Faut que je corrige les conneries et les passages trop intimes.
- Ouch ! Tu fais dans l’intime ?
- Un peu, ouais… Bien obligé… Tu vas le faire, toi ?
- Je ne sais pas. Je ne comprends pas bien pourquoi ils nous demandent ça, et je ne sais pas si j’ai envie de revenir sur certains souvenirs. Et puis, ma secrétaire est trop canon, je ne pense pas qu’Olivia me laissera m’enfermer seul avec elle.
Julien sourit, ses yeux brillent. Je devrais savoir, pourtant, qu’il ne faut jamais lui parler gonzesse si on veut retenir toute son attention.
On reste là une bonne heure.
Il me parle de ses dernières conquêtes, en rajoute sûrement, comme toujours, il me fait rire.
La vodka est venue corser un peu les jus d’orange. Je suis bien. J’ai l’alcool nostalgique. On évoque les souvenirs, j’ai des détails qui me reviennent et me collent la chair de poule. J’ai bien envie de m’y mettre aussi. Finalement, ça pourrait être sympa. Ils nous ont demandé des choses bien plus bizarres dans le passé. Et puis, ça pourrait-être intéressant de faire un petit bilan.
On boit encore quelques verres.
Julien me dit qu’il va continuer un peu, et qu’il me retrouve, avant la pluie de cinq heures, au bar.
Je repars. Par la porte cette fois. Ma suite est à deux pas. J’ai un peu de temps.
Dans le couloir, je me demande par quoi je vais commencer. Au premier sang ? À notre petite enfance ? J’ai le visage de ma mère qui m’apparaît et me tire le cœur.
Les capteurs me détectent, la porte s’ouvre devant moi. « Bonjour Madjid, Olivia est avec les enfants à la piscine, elle repassera avant l’apéritif », me dit une voix synthétique dans l’entrée.
La suite est vide. Je passe dans les chambres. Personne. Mon bureau est spacieux. Je m’assois sur le fauteuil qui m’engouffre en un wwouusshh lénifiant. J’aurais bien besoin d’un autre verre.
Une sieste.
Non, si je me laisse aller, je ne le ferai jamais.
Concentration. J’allume l’ordi. Le logo « Disoft windows » apparaît sur l’écran. Les icônes s’alignent. Je clique sur « Disoft word ».
Nouvelle page, pour le passé.
Quand ?
J’hésite à mettre une date, me demande si je dois me souvenir du début, ou bien du moment où tout le bordel a vraiment commencé. J’essaye de comprendre ce que Grégoire attend de nous vraiment.
Peu importe.
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Re: Exo en direct, mais pas vraiment
Enfance
Grégoire et moi avons toujours été amis. Dès la maternelle, nous avons fait parti des mêmes bandes, nous avons eu les mêmes jeux, les mêmes batailles de crachats, les mêmes potes, les mêmes ennemis.
Depuis trente cinq ans nos vies sont mêlées, entrelacées
.
Le grand blond et le petit brun, le gaulois et le bicot, cul et chemise.
Assis l'un à côté de l'autre à la grande table basse des classes maternelles, allongés côte à côte sur les tapis bleus du préau pour la sieste et la gymnastique, seuls nos parents nous séparaient à la sortie de l'école.
Un temps.
Rien d'anormal, nous étions deux enfants banals, des petits voyous en puissance, de la graine de bandit.
Nous traînions toute la journée dehors.
De toute façon, il n'y aurait pas eu assez de place dans le petit deux pièces de mes parents pour qu'on y reste mes sœurs, mes frères et moi.
Ma mère passait sa journée à éplucher des légumes sur la table de la salle à manger. Elle gardait d'autres enfants, aussi, et nous devions monter les trois matelas sur lesquels nous dormions la nuit, les uns sur les autres, sur les lits superposés de la chambre de mes soeurs, pour laisser de l'espace aux mômes qu'elle prenait en nourrice.
Mon père rentrait tard du travail. Il partait tôt aussi. J'entends encore la radio, le matin, tandis qu'il se lavait au gant dans l’évier de la cuisine. Nous dormions, avec mes deux frères, dans la salle à manger.
Je le voyais passer au-dessus de nos têtes, en maillot de corps « marcel » blanc, la serviette autour du cou, son index posé sur ses lèvres : sshhh!
J'entends encore le bruit de la porte qui se ferme doucement…cinq heures trente…encore deux heures à dormir.
Le soir, après le travail, il posait ses affaires sales dans l'évier, s'installait sur une chaise et parlait en arabe à ma mère qui faisait couler l'eau sur les sous vêtements odorants, le bleu de travail noir. Nous n'avions pas intérêt à traîner alors.
Mon père était exigeant.
Nous ne pensions qu’à nous amuser.
Nous nous retrouvions tous au square pour jouer au foot, toujours les mêmes équipes, toujours les deux ou trois stars que nous nous disputions et qui, nous le savions, feraient la différence. Nous avions une journée de cavalcade dans les pattes, et pourtant, nous étions surexcités, à l'affût sur chaque balle, hurlant, vociférant, tout à la partie.
Quand le ciel se cachait derrière les immeubles, nos vêtements étaient toujours gris, nos visages marbrés par les traces de boue, le mélange de poussière et de sueur, et les rougeurs causées par la chaleur, l'action et les coups. Chacun récupérait son blouson et courait jusque chez lui :
Salut!, Salut! A demain.
On appelait ça une bonne journée.
Les mercredis, nous allions faire du cross à Vincennes sur des solex volés que nous avions dépouillé de leurs moteurs. Ce n’était pas top léger, mais bien assez pour qu’on se ramasse quelques belles gamelles.
Bien assez pour nous.
Les vendredis soir et les dimanches après-midi, nous jouions au foot, à l’ASPB. Une grande équipe. Maillot jaune et cannes de serin.
On avait de l’allure.
Nous fréquentions pas mal la M.J.C, aussi, un grand bâtiment moderne, bas, dont le toit s'élevait, à ses extrémités, comme les ailes d'une raie manta, un beau planeur de béton et de verre.
À l'intérieur, l'ambiance était feutrée, seventies, moquette orange, murs marron, de grandes baies vitrées donnaient sur des jardins de houx et de graviers légers. Une construction sous acide, psychédélique.
Cool, comme une communauté, nous pouvions faire ce que nous voulions, nous étions là pour nous épanouir, apprendre et jouer dans un milieu constructif et libre, guidés pas forcés, notre liberté s'arrêtait où celle des autres.
L'endroit idéal.
Les ateliers étaient plus sobres, la face cachée. Les murs blancs n'avaient pour toute décoration que les œuvres naïves réalisées au cours des ateliers de peinture, des chaises et des tables simples récupérées dans quelque école étaient disséminées de façon anarchique sur un linoléum douteux. Quand vous entriez dans ces salles vous entendiez comme une petite voix vous dire : hé ! Fini le délire, on passe aux choses sérieuses, on oublie les poufs et on pose son cul sur le bois dur.
On évitait les ateliers.
Les jardins nous étaient interdits, mais nous pouvions nous promener librement dans toutes les salles du bâtiment.
On passait notre temps à se planquer dans les jardins.
Les surveillants nous aimaient bien, même si leur boulot se résumait à nous empêcher de faire des conneries. Quelques-uns uns avaient connu la route mais les plus nombreux étaient ceux qui avaient raté le dernier train pour Katmandou. Il leur restait Deep Purple, Hendrix, Graeme Allwright et Maxime le Forestier.
Ils sortaient souvent leur guitare sèche. Nous aimions bien ça. Nous formions un cercle, assis en tailleur, et nous écoutions pendant une petite heure les plaintes révolutionnaires et le yaourt mélancolique. Nous pouvions participer parfois, quand le guitariste entonnait une chanson qu’on avait souvent entendue.
Les musicos Peace and Love étaient nos héros, Nous ne les voyions pas encore des gros cons paumés qui jouaient mal de la guitare.
Pas encore.
C’était avant mon CAP, avant que Grégoire n’aille au lycée, que nos chemins se séparent, quelques années.
Avant son retour dans le quartier, à sa première année de fac, avant son séjour au Liban.
Avant qu’il ne Pète son premier plomb.
C’était avant que Grégoire ne devienne un génie ; qu’il n’écrive toutes les musiques et toutes les paroles de tous les tubes de 1986 ; avant qu’il ne vende avec Julien et Version, tout ce qu’on a pu entendre comme musique, sur toutes les ondes, de la fin des années 80 à aujourd’hui.
Avant qu’il ne m’entraîne dans sa transformation, avant les miracles, avant la belle vie et ses désagréments. Grégoire m’a manipulé, aidé, sauvé, pris ma liberté, donné la liberté. Je n'ai jamais eu le choix. Il ne m'a jamais laissé le trahir.
Mais, je ne regrette rien. Mes problèmes existentiels sont de moindres maux comparés à la vie que j'ai pu mener grâce à lui.
Luxe, voyages, femmes, famille. Il m'a tout donné et ne m'a jamais demandé qu'une chose en retour, une fidélité exclusive.
J’ai pourtant essayé de lui échapper. Un jour de 1991, j'avais décidé de m'émanciper, de voler de mes propres ailes. J'ai convié Grégoire à un dîner pour lui parler de ma décision, lui expliquer que j'avais besoin de prendre un peu de recul. Nous étions assez riches lui et moi pour n'avoir plus à travailler le reste de notre vie. Je racontais à Grégoire ce que j'avais envie de faire, bouger, voyager, changer d'atmosphère. Il m'écoutait. De la soirée il n'a pas opposé un argument. Aucun signe de désapprobation.
La nuit fut parfaite.
Nous avons fait la tournée des boîtes qui, pour la plupart, nous appartenaient. Aux "Bains" j'étais gai, au "Palace" ivre, déchiré au "Bus", j'ai oublié le reste.
Je voulais marquer le coup.
Nous avons fini la nuit dans mon appartement avec trois filles, comme d'habitude.
Je ne me souviens plus m'être endormi, mais je me rappelle très bien m'être réveillé, le lendemain, tard…Pendu au milieu du salon.
Trois cordes me maintenaient en l'air, une autour du cou, classique corde de pendu avec un nœud énorme, deux autres glissées sous mes aisselles. Deux oreillers, un sous chaque bras me protégeaient du feu des cordes. Une minerve protégeait mon cou. J'étais pendu, exécuté, sans bavure. J'ai passé une nuit accroché au plafond de mon appartement avant que la femme de ménage ne me découvre. Les pompiers m'ont détaché. J'ai refusé de leur parler, l'un d'eux m'a tendu la lettre que j'avais écrite pour expliquer mon suicide.
Avec une signature:
« Oops ! I did it again ! ».
L’humour de Grégoire.
Il a toujours refusé de parler de cette soirée.
Le lendemain, avant que je puisse dire un mot, il a passé sa main derrière ma nuque, façon parrain, approché ses lèvres de mon oreille et m’a soufflé :
« Je t’aime, mais ne me quitte jamais. »
Je connaissais son pouvoir et jamais ne le quittai.
Grégoire et moi avons toujours été amis. Dès la maternelle, nous avons fait parti des mêmes bandes, nous avons eu les mêmes jeux, les mêmes batailles de crachats, les mêmes potes, les mêmes ennemis.
Depuis trente cinq ans nos vies sont mêlées, entrelacées
.
Le grand blond et le petit brun, le gaulois et le bicot, cul et chemise.
Assis l'un à côté de l'autre à la grande table basse des classes maternelles, allongés côte à côte sur les tapis bleus du préau pour la sieste et la gymnastique, seuls nos parents nous séparaient à la sortie de l'école.
Un temps.
Rien d'anormal, nous étions deux enfants banals, des petits voyous en puissance, de la graine de bandit.
Nous traînions toute la journée dehors.
De toute façon, il n'y aurait pas eu assez de place dans le petit deux pièces de mes parents pour qu'on y reste mes sœurs, mes frères et moi.
Ma mère passait sa journée à éplucher des légumes sur la table de la salle à manger. Elle gardait d'autres enfants, aussi, et nous devions monter les trois matelas sur lesquels nous dormions la nuit, les uns sur les autres, sur les lits superposés de la chambre de mes soeurs, pour laisser de l'espace aux mômes qu'elle prenait en nourrice.
Mon père rentrait tard du travail. Il partait tôt aussi. J'entends encore la radio, le matin, tandis qu'il se lavait au gant dans l’évier de la cuisine. Nous dormions, avec mes deux frères, dans la salle à manger.
Je le voyais passer au-dessus de nos têtes, en maillot de corps « marcel » blanc, la serviette autour du cou, son index posé sur ses lèvres : sshhh!
J'entends encore le bruit de la porte qui se ferme doucement…cinq heures trente…encore deux heures à dormir.
Le soir, après le travail, il posait ses affaires sales dans l'évier, s'installait sur une chaise et parlait en arabe à ma mère qui faisait couler l'eau sur les sous vêtements odorants, le bleu de travail noir. Nous n'avions pas intérêt à traîner alors.
Mon père était exigeant.
Nous ne pensions qu’à nous amuser.
Nous nous retrouvions tous au square pour jouer au foot, toujours les mêmes équipes, toujours les deux ou trois stars que nous nous disputions et qui, nous le savions, feraient la différence. Nous avions une journée de cavalcade dans les pattes, et pourtant, nous étions surexcités, à l'affût sur chaque balle, hurlant, vociférant, tout à la partie.
Quand le ciel se cachait derrière les immeubles, nos vêtements étaient toujours gris, nos visages marbrés par les traces de boue, le mélange de poussière et de sueur, et les rougeurs causées par la chaleur, l'action et les coups. Chacun récupérait son blouson et courait jusque chez lui :
Salut!, Salut! A demain.
On appelait ça une bonne journée.
Les mercredis, nous allions faire du cross à Vincennes sur des solex volés que nous avions dépouillé de leurs moteurs. Ce n’était pas top léger, mais bien assez pour qu’on se ramasse quelques belles gamelles.
Bien assez pour nous.
Les vendredis soir et les dimanches après-midi, nous jouions au foot, à l’ASPB. Une grande équipe. Maillot jaune et cannes de serin.
On avait de l’allure.
Nous fréquentions pas mal la M.J.C, aussi, un grand bâtiment moderne, bas, dont le toit s'élevait, à ses extrémités, comme les ailes d'une raie manta, un beau planeur de béton et de verre.
À l'intérieur, l'ambiance était feutrée, seventies, moquette orange, murs marron, de grandes baies vitrées donnaient sur des jardins de houx et de graviers légers. Une construction sous acide, psychédélique.
Cool, comme une communauté, nous pouvions faire ce que nous voulions, nous étions là pour nous épanouir, apprendre et jouer dans un milieu constructif et libre, guidés pas forcés, notre liberté s'arrêtait où celle des autres.
L'endroit idéal.
Les ateliers étaient plus sobres, la face cachée. Les murs blancs n'avaient pour toute décoration que les œuvres naïves réalisées au cours des ateliers de peinture, des chaises et des tables simples récupérées dans quelque école étaient disséminées de façon anarchique sur un linoléum douteux. Quand vous entriez dans ces salles vous entendiez comme une petite voix vous dire : hé ! Fini le délire, on passe aux choses sérieuses, on oublie les poufs et on pose son cul sur le bois dur.
On évitait les ateliers.
Les jardins nous étaient interdits, mais nous pouvions nous promener librement dans toutes les salles du bâtiment.
On passait notre temps à se planquer dans les jardins.
Les surveillants nous aimaient bien, même si leur boulot se résumait à nous empêcher de faire des conneries. Quelques-uns uns avaient connu la route mais les plus nombreux étaient ceux qui avaient raté le dernier train pour Katmandou. Il leur restait Deep Purple, Hendrix, Graeme Allwright et Maxime le Forestier.
Ils sortaient souvent leur guitare sèche. Nous aimions bien ça. Nous formions un cercle, assis en tailleur, et nous écoutions pendant une petite heure les plaintes révolutionnaires et le yaourt mélancolique. Nous pouvions participer parfois, quand le guitariste entonnait une chanson qu’on avait souvent entendue.
Les musicos Peace and Love étaient nos héros, Nous ne les voyions pas encore des gros cons paumés qui jouaient mal de la guitare.
Pas encore.
C’était avant mon CAP, avant que Grégoire n’aille au lycée, que nos chemins se séparent, quelques années.
Avant son retour dans le quartier, à sa première année de fac, avant son séjour au Liban.
Avant qu’il ne Pète son premier plomb.
C’était avant que Grégoire ne devienne un génie ; qu’il n’écrive toutes les musiques et toutes les paroles de tous les tubes de 1986 ; avant qu’il ne vende avec Julien et Version, tout ce qu’on a pu entendre comme musique, sur toutes les ondes, de la fin des années 80 à aujourd’hui.
Avant qu’il ne m’entraîne dans sa transformation, avant les miracles, avant la belle vie et ses désagréments. Grégoire m’a manipulé, aidé, sauvé, pris ma liberté, donné la liberté. Je n'ai jamais eu le choix. Il ne m'a jamais laissé le trahir.
Mais, je ne regrette rien. Mes problèmes existentiels sont de moindres maux comparés à la vie que j'ai pu mener grâce à lui.
Luxe, voyages, femmes, famille. Il m'a tout donné et ne m'a jamais demandé qu'une chose en retour, une fidélité exclusive.
J’ai pourtant essayé de lui échapper. Un jour de 1991, j'avais décidé de m'émanciper, de voler de mes propres ailes. J'ai convié Grégoire à un dîner pour lui parler de ma décision, lui expliquer que j'avais besoin de prendre un peu de recul. Nous étions assez riches lui et moi pour n'avoir plus à travailler le reste de notre vie. Je racontais à Grégoire ce que j'avais envie de faire, bouger, voyager, changer d'atmosphère. Il m'écoutait. De la soirée il n'a pas opposé un argument. Aucun signe de désapprobation.
La nuit fut parfaite.
Nous avons fait la tournée des boîtes qui, pour la plupart, nous appartenaient. Aux "Bains" j'étais gai, au "Palace" ivre, déchiré au "Bus", j'ai oublié le reste.
Je voulais marquer le coup.
Nous avons fini la nuit dans mon appartement avec trois filles, comme d'habitude.
Je ne me souviens plus m'être endormi, mais je me rappelle très bien m'être réveillé, le lendemain, tard…Pendu au milieu du salon.
Trois cordes me maintenaient en l'air, une autour du cou, classique corde de pendu avec un nœud énorme, deux autres glissées sous mes aisselles. Deux oreillers, un sous chaque bras me protégeaient du feu des cordes. Une minerve protégeait mon cou. J'étais pendu, exécuté, sans bavure. J'ai passé une nuit accroché au plafond de mon appartement avant que la femme de ménage ne me découvre. Les pompiers m'ont détaché. J'ai refusé de leur parler, l'un d'eux m'a tendu la lettre que j'avais écrite pour expliquer mon suicide.
Avec une signature:
« Oops ! I did it again ! ».
L’humour de Grégoire.
Il a toujours refusé de parler de cette soirée.
Le lendemain, avant que je puisse dire un mot, il a passé sa main derrière ma nuque, façon parrain, approché ses lèvres de mon oreille et m’a soufflé :
« Je t’aime, mais ne me quitte jamais. »
Je connaissais son pouvoir et jamais ne le quittai.
grieg- Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo en direct, mais pas vraiment
Enfance
Grégoire et moi avons toujours été amis. Dès la maternelle, nous avons fait parti des mêmes bandes, nous avons eu les mêmes jeux, les mêmes batailles de crachats, les mêmes potes, les mêmes ennemis.
Depuis trente cinq ans nos vies sont mêlées, entrelacées
.
Le grand blond et le petit brun, le gaulois et le bicot, cul et chemise.
Assis l'un à côté de l'autre à la grande table basse des classes maternelles, allongés côte à côte sur les tapis bleus du préau pour la sieste et la gymnastique, seuls nos parents nous séparaient à la sortie de l'école.
Un temps.
Rien d'anormal, nous étions deux enfants banals, des petits voyous en puissance, de la graine de bandit.
Nous traînions toute la journée dehors.
De toute façon, il n'y aurait pas eu assez de place dans le petit deux pièces de mes parents pour qu'on y reste mes sœurs, mes frères et moi.
Ma mère passait sa journée à éplucher des légumes sur la table de la salle à manger. Elle gardait d'autres enfants, aussi, et nous devions monter les trois matelas sur lesquels nous dormions la nuit, les uns sur les autres, sur les lits superposés de la chambre de mes soeurs, pour laisser de l'espace aux mômes qu'elle prenait en nourrice.
Mon père rentrait tard du travail. Il partait tôt aussi. J'entends encore la radio, le matin, tandis qu'il se lavait au gant dans l’évier de la cuisine. Nous dormions, avec mes deux frères, dans la salle à manger.
Je le voyais passer au-dessus de nos têtes, en maillot de corps « marcel » blanc, la serviette autour du cou, son index posé sur ses lèvres : sshhh!
J'entends encore le bruit de la porte qui se ferme doucement…cinq heures trente…encore deux heures à dormir.
Le soir, après le travail, il posait ses affaires sales dans l'évier, s'installait sur une chaise et parlait en arabe à ma mère qui faisait couler l'eau sur les sous vêtements odorants, le bleu de travail noir. Nous n'avions pas intérêt à traîner alors.
Mon père était exigeant.
Nous ne pensions qu’à nous amuser.
Nous nous retrouvions tous au square pour jouer au foot, toujours les mêmes équipes, toujours les deux ou trois stars que nous nous disputions et qui, nous le savions, feraient la différence. Nous avions une journée de cavalcade dans les pattes, et pourtant, nous étions surexcités, à l'affût sur chaque balle, hurlant, vociférant, tout à la partie.
Quand le ciel se cachait derrière les immeubles, nos vêtements étaient toujours gris, nos visages marbrés par les traces de boue, le mélange de poussière et de sueur, et les rougeurs causées par la chaleur, l'action et les coups. Chacun récupérait son blouson et courait jusque chez lui :
Salut!, Salut! A demain.
On appelait ça une bonne journée.
Les mercredis, nous allions faire du cross à Vincennes sur des solex volés que nous avions dépouillé de leurs moteurs. Ce n’était pas top léger, mais bien assez pour qu’on se ramasse quelques belles gamelles.
Bien assez pour nous.
Les vendredis soir et les dimanches après-midi, nous jouions au foot, à l’ASPB. Une grande équipe. Maillot jaune et cannes de serin.
On avait de l’allure.
Nous fréquentions pas mal la M.J.C, aussi, un grand bâtiment moderne, bas, dont le toit s'élevait, à ses extrémités, comme les ailes d'une raie manta, un beau planeur de béton et de verre.
À l'intérieur, l'ambiance était feutrée, seventies, moquette orange, murs marron, de grandes baies vitrées donnaient sur des jardins de houx et de graviers légers. Une construction sous acide, psychédélique.
Cool, comme une communauté, nous pouvions faire ce que nous voulions, nous étions là pour nous épanouir, apprendre et jouer dans un milieu constructif et libre, guidés pas forcés, notre liberté s'arrêtait où celle des autres.
L'endroit idéal.
Les ateliers étaient plus sobres, la face cachée. Les murs blancs n'avaient pour toute décoration que les œuvres naïves réalisées au cours des ateliers de peinture, des chaises et des tables simples récupérées dans quelque école étaient disséminées de façon anarchique sur un linoléum douteux. Quand vous entriez dans ces salles vous entendiez comme une petite voix vous dire : hé ! Fini le délire, on passe aux choses sérieuses, on oublie les poufs et on pose son cul sur le bois dur.
On évitait les ateliers.
Les jardins nous étaient interdits, mais nous pouvions nous promener librement dans toutes les salles du bâtiment.
On passait notre temps à se planquer dans les jardins.
Les surveillants nous aimaient bien, même si leur boulot se résumait à nous empêcher de faire des conneries. Quelques-uns uns avaient connu la route mais les plus nombreux étaient ceux qui avaient raté le dernier train pour Katmandou. Il leur restait Deep Purple, Hendrix, Graeme Allwright et Maxime le Forestier.
Ils sortaient souvent leur guitare sèche. Nous aimions bien ça. Nous formions un cercle, assis en tailleur, et nous écoutions pendant une petite heure les plaintes révolutionnaires et le yaourt mélancolique. Nous pouvions participer parfois, quand le guitariste entonnait une chanson qu’on avait souvent entendue.
Les musicos Peace and Love étaient nos héros, Nous ne les voyions pas encore des gros cons paumés qui jouaient mal de la guitare.
Pas encore.
C’était avant mon CAP, avant que Grégoire n’aille au lycée, que nos chemins se séparent, quelques années.
Avant son retour dans le quartier, à sa première année de fac, avant son séjour au Liban.
Avant qu’il ne Pète son premier plomb.
C’était avant que Grégoire ne devienne un génie ; qu’il n’écrive toutes les musiques et toutes les paroles de tous les tubes de 1986 ; avant qu’il ne vende avec Julien et Version, tout ce qu’on a pu entendre comme musique, sur toutes les ondes, de la fin des années 80 à aujourd’hui.
Avant qu’il ne m’entraîne dans sa transformation, avant les miracles, avant la belle vie et ses désagréments. Grégoire m’a manipulé, aidé, sauvé, pris ma liberté, donné la liberté. Je n'ai jamais eu le choix. Il ne m'a jamais laissé le trahir.
Mais, je ne regrette rien. Mes problèmes existentiels sont de moindres maux comparés à la vie que j'ai pu mener grâce à lui.
Luxe, voyages, femmes, famille. Il m'a tout donné et ne m'a jamais demandé qu'une chose en retour, une fidélité exclusive.
J’ai pourtant essayé de lui échapper. Un jour de 1991, j'avais décidé de m'émanciper, de voler de mes propres ailes. J'ai convié Grégoire à un dîner pour lui parler de ma décision, lui expliquer que j'avais besoin de prendre un peu de recul. Nous étions assez riches lui et moi pour n'avoir plus à travailler le reste de notre vie. Je racontais à Grégoire ce que j'avais envie de faire, bouger, voyager, changer d'atmosphère. Il m'écoutait. De la soirée il n'a pas opposé un argument. Aucun signe de désapprobation.
La nuit fut parfaite.
Nous avons fait la tournée des boîtes qui, pour la plupart, nous appartenaient. Aux "Bains" j'étais gai, au "Palace" ivre, déchiré au "Bus", j'ai oublié le reste.
Je voulais marquer le coup.
Nous avons fini la nuit dans mon appartement avec trois filles, comme d'habitude.
Je ne me souviens plus m'être endormi, mais je me rappelle très bien m'être réveillé, le lendemain, tard…Pendu au milieu du salon.
Trois cordes me maintenaient en l'air, une autour du cou, classique corde de pendu avec un nœud énorme, deux autres glissées sous mes aisselles. Deux oreillers, un sous chaque bras me protégeaient du feu des cordes. Une minerve protégeait mon cou. J'étais pendu, exécuté, sans bavure. J'ai passé une nuit accroché au plafond de mon appartement avant que la femme de ménage ne me découvre. Les pompiers m'ont détaché. J'ai refusé de leur parler, l'un d'eux m'a tendu la lettre que j'avais écrite pour expliquer mon suicide.
Avec une signature:
« Oops ! I did it again ! ».
L’humour de Grégoire.
Il a toujours refusé de parler de cette soirée.
Le lendemain, avant que je puisse dire un mot, il a passé sa main derrière ma nuque, façon parrain, approché ses lèvres de mon oreille et m’a soufflé :
« Je t’aime, mais ne me quitte jamais. »
Je connaissais son pouvoir et jamais ne le quittai.
Grégoire et moi avons toujours été amis. Dès la maternelle, nous avons fait parti des mêmes bandes, nous avons eu les mêmes jeux, les mêmes batailles de crachats, les mêmes potes, les mêmes ennemis.
Depuis trente cinq ans nos vies sont mêlées, entrelacées
.
Le grand blond et le petit brun, le gaulois et le bicot, cul et chemise.
Assis l'un à côté de l'autre à la grande table basse des classes maternelles, allongés côte à côte sur les tapis bleus du préau pour la sieste et la gymnastique, seuls nos parents nous séparaient à la sortie de l'école.
Un temps.
Rien d'anormal, nous étions deux enfants banals, des petits voyous en puissance, de la graine de bandit.
Nous traînions toute la journée dehors.
De toute façon, il n'y aurait pas eu assez de place dans le petit deux pièces de mes parents pour qu'on y reste mes sœurs, mes frères et moi.
Ma mère passait sa journée à éplucher des légumes sur la table de la salle à manger. Elle gardait d'autres enfants, aussi, et nous devions monter les trois matelas sur lesquels nous dormions la nuit, les uns sur les autres, sur les lits superposés de la chambre de mes soeurs, pour laisser de l'espace aux mômes qu'elle prenait en nourrice.
Mon père rentrait tard du travail. Il partait tôt aussi. J'entends encore la radio, le matin, tandis qu'il se lavait au gant dans l’évier de la cuisine. Nous dormions, avec mes deux frères, dans la salle à manger.
Je le voyais passer au-dessus de nos têtes, en maillot de corps « marcel » blanc, la serviette autour du cou, son index posé sur ses lèvres : sshhh!
J'entends encore le bruit de la porte qui se ferme doucement…cinq heures trente…encore deux heures à dormir.
Le soir, après le travail, il posait ses affaires sales dans l'évier, s'installait sur une chaise et parlait en arabe à ma mère qui faisait couler l'eau sur les sous vêtements odorants, le bleu de travail noir. Nous n'avions pas intérêt à traîner alors.
Mon père était exigeant.
Nous ne pensions qu’à nous amuser.
Nous nous retrouvions tous au square pour jouer au foot, toujours les mêmes équipes, toujours les deux ou trois stars que nous nous disputions et qui, nous le savions, feraient la différence. Nous avions une journée de cavalcade dans les pattes, et pourtant, nous étions surexcités, à l'affût sur chaque balle, hurlant, vociférant, tout à la partie.
Quand le ciel se cachait derrière les immeubles, nos vêtements étaient toujours gris, nos visages marbrés par les traces de boue, le mélange de poussière et de sueur, et les rougeurs causées par la chaleur, l'action et les coups. Chacun récupérait son blouson et courait jusque chez lui :
Salut!, Salut! A demain.
On appelait ça une bonne journée.
Les mercredis, nous allions faire du cross à Vincennes sur des solex volés que nous avions dépouillé de leurs moteurs. Ce n’était pas top léger, mais bien assez pour qu’on se ramasse quelques belles gamelles.
Bien assez pour nous.
Les vendredis soir et les dimanches après-midi, nous jouions au foot, à l’ASPB. Une grande équipe. Maillot jaune et cannes de serin.
On avait de l’allure.
Nous fréquentions pas mal la M.J.C, aussi, un grand bâtiment moderne, bas, dont le toit s'élevait, à ses extrémités, comme les ailes d'une raie manta, un beau planeur de béton et de verre.
À l'intérieur, l'ambiance était feutrée, seventies, moquette orange, murs marron, de grandes baies vitrées donnaient sur des jardins de houx et de graviers légers. Une construction sous acide, psychédélique.
Cool, comme une communauté, nous pouvions faire ce que nous voulions, nous étions là pour nous épanouir, apprendre et jouer dans un milieu constructif et libre, guidés pas forcés, notre liberté s'arrêtait où celle des autres.
L'endroit idéal.
Les ateliers étaient plus sobres, la face cachée. Les murs blancs n'avaient pour toute décoration que les œuvres naïves réalisées au cours des ateliers de peinture, des chaises et des tables simples récupérées dans quelque école étaient disséminées de façon anarchique sur un linoléum douteux. Quand vous entriez dans ces salles vous entendiez comme une petite voix vous dire : hé ! Fini le délire, on passe aux choses sérieuses, on oublie les poufs et on pose son cul sur le bois dur.
On évitait les ateliers.
Les jardins nous étaient interdits, mais nous pouvions nous promener librement dans toutes les salles du bâtiment.
On passait notre temps à se planquer dans les jardins.
Les surveillants nous aimaient bien, même si leur boulot se résumait à nous empêcher de faire des conneries. Quelques-uns uns avaient connu la route mais les plus nombreux étaient ceux qui avaient raté le dernier train pour Katmandou. Il leur restait Deep Purple, Hendrix, Graeme Allwright et Maxime le Forestier.
Ils sortaient souvent leur guitare sèche. Nous aimions bien ça. Nous formions un cercle, assis en tailleur, et nous écoutions pendant une petite heure les plaintes révolutionnaires et le yaourt mélancolique. Nous pouvions participer parfois, quand le guitariste entonnait une chanson qu’on avait souvent entendue.
Les musicos Peace and Love étaient nos héros, Nous ne les voyions pas encore des gros cons paumés qui jouaient mal de la guitare.
Pas encore.
C’était avant mon CAP, avant que Grégoire n’aille au lycée, que nos chemins se séparent, quelques années.
Avant son retour dans le quartier, à sa première année de fac, avant son séjour au Liban.
Avant qu’il ne Pète son premier plomb.
C’était avant que Grégoire ne devienne un génie ; qu’il n’écrive toutes les musiques et toutes les paroles de tous les tubes de 1986 ; avant qu’il ne vende avec Julien et Version, tout ce qu’on a pu entendre comme musique, sur toutes les ondes, de la fin des années 80 à aujourd’hui.
Avant qu’il ne m’entraîne dans sa transformation, avant les miracles, avant la belle vie et ses désagréments. Grégoire m’a manipulé, aidé, sauvé, pris ma liberté, donné la liberté. Je n'ai jamais eu le choix. Il ne m'a jamais laissé le trahir.
Mais, je ne regrette rien. Mes problèmes existentiels sont de moindres maux comparés à la vie que j'ai pu mener grâce à lui.
Luxe, voyages, femmes, famille. Il m'a tout donné et ne m'a jamais demandé qu'une chose en retour, une fidélité exclusive.
J’ai pourtant essayé de lui échapper. Un jour de 1991, j'avais décidé de m'émanciper, de voler de mes propres ailes. J'ai convié Grégoire à un dîner pour lui parler de ma décision, lui expliquer que j'avais besoin de prendre un peu de recul. Nous étions assez riches lui et moi pour n'avoir plus à travailler le reste de notre vie. Je racontais à Grégoire ce que j'avais envie de faire, bouger, voyager, changer d'atmosphère. Il m'écoutait. De la soirée il n'a pas opposé un argument. Aucun signe de désapprobation.
La nuit fut parfaite.
Nous avons fait la tournée des boîtes qui, pour la plupart, nous appartenaient. Aux "Bains" j'étais gai, au "Palace" ivre, déchiré au "Bus", j'ai oublié le reste.
Je voulais marquer le coup.
Nous avons fini la nuit dans mon appartement avec trois filles, comme d'habitude.
Je ne me souviens plus m'être endormi, mais je me rappelle très bien m'être réveillé, le lendemain, tard…Pendu au milieu du salon.
Trois cordes me maintenaient en l'air, une autour du cou, classique corde de pendu avec un nœud énorme, deux autres glissées sous mes aisselles. Deux oreillers, un sous chaque bras me protégeaient du feu des cordes. Une minerve protégeait mon cou. J'étais pendu, exécuté, sans bavure. J'ai passé une nuit accroché au plafond de mon appartement avant que la femme de ménage ne me découvre. Les pompiers m'ont détaché. J'ai refusé de leur parler, l'un d'eux m'a tendu la lettre que j'avais écrite pour expliquer mon suicide.
Avec une signature:
« Oops ! I did it again ! ».
L’humour de Grégoire.
Il a toujours refusé de parler de cette soirée.
Le lendemain, avant que je puisse dire un mot, il a passé sa main derrière ma nuque, façon parrain, approché ses lèvres de mon oreille et m’a soufflé :
« Je t’aime, mais ne me quitte jamais. »
Je connaissais son pouvoir et jamais ne le quittai.
grieg- Nombre de messages : 6156
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Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo en direct, mais pas vraiment
Eden Falls
Décembre2009
Je m’appelle Grégoire et je suis un escroc, un voleur, un imposteur.
Comme tout le monde, me direz-vous. Vrai. Mais je suis au sommet de la pyramide, le roi du monde, le roi des imposteurs, un Dieu Imposteur.
Di.
C’est en pensant à ça, que Pierre et moi avons nommé le Di-pod et tous les systèmes et logiciels Disoft.
Venons en au fait, je m'appelle Grégoire et je me suis réveillé un jour, alors que j’avais quarante-deux ans, dans la peau d'un gamin de dix-sept ans, moi-même, vingt-cinq ans plus tôt.
Je suis passé, en quelques secondes, de l’année 2009, à l’année 1984.
Ce que je vais conter est vrai. Je ne suis pas fou. Si des mensonges se glissent dans mon récit, la faute en incombe à ma mémoire qui m'a si souvent laissé tomber.
Je ne suis pas un Sage, non plus, comme certains le croient, comme je leur laisse à penser. Je serais même plutôt le contraire, un vieux connard amer désabusé, un type qui a depuis longtemps réalisé que l’expérience ne fait pas la sagesse ; qu’à force de vivre, on n’apprend rien de plus et qu’on en sait seulement trop.
Je ne suis pas plus nihiliste ; snobisme que je n’ai jamais pu me permettre. J’ai toujours pensé que ces intellectuels-du-rien étaient de petits joueurs, des faiseurs, des types qui, s’ils avaient été cohérents, sincères, seraient morts avant leurs aphorismes.
Je suis entre tout ça.
Et de la merde, croyez-moi, j’en ai remué un paquet.
Dans ma première vie, je n’avais peur de rien, surtout pas de la mort, surtout pas des fantômes. Enfin, les fantômes, un peu, mais pas une frousse banale, façon film d’horreur. Non. J’avais seulement peur de rencontrer un spectre parce qu’il aurait été la preuve qu’il existe une vie après la mort. Et ça, je ne pouvais en supporter l’idée. Pour moi, la vie n’était supportable que si elle avait une fin. J’aspirais au néant infini, le repos. On me parlait de vie éternelle et je paniquais.
Je panique toujours d’ailleurs.
Dans trois mois, jour pour jour, Pierre et moi allons être de nouveau confrontés à cette date fatidique, celle qui a transformé nos existences. Et nous ne savons pas à quoi nous attendre. Nous ignorons si ça va recommencer.
Nous sommes partis du principe que l’événement ne va pas se reproduire, que le temps va garder son cours, que le futur est engagé. Nous sommes optimistes.
Sinon, à quoi bon ?
Nous avons donc décidé de témoigner, d’écrire notre histoire, un livre leçon, un testament nouveau.
Le monde doit savoir et nous devons désigner nos héritiers.
Parce que nous allons disparaître.
Je le veux.
Mais avant d’en finir, je me dois de commencer l’histoire.
Retour.
Au commencement, j'étais dans la chambre de mes filles, allongé par terre. Je portais à bout de bras la plus jeune qui riait aux éclats. L'aînée avait pris son élan et s'apprêtait à se jeter sur moi, de tout son poids. J'allais crier pour qu'elle cesse, pour couper court au jeu qui devenait dangereux, faire un break, prendre un café, une cigarette sur la terrasse. Aucun son n'est sorti de ma gorge, ma fille courait vers moi, prête à se lancer, elle n'arriva jamais, tout s'estompa, disparut.
Néant.
Puis, la fraîcheur d'une douce main sur mon front trempé, une voix :
Réveilles-toi, c'est l'heure…
Maman.
Comme beaucoup de souvenir, celui-ci a été construit à posteriori. De cette période, je n'ai ni souvenir ni logique, ni intelligence. J'étais un corps écrasé sous un poids, sous une forme invisible gigantesque qui entravait mes mouvements, se coulait dans mes muscles et anesthésiait mes pensées. Je n'avais ni passé, ni futur, ni présent, pas d'identité, j'étais une masse informe, décérébrée, un mollusque énorme plongé dans de l'eau bouillante.
Mes parents me racontèrent que j'avais passé deux semaines aux portes de la mort, sans jamais bouger, sans parler sinon pour émettre des sons gutturaux à peine audibles.
Quand j'ai commencé à réagir, je me suis répandu en une suite de mots incohérents, de noms inconnus et de délires fébriles.
Je passe sur la demi-douzaine de diagnostics de médecins dépassés qui, faute de comprendre, ont préféré enterrer mon corps d'abord, mon esprit ensuite, et piétiner allègrement l'espoir divin de mon père et de ma mère.
Personne n'aurait pu concevoir ce qui était réellement arrivé durant ces deux semaines d'enfer. J'ai mon opinion, peu importe : à l'issue de ma longue étreinte avec la mort, je suis passé de quarante-deux à dix-sept ans, et j'ai eu un mal fou à me faire à cette idée.
Moralement j'étais anéanti, perdu, seul, tellement seul.
J’étais paralysé par tout ce que cela impliquait, un espace temps chamboulé et la perspective d’une vie éternellement renouvelable, une vie rasoir jetable : nouvelles lames, même gueule à raser.
Et tout recommencer, il me faudrait tout recommencer.
Mes filles.
Comme elles me manquaient. Elles avaient disparu dans un autre monde.
J'avais les tripes tordues, le cœur rongé, rouillé, tambourinant dans un énorme espace vide et venteux. Je ne supportais pas ce grand vide, cette nostalgie cruelle. Je la supportais d'autant moins que je compris vite qu'elle serait omniprésente, étalée en moi comme une vieille pouffiasse lubrique avec qui l'on fornique pour mieux vomir et se haïr.
J'ai mis du temps, aussi, à coordonner mes mouvements. Tous pensaient que la fièvre avait endommagé mes fonctions motrices. Simplement, j'avais besoin d’entraînement pour me réadapter à un corps différent, retrouver mes marques.
Mon cerveau fonctionnait étrangement. Un grand bordel, il me fallut une pelleteuse pour remettre de l'ordre dans tout ça. Quarante-deux ans de souvenirs soigneusement sélectionnés se mêlaient à dix-sept ans de mémoire pas encore sélective. Passé, présent, dansaient sur des rythmes qui n'avaient pas encore été inventés ; bonheur et malheur jouaient à saute-mouton avec joie et désespoir. J'étais un spectateur impuissant largué dans une foule hystérique anonyme.
Je m'abandonnais dans les bras de ma mère avec délectation, parlais à mon père comme jamais, mille projets. Mais, je pensais constamment à mes filles, à mon autre vie… Non, je me foutais de mon autre vie, je ne pensais qu’à mes filles.
Elles me manquaient. Terriblement.
Et puis, en 1984, il n’y avait rien à la télé, vraiment rien.
J’essayais de me souvenir de ce que c’était d’avoir dix-sept ans ; un âge où tout est trop parce qu’on n’a pas la mesure des choses ; c’était vouloir être plus vieux d’un an, parce que ce serait plus facile pour les gonzesses, pour l’indépendance ; refuser la faiblesse de la jeunesse, cette maladie dont on devait se sortir coûte que coûte.
J’avais du mal à retrouver l’esprit « fin d’adolescence » : penser en majuscule, Amour, Justice, Liberté.
A l’époque déjà, au lycée, pendant les grèves, je trouvais ridicules les leaders des partis en vogue. J’étais de formation communiste-pif gadget, un peu désabusé, devenu sympathisant trotskyste parce qu’il fallait bien que je mette mon cœur-à-remplir quelque part et que, preuve du contraire, le trotskysme aurait pu fonctionner si Staline lui avait laissé sa chance et si Alain Delon n’avait pas descendu le bonhomme au Mexique. Mais tout ça ne me convenait pas vraiment. Les meneurs de grèves des différents partis se foutaient sur la gueule et la cause n’avançait pas. Ces types étaient plus imbus de leur personne que sensibles au Bonheur Universel. La Cause était prétexte à gonfler leur égo, ils avaient de l’ambition, et je me rendais déjà compte que l’ambition n’aurait jamais du être mêlée à la politique, que malheureusement, il fallait être ambitieux pour être politicien, limite misanthrope. Mitterrand nous avait déjà pris pour des cons. Et ça, ça ne passait pas.
J’avais déjà un gros souci avec les valeurs morales dominantes, avec les grands mots, les grandes idées. J’avais des réactions bizarres, que j’aurais eu du mal à partager avec mes petits camarades.
J’adorais, par exemple, la série anglaise « Le prisonnier », cet ex-agent secret qu’on mettait au rencard dans un village-retraite pour l’empêcher de communiquer les secrets qu’il détenait. Je l’adorais, mais au fond de moi, j’avais du mal à comprendre pourquoi ce type ne profitait pas de tous les avantages du village qui regorgeait de filles canons, où les mecs passaient leur journée à se lancer des « bonjour chez vous », à jouer aux échecs, à bouquiner, à se balader, à siroter des bières en terrasse… Je ne comprenais pas l’ambition, l’attachement à la Liberté, l’attachement aux valeurs majuscule. Pour moi, la Liberté c’était un peu le village. Je ne comprenais pas pourquoi ce mec qui s’était battu pour que son pays puisse avoir une société idéale - le village était somme toute, une forme de cet idéal -, continuait à vouloir retourner au combat. Je pressentais que les gens n’aspiraient pas au bonheur mais se complaisaient plutôt dans le combat.
Ça me déprimait pas mal. J’avais le Sens de la Vie en cul de sac, l’ambition en berne, j’étais pour un Parti de la Sieste Coquine…
C’était mon état d’esprit, dans ma première vie, alors imaginez celui dans lequel je me trouvais avec trente ans de désillusion en plus.
Mais revenons à mon retour de jeunesse.
Le pire, je crois, c’est que je n’ai pas saisi de suite le côté positif de ma situation. Plutôt, j’ai refusé de le voir. J’avais la trouille - une trouille bleue - de foutre en l’air l’avenir. J’osais à peine bouger, je ne voulais rien toucher. Un geste, une connerie et tout changeait, je tuais mes filles avant qu’elles ne naissent. J’avais en tête cette saloperie de papillon qui pouvait tout changer d’un battement d’aile en Chine, et moi, j’étais l’éléphant dans le magasin de porcelaine de ma vie.
J’avais beau tourner la question dans tous les sens, je ne voyais pas comment je pouvais retrouver mes filles, mon seul but, mon obsession, mes filles, pas des filles, mes filles. Refaire et réparer. J'avançais sur des œufs. Je voulais vivre sans que cela puisse influer sur la future mère de mes enfants. Le timing devait être parfait. Rejouer ma vie dans un cercle si étroit que mon passé, l'avenir, puisse se reproduire à l'identique, agir sur le présent sans rien changer au futur.
Et même si j’y arrivais… Un temps… La probabilité pour que j'aie exactement les mêmes rapports sexuels, aux même moments, que parmi tous les spermatozoïdes mes filles soient encore les vainqueurs, était nulle, impossible.
Alors je restais immobile, inactif, sachant bien que ça ne pouvait pas durer.
Et ça n’a pas duré.
Certaines choses devaient être faites. Je me rassurais en pensant que ces choses étaient des détails, qu’elles ne pourraient influer sur le futur, pas sur le mien, en tout cas.
Ma première action fut de réparer une connerie qui m’avait bouffé la mémoire dans ma vie antérieure.
J’étais revenu en 1984, l’année de mon premier grand malheur. L’année de l’événement qui affecta ma vie de façon radicale. L’année de la mort de Virginie.
En février de mon autre vie, j’avais perdu Virginie et je ne m’en étais jamais vraiment remis.
Nous étions en mars, un mois après sa mort.
Virginie était morte, dans l’ancienne, comme dans la nouvelle vie. Un premier amour, toujours, à jamais, d’autant plus idéalisé qu’elle n’avait pas eu le temps de me pourrir la vie.
Mais j’avais une deuxième chance de réparer un oubli qui avait pesé sur ma conscience. Je devais partir au Liban, pays martyre où elle avait fini ses jours. J’avais une mission.
Pour ça, il me fallait trouver de l'argent, vite.
Pas facile à dix-sept ans, pas facile non plus quand on ne connaît personne de très riche. Je n'avais que très peu de solutions. Je pouvais braquer des petites vieilles à la sortie de la poste ou vendre de la drogue. J’avais l’avantage d’avoir une bonne petite gueule de français, la confiance à priori, pas d’arrestation arbitraire, pas de haine larvée. Bien sûr, j'aurais pu utiliser mon savoir prophétique, mais je m’y refusais. Il fallait que je réfléchisse. Je devais trouver de l'argent, pour réparer. Peu importe si pour ça je devais distribuer la mort et l'abrutissement à des milliers de paumés.
Décembre2009
Je m’appelle Grégoire et je suis un escroc, un voleur, un imposteur.
Comme tout le monde, me direz-vous. Vrai. Mais je suis au sommet de la pyramide, le roi du monde, le roi des imposteurs, un Dieu Imposteur.
Di.
C’est en pensant à ça, que Pierre et moi avons nommé le Di-pod et tous les systèmes et logiciels Disoft.
Venons en au fait, je m'appelle Grégoire et je me suis réveillé un jour, alors que j’avais quarante-deux ans, dans la peau d'un gamin de dix-sept ans, moi-même, vingt-cinq ans plus tôt.
Je suis passé, en quelques secondes, de l’année 2009, à l’année 1984.
Ce que je vais conter est vrai. Je ne suis pas fou. Si des mensonges se glissent dans mon récit, la faute en incombe à ma mémoire qui m'a si souvent laissé tomber.
Je ne suis pas un Sage, non plus, comme certains le croient, comme je leur laisse à penser. Je serais même plutôt le contraire, un vieux connard amer désabusé, un type qui a depuis longtemps réalisé que l’expérience ne fait pas la sagesse ; qu’à force de vivre, on n’apprend rien de plus et qu’on en sait seulement trop.
Je ne suis pas plus nihiliste ; snobisme que je n’ai jamais pu me permettre. J’ai toujours pensé que ces intellectuels-du-rien étaient de petits joueurs, des faiseurs, des types qui, s’ils avaient été cohérents, sincères, seraient morts avant leurs aphorismes.
Je suis entre tout ça.
Et de la merde, croyez-moi, j’en ai remué un paquet.
Dans ma première vie, je n’avais peur de rien, surtout pas de la mort, surtout pas des fantômes. Enfin, les fantômes, un peu, mais pas une frousse banale, façon film d’horreur. Non. J’avais seulement peur de rencontrer un spectre parce qu’il aurait été la preuve qu’il existe une vie après la mort. Et ça, je ne pouvais en supporter l’idée. Pour moi, la vie n’était supportable que si elle avait une fin. J’aspirais au néant infini, le repos. On me parlait de vie éternelle et je paniquais.
Je panique toujours d’ailleurs.
Dans trois mois, jour pour jour, Pierre et moi allons être de nouveau confrontés à cette date fatidique, celle qui a transformé nos existences. Et nous ne savons pas à quoi nous attendre. Nous ignorons si ça va recommencer.
Nous sommes partis du principe que l’événement ne va pas se reproduire, que le temps va garder son cours, que le futur est engagé. Nous sommes optimistes.
Sinon, à quoi bon ?
Nous avons donc décidé de témoigner, d’écrire notre histoire, un livre leçon, un testament nouveau.
Le monde doit savoir et nous devons désigner nos héritiers.
Parce que nous allons disparaître.
Je le veux.
Mais avant d’en finir, je me dois de commencer l’histoire.
Retour.
Au commencement, j'étais dans la chambre de mes filles, allongé par terre. Je portais à bout de bras la plus jeune qui riait aux éclats. L'aînée avait pris son élan et s'apprêtait à se jeter sur moi, de tout son poids. J'allais crier pour qu'elle cesse, pour couper court au jeu qui devenait dangereux, faire un break, prendre un café, une cigarette sur la terrasse. Aucun son n'est sorti de ma gorge, ma fille courait vers moi, prête à se lancer, elle n'arriva jamais, tout s'estompa, disparut.
Néant.
Puis, la fraîcheur d'une douce main sur mon front trempé, une voix :
Réveilles-toi, c'est l'heure…
Maman.
Comme beaucoup de souvenir, celui-ci a été construit à posteriori. De cette période, je n'ai ni souvenir ni logique, ni intelligence. J'étais un corps écrasé sous un poids, sous une forme invisible gigantesque qui entravait mes mouvements, se coulait dans mes muscles et anesthésiait mes pensées. Je n'avais ni passé, ni futur, ni présent, pas d'identité, j'étais une masse informe, décérébrée, un mollusque énorme plongé dans de l'eau bouillante.
Mes parents me racontèrent que j'avais passé deux semaines aux portes de la mort, sans jamais bouger, sans parler sinon pour émettre des sons gutturaux à peine audibles.
Quand j'ai commencé à réagir, je me suis répandu en une suite de mots incohérents, de noms inconnus et de délires fébriles.
Je passe sur la demi-douzaine de diagnostics de médecins dépassés qui, faute de comprendre, ont préféré enterrer mon corps d'abord, mon esprit ensuite, et piétiner allègrement l'espoir divin de mon père et de ma mère.
Personne n'aurait pu concevoir ce qui était réellement arrivé durant ces deux semaines d'enfer. J'ai mon opinion, peu importe : à l'issue de ma longue étreinte avec la mort, je suis passé de quarante-deux à dix-sept ans, et j'ai eu un mal fou à me faire à cette idée.
Moralement j'étais anéanti, perdu, seul, tellement seul.
J’étais paralysé par tout ce que cela impliquait, un espace temps chamboulé et la perspective d’une vie éternellement renouvelable, une vie rasoir jetable : nouvelles lames, même gueule à raser.
Et tout recommencer, il me faudrait tout recommencer.
Mes filles.
Comme elles me manquaient. Elles avaient disparu dans un autre monde.
J'avais les tripes tordues, le cœur rongé, rouillé, tambourinant dans un énorme espace vide et venteux. Je ne supportais pas ce grand vide, cette nostalgie cruelle. Je la supportais d'autant moins que je compris vite qu'elle serait omniprésente, étalée en moi comme une vieille pouffiasse lubrique avec qui l'on fornique pour mieux vomir et se haïr.
J'ai mis du temps, aussi, à coordonner mes mouvements. Tous pensaient que la fièvre avait endommagé mes fonctions motrices. Simplement, j'avais besoin d’entraînement pour me réadapter à un corps différent, retrouver mes marques.
Mon cerveau fonctionnait étrangement. Un grand bordel, il me fallut une pelleteuse pour remettre de l'ordre dans tout ça. Quarante-deux ans de souvenirs soigneusement sélectionnés se mêlaient à dix-sept ans de mémoire pas encore sélective. Passé, présent, dansaient sur des rythmes qui n'avaient pas encore été inventés ; bonheur et malheur jouaient à saute-mouton avec joie et désespoir. J'étais un spectateur impuissant largué dans une foule hystérique anonyme.
Je m'abandonnais dans les bras de ma mère avec délectation, parlais à mon père comme jamais, mille projets. Mais, je pensais constamment à mes filles, à mon autre vie… Non, je me foutais de mon autre vie, je ne pensais qu’à mes filles.
Elles me manquaient. Terriblement.
Et puis, en 1984, il n’y avait rien à la télé, vraiment rien.
J’essayais de me souvenir de ce que c’était d’avoir dix-sept ans ; un âge où tout est trop parce qu’on n’a pas la mesure des choses ; c’était vouloir être plus vieux d’un an, parce que ce serait plus facile pour les gonzesses, pour l’indépendance ; refuser la faiblesse de la jeunesse, cette maladie dont on devait se sortir coûte que coûte.
J’avais du mal à retrouver l’esprit « fin d’adolescence » : penser en majuscule, Amour, Justice, Liberté.
A l’époque déjà, au lycée, pendant les grèves, je trouvais ridicules les leaders des partis en vogue. J’étais de formation communiste-pif gadget, un peu désabusé, devenu sympathisant trotskyste parce qu’il fallait bien que je mette mon cœur-à-remplir quelque part et que, preuve du contraire, le trotskysme aurait pu fonctionner si Staline lui avait laissé sa chance et si Alain Delon n’avait pas descendu le bonhomme au Mexique. Mais tout ça ne me convenait pas vraiment. Les meneurs de grèves des différents partis se foutaient sur la gueule et la cause n’avançait pas. Ces types étaient plus imbus de leur personne que sensibles au Bonheur Universel. La Cause était prétexte à gonfler leur égo, ils avaient de l’ambition, et je me rendais déjà compte que l’ambition n’aurait jamais du être mêlée à la politique, que malheureusement, il fallait être ambitieux pour être politicien, limite misanthrope. Mitterrand nous avait déjà pris pour des cons. Et ça, ça ne passait pas.
J’avais déjà un gros souci avec les valeurs morales dominantes, avec les grands mots, les grandes idées. J’avais des réactions bizarres, que j’aurais eu du mal à partager avec mes petits camarades.
J’adorais, par exemple, la série anglaise « Le prisonnier », cet ex-agent secret qu’on mettait au rencard dans un village-retraite pour l’empêcher de communiquer les secrets qu’il détenait. Je l’adorais, mais au fond de moi, j’avais du mal à comprendre pourquoi ce type ne profitait pas de tous les avantages du village qui regorgeait de filles canons, où les mecs passaient leur journée à se lancer des « bonjour chez vous », à jouer aux échecs, à bouquiner, à se balader, à siroter des bières en terrasse… Je ne comprenais pas l’ambition, l’attachement à la Liberté, l’attachement aux valeurs majuscule. Pour moi, la Liberté c’était un peu le village. Je ne comprenais pas pourquoi ce mec qui s’était battu pour que son pays puisse avoir une société idéale - le village était somme toute, une forme de cet idéal -, continuait à vouloir retourner au combat. Je pressentais que les gens n’aspiraient pas au bonheur mais se complaisaient plutôt dans le combat.
Ça me déprimait pas mal. J’avais le Sens de la Vie en cul de sac, l’ambition en berne, j’étais pour un Parti de la Sieste Coquine…
C’était mon état d’esprit, dans ma première vie, alors imaginez celui dans lequel je me trouvais avec trente ans de désillusion en plus.
Mais revenons à mon retour de jeunesse.
Le pire, je crois, c’est que je n’ai pas saisi de suite le côté positif de ma situation. Plutôt, j’ai refusé de le voir. J’avais la trouille - une trouille bleue - de foutre en l’air l’avenir. J’osais à peine bouger, je ne voulais rien toucher. Un geste, une connerie et tout changeait, je tuais mes filles avant qu’elles ne naissent. J’avais en tête cette saloperie de papillon qui pouvait tout changer d’un battement d’aile en Chine, et moi, j’étais l’éléphant dans le magasin de porcelaine de ma vie.
J’avais beau tourner la question dans tous les sens, je ne voyais pas comment je pouvais retrouver mes filles, mon seul but, mon obsession, mes filles, pas des filles, mes filles. Refaire et réparer. J'avançais sur des œufs. Je voulais vivre sans que cela puisse influer sur la future mère de mes enfants. Le timing devait être parfait. Rejouer ma vie dans un cercle si étroit que mon passé, l'avenir, puisse se reproduire à l'identique, agir sur le présent sans rien changer au futur.
Et même si j’y arrivais… Un temps… La probabilité pour que j'aie exactement les mêmes rapports sexuels, aux même moments, que parmi tous les spermatozoïdes mes filles soient encore les vainqueurs, était nulle, impossible.
Alors je restais immobile, inactif, sachant bien que ça ne pouvait pas durer.
Et ça n’a pas duré.
Certaines choses devaient être faites. Je me rassurais en pensant que ces choses étaient des détails, qu’elles ne pourraient influer sur le futur, pas sur le mien, en tout cas.
Ma première action fut de réparer une connerie qui m’avait bouffé la mémoire dans ma vie antérieure.
J’étais revenu en 1984, l’année de mon premier grand malheur. L’année de l’événement qui affecta ma vie de façon radicale. L’année de la mort de Virginie.
En février de mon autre vie, j’avais perdu Virginie et je ne m’en étais jamais vraiment remis.
Nous étions en mars, un mois après sa mort.
Virginie était morte, dans l’ancienne, comme dans la nouvelle vie. Un premier amour, toujours, à jamais, d’autant plus idéalisé qu’elle n’avait pas eu le temps de me pourrir la vie.
Mais j’avais une deuxième chance de réparer un oubli qui avait pesé sur ma conscience. Je devais partir au Liban, pays martyre où elle avait fini ses jours. J’avais une mission.
Pour ça, il me fallait trouver de l'argent, vite.
Pas facile à dix-sept ans, pas facile non plus quand on ne connaît personne de très riche. Je n'avais que très peu de solutions. Je pouvais braquer des petites vieilles à la sortie de la poste ou vendre de la drogue. J’avais l’avantage d’avoir une bonne petite gueule de français, la confiance à priori, pas d’arrestation arbitraire, pas de haine larvée. Bien sûr, j'aurais pu utiliser mon savoir prophétique, mais je m’y refusais. Il fallait que je réfléchisse. Je devais trouver de l'argent, pour réparer. Peu importe si pour ça je devais distribuer la mort et l'abrutissement à des milliers de paumés.
grieg- Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo en direct, mais pas vraiment
Je connaissais, depuis la maternelle, un petit dealer, un grossiste qui avait installé ses bureaux dans un des foyers du quartier. Môme, j'avais souvent fait des tas de petits transports pour lui. Ce mec était une loque qui, j'ignorais pourquoi, avait la confiance de pas mal de gros escrocs.
J’allais le voler.
Impossible de faire quoi que ce soit dans le foyer, il n'était jamais seul, je devais l'entraîner à l'extérieur, avec assez de came pour que cela soit rentable. J'ai envisagé des centaines de solutions. Pendant des jours j'ai échafaudé les plans les plus rocambolesques pour parvenir à mes fins. J'ai finalement opté pour la simplicité spectaculaire, le feu. J'allais fabriquer une bonne bombe incendiaire et foutre le feu au bordel.
J'avais dit à ma victime que j'avais un plan d'enfer pour ramasser un maximum de blé. Il devait être discret, pas un mot, à personne. J'avais pris rendez-vous avec lui, vers minuit. Il m'a fait entrer discrètement dans le foyer, dans sa piaule. Il paraissait nerveux, tendu, ses mains tremblaient légèrement. Manque ou appréhension.
Je lui exposais mon plan, quand une première bombe explosa.
Nous entendîmes aussitôt des sirènes, les flics, les pompiers. Il se précipita à la fenêtre, écarta violemment le rideau crasseux, je le suivis. La rue était pleine de véhicules rouges, bleus, les gyrophares transformaient les murs en attraction de fête foraine, des dizaines d'hommes casqués pénétraient l'immeuble en courant, une fumée épaisse s'échappait des fenêtres du rez-de-chaussée. Le vacarme, les lumières, mon ami était complètement pris de panique. Putain de bordel. Geignait-il. Il courut à travers la pièce, désorienté, prit son blouson, une petite liasse de billets, un flingue et ouvrit la porte pour s'enfuir. La came, il laissait la came, j'étais perdu à mon tour. Je le suivais, j'avais mal au crâne. Il courait dans le couloir, je le suivais. Au fond, deux mecs l'attendaient, il ouvrit une porte, pénétra dans la pièce.
Ils étaient trois maintenant, mon plan se compliquait. Ils étaient tous armés, en position de combat, comme dans un film. J'étais mal. Mon plan foirait. Je devais partir, personne ne m'avait vu. Tant pis.
Et puis la chance m'a souri. Tandis que je m'esquivais discrètement, quatre flics sont apparus dans les escaliers. Je me suis caché. Ils tapaient à toutes les portes en criant : sortez ! tout va exploser. En voyant les mecs qui faisaient le gué dans le couloir, arme à la main, ils se sont aplatis sur les murs, comme un seul homme, et ont sorti à leur tour leurs revolvers. Des coups de feu retentirent, un des policiers tomba, les trois autres tirèrent dans tous les sens, surtout dans le bon. En deux minutes les deux mecs du fond gisaient sur le sol. Mon grossiste ne sortit pas, je ne savais plus quoi faire.
Je regagnai sa piaule. Pour réfléchir. Je regardai par la fenêtre, la rue était pleine de monde, des badauds, les locataires du foyer évacués. Je retournai dans le couloir, les policiers étaient partis, ils avaient emporté les corps, l'étage était complètement vide. Je devais faire vite. J'inspectais le studio, ouvrais deux, trois tiroirs, pas trace de drogue, pas d'argent non plus, une arme, chargée. J'entendis des pas, quelqu'un courait, mon ami, il était toujours là. Hé ! Attends-moi. Il stoppa net. Grégoire, viens là ! Tiens prends ça, tu vas... Il ne parla plus jamais. J'avais au moins deux kilos d'héroïne dans les bras et cette loque gisait à mes pieds, l'estomac chargé de balles, je transpirais, je tremblais, mes jambes supportaient mal mon corps, il fallait que je m'asseye. J'avais descendu cet enfoiré. Cette petite merde gisait sur le sol dégueulasse de ce couloir sordide et j'avais pris un pied incroyable à décharger mon flingue dans ses tripes.
Ma stratégie avait raté, on m’avait sûrement entendu. Le résultat était là, mais tout était allé de travers. Je suis sorti par le parking. Comme prévu, un complice m'attendait, énervé. Il est apparu derrière un pylône, derrière moi. J'aurais voulu savoir s'il avait parlé à quelqu'un de notre petite expédition mais je n'avais pas le temps. Au point où j'en étais je ne pouvais plus faire dans la dentelle. Je ne pouvais pas garder de témoin, j'avais prévu que mon dealer soit tué, mais pas par moi. Je voulais que l'autre soit mouillé jusqu'au cou, avoir un moyen de pression pour l'empêcher d'aller se vanter d'avoir bousillé un dealer dans un parking. Maintenant, c'est lui qui me tenait. Il connaissait l'histoire du début à la fin. Il pouvait me faire chanter, me faire tomber pour meurtre avec préméditation. La maison de correction, la fin de mes projets, la mort d'un monde. C'est lui qui avait téléphoné aux flics pour leur annoncer que des bombes avaient été placées dans le foyer. C'est lui qui avait allumé le cocktail Molotov et le pétard - le mammouth comme on appelait ces bâtons de dynamite pour gamin. J'aurais voulu qu'il soit aussi le tueur. J’aurais du entraîner mon dealer jusqu’à lui pour qu’il le descende. Mon plan avait foiré et même si je prenais un gros risque en me débarrassant de lui ici, je n'avais plus le choix, je ne pouvais pas traîner ce boulet derrière moi.
Regarde ! Je lui tendais les sacs. Je n'ai pas oublié son rictus, il était saoul je crois, Et çà ! Je tenais le pistolet braqué vers son visage.
Gaffe.... Il a dit. Ces derniers mots. J'ai pris moins de plaisir cette fois, quand il est tombé.
J'étais un peu triste, las, écœuré.
J'ai écoulé la came assez vite. Le quartier vibrait au rythme de sournoises rumeurs. L'ambiance était électrique. Un feu, quatre morts et un policier blessé, gendarmes et voleurs étaient sur le pied de guerre. Des gamins visitaient les lieux à la recherche de traces de sang. Chacun tenait son coupable. Les petits commerçants marmonnaient. L'affaire fit la Une de deux ou trois journaux avec des titres accrocheurs, puis la presse oublia. On accusa les flics d'avoir organisé un nettoyage par le vide, on accusa la mafia, le gouvernement, les puissances financières, la bande du 160. On m'oubliait, j'ai pris la pleine mesure du pouvoir de ma jeunesse, je compris aussi que je devrais rester anonyme, à jamais.
J’avais besoin d’un alter égo.
Julien était mort.
Ce type n'avait rien à gagner dans la vie. Il était comme la plupart d'entre nous, même les mieux lotis, mal né, mauvais moment, mauvais endroit. Ce ne sont pas ses parents qui pouvaient y changer quoi que ce soit, Julien était destiné à mal finir, à traîner en attendant que tout finisse. Il ne pouvait sûrement pas compter sur son physique pour arranger son sort, il était définitivement laid. Il était français, gaulois, mais paria. Julien n'avait pas l'argent qui permet à quelqu'un de moyen de devenir Quelqu'un. Ces pairs vomissaient leurs allocations familiales dans les cafés, tous les soirs, titubaient dans la rue, hantaient la nuit enveloppés de leurs relents de mauvais vin et de sueur. Julien était à moi. Il faudrait bosser dur, mais je tenais ma chose. Tout s'achète et j'avais les moyens de me payer cet article voué à la casse, restaurer. Un jour de mon passé, tandis qu'il réparait sa mobylette chez lui, avec son père et un chalumeau, le réservoir de la bécane explosa et la maison prit feu à une vitesse vertigineuse. Julien se précipita vers la fenêtre, il fut stoppé par les barreaux, ivre de douleur il hurla quelques minutes avant de s'écrouler, carbonisé. Son père réussit à sortir de la maison, il tenta d'y retourner pour secourir son fils, les flammes et la fumée l'en empêchèrent. Il mourut à l'hôpital le lendemain. Nous jouions un peu plus loin dans l'impasse où habitait Julien. Alertés par l'explosion et les cris, nous arrivâmes sur les lieux alors que les flammes s'échappaient avec violence de la fenêtre et léchaient de leur langue noire la façade blanche de la maison. Le père de Julien gisait sur le trottoir opposé. A travers la forêt de jambes qui entourait les lambeaux de chair rouges et noirs, nous tentions d'apercevoir quelques preuves tangibles du drame, être témoins. Les pompiers et Police secours mirent moins de temps à éteindre le feu qu'à décoller les badauds, grisés par l'évènement, du corps grillé du père de Julien. Nous fûmes repoussés jusqu'au début de l'impasse. Quelques policiers formèrent une barrière humaine agressive au dessus de laquelle les cous des curieux se tordaient pour chiper quelques images glauques. La foule s'épaississait. "Qu'est-ce qui se passe?", "Y en a un encore coincé d'dans", "sont tous morts", "Y parait qu'le père s'en est sorti", "l'a laissé ses enfants", "Non, non, la mère est au marché", "comme un cochon grillé", "vaudrait mieux qu'il y reste"...
L'incendie maîtrisé, les pompiers évacuèrent le corps noir de Julien.
Mais tout ça n’arriverait jamais dans mon nouveau monde, Julien ne participerait pas au barbecue auquel il était convié. J'allais sauver ce gars là.
J'ai fait tuer son père, peut-être pour avoir des problèmes avec Dieu, peut-être par devoir moral. Quoi qu'il en soit, le bonhomme n'avait aucun rôle dans mon plan et je décidais de le rendre à la poussière.
J’allais le voler.
Impossible de faire quoi que ce soit dans le foyer, il n'était jamais seul, je devais l'entraîner à l'extérieur, avec assez de came pour que cela soit rentable. J'ai envisagé des centaines de solutions. Pendant des jours j'ai échafaudé les plans les plus rocambolesques pour parvenir à mes fins. J'ai finalement opté pour la simplicité spectaculaire, le feu. J'allais fabriquer une bonne bombe incendiaire et foutre le feu au bordel.
J'avais dit à ma victime que j'avais un plan d'enfer pour ramasser un maximum de blé. Il devait être discret, pas un mot, à personne. J'avais pris rendez-vous avec lui, vers minuit. Il m'a fait entrer discrètement dans le foyer, dans sa piaule. Il paraissait nerveux, tendu, ses mains tremblaient légèrement. Manque ou appréhension.
Je lui exposais mon plan, quand une première bombe explosa.
Nous entendîmes aussitôt des sirènes, les flics, les pompiers. Il se précipita à la fenêtre, écarta violemment le rideau crasseux, je le suivis. La rue était pleine de véhicules rouges, bleus, les gyrophares transformaient les murs en attraction de fête foraine, des dizaines d'hommes casqués pénétraient l'immeuble en courant, une fumée épaisse s'échappait des fenêtres du rez-de-chaussée. Le vacarme, les lumières, mon ami était complètement pris de panique. Putain de bordel. Geignait-il. Il courut à travers la pièce, désorienté, prit son blouson, une petite liasse de billets, un flingue et ouvrit la porte pour s'enfuir. La came, il laissait la came, j'étais perdu à mon tour. Je le suivais, j'avais mal au crâne. Il courait dans le couloir, je le suivais. Au fond, deux mecs l'attendaient, il ouvrit une porte, pénétra dans la pièce.
Ils étaient trois maintenant, mon plan se compliquait. Ils étaient tous armés, en position de combat, comme dans un film. J'étais mal. Mon plan foirait. Je devais partir, personne ne m'avait vu. Tant pis.
Et puis la chance m'a souri. Tandis que je m'esquivais discrètement, quatre flics sont apparus dans les escaliers. Je me suis caché. Ils tapaient à toutes les portes en criant : sortez ! tout va exploser. En voyant les mecs qui faisaient le gué dans le couloir, arme à la main, ils se sont aplatis sur les murs, comme un seul homme, et ont sorti à leur tour leurs revolvers. Des coups de feu retentirent, un des policiers tomba, les trois autres tirèrent dans tous les sens, surtout dans le bon. En deux minutes les deux mecs du fond gisaient sur le sol. Mon grossiste ne sortit pas, je ne savais plus quoi faire.
Je regagnai sa piaule. Pour réfléchir. Je regardai par la fenêtre, la rue était pleine de monde, des badauds, les locataires du foyer évacués. Je retournai dans le couloir, les policiers étaient partis, ils avaient emporté les corps, l'étage était complètement vide. Je devais faire vite. J'inspectais le studio, ouvrais deux, trois tiroirs, pas trace de drogue, pas d'argent non plus, une arme, chargée. J'entendis des pas, quelqu'un courait, mon ami, il était toujours là. Hé ! Attends-moi. Il stoppa net. Grégoire, viens là ! Tiens prends ça, tu vas... Il ne parla plus jamais. J'avais au moins deux kilos d'héroïne dans les bras et cette loque gisait à mes pieds, l'estomac chargé de balles, je transpirais, je tremblais, mes jambes supportaient mal mon corps, il fallait que je m'asseye. J'avais descendu cet enfoiré. Cette petite merde gisait sur le sol dégueulasse de ce couloir sordide et j'avais pris un pied incroyable à décharger mon flingue dans ses tripes.
Ma stratégie avait raté, on m’avait sûrement entendu. Le résultat était là, mais tout était allé de travers. Je suis sorti par le parking. Comme prévu, un complice m'attendait, énervé. Il est apparu derrière un pylône, derrière moi. J'aurais voulu savoir s'il avait parlé à quelqu'un de notre petite expédition mais je n'avais pas le temps. Au point où j'en étais je ne pouvais plus faire dans la dentelle. Je ne pouvais pas garder de témoin, j'avais prévu que mon dealer soit tué, mais pas par moi. Je voulais que l'autre soit mouillé jusqu'au cou, avoir un moyen de pression pour l'empêcher d'aller se vanter d'avoir bousillé un dealer dans un parking. Maintenant, c'est lui qui me tenait. Il connaissait l'histoire du début à la fin. Il pouvait me faire chanter, me faire tomber pour meurtre avec préméditation. La maison de correction, la fin de mes projets, la mort d'un monde. C'est lui qui avait téléphoné aux flics pour leur annoncer que des bombes avaient été placées dans le foyer. C'est lui qui avait allumé le cocktail Molotov et le pétard - le mammouth comme on appelait ces bâtons de dynamite pour gamin. J'aurais voulu qu'il soit aussi le tueur. J’aurais du entraîner mon dealer jusqu’à lui pour qu’il le descende. Mon plan avait foiré et même si je prenais un gros risque en me débarrassant de lui ici, je n'avais plus le choix, je ne pouvais pas traîner ce boulet derrière moi.
Regarde ! Je lui tendais les sacs. Je n'ai pas oublié son rictus, il était saoul je crois, Et çà ! Je tenais le pistolet braqué vers son visage.
Gaffe.... Il a dit. Ces derniers mots. J'ai pris moins de plaisir cette fois, quand il est tombé.
J'étais un peu triste, las, écœuré.
J'ai écoulé la came assez vite. Le quartier vibrait au rythme de sournoises rumeurs. L'ambiance était électrique. Un feu, quatre morts et un policier blessé, gendarmes et voleurs étaient sur le pied de guerre. Des gamins visitaient les lieux à la recherche de traces de sang. Chacun tenait son coupable. Les petits commerçants marmonnaient. L'affaire fit la Une de deux ou trois journaux avec des titres accrocheurs, puis la presse oublia. On accusa les flics d'avoir organisé un nettoyage par le vide, on accusa la mafia, le gouvernement, les puissances financières, la bande du 160. On m'oubliait, j'ai pris la pleine mesure du pouvoir de ma jeunesse, je compris aussi que je devrais rester anonyme, à jamais.
J’avais besoin d’un alter égo.
Julien était mort.
Ce type n'avait rien à gagner dans la vie. Il était comme la plupart d'entre nous, même les mieux lotis, mal né, mauvais moment, mauvais endroit. Ce ne sont pas ses parents qui pouvaient y changer quoi que ce soit, Julien était destiné à mal finir, à traîner en attendant que tout finisse. Il ne pouvait sûrement pas compter sur son physique pour arranger son sort, il était définitivement laid. Il était français, gaulois, mais paria. Julien n'avait pas l'argent qui permet à quelqu'un de moyen de devenir Quelqu'un. Ces pairs vomissaient leurs allocations familiales dans les cafés, tous les soirs, titubaient dans la rue, hantaient la nuit enveloppés de leurs relents de mauvais vin et de sueur. Julien était à moi. Il faudrait bosser dur, mais je tenais ma chose. Tout s'achète et j'avais les moyens de me payer cet article voué à la casse, restaurer. Un jour de mon passé, tandis qu'il réparait sa mobylette chez lui, avec son père et un chalumeau, le réservoir de la bécane explosa et la maison prit feu à une vitesse vertigineuse. Julien se précipita vers la fenêtre, il fut stoppé par les barreaux, ivre de douleur il hurla quelques minutes avant de s'écrouler, carbonisé. Son père réussit à sortir de la maison, il tenta d'y retourner pour secourir son fils, les flammes et la fumée l'en empêchèrent. Il mourut à l'hôpital le lendemain. Nous jouions un peu plus loin dans l'impasse où habitait Julien. Alertés par l'explosion et les cris, nous arrivâmes sur les lieux alors que les flammes s'échappaient avec violence de la fenêtre et léchaient de leur langue noire la façade blanche de la maison. Le père de Julien gisait sur le trottoir opposé. A travers la forêt de jambes qui entourait les lambeaux de chair rouges et noirs, nous tentions d'apercevoir quelques preuves tangibles du drame, être témoins. Les pompiers et Police secours mirent moins de temps à éteindre le feu qu'à décoller les badauds, grisés par l'évènement, du corps grillé du père de Julien. Nous fûmes repoussés jusqu'au début de l'impasse. Quelques policiers formèrent une barrière humaine agressive au dessus de laquelle les cous des curieux se tordaient pour chiper quelques images glauques. La foule s'épaississait. "Qu'est-ce qui se passe?", "Y en a un encore coincé d'dans", "sont tous morts", "Y parait qu'le père s'en est sorti", "l'a laissé ses enfants", "Non, non, la mère est au marché", "comme un cochon grillé", "vaudrait mieux qu'il y reste"...
L'incendie maîtrisé, les pompiers évacuèrent le corps noir de Julien.
Mais tout ça n’arriverait jamais dans mon nouveau monde, Julien ne participerait pas au barbecue auquel il était convié. J'allais sauver ce gars là.
J'ai fait tuer son père, peut-être pour avoir des problèmes avec Dieu, peut-être par devoir moral. Quoi qu'il en soit, le bonhomme n'avait aucun rôle dans mon plan et je décidais de le rendre à la poussière.
grieg- Nombre de messages : 6156
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Re: Exo en direct, mais pas vraiment
C'est trop long pour maintenant, mais je me le garde bien au chaud...
Peter Pan- Nombre de messages : 3709
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Localisation : Pays des rêves et de l'imaginaire
Date d'inscription : 16/04/2009
Re: Exo en direct, mais pas vraiment
moi aussi...
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Exo en direct, mais pas vraiment
Je relirai avec plaisir aussi.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo en direct, mais pas vraiment
c'était pour rire
en plus, comme c'était en direct, je me suis planté dans les posts
tout est de travers, et manque des bouts...
et puis, c'est vieux, et puis c'est pas fini, et puis...
en plus, comme c'était en direct, je me suis planté dans les posts
tout est de travers, et manque des bouts...
et puis, c'est vieux, et puis c'est pas fini, et puis...
grieg- Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo en direct, mais pas vraiment
et puis faut donner un titre à ce fil...
Sahkti- Nombre de messages : 31659
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Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo en direct, mais pas vraiment
Ah, c'est vraiment bien ! Une très bonne histoire, qui s'éclaire au fur et à mesure comme j'aime, et une écriture efficace, rapide, intéressante. Une relecture n'aurait pas nui, cela dit, parce qu'il y a pas mal d'erreurs indiquées ci-dessous.
« un malade génial ou le héros d'une aventure extraordinaire »
« va (et non « vas ») faire un tour »
« En un instant il avait pris dix ans »
« je n'avais pas trop la cote dans le quartier »
« C'était la première fois que j'étais intelligent. »
« si j'avais quitté l'école pour échapper à ça ou juste pour gagner ma vie »
« Il parla peu mais sut trouver les mots justes, j'acceptai et non « j’acceptais », je pense qu’ici le passé simple s’impose et non l’imparfait) »
« Le studio, Laurent, les maths, le français, la cire (? Pas compris), j'en pouvais plus »
« le nouvel appartement dans lequel (et non « lesquelles ») je les avais installées »
« moi seul savais à quel point notre avenir était précaire »
« Je saluai (et non « saluais »), là aussi je pense que le passé simple s’impose et non l’imparfait) Laurent pour la dernière fois et suivis (et non « suivais », idem) Grégoire comme un enfant »
« Chacun sortit sa petite phrase pour le retenir »
« Après avoir vérifié que mon érection n'était pas trop visible, Je (pourquoi cette majuxcule en milieu de phrase ?) me levai (et non « levais », le passé simple s’imopse ici à mon avis et non l’imparfait) »
« Je croisai (et non « croisais », ici aussi, je pense, le passé simple est bien préférable) un miroir »
« J'essuyai (et non « essuyais », idem) ma bouche avec la manche de mon pull »
« même Frédéric François »
« personne ne semblait l'avoir repérée (parce que, même si c’est un mec, c’est une star que le narrateur a repérée) »
« J'aurais dû lui casser la tête »
« Grégoire et moi, (pourquoi une virgule ici ?) sommes les seuls »
« On t’a (et non « t’as ») pas vu de la matinée »
« t’as dû mettre le paquet »
« nous avons fait partie des mêmes bandes »
« les lits superposés de la chambre de mes sœurs »
« Les musicos Peace and Love étaient nos héros, Nous (une majuscule au milieu de la phrase, ou bien une virgule à la place d’un point) ne les voyions pas encore »
« C’est en pensant à ça, (je ne suis pas sûer de l’utilité de cette virgule) que Pierre et moi avons nommé le Di-pod »
« Réveille-toi (et non « Réveilles-toi ») »
« Comme beaucoup de souvenirs, celui-ci a été construit a (locution latine, pas d’accent) posteriori »
« l’ambition n’aurait jamais dû être mêlée à la politique »
« Liban, pays martyr (et non « martyre ») »
« la confiance a (locution latine : pas d’accent) priori »
« Je lui exposais mon plan, (je ne vois pas l’utilité de la virgule ici)quand une première bombe explosa »
« les mecs qui faisaient le guet dans le couloir »
« J’aurais dû entraîner mon dealer »
« Et ça ! »
« Il a dit. Ses (le possessif me paraît vraiment plus logique que le démonstratif) derniers mots. »
« J’avais besoin d’un alter ego (locution latine : pas d’accent) »
« Ses pairs vomissaient leurs allocations familiales »
« un malade génial ou le héros d'une aventure extraordinaire »
« va (et non « vas ») faire un tour »
« En un instant il avait pris dix ans »
« je n'avais pas trop la cote dans le quartier »
« C'était la première fois que j'étais intelligent. »
« si j'avais quitté l'école pour échapper à ça ou juste pour gagner ma vie »
« Il parla peu mais sut trouver les mots justes, j'acceptai et non « j’acceptais », je pense qu’ici le passé simple s’impose et non l’imparfait) »
« Le studio, Laurent, les maths, le français, la cire (? Pas compris), j'en pouvais plus »
« le nouvel appartement dans lequel (et non « lesquelles ») je les avais installées »
« moi seul savais à quel point notre avenir était précaire »
« Je saluai (et non « saluais »), là aussi je pense que le passé simple s’impose et non l’imparfait) Laurent pour la dernière fois et suivis (et non « suivais », idem) Grégoire comme un enfant »
« Chacun sortit sa petite phrase pour le retenir »
« Après avoir vérifié que mon érection n'était pas trop visible, Je (pourquoi cette majuxcule en milieu de phrase ?) me levai (et non « levais », le passé simple s’imopse ici à mon avis et non l’imparfait) »
« Je croisai (et non « croisais », ici aussi, je pense, le passé simple est bien préférable) un miroir »
« J'essuyai (et non « essuyais », idem) ma bouche avec la manche de mon pull »
« même Frédéric François »
« personne ne semblait l'avoir repérée (parce que, même si c’est un mec, c’est une star que le narrateur a repérée) »
« J'aurais dû lui casser la tête »
« Grégoire et moi, (pourquoi une virgule ici ?) sommes les seuls »
« On t’a (et non « t’as ») pas vu de la matinée »
« t’as dû mettre le paquet »
« nous avons fait partie des mêmes bandes »
« les lits superposés de la chambre de mes sœurs »
« Les musicos Peace and Love étaient nos héros, Nous (une majuscule au milieu de la phrase, ou bien une virgule à la place d’un point) ne les voyions pas encore »
« C’est en pensant à ça, (je ne suis pas sûer de l’utilité de cette virgule) que Pierre et moi avons nommé le Di-pod »
« Réveille-toi (et non « Réveilles-toi ») »
« Comme beaucoup de souvenirs, celui-ci a été construit a (locution latine, pas d’accent) posteriori »
« l’ambition n’aurait jamais dû être mêlée à la politique »
« Liban, pays martyr (et non « martyre ») »
« la confiance a (locution latine : pas d’accent) priori »
« Je lui exposais mon plan, (je ne vois pas l’utilité de la virgule ici)quand une première bombe explosa »
« les mecs qui faisaient le guet dans le couloir »
« J’aurais dû entraîner mon dealer »
« Et ça ! »
« Il a dit. Ses (le possessif me paraît vraiment plus logique que le démonstratif) derniers mots. »
« J’avais besoin d’un alter ego (locution latine : pas d’accent) »
« Ses pairs vomissaient leurs allocations familiales »
Invité- Invité
Re: Exo en direct, mais pas vraiment
Je ne regrette pas d'y avoir passé du temps ; époustouflante démonstration.
Invité- Invité
Re: Exo en direct, mais pas vraiment
Ca me rappelle des choses... je crois bien que c'était le premier exo auquel je participais... Ca a bougé, bien, c'est prenant...
Tu le finis, Grieg ?
Tu le finis, Grieg ?
Invité- Invité
Re: Exo en direct, mais pas vraiment
Peut-être que c'est ce texte ci qu'il faudrait continuer. Il a déjà un ton, une ambiance est posée et tes personnages ont du coffre.
Et puis, entre le nihilisme et la sagesse tu as pas mal de marge de manœuvre et tu ne sembles pas manquer d'imagination.
Une petite remarque cependant : le style du tout début (qui est celui que je préfère) ne colle pas avec la suite où ton écriture devient plus fluide et dans lequel tu sembles plus à l'aise.
Et puis, entre le nihilisme et la sagesse tu as pas mal de marge de manœuvre et tu ne sembles pas manquer d'imagination.
Une petite remarque cependant : le style du tout début (qui est celui que je préfère) ne colle pas avec la suite où ton écriture devient plus fluide et dans lequel tu sembles plus à l'aise.
Roz-gingembre- Nombre de messages : 1044
Age : 62
Date d'inscription : 14/11/2008
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