Marine

Il y a mes mains qui glissent sur toi, te frôlent, parfois mes lèvres, mes joues, mille caresses jalouses. Je te connais, te reconnais. Toujours. Tu es mienne. Ma douce.
Il y a ce sentiment d’ivresse qui m’envahit quand du bout de mes doigts j’explore les quatre coins de ton monde. Le grain de ton bois, la forme ronde de tes nœuds. Sous ma main : douce, comme polie par le vent, le temps, par la mer, et rugueuse par le sel. Mon amour, ma fidèle, capricieuse et docile, d’où viens-tu ? D’une forêt quelque part. Où vas-tu ? Partout, nulle part. Sans tes racines, tu dérives, tu vogues, tu voles. Mon amour, ma liberté. La seule dont les voiles et les charmes aient pu me retenir. Mon hybride, terre, eau, vent. Tu gémis, ondules. Tu craques, te tords, vive, ivre, vivante. Un souvenir de la terre, parole de vent, flaque ou mur d’eau.
Mon amour, mon entre-deux mondes, mon tapis-volant. Coquille de noix roulée, poussée, ballottée, chahutée par les vents, fétu de paille ou navire merveilleux, jouet fabuleux déchirant les voiles d’eau. La porte de mes rêves, vieille demoiselle, l’ambre doré de ta peau, minuscules rides semblables à celles qui se dessinent et se creusent sur le visage des femmes que tu laisses sur la plage, les yeux fixés sur l’horizon. Ces rides où s’écoulent peu à peu les larmes de celles que tu laisses veuves et des mères à qui tu voles l’amour de leur fils. Elles te maudissent, mon amour. Peut-être envient-elles ton ventre rond où tu nous recueilles et où tu abrites nos rêves d’hommes : couleurs, tissus, trésors et merveilles. Tu nous berces et murmures pour nous, mère et maîtresse, despotique et toute-puissante, la promesse et les espoirs.
D’humeur folâtre, tu laisses le vent jouer contre toi et bondis vers l’horizon. Câline et docile, tu ploies sous le vent et sous ma main. Mauvaise, tu t’esquives et fais la sourde oreille aux plaintes du vent et aux prières des hommes. Eclatante et fière sous le soleil ou fragile, enroulée dans les colliers de perles éphémères que t’offre la pluie. Ma femme, ma mère, mon amie, confidente à qui j’ouvre mon cœur d’homme, mes peurs, mes doutes, mes angoisses qui m’étreignent au cœur de la nuit quand la mer semble se réduire à la taille de mon mouchoir. Raconte-moi, mon amour, raconte-moi encore ces hommes que tu as emportés au delà du mot fin de l’histoire.

J'ai beaucoup aimé l'universalité de ce texte, surtout que ça n'avait pas l'air parti pour. Et l'écriture poétique est émouvante, j'ai été touchée.

Vous nous menez en bateau confituredemûre...
Fort élégamment du reste,
j'ai beaucoup aimé...

J'aime la poésie du texte et son rythme, évocateur du mouvement et des passions suscitées.

prose ou poésie ?
;-)

C'est magnifique, balancé, tendre, amoureux... Inspirer une si belle prose doit remplir de fierté ...

Superbe !!!
J'adore cette qualité de confiture de Mûre(s)

Moi aussi j'ai aimé ce texte sensuel, soigné, très intense et beau.

J'ai beaucoup aimé. Pourquoi? C'est dans les commentaires des autres internautes. Bien joué!

Me manque toutefois la force et la puissance atténuées par ces mon amour trop lancinant.
Beau texte.

C'est élégant et poétique, soigné comme il se doit. J'ai apprécié cette plongée dans l'intimité qui n'a pourtant rien d'impudique, on se sent emmené par la main pour parcourir ces lignes.