Passion

Alexandre tenait fermement sa victime contre sa poitrine ; il sentait son souffle haletant lui fouetter le visage. Au moment où il avait enfoncé le couteau dans ce corps palpitant, dont il sentait la tiédeur, et qu'autrefois il avait aimé de toutes la fureur de son âme, il avait senti jaillir le sang de ses veines bleues qui, lentement, s'était mis à couler entre ses
doigts. Isabelle, car tel était le prénom de sa victime, le regardait d'un œil hagard, vitreux, où l'on sentait que peu à peu le souffle de la vie s'éteignait. Alexandre respirait fortement par les narines ; il sentait monter en lui une excitation si intense que peu s'en fallut pour qu'il ne brisât le corps de la jeune femme sous le poids de son étreinte. Dès qu'il avait
commencé à aimer Isabelle, ou mieux encore, dès qu'il l'avait vue pour la première fois, il avait compris qu'il la tuerait, elle aussi, comme toutes les autres femmes qui avaient un jour croisé son chemin. Alexandre était de ces hommes qui ne peuvent aimer sans faire du mal ; dans son esprit, le sentiment de la tendresse se confondait systématiquement avec celui
de la violence, et son cœur frustré ne pouvait exprimer l'amour autrement que par la brutalité. Il avait donc tué Isabelle, cette belle brune aux yeux si doux, qui avait éveillé en lui un sentiment si passionné qu'il avait eu du mal à attendre aussi longtemps avant de la tuer. Maintenant c'était fait. Lentement, il déserra son étreinte ; le corps s'affaissa sur
le parquet, dans une mare de sang. A l'extérieur, la nuit était sombre et froide ; la lune projetait de fins rayons blafards sur l'appartement qui allumaient dans les cheveux de la victime une rivière d'étoiles. Alexandre s'allongea sur le lit. Un étrange sentiment d'insatisfaction naquit dans son esprit fiévreux. Pour la première fois, il lui sembla que le fait
d'avoir exterminé sa victime ne l'avait satisfait qu'à demi ; il se leva et s'approcha du cadavre. L'ayant empoigné par les cheveux, il lui releva la tête et la regarda.
Son visage était blême et tuméfié. Un mince filet de sang coulait sur le coin de ses lèvres pleines, dont il avait goûté l'ivresse, alors même qu'elle s'était abandonné à lui, dans l'insouciance de ses dix-huit ans. Alexandre l'observait toujours ; et plus il l'observait, plus il sentait s'accroitre en lui ce vide effrayant qu'il avait ressentit pour la première fois de sa vie, dont il ne comprenait pas la nature, et qui l'empêchait d'être absolument satisfait de son acte. Mécontent, il relâcha la tête et se dirigea vers la fenêtre. Sur celle-ci, l'image du corps d'Isabelle se reflétait légèrement, et Alexandre compris que désormais sa vie ne serait plus la même. Il se souvint du contact de ce corps autrefois chaud, frissonnant sous ses caresses. Pour la première fois, il comprit que le véritable sens de l'existence se trouvait là,
dans les caresses passionnées d'une jeune fille, dans ces sourires pudiques où percent un sentiment de désir inéluctable, qui rend les choses plus intenses et plus durables. Le bonheur était dans l'amour !
dans la vie ! Et non pas dans la mort, dans le sang et les sanglots, comme il l'avait cru jusqu'à présent. L'image d'Isabelle tourbillonnait dans sa tête. Il la voyait surgir du coin de sa mémoire, dans toute sa
beauté de femme, l'observant d'un air de reproche ........

Bonjour hugofan !

Je trouve l'idée de ton texte très intéressante. Mais c'est peut-être un petit peu rapide sur la fin. Ou peut-être est-ce dans l'écriture même du passage que ça ne va pas. Ce n'est pas crédible. Il faut soit rajouter des lignes soit changer la façon dont tu l'as écrit !

J'aurais également évité je mot "exterminé". Ca ne va pas au contexte, l'extermination c'est autre chose, la destruction totale... Ici ce n'est pas le cas à mon sens.

Sinon comme je l'ai dit, je trouve ça très original l'idée d'un meurtrier insatisfait de ses actes et qui finalement se dit que la vraie vie c'est pas ça. Peut-être parler des conséquences de son acte, le faire paniquer enfin... J'aimerais en savoir un peu plus !

Un texte bien écrit et dont la première partie, si elle est parfois trop explicite dans la narration, installe un suspense. En revanche la deuxième partie ne me semble pas crédible, pas un tel retournement dans les sentiments du protagoniste, et sûrement pas tel que tu le décris, je ne crois pas à la mièvrerie du tueur sadique.


et qu'autrefois il avait aimé de toute la fureur de son âme,
plus il sentait s'accroître en lui ce vide effrayant qu'il avait ressenti pour la première fois de sa vie
la lune projetait de fins rayons blafards sur l'appartement, (virgule, sinon le sujet de "qui allumaient" est "l'appartement") qui allumaient dans les cheveux de la victime une rivière d'étoiles.

On part polar, on finit Harlequin. Je dis : " Non ! "
Le retournement aurait été plus efficace dans l'autre sens : on part Harlequin, on finit polar.
Par contre, si ce texte comporte une suite où on retrouve un peu de ce ton du départ, ça pourrait le faire aussi. ^^

Contrairement aux commentatrices précédentes, j'aime assez que le tueur ait au fond l'âme d'une midinette, parce que je pense depuis longtemps qu'il existe un lien nécessaire entre la mièvrerie et la cruauté. Cela dit, je n'ai pas l'impression que ce soit cela que le texte dise, j'ai l'impression d'une fin "morale", pour un peu le tueur irait désormais se consacrer aux bonnes œuvres... En gros, ce qui me déplaît, c'est qu'on perçoive chez lui un changement radical. Mais enfin cela concerne le fond de votre histoire, qui ne regarde que vous, auteur.

Sur la forme, je trouve que le texte cherche trop à démontrer, indique trop au lecteur ce qu'il doit penser de la situation (exemple : le tueur a le "cœur frustré", vous le dites sans que le lecteur puisse le déduire par lui-même).

Mes remarques :
« que peu s'en fallut pour qu'il ne brisât le corps de la jeune femme » : je pense que le « pour » est inutile, qu’il alourdit
« Lentement, il desserra son étreinte »
« alors même qu'elle s'était abandonnée à lui »
« il sentait s'accroître en lui ce vide effrayant qu'il avait ressenti (et non « ressentit ») »
« Alexandre comprit que désormais sa vie »

C'était bien observé ! Il y a des chances pour qu'en effet un tueur en série
continue à tuer parce qu'il n'ait jamais satisfait ou que la satisfaction soit trop brève. C'est une addiction comme une autre en fait.
La fin est trop simpliste et bien improbable mais tu as le droit d'y croire.

Je retiens cette révélation : Le bonheur était dans l'amour !
dans la vie ! Et non pas dans la mort,

bertrand-môgendre a écrit:Je retiens cette révélation : Le bonheur était dans l'amour !
dans la vie ! Et non pas dans la mort,

C’est là toute la faiblesse du propos selon moi. Des motivations d’un tueur en série, il me semble plus qu’improbable de retenir l’amour, en cela que ce sentiment complexe viendrait contrarier le propos, non ?
Mystique, donc, après réflexion. « Mon épiphanie chez les serial Killer » en quelque sorte.

Mais bon, il reste que c’est très bien écrit et rondement mené.

Un tueur en série qui présente une certaine profondeur et qui a le droit d'avoir ses états d'âme. Toutefois, tu ne devrais peut-être pas tant expliquer ceux-ci et tenter de jouer un peu plus sur le côté mystérieux du gars. Ou alors plutôt te lancer à fond dans l'histoire d'un type qui se laisserait guider par ses bons sentiments et sa morale qui l'empêcherait d'être vraiment efficace, je ne sais pas. Mais ici, c'est comme un entre-deux et ça ne fonctionne pas tout à fait parfaitement.
Ceci dit, il y a de ci de là quelques bonnes idées à exploiter et tu pourrais sans doute les développer pour donner encore plus de consistance au texte.