APPEL A TEXTES : 1500 - Sur le thème du lapin de Yellow...

Je l’ai entendu crier. Debout près de la porte où elle m’avait ordonné de rester, j’ai aspiré un peu d’air entre mes dents serrées et j’ai enroulé mes bras autour de mon torse dont le maillot de corps un peu détendu ne parvenait pas à cacher la maigreur.
Quand le silence est revenu, je me suis avancé un peu plus près jusqu’à voir les longs filets de sang qui gouttaient du museau de l’animal jusque dans la cuvette de faïence blanche éclaboussée de taches rouges. La mémé a attrapé la chaise qu’elle avait préparée et s’est effondrée dessus en soufflant. C’était comme si la chaise avait soudain disparu sous elle : engloutie sous sa blouse. La mémé, elle a toujours la chaise sous la main, elle la traîne après elle où qu’elle aille.
D’un geste sûr, elle entaille, fend et arrache la peau comme un linge. Elle coupe encore et un bloc de viscères atterrit mollement près de la cuvette. Au bout de la ficelle, le lapin du clapier a soudain laissé place au lapin de la cuisine et mon regard va du rose de la chair dépouillée à celui de la combinaison qui dépasse sous la blouse noire de la mémé.
Elle se retourne, lève une main rougie et, de l’avant-bras, écarte une mèche de cheveux gris échappée de ses peignes. Elle m’appelle, en français : elle ne parle patois qu’avec le père et le pépé. Le cœur au bord des lèvres, je m’approche du verre de sombre rubis qu’elle me tend. Il ne me viendrait pas à l’idée de refuser. Je suis le prêtre anémique et ridicule, je bois le sang du sacrifié.

Une écriture efficace, et j'aime bien cette idée du verre de sang, mais, je ne le cache pas, je commence à en avoir soupé, du lapin écorché pour fortifier le petit malingre !

Un beau raccourci : "le lapin du clapier a soudain laissé place au lapin de la cuisine".

Très bien ce texte. Enfin, il me plaît bien. J'aime beaucoup les observations : la mémé qui s'effondre sur sa chaise, (le verbe est très bien choisi). Ma mèche relevée avec la main rougie, c'est bien aussi : on voit très bien la scène. Et l'idée du verre de sang à boire est plus crédible que la graisse à étaler.

Ha ben Yellow en a (bien) inspiré quelques-uns, dis donc ! :-)

Une version tout en sobriété, ce qui n'est pas pour me déplaire, d'autant plus qu'il n'en faut pas toujours beaucoup pour faire passer les émotions (comme le betch que je ressens face à ce verre de sang, brrr...)

En voilà du fulgure ! En deux temps trois mouvements, tout y est. C'est bref mais ça n'empêche pas les émotions.

Une réserve sur la dernière phrase qu'il me semble impossible à un enfant de formuler : Je suis le prêtre anémique et ridicule, je bois le sang du sacrifié.

Toute d'accord avec Easter. Trés bon texte qui prend. Sauf la dernière phrase qui fait décrocher.
Tu me diras ça tombe bien c'est la fin .

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