Prose poétique
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Prose poétique
Une semaine en lorraine
Paris,Gare l’Est, sa marquise ferraille, un feulement d’essieux, de longues campagnes mornes.
Gare de Metz, relents brique, Tudesque, oppressante déjà, les hommes y sont graves. Correspondance vers le gris, Hayange, Gandrange, plaines luisantes, parc d’attractions mortes, bifurcations, chemins de rails partant nulle part. Au loin des hauts fourneaux suppliants vers le ciel, Gare de Thionville buffet fermé, en face le centre culturel Jacques Brel, des constructions massives.
Plus tard a mon hôtel, une cigarette à la fenêtre, une toundra de buissons rouges, secs, ressuyés de vent. La ville est large, les rues sont vides… La bombe économique sans doute, celle là, mangeuse de tendresse, jardins ouvriers devenus friches. Je revois ces hommes en casques de fondeurs sur les barricades. Les camions noirs en gyrophares, ces journaleux pressés, commentateurs graves au journal de vingt heures.
On vivait loin. La Lorraine, c’était Jeanne d’arc, Donrémy, les mineurs de la Sarre. Ces types à l’accent rugueux, les yeux couleur de ciel, qui venaient chez nous l’été. Quand ils voyaient la mer, on aurait dit des gosses, le vent curait leurs têtes, c’était bien. Leurs filles étaient pâles, cheveux clairs comme l’estran. Les nôtres étaient dorées, cheveux noirs comme goémon.
Ici, les hommes vont paisibles, gestes lent sur la mer, piquetant les platiers à cueillir les huitres, un clocher pour amer. Leurs cœurs sont en voyages à la crête des vagues. La houle d’Atlantique brisée sur le ponant vient s’endormir ici.
On leur avait promis, ils ont vendu leur âme, en avaient le choix ? Leur vie aux mercantis, tout ça pour de l’argent. Leurs fonderies s’éteignirent, les rames de wagons se turent dans leur nuit. Silence des torchères, molettes qui s’arrêtent, chevalements qu’on abat.
Ainsi vont mes voyages. En pays de misères, le cœur des hommes est noir. Ce monde devient rudesse, les machines vous mangent. Des gosses appesantis se consolent dans le sucre. Le bonheur à l’encan grugé par les écrans. C’était déjà la guerre, nous ne le savions pas.
Là bas dans les jardins alignés en parade, les hommes se hélaient. Ceux du poste de nuit venaient tourner le sol aux aurores d’Avril, dans des après midi à la douceur de craie. Au fond des potagers, barrés de palissades, il y avait l’usine. Grondement des fourneaux, les chaînes aux palans, les roues sur les éclisses, c’était leur symphonie. La flamme des cheminées, les gerbes d’étincelles, ces lueurs d’incendie, c’était pour eux comme un tableau du soleil qui se lève sur la mer. Ils étaient des ouvriers, nous étions paysans, notre jardin c’était elle avec la houle pour sillons.
Leurs maisons étaient claires, par leur femme, tenues. L’ordre était dans les choses, le fils devenait père en rejoignant l’usine. Dynasties ouvrières, jouant à l’harmonie, arborant un bleu neuf aux jours de la sainte Barbe, s’achetant une voiture chez le concessionnaire et rentrant l’œil faraud à cité Riviera.
Et nous vivions alors en maisons équarries, taillées dans ce granit qui rend les pièces froides, attirant au dehors qui invite au voyage.
Nos pères partaient en guerre ou sur les grands navires, et quand ils revenaient aux cafés de village, nous rinçant d’aventures et de filles dans les ports, ils traçaient le sillage de nos proches partances. Dynasties de matelots, confinés aux chaudières, forts en mer, âpre à terre. Achetant des arpents pour agrandir la ferme, tenue par leurs femmes maigres aux cœurs assassinés.
On vivait là. Bretagne sans cornemuses ni gavotte, les vieux rêvaient d’un pavillon pas loin du terrain de foot et du parking des autocars. Ici, pas d’usines, les conserveries c’était pour les gonzesses. Ailleurs est mieux qu’ici, alors on est partis…
Paris,Gare l’Est, sa marquise ferraille, un feulement d’essieux, de longues campagnes mornes.
Gare de Metz, relents brique, Tudesque, oppressante déjà, les hommes y sont graves. Correspondance vers le gris, Hayange, Gandrange, plaines luisantes, parc d’attractions mortes, bifurcations, chemins de rails partant nulle part. Au loin des hauts fourneaux suppliants vers le ciel, Gare de Thionville buffet fermé, en face le centre culturel Jacques Brel, des constructions massives.
Plus tard a mon hôtel, une cigarette à la fenêtre, une toundra de buissons rouges, secs, ressuyés de vent. La ville est large, les rues sont vides… La bombe économique sans doute, celle là, mangeuse de tendresse, jardins ouvriers devenus friches. Je revois ces hommes en casques de fondeurs sur les barricades. Les camions noirs en gyrophares, ces journaleux pressés, commentateurs graves au journal de vingt heures.
On vivait loin. La Lorraine, c’était Jeanne d’arc, Donrémy, les mineurs de la Sarre. Ces types à l’accent rugueux, les yeux couleur de ciel, qui venaient chez nous l’été. Quand ils voyaient la mer, on aurait dit des gosses, le vent curait leurs têtes, c’était bien. Leurs filles étaient pâles, cheveux clairs comme l’estran. Les nôtres étaient dorées, cheveux noirs comme goémon.
Ici, les hommes vont paisibles, gestes lent sur la mer, piquetant les platiers à cueillir les huitres, un clocher pour amer. Leurs cœurs sont en voyages à la crête des vagues. La houle d’Atlantique brisée sur le ponant vient s’endormir ici.
On leur avait promis, ils ont vendu leur âme, en avaient le choix ? Leur vie aux mercantis, tout ça pour de l’argent. Leurs fonderies s’éteignirent, les rames de wagons se turent dans leur nuit. Silence des torchères, molettes qui s’arrêtent, chevalements qu’on abat.
Ainsi vont mes voyages. En pays de misères, le cœur des hommes est noir. Ce monde devient rudesse, les machines vous mangent. Des gosses appesantis se consolent dans le sucre. Le bonheur à l’encan grugé par les écrans. C’était déjà la guerre, nous ne le savions pas.
Là bas dans les jardins alignés en parade, les hommes se hélaient. Ceux du poste de nuit venaient tourner le sol aux aurores d’Avril, dans des après midi à la douceur de craie. Au fond des potagers, barrés de palissades, il y avait l’usine. Grondement des fourneaux, les chaînes aux palans, les roues sur les éclisses, c’était leur symphonie. La flamme des cheminées, les gerbes d’étincelles, ces lueurs d’incendie, c’était pour eux comme un tableau du soleil qui se lève sur la mer. Ils étaient des ouvriers, nous étions paysans, notre jardin c’était elle avec la houle pour sillons.
Leurs maisons étaient claires, par leur femme, tenues. L’ordre était dans les choses, le fils devenait père en rejoignant l’usine. Dynasties ouvrières, jouant à l’harmonie, arborant un bleu neuf aux jours de la sainte Barbe, s’achetant une voiture chez le concessionnaire et rentrant l’œil faraud à cité Riviera.
Et nous vivions alors en maisons équarries, taillées dans ce granit qui rend les pièces froides, attirant au dehors qui invite au voyage.
Nos pères partaient en guerre ou sur les grands navires, et quand ils revenaient aux cafés de village, nous rinçant d’aventures et de filles dans les ports, ils traçaient le sillage de nos proches partances. Dynasties de matelots, confinés aux chaudières, forts en mer, âpre à terre. Achetant des arpents pour agrandir la ferme, tenue par leurs femmes maigres aux cœurs assassinés.
On vivait là. Bretagne sans cornemuses ni gavotte, les vieux rêvaient d’un pavillon pas loin du terrain de foot et du parking des autocars. Ici, pas d’usines, les conserveries c’était pour les gonzesses. Ailleurs est mieux qu’ici, alors on est partis…
Re: Prose poétique
Autant tu sais tirer et nous offrir la poésie de ces vies rudes et de ces paysages austères quand tu le fais en vers ou en poésie libre, autant je trouve ici que tu m'embrouilles dans la chronologie de tes voyages. Je ne suis pas parvenue à suivre un cheminement quelconque entre ces deux pays : Bretagne et Lorraine se mélangent au point que je ne sais plus très bien où me situer.
Et puis le cliché de la Lorraine assimilée à Jeanne d'Arc ! C'est un peu trop facile, non ?
Pas pour moi, cette fois, Loïc, désolée, je t'aime mieux dans l'esquisse poétique !
Et puis le cliché de la Lorraine assimilée à Jeanne d'Arc ! C'est un peu trop facile, non ?
Pas pour moi, cette fois, Loïc, désolée, je t'aime mieux dans l'esquisse poétique !
Re: Prose poétique
C'est vrai, la remarque d' Arielle : en poésie l'émotion est plus vive,alors qu'ici elle s'efface et se diffuse, semble échapper à la lecture au bénéfice de tes commentaires .
Un voyage dans le Sud-Ouest, bientôt?
Un voyage dans le Sud-Ouest, bientôt?
Polixène- Nombre de messages : 3298
Age : 62
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Prose poétique
Je me suis un peu perdue car j'ai trouvé ceci haché, manquant pas mal de fluidité. Tu exploites pourtant un thème qui t'est cher, la géographie poétique, mais ça manque vraiment de liant à mes yeux. Ou alors, il convient de trouver une autre voix si tu tiens à conserver cet aspect saccadé dans la narration, à savoir des fragments qui prennent vie et qui, mis bout à bout, donnent naissance à quelque chose. Ce n'est pas vraiment le cas ici, ça se suit trop sans réellement s'imbriquer, d'où une certaine bancalité en ce qui me concerne.
Dommage car les images déclinées dégagent un fort potentiel.
Dommage car les images déclinées dégagent un fort potentiel.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Prose poétique
J'ai beaucoup aimé pour ma part. La nostalgie de l'environnement ferrovière,
la fuite en Bretagne, et finalement au bout, apatride. Je n'ai pas manqué de sentiments, dans cette lecture.
la fuite en Bretagne, et finalement au bout, apatride. Je n'ai pas manqué de sentiments, dans cette lecture.
Invité- Invité
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