Le beau père

Je déteste mon beau-père. Je le hais. Rien ne me ferait autant frémir de joie que de le tuer de mes propres mains ; oui ! de lui briser le crâne ! Sitôt qu'il apparaît, de son air faussement dégagé, avec sa voix fielleuse, exagérément caressante, je sens monter en moi une colère indicible, comme un fleuve de poison noir qui me brûlerait les veines ! De plus, je vois bien de quelle manière il se conduit avec ma mère, comme il la cajole, l'embrasse et roucoule au point de la rendre aveugle comme une veille taupe ! Elle ne voit en lui qu'un homme charmant, tendre comme elle n'en a jamais connu. Mais moi, moi qui ne suis pas obnubilé par son air conciliant, je devine qu'il n'est poussé que par de mauvaises intentions ; que son regard et son front luisant ne cachent qu'une perfidie incroyable, qu'un vil désir de profiter de l'innocence d'une jeune femme faible et naïve. Mais une chose est sûre, je l'aurai ! Je le chasserai de ma maison où il a semé le trouble ! Comme tous les autres, il n'aura aucune chance face à moi, absolument aucune ! Et certes, ce ne sont pas mes échecs qui me feront perdre courage : j'en ai essuyé de nombreux autres et ils ne font au contraire qu'alimenter ma rancœur, comme des bûches amères qui font monter les flammes de ma haine ! Il ne me reste qu'à me procurer une occasion.

C'est ce qui est arrivé pas plus tard que ce matin. Ma mère est venue me réveiller dans ma chambre, le sourire aux lèvres, et m'a joyeusement annoncé que mon beau-père nous amener déjeuner en plein air, à la montagne. Je remarquai dans son regard une sorte de méfiance, mêlée d'angoisse, comme si elle craignait ma réaction à l'annonce d'une pareille nouvelle. J'allais refuser lorsque brusquement le beau-père en question apparut sur le seuil de la porte, en souriant lui aussi d'une manière presque blessante. J'étais cerné. Une heure plus tard, notre voiture progressait tranquillement au milieu de la route bordée d'arbres ; le soleil brûlait, le vent était tiède. Maman arborait un air particulièrement joyeux mais en même temps inquiet, je ne sais pourquoi. Beau-papa quant à lui, conduisait lentement, méticuleusement, selon son ignoble habitude. Enfin, après avoir péniblement tourbillonné autour d'une colline escarpée, nous parvînmes jusqu'à un endroit plat, indiciblement beau, baigné d'azur et de lumière. Nous n'étions pas seuls à déjeuner, de nombreuses familles se trouvaient également là, bruyantes et dispersées, parfois espiègles, parfois austères ou même farouches. Maman étendit une nappe écarlate sur l'herbe fraîche ; je m'y assis à la turque. Les préparatifs achevés, nous nous mîmes enfin à manger et je sentais, sans toutefois en avoir la certitude, que mon beau-père me lançait des regards en catimini, lorsque j'avais la tête baissée. Cette circonstance m'irrita et je rejetai mon assiette en grognant.

- David ! intervint ma mère, d'une voix d'abord ferme mais qui eut tôt fait de se radoucir. Mais voyons qu'est-ce qu'il te prend.

Beau-papa sourit. Il était content ! Puis petit à petit, je sentais qu'il devenait de plus en plus discret, presque cachotier, comme s'il préparait quelque chose. A la fin du repas maman était gaie et elle commença à chantonner. Les oiseaux faisaient entendre leur doux gazouillis ; tout le monde s'étirait sur la pleine, en proie à la digestion. Mais ce spectacle ne me calmait guère : mon beau-père gardait depuis dix bonne minutes sa main enfouis dans son manteau, tout en contemplant ma mère d'un air malicieux. Je retrouvai dans son regard la même expression de fiel et de cruauté qu'il prenait lorsqu'il forçait ses chiens de chasse à se battre entre eux, parfois même jusqu'à la mort. La peur me saisit au ventre. Soudain, il détourna lentement le regard de sa maîtresse et le posa franchement sur moi ; l'expression de méchanceté devint encore plus intense, plus fixe, plus fixe et plus intense....... un sourire égaré apparut sur ses lèvres et sa main émergea lentement de sa poche, abritant un objet étrange, dont je ne parvenais pas à définir la nature. Soudain un rayon de soleil tomba en sa direction et une lumière aveuglante jaillit..... c'était un couteau ! Le criminel regarda à nouveau ma mère et fit le geste de vouloir se lever. Mon Dieu ! il allait la tuer ! je n'avais jamais soupçonné une telle perfidie, une telle monstruosité ! Mon sang ne fit qu'un tour : je me dressai sur mon séant, m'armai moi aussi d'un couteau qui m'avait servi durant mon repas, et avec une énergie intense, poussé en outre par la frayeur, je l'enfonçai dans son ventre et hurlai en même temps. Ma mère sauta sur ses pieds et appela au secours. Aussitôt des dizaines de personnes accoururent et m'emprisonnèrent de leurs bras robustes, qui faillirent briser mon corps d'enfant. Mon beau-père a survécu mais a quitté ma mère une heure à peine après qu'il fût revenu à lui. Tant mieux !
J'ai eu ce que je voulais.

Ce qui m'énerve le plus et dépasse mon entendement, c'est que je suis à présent enfermé dans une chambre blanche, froide et garnie seulement d'un petit lit. Il y même des barreaux aux fenêtres ! Des médecins viennent régulièrement me voir et prétendent que j'ai voulu tuer mon beau-père ! Mais ils ne comprennent rien ! Comment aurai-je pu le laisser assassiner ma mère, l'être que j'aime le plus au monde ? Est-ce ma faute s'il n'est qu'un scélérat ? Mais de nombreux témoins prétendent, les abrutis, qu'au moment où mon beau-père, homme paraissant extrêmement bon et généreux, s'était dressé sur ses pieds, une expression passionnément amoureuse sur son visage, pour offrir un collier de perles à sa femme, je m'étais, moi, qui l'observais depuis un petit moment les lèvres tremblantes, mis dans un état de colère démoniaque, presque épileptique, et avait tenté de le vider de ses entrailles. Les témoins disent m'avoir d'emblée remarqué, dés notre arrivée, et avoir tout de suite compris que j'étais un garçon extrêmement violent, d'autant plus que mes accompagnateurs s'efforçaient, craintifs et connaissant ma nature, de ma complaire au maximum.

Il n'y comprennent rien à rien ! voilà mon avis. Ce n'est pas de ma faute si tous mes autres beau-père étaient également des hommes ténébreux, assoiffés de vices et que j'ai dû eux aussi les exterminer. Il veulent tous tuer ma mère ! Il faut croire qu'elle n'est pas faite pour vivre avec un homme ; oh non ! certainement pas. Elle est destinée à rester avec moi, moi et moi seul ! D'ailleurs, lorsque je serai de nouveau libre, je lui dirai que je l'aime, et elle pleurera en m'embrassant, comme toujours. Oui ! maman, je t'aime, je t'aime et je sais que tout le monde te veut du mal. Tu m'entends ? Mais je ne les laisserai pas faire ! Je les tuerai tous les uns après les autres, fussent-ils aussi nombreux que les étoiles ! Et je serai de nouveau enfermé içi, mais je te protégerai, tu entends ! jusqu'à ce qu'il n'y plus de sang à verser !

Excusez pour les petites fautes d'inattention, mais j'ai extrêmement de mal à me relire ^^

Le retournement était très attendu à mon avis (je me doutais que le narrateur donnait une relation pour le moins biaisée des événements), et la fin trop invraisemblable : le gars a tué je ne sais combien de beaux-pères, et personne n'a jamais rien compris avant ce coup-ci ?
Mais une histoire divertissante, j'aime bien que le narrateur soit le fou malade...

Mes remarques, comme ça vous pourrez rectifier dans votre texte si vous voulez :
« m'a joyeusement annoncé que mon beau-père nous amenait (ou « emmenait », plutôt) déjeuner en plein air »
- David ! intervint ma mère : typographie, pour introduire une réplique de dialogue le trait d’union « - » ne suffit pas, il faut prévoir le tiret demi-cadratin « – » ou le format au-dessus, « — »
« de plus en plus discret, presque cachottier »
« tout le monde s'étirait sur la plaine »
« sa main enfouie dans son manteau »
« une heure à peine après qu'il fut (et non « fût » qui est la forme du subjonctif imparfait ; « après que » est suivi de l’indicatif) revenu à lui »
« Comment aurais-je pu le laisser assassiner ma mère »
« je m'étais, moi, qui l'observais depuis un petit moment les lèvres tremblantes, mis dans un état de colère démoniaque, presque épileptique, et avais tenté de le vider de ses entrailles »
« s'efforçaient, craintifs et connaissant ma nature, de me complaire au maximum »
« tous mes autres beaux-pères »
« je serai de nouveau enfermé ici »

Oui, sympathique mais prévisible. Ecriture correcte ; un texte qui se laisse lire...

Je ne suis pas fan : outre le côté attendu du dénouement, il y a nombre d'expressions assez maladroites, un peu ampoulées parfois ou excessives, en tout cas peu crédibles dans la bouche d'un gamin...
comme des bûches amères qui font monter les flammes de ma haine ! en est un exemple.

Sitôt qu'il apparaît, de son air faussement dégagé, avec sa voix fielleuse,
"avec son air dégagé" serait plus correct.

dommage cette phrase : et que j'ai dû eux aussi les exterminer qui gâche tout car ne collant pas du tout avec ce qui précède au niveau cohérence.
sinon, oui, le fait que le narrateur soit le déséquilibré, c'est bien traité