Texte, prose et poésie ?

mentor a écrit:

MisterPlan a écrit: le sujet est très intéressant ! Bonne idée à celui qui l'a posté !

C'est notre ancien Admin.
;-)

euh... ;-)

je sais ! j'étais sur la page 2 quand j'ai amorcé mon message, et en haut de page 2, c'est Loupbleu !

mais je présente quand même mes excuses à dame Kilis, qui, sans avoir été Admin est quand même une "ancienne"
:-))

MisterPlan a écrit: et Les Mémoires de Guerre du général de Gaulle, qui sont au Bac de Litté depuis un an ont fait se marrer plus d'un prof. Peut-on parler de prose quand on parle d'un écrit dans lequel l'esthétique n'était principalement recherchée ?

Je ne réponds pas à l'intégralité de votre intervention, simplement au passage cité, car c'est un cas intéressant et plus complexe qu'il n'y paraît. Le gouvernement a, par un mouvement patriote débile, soulevé inconsciemment une occurrence particulière et fort intéressante à propos de la question canonique et bêtasse : Qu'est-ce que la littérature ? Le cas des Mémoires de Guerre, comme celui de Lévi-Strauss, amène à une question largement plus pertinente, beaucoup mieux formulée : Où est la littérature ? ce qui permet de poser l'interrogation en terme d'espace et ainsi d'éviter les écueils de la gangue essentialiste — il faut rappeler que la littérature est d'abord "ce que l'on considère comme tel". Les professeurs de littérature, et les élèves de fait, rigolent vite de cette œuvre au programme, ce qui se comprend étant donné les petites valeurs étranglées à l'origine de la motivation étatique ; mais les uns comme les autres passent bien vite sur cette circonscription complexe de la chose littéraire.
Il est passionnant chez de Gaulle de poser ce préalable et de réfléchir pour de bon. En un sens, ses Mémoires sont inattaquables parce que, d'après Barthes, et j'adhère à son analyse, la littérature y est sans cesse renflouée par l'Histoire et l'Histoire renflouée par la littérature, c'est du moins ainsi que l'entend sans le savoir l'opinion publique au moment de sa parution : "Ce que la publication de ces trois tomes a réveillé durant les années 50, c'est le rêve séculaire en France d'un lien naturel entre la plume et l'épée." Je ne vais pas m'étendre ici. Je vous renvoie à la recherche de Vincent Debaene et Jean-Louis Jeannelle, qui ont très bien perçu cette dialectique et auxquels j'ai repris des éléments introductifs :
http://www.fabula.org/colloques/document66.php
Je vous conseille vivement cet article qui pourra apporter des éléments neufs à votre réflexion, si vous êtes en Terminale comme j'ai cru le comprendre.

Comme pour la poésie, la classification n'est pas simple.

Commentaire très instructif ! Je ne suis plus en terminale depuis quelques temps, n'aimant pas du tout l'école, je me suis débrouiller pour la terminer le plus vite possible ! Cependant, j'essaie de garder un contact avec le programme des classes lycée dans le but de donner des cours... Et honnêtement, "Les Mémoires de Guerre" m'ont donné du fil à retordre. L'histoire ne me déplaît pas, donc l'ouvrage était déjà dans ma bibliothèque, et j'avais apprécié certains passages pour leur précision et "actualisme", propre à De Gaulle.
Cependant, j'ai été bien surpris de la voir tomber il y a deux ans au Bac Litté. Heureusement pour la plupart des élèves de France, il ne faisait pas partie des deux livres aux choix. Ne le sachant pas encore, je m'étais penché légèrement sur la question (pas trop, le livre donne quand même légèrement la migraine...). Une phrase a marqué mon esprit dans tous les commentaires que j'ai lu :
"Mes poèmes ont le sens qu'on leur donne" Valéry.
Et j'ai bien l'impression que c'est ce qui s'est passé avec De Gaulle : il écrivait un livre de mémoire, d'histoire, on étudie un livre de littérature. On crée la littérature.
Pourquoi pas, après tout, c'est ce qui crée la richesse d'un texte. Ce que je trouve plus honteux c'est que le livre tombe à une année clé du mémorial des accord d'Évian, et donc de la guerre d'Algérie, quand on connaît la position qu'aura De Gaulle par la suite.
C'est comme si en 2015, pour les 70 ans de la IInd guerre, on étudiait un livre sur les exploits de Pétain durant la Première Guerre. Faut rester logique, au moins un peu !

Relançons, peut-être, ce sujet passionnant, je vous propose de découvrir une autre sorte de poésie, qu'incarne assez bien Serge Pey* .Une autre approche, plus...dans la tripe.

*

Spoiler:

Un lien sur son site : http://sergepey.com/biographie4.html

De Gaulle pompait le style de Barres (je crois qu'il ne s'en cachait pas). Malgré tout il écrivait mieux que les autres présidents qui lui ont succédé :-)

Quel beau débat ! Mais où aurait-on mis Cendrars, Supervielle, Apollinaire ?

Juste pour le plaisir : "et l'unique cordeau des trompettes marines".

Quelle heure est-il ?

L'acte-heure.

Lecteurs/écriveurs, nous prenons le pouvoir sur les mots, sur le domaine de nos maîtres. L'on ose se lancer, on tente d'écrire ce qu'on a toujours rêvé de lire bien sûr. On a le "je" protubérant, même en territoire de partages.
Alors les catégories anciennes, purement formelles, sont devenus des outils d'analyse obsolètes.
Mais zut, nous n'avons pas encore inventé les suivantes...

Tizef a écrit:

Bukovski a écrit: La poésie en dit long et c’est vite fait. La prose ne va pas très loin et prend du temps

:-) l'alcool rendrait donc parfois lucide.
Mais là Charles se tire un peu une balle dans le pied (en état d'ébriété, ça peut se comprendre, même s'il visait la tête) : il a quand même écrit beaucoup plus de prose que de poésie.

Mais c'est pas tout à fait faux ... c'est même un peu vrai.

Je me souviens
quand je lisais Gros calin d'Ajar ou l'Ecume des jours de Boris Vian
que c'était de la poésie
Beckett aussi me semblait infiniment poétique

Ce n'est peut être pas par hasard.
La première œuvre de Boris Vian est un recueil de poèmes
"Cent sonnets"