Le Soleil et la Lune

Je suis condamné à errer de par le monde pour l’éternité, avec pour seuls compagnons le Soleil et la Lune, qui me protègent des mille dangers que mon ennemie la Terre me réserve. Le Soleil me soutient lorsque je dois faire face à un surplus d’amour de la part des miens. La Lune m’aide à continuer d’avancer lorsque le monde me tourne le dos. J’ai quitté mon peuple parce que je ne comprenais pas ses coutumes et ses mœurs, ses rituels et ses pratiques. J’ignore encore où je m’en vais, mais je ne veux plus jamais retourner là d’où je viens.

J’ai traversé monts et vallées ; j’ai vu des choses incroyables auxquelles ceux de chez moi ne peuvent que rêver. J’ai vu un géant de plus de trois mètres, j’ai visité un village où le temps était figé, je suis allé à la fin du monde et j’ai failli y tomber. J’ai dû faire face à un troupeau de sangliers et je me suis fait ami avec un chat parlant. J’ignorais encore tout des merveilles que le monde renferme il y a quelques jours à peine. Si je ne me retenais pas, je retournerais chez mes semblables pour leur dire ce qu’ils manquent en restant cloîtrés. Ils ne me croiraient jamais quand je leur parlerais des vers de terre qui vivent dans les airs.

Je ne sais pas depuis combien de temps je marche, mais cela doit être quelque part entre « très longtemps » et « une éternité ». Au loin j’aperçois à la Mer, qui me sourit et me fait signe de m’approcher.

« D’où viens-tu, âme perdue ? dit la Mer »

« Cela fait si longtemps que je marche, j’ai oublié. Tout ce que je sais c’est que je ne veux pas y retourner. Mais je ne me souviens plus pourquoi. »

« Et où vas-tu, âme perdue ? s’empressa de renchérir la Mer »

« Où la vie me conduira. »

« Tu sembles bien seul. Comme moi. Une fois de temps en temps je reçois la visite d’un bateau, mais les bateaux ne sont pas des êtres courtois et sont extrêmement superficiels. Ils m’ennuient. Mais toi tu sembles différent. Viens en mon centre, tiens-moi compagnie. »

« Je vais mourir si je fais ça. Veux-tu ma mort, Mer ? »

« Tu ignores d’où tu viens. Tu ignores où tu vas. Tout ce que tu sais c’est que tu es ici en ce moment. Pour moi, ça n’a aucun sens. À quoi bon vivre si ta vie n’a aucun sens ? Viens me tenir compagnie, ne me laisse pas seule ici. »

« Ma vie n’a pas aucun sens. Le moment présent est le seul moment qui compte. Le moment passé est un moment présent qui s’est déjà produit. Le moment futur est un moment présent qui va se produire. Ma vie a tout le sens du monde pour moi. Je ne m'attends pas à ce que tu comprennes. Pour toi, passé, présent et futur sont des concepts vides de sens. Tu es ici depuis des siècles, et tu vas encore être ici bien après que nous serons tous morts. Ton existence n'a aucun sens. »

Je lève la tête vers le Soleil et la Lune, puis je leur fais un sourire, qu’ils me retournent volontiers. Je regarde la Mer une dernière fois. Je prends le caillou le plus isolé que je puisse trouver et, de toutes mes forces, je le lance en plein centre de l'étendue bleue devant moi. Ma bonne action faite, je m'éloigne l'âme en paix et le cœur léger, en sachant que la Mer ne sera plus jamais seule.

salut.

J'ai beaucoup apprécié l'univers poétique que tu nous a planté là. Moi qui maintenant vis en Andalousie, j'aime quand on me parle simplement du soleil, du fer, de la lune et de la mer. Comme chez Lorca. J'aime aussi la personnification, les images fortes, les symboles immuables. Par contre je trouve que parfois tes phrases, qui devraient être simples, s'emmêlent un peu. "concept" par exemple est un mot qui ne devrait pas être là, à mon avis. Quand tu essaies de faire de l'explicatif, ça tombe à plat aussi, c'est un texte symbolique, et en principe les symboles devraient être assez forts pour nous parler d'eux-mêmes. Et enfin, reproche plus important, c'est que je n'ai pas compris où tu voulais nous amener.

Assez d'accord avec Vincent M. Je ne trouve pas que votre texte atteigne à la force de la simplicité.

Mes remarques :
« Au loin j’aperçois la (et non « à la ») Mer »
« D’où viens-tu, âme perdue ? dit la Mer »
« Et où vas-tu, âme perdue ? s’empressa de renchérir la Mer » : je pense qu’on ferme les guillemets avant la didascalie, et il manque un signe de ponctuation marquant la fin de la phrase

Ma première réaction a été de trouver ça gnagna, désolée de l'exprimer aussi platement.
Puis j'ai relu, j'y ai trouvé pas mal de poésie mais ça ne va tout de même jamais très loin, ça reste bien trop lisse à mes yeux avec beaucoup d'évidences et de bons sentiments. Je sais que ce n'est pas interdit, tout comme il est permis de rêver mais tant qu'à faire, j'aurais préféré un véritable conte, plus onirique, quelque chose qui m'aurait réellement transportée dans un univers étrange et fantastique et pas dans un simple énoncé d'idées convenues.
Dommage car il y a du soin apporté à l'écriture et un potentiel.

Je ne crois pas que ça change grand chose à l'opinion générale, mais j'ai modifié le dernier paragraphe pour changer la fin:

Je lève la tête vers le Soleil et la Lune, puis je leur fais un sourire, qu’ils me retournent volontiers. Je prends le caillou le plus isolé que je puisse trouver et je m’élance pour le lancer de toutes mes forces en plein centre de l'étendue bleue devant moi. Au dernier moment, je retiens mon bras. Je regarde la Mer une dernière fois, avec le cœur rempli d’un sentiment à cheval entre la compassion et l’indifférence. Je sais que ce caillou pourrait tenir compagnie à la Mer et faire en sorte qu’elle ne sera plus jamais seule mais finalement, ce n’est pas mon problème. Je mets donc le caillou dans mes poches et je continue mon périple, mes deux amis qui m’observent de tout là-haut et les problèmes de la Mer loin derrière moi.

Sober a écrit:je m’élance pour le lancer

attention à la répétition sonore élancer/lancer

Je ne sais pas... ça manque de corps, de chair. Trop bref peut-être ? Un sentiment de platitude... Je n'arrive pas à mettre le doigt dessus précisément, mais il manque quelque chose pour accrocher, retenir.

J'y vois une sorte de conte naïf, joliment dit, mais pour moi ce qui cloche un peu c'est qu'un conte ça dit quelque chose et là je n'ai pas compris l'idée sous-tendant l'ensemble, ce qui ne m'a pas empêché d'apprécier la lecture et l'écriture.