Septembre amer
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Procuste
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Septembre amer
Septembre amer
Ça commence par un rayon de soleil qui rompt l’intransigeance des lattes du plancher. Une diagonale perdue qui me lèche les orteils, me rappelle que septembre arrive en pirate de l’été. Je me suis posée sur la pierre lisse du seuil de la terrasse, frontière bleue où l’agencement sage de la maison s’apprête à affronter les herbes fauves du jardin.
Le dos contre la brique chaude, je fume une cigarette, suivie d’une deuxième, d’une autre encore. Premier paquet depuis des années, depuis notre rencontre. Le viril cow-boy me promet la liberté des grands espaces où l’ocre de la roche se nourrit du sang de l’homme. Tandis que je n’ose me laisser emporter par cet inconnu, mes jambes demandent à s’encourir dans les vagues du terrain, chercher la caresse des graminées.
Je bois la bière à la bouteille, c’est l’unique façon si l’on veut retrouver l’âpreté métallique laissée par la capsule descellée. Le goût amer claque comme une balle au fond de ma gorge, envoyée par le goulot qu’il faut tout entier prendre dans la bouche dans un geste obscène. Le plaisir se moque bien des convenances.
Pierre est absent. Il m’appellera ce soir d’une chambre impersonnelle étudiée pour l’homme moderne. CNN, MTV, pornographie en continu.
Sa voix sera différente, mêlée aux sons d’une autre ville, du métro aérien qui passe sous sa fenêtre, fatiguée aussi.
Il aura tant à dire qu’il se taira.
Je dépose le téléphone sur son socle, il fait presque nuit. Dans deux jours il sera là, et la pluie qui commence aura effacé les cendres sur le bois.
Ça commence par un rayon de soleil qui rompt l’intransigeance des lattes du plancher. Une diagonale perdue qui me lèche les orteils, me rappelle que septembre arrive en pirate de l’été. Je me suis posée sur la pierre lisse du seuil de la terrasse, frontière bleue où l’agencement sage de la maison s’apprête à affronter les herbes fauves du jardin.
Le dos contre la brique chaude, je fume une cigarette, suivie d’une deuxième, d’une autre encore. Premier paquet depuis des années, depuis notre rencontre. Le viril cow-boy me promet la liberté des grands espaces où l’ocre de la roche se nourrit du sang de l’homme. Tandis que je n’ose me laisser emporter par cet inconnu, mes jambes demandent à s’encourir dans les vagues du terrain, chercher la caresse des graminées.
Je bois la bière à la bouteille, c’est l’unique façon si l’on veut retrouver l’âpreté métallique laissée par la capsule descellée. Le goût amer claque comme une balle au fond de ma gorge, envoyée par le goulot qu’il faut tout entier prendre dans la bouche dans un geste obscène. Le plaisir se moque bien des convenances.
Pierre est absent. Il m’appellera ce soir d’une chambre impersonnelle étudiée pour l’homme moderne. CNN, MTV, pornographie en continu.
Sa voix sera différente, mêlée aux sons d’une autre ville, du métro aérien qui passe sous sa fenêtre, fatiguée aussi.
Il aura tant à dire qu’il se taira.
Je dépose le téléphone sur son socle, il fait presque nuit. Dans deux jours il sera là, et la pluie qui commence aura effacé les cendres sur le bois.
abstract- Nombre de messages : 1127
Age : 55
Date d'inscription : 10/02/2009
Re: Septembre amer
Bon incipit ! Tel quel, je sens le texte comme incomplet... En l'occurrence, pour moi, c'est un compliment : j'ai envie d'en apprendre davantage sur ces deux-là.
Procuste- Nombre de messages : 482
Age : 62
Localisation : œ Œ ç Ç à À é É è È æ Æ ù Ù â  ê Ê î Î ô Ô û Û ä Ä ë Ë ï Ï ö Ö ü Ü – —
Date d'inscription : 16/10/2010
Re: Septembre amer
J'aime.
J'ai l'impression de reconnaître une écriture.
Quelqu'un ? (une) ... ?
Ce texte me plaît.
Latent d'une abjection fatale.
J'ai l'impression de reconnaître une écriture.
Quelqu'un ? (une) ... ?
Ce texte me plaît.
Latent d'une abjection fatale.
Re: Septembre amer
Un peu de mal avec les deux premiers paragraphes, le premier surtout et la première phrase du premier tout particulièrement, dont je trouve l'expression maniérée, l'ensemble un peu lourd, toutes proportions gardées, bien entendu. Aucune objection pour ce qui suit, bien au contraire. Et j'aimerais vraiment beaucoup en lire davantage maintenant que l'ambiance est posée.
Invité- Invité
Re: Septembre amer
Très bon, oui, ce texte ! C'est vraiment très bon comme écriture. Et puis, une sensualité qui se dégage de tout ça, une ambiance lourde, chargée... Moi, Septembre, pirate de l'été, j'ai beaucoup aimé.
C'est un incipit ? D'un texte long, court?
C'est intéressant à savoir, dans le sens où l'efficacité et le but recherché pour ce texte est différent. Mais ça on ne peut pas en juger encore. Pour l'instant, je peux juste dire que cette description est magistrale, mais que ce texte ne se suffit pas en soi.
C'est un incipit ? D'un texte long, court?
C'est intéressant à savoir, dans le sens où l'efficacité et le but recherché pour ce texte est différent. Mais ça on ne peut pas en juger encore. Pour l'instant, je peux juste dire que cette description est magistrale, mais que ce texte ne se suffit pas en soi.
Invité- Invité
Re: Septembre amer
Je réponds par ce que c’est en haut et que la même question revient. Non, ce n’est pas un incipit. Le texte est fermé et fini même s’il prend place dans un ensemble plus vaste. Pour moi, c’est juste une pièce d’un puzzle. Et zut, j’en ai déjà trop dit.
abstract- Nombre de messages : 1127
Age : 55
Date d'inscription : 10/02/2009
Re: Septembre amer
je rejoins ton écriture dans ce côté frugal de détails "instantanés"
c'est une belle composition car très humaine
c'est une belle composition car très humaine
Re: Septembre amer
Je prends ce texte comme la photographie d’un moment. A ajouter aux autres pour compléter l’album. Instantanés de séquences impalpables, accessoires, quasi anodines et qui pourtant constituent nos jours.
Un texte délicat et sensible. Un ton personnel qui sonne juste, je trouve. J’aime beaucoup.
Un texte délicat et sensible. Un ton personnel qui sonne juste, je trouve. J’aime beaucoup.
Kilis- Nombre de messages : 6085
Age : 78
Date d'inscription : 12/12/2005
poésie :: Septembre amer
Un beau texte à mes yeux, à l'exeption de
Le viril cow-boy me promet la liberté des grands espaces où l’ocre de la roche se nourrit du sang de l’homme
vraiment le viril cow-boy et la roche qui se nourrit, ça me paraît trivial.
Mais ce beau récit est-il de la poésie?
On va me dire, sourire en coin, "Qu'elle est ta définition de la poésie?" D'accord! Je n'ai pas la réponse, mais je ne le sens pas comme tel.
Le viril cow-boy me promet la liberté des grands espaces où l’ocre de la roche se nourrit du sang de l’homme
vraiment le viril cow-boy et la roche qui se nourrit, ça me paraît trivial.
Mais ce beau récit est-il de la poésie?
On va me dire, sourire en coin, "Qu'elle est ta définition de la poésie?" D'accord! Je n'ai pas la réponse, mais je ne le sens pas comme tel.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 74
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: Septembre amer
Je me suis posée sur la pierre lisse du seuil de la terrasse, frontière bleue où l’agencement sage de la maison s’apprête à affronter les herbes fauves du jardin.
Voici une phrase qui mériterait d'être isolée, de former un ensemble à elle seule, tant elle raconte des choses.
Idem pour celle avec le cow-boy qui ferait presque tache au milieu du passage la contenant, elle dénote alors qu'elle aussi est riche de toutes sortes d'éléments.
J'aime la rupture de rythme entre un début lent, langoureux, serpentant entre les méandres des mots pour arriver à une capture d'un moment présent dans tout ce qu'il a de fugace et aussi d'éternel car il marque une transition importante. Le premier amène le second qui lui répond avec justesse. Et c'est bien ainsi.
Voici une phrase qui mériterait d'être isolée, de former un ensemble à elle seule, tant elle raconte des choses.
Idem pour celle avec le cow-boy qui ferait presque tache au milieu du passage la contenant, elle dénote alors qu'elle aussi est riche de toutes sortes d'éléments.
J'aime la rupture de rythme entre un début lent, langoureux, serpentant entre les méandres des mots pour arriver à une capture d'un moment présent dans tout ce qu'il a de fugace et aussi d'éternel car il marque une transition importante. Le premier amène le second qui lui répond avec justesse. Et c'est bien ainsi.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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