Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
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Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Ce fil (je ne crois pas que ça existe ici) se propose de recenser des textes d'écrivains / poètes parlant de leur rapport à l'écriture, de leur travail, et de permettre, s'il y a lieu, des débats sur ces textes.
Il me semble que l'atelier d'écriture VE ne pourrait que s'enrichir des réflexions de ces ainés.
Il ne s'agit pas de faire de la critique littéraire ! mais bien de porter notre regard sur les écrivains parlant de l'écriture (ou de l'écrivain), au plus près de la création.
Je commence :
in http://remue.net/spip.php?article2766
Il me semble que l'atelier d'écriture VE ne pourrait que s'enrichir des réflexions de ces ainés.
Il ne s'agit pas de faire de la critique littéraire ! mais bien de porter notre regard sur les écrivains parlant de l'écriture (ou de l'écrivain), au plus près de la création.
Je commence :
in http://remue.net/spip.php?article2766
- Spoiler:
- JMB : Alors, cher Philippe Rahmy, maintenant que vous avez bien lu vos inédits, vous qui avez tant prétendu ce soir, consentiriez-vous à vous montrer un instant accessible, et à nous dire pourquoi vous écrivez ?
PhR :
Qui se prévaudra d’une quelconque autorité et s’avancera pour prendre la parole, qui prétendra imposer sa loi ou agir au nom de l’idéal, qui se voudra donneur de leçons, détenteur du savoir, montreur de merveilles, me trouvera en travers de sa route, porté par les réquisitions secrètes de ceux qu’une injustice insurmontable, qu’une naissance disgraciée, qu’un manque d’amour, de talent ou de forces, réduisent au silence. Parler est une tâche sacrée que l’écriture couronne. Devoir, peur, famine, peu importe la raison qui pousse une créature à mordre. L’écriture pourchasse les méchants, et les frappe avec une égale violence, combattant le mal intérieur et extérieur qui les corrompt de vouloir, comme de faire régner, l’ordre. Il faut en effet une raison supérieure pour écrire, un sacrifice que n’entache aucun salaire, pas même sous la forme innocente d’une satisfaction. On ne devient pas écrivain, on naît affublé d’une corne à la place du cerveau pour éventrer les gens, pour subvertir les règles [9].
PhR : Alors, cher Jean-Marie Barnaud, maintenant que vous avez bien lu vos inédits, vous qui avez tant prétendu ce soir, consentiriez-vous à vous montrer un instant accessible, et à nous dire pourquoi vous écrivez ?
JMB :
Ce n’est rien, avait-il dit, rien de sérieux, ce que j’écris, la poésie, la fiction. Des foutaises. Non. Il n’y a rien de moins sérieux au monde. C’est simplement mon handicap, ma moins mauvaise manière de marcher, de courir, de traverser le peu d’espace qui... un pied chasse l’autre. Il n’y a derrière que de la poussière, à peine une empreinte, et puis le sable. Le sable des journées, avait il ajouté avec une grimace de commande. Ne pas se retourner.
C’est comme cela qu’il faudrait être : écrire léger, je suis un homme léger, poser à peine ses sandales sur le sol, aucun vestige, faire avec ce qui vient, sans plus. C’est quand faire beau dégoûte qu’on commence vraiment à comprendre le piège que c’est, l’écriture. Le tort, c’est d’avoir mis les doigts là dedans. Des doigts fêlés. C’est comme une drogue. On ferait mieux peut être de vaquer au plus pressé, aux choses immédiates, les causes, l’humanitaire, tout çà. Il faut se débarrasser de la littérature. Vous aimez trop la littérature. Nous l’aimons tous trop. Alors on répète. Je ne sais même pas s’il faut aimer les livres. Quelques uns sans doute, et le peu de mots qui servent à se tenir. Alors peut être on commence à sonner juste. Et on brûle tout ce qu’on a fait jusque là. On ne garde plus rien.
Et pourtant vous publiez, vous écrivez toujours, avait dit quelqu’un, demandant aussi sur quoi maintenant il écrivait.
Et si je vous réponds sur rien, précisément, vous direz que c’est facile, n’est-ce-pas. Et pourtant.
C’est à dire, j’écris sur ce sol qui me manque un peu plus chaque jour, comprenez vous cela ; sur ce sol que nous partageons tous, et qui se dérobe. Comprenez vous. C’est à partir de là que j’écris ; de ce rien-là. Pour me tenir lége
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Est- ce que ça peut en faire partie?
dimanche 8 juillet 2007
Lettre ouverte à mon plagiaire.
Monsieur Djamel Mazouz,
On vient de m’apprendre que vous appréciez énormément mes textes. Passé le premier moment de surprise, je me suis senti envahi par une grande satisfaction. Et votre choix de vous en servir me touche beaucoup. Et j’irai jusqu’à dire que vous avez bon goût. J’espère qu’ils vous apporteront la gloire et la reconnaissance que je ne cherche pas.
Nous sommes tous un peu plagiaires, nous écrivons à partir d’affinités. Rares sont ceux qui inventent une langue.
A travers vous je participe à des concours, je suis fêté, apprécié. C’est un peu un échange de lumière, je vous donne la mienne, vous me donnez la votre. Pour être plus précis, vous voler la mienne, et ne me donnait rien retour. C’est injuste. Mais vous me direz que la vie est une longue injustice, et que c’est, ce qui la rend vivable.
J’en profite pour vous dire de faire attention, mon écriture est certes merveilleuse, mais je suis affublé d’une affreuse et déplorable dyslexie, et malgré les correcteurs d’orthographe, il reste de nombreuses coquilles dans mes textes, pensez à les relire, et à corriger ces fautes qui gâchent le plaisir du lecteur exigeant, ce qui pourrait venir ternir notre célébrité commune. Vous pourriez ainsi ajouter une sorte de perfection à notre œuvre collective.
Au-delà de ça, vous me faites toucher du doigt quelque chose qui m’avait échappé. Avec la généralisation des blogs, l’écriture appartient de moins en moins à son auteur. N’en déplaise aux égos des auteurs, les textes sont voués à n’appartenir à personne, hormis au lecteur, l’espace d’un instant. Et la réussite d’un texte, sera sa lente métamorphose, lorsqu’il passera de main en main, d’œil en œil. Je ne suis pas capable de dire si cela est un mieux, mais c’est inéluctable. La rançon du progrès en quelque sorte.
Il y a quand même un truc qu’il faut que je vous dise, écrire pour moi est acte nécessaire et douloureux, les textes que vous prenez ne sont que le reste de cette nécessité et de cette douleur. Le reste. L’écume. Ils sont issus d’une intimité au travail. En les prenant ainsi, sans crier gare, vous me laissez porter seul cette douleur. C’est un peu comme si vous me la renvoyer dans la figure. Mais ce sont sans doute des considérations dont vous n’avez que faire.
Ce n’est pas la première fois que m’arrive ce genre d’aventure. La première fois j’ai ressenti e cela comme une infraction. Et la personne qui avait pris et dénaturé mon texte, m’en a profondément voulu de lui avoir fait remarquer ma désapprobation. La deuxième fois était plus innocente, et puis la chapardeuse avait de si belles fesses que je me suis senti flatté et honoré par son emprunt, comme quoi il suffit de peu. La troisième, c’est vous Monsieur Djamel Mazouz. Je commence à être rôdé. Mais je doute que vos fesses me fassent de l’effet. C’est dommage, j’en conviens. Pourquoi voler ce qui est offert ?
Pour être plus sérieux, si vous me lisez, vous devez savoir ce que je pense de l’écriture, vous devez savoir que c’est l’acte le plus vain qu’il soit, et parce qu’il est vain, il en devient grand, merveilleux. Ce qui est important dans l’écriture, c’est d’abord user sa vie dans un acte inutile, presque puéril, et c’est être à l’endroit du frottement de cette vie et de la mort qui s’approche.
Je vais vous dire un secret. Un texte ne vaut rien en lui-même, il ne tient que par des fils invisibles qui le relient. Je suis passé voir « vos productions ». Toutes ne sont pas de moi. Et vous voyez, il n’y avait pas ces fils invisibles qui relient les textes entre eux. C’est comme s’ils avaient perdu leur sang. De la viande blanche. Et j’en fus triste.
Alors Monsieur Djamel… au point ou nous en sommes je crois qu’on peut se tutoyer. Djamel, tu sais ce que tu vas faire ? Tu vas te mettre au travail. Tu va arrêter de pomper tout ce que tu trouves. Tu es quelqu’un de sensible, comme tu le dis, alors tu vas prendre ton stylo et t’assoir. Et ne plus bouger. Et mettre ce que tu as à mettre sur le papier. Qu’importe si c’est beau ou pas, qu’importe si tes mots ne trouvent pas grâce à tes yeux. Sache que c’est un bon signe, l’insatisfaction. Tu peux t’appuyer sur elle. Elle guidera tes pas. Il est temps que tu existes par toi-même, tu te le dois à toi. Si tu veux je serais ton premier lecteur, et je t’aiderai autant que je le pourrais. Fais-toi confiance, consens à ton imperfection. Ose être ce que tu dois être. Même si c’est douloureux, surtout si c’est douloureux. N’attend rien des autres. Donne-toi à tes mots, à leurs couleurs, à leurs musiques. Respire avec ta bouche, avec ton air à toi. Soit le vivant de ta vie. On n’écrit pas pour le plaisir d’être lu. On écrit, parce qu’on mourrait à petit feu si on ne le faisait pas. Accepte de ressusciter. Donne une chance à ta vie. Que t’apportent tes mots volés ? Rien, hormis une tristesse supplémentaire. Tu vaux mieux que cela, j’en suis sûr. Ecris. Et si ça te fait mal, c’est que tu es sur la bonne voie. Ecris sur tout, sur rien. Le rien est un bon exercice. Ecrire lorsqu’on est déserté de tout. Ecrire c’est se dénuder, c’est s’appauvrir, ce n’est pas dépouiller l’autre.
Ecrire c’est avaler des silences et les transformer en chants.
Car dans l’écriture tu seras seul. Certains soir tu en pleureras, même. Mais tu verras, les mots, tes mots arriverons à éclairer l’ombre que tu mâches sans relâche.
Ecris dans ta pauvreté, tu ne sais pas encore qu’elle richesse elle peut contenir.
L’écriture et l’amour c’est la même chose. Tu vois un peu à coté de quoi tu passes ?
Donne, offre, arrache toi, ne t’occupe pas de la brillance du résultat, pourvu que chaque mot ai traversé ton corps de part en part. Pourvu qu’après l’écriture tu sois hagard et pantelant.
Tu devras rester de longues heures à méditer, en face du vide de la page, ne compte pas sur les muses, ne compte que sur toi. C’est lorsque l’inspiration t’échappe que l’écriture est la plus belle, c’est quand elle se refuse, que l’œuvre se bâtie. Il faut alors aller la prendre dans tes propres chairs. Et si tu doute, c’est que tu es en progrès. Chaque jour oblige-toi. Taille dans tes faiblesses, dans ta lâcheté. Confronte-toi.
Et surtout consens. Le consentement, est ce mouvement de l’âme qui nous fait sortir de nous-mêmes. Tu apprendras que tes pays intérieurs sont hors de toi. Tu verras, qu’à ta table d’écriture, tu feras le plus mystérieux des voyages. Assis, à ta table d’écriture tu visiteras les constellations les plus éloignées, les abîmes les plus profonds, les sommets les plus hauts.
Et surtout ne cherche pas la gloire, ni la reconnaissance. Applique-toi à contenir ton égo. Oublie-le si peux. Le poète reconnu est un poète perdu.
Préfère l’ombre et les angles, les seuls endroits où le soleil est regardable.
Voilà, Djamel ce que je peux te dire. Je pourrais, bien sûr développer à l’infini, mais l’essentiel est là. Mets-toi au travail. Ecris depuis ta solitude et ton ennui, invente des pays et des saisons. Prends ta charrue et avance. Creuse. Tire sur le soc de la langue, retourne les sillons des mots, arrache tes buissons, tes racines coupées, enlève les pierres qui te font trébucher. Trouve le sens de ta parole. Fait pénétrer ta voix dans le souffle épuisé de ta parole. Parle, fais-toi surprendre par le son de ta propre voix. Même si c’est un cri. Surtout si c’est un cri. Une amie te dirait : soit fragile, jamais faible. Tremble, mais ne recul pas.
Voilà Djamel, il faut maintenant que tu entres dans la poésie comme on s’engage sur un chemin. C’est le crépuscule, on ne sait pas où ce chemin mène. On sent en soi comme un effondrement. Alors on sait que l’heure est venue de se mettre en route.
Alors, bonne route Djamel.
Franck NICOLAS.
source
http://franckreveur.canalblog.com/archives/2007/07/08/5555575.html
dimanche 8 juillet 2007
Lettre ouverte à mon plagiaire.
Monsieur Djamel Mazouz,
On vient de m’apprendre que vous appréciez énormément mes textes. Passé le premier moment de surprise, je me suis senti envahi par une grande satisfaction. Et votre choix de vous en servir me touche beaucoup. Et j’irai jusqu’à dire que vous avez bon goût. J’espère qu’ils vous apporteront la gloire et la reconnaissance que je ne cherche pas.
Nous sommes tous un peu plagiaires, nous écrivons à partir d’affinités. Rares sont ceux qui inventent une langue.
A travers vous je participe à des concours, je suis fêté, apprécié. C’est un peu un échange de lumière, je vous donne la mienne, vous me donnez la votre. Pour être plus précis, vous voler la mienne, et ne me donnait rien retour. C’est injuste. Mais vous me direz que la vie est une longue injustice, et que c’est, ce qui la rend vivable.
J’en profite pour vous dire de faire attention, mon écriture est certes merveilleuse, mais je suis affublé d’une affreuse et déplorable dyslexie, et malgré les correcteurs d’orthographe, il reste de nombreuses coquilles dans mes textes, pensez à les relire, et à corriger ces fautes qui gâchent le plaisir du lecteur exigeant, ce qui pourrait venir ternir notre célébrité commune. Vous pourriez ainsi ajouter une sorte de perfection à notre œuvre collective.
Au-delà de ça, vous me faites toucher du doigt quelque chose qui m’avait échappé. Avec la généralisation des blogs, l’écriture appartient de moins en moins à son auteur. N’en déplaise aux égos des auteurs, les textes sont voués à n’appartenir à personne, hormis au lecteur, l’espace d’un instant. Et la réussite d’un texte, sera sa lente métamorphose, lorsqu’il passera de main en main, d’œil en œil. Je ne suis pas capable de dire si cela est un mieux, mais c’est inéluctable. La rançon du progrès en quelque sorte.
Il y a quand même un truc qu’il faut que je vous dise, écrire pour moi est acte nécessaire et douloureux, les textes que vous prenez ne sont que le reste de cette nécessité et de cette douleur. Le reste. L’écume. Ils sont issus d’une intimité au travail. En les prenant ainsi, sans crier gare, vous me laissez porter seul cette douleur. C’est un peu comme si vous me la renvoyer dans la figure. Mais ce sont sans doute des considérations dont vous n’avez que faire.
Ce n’est pas la première fois que m’arrive ce genre d’aventure. La première fois j’ai ressenti e cela comme une infraction. Et la personne qui avait pris et dénaturé mon texte, m’en a profondément voulu de lui avoir fait remarquer ma désapprobation. La deuxième fois était plus innocente, et puis la chapardeuse avait de si belles fesses que je me suis senti flatté et honoré par son emprunt, comme quoi il suffit de peu. La troisième, c’est vous Monsieur Djamel Mazouz. Je commence à être rôdé. Mais je doute que vos fesses me fassent de l’effet. C’est dommage, j’en conviens. Pourquoi voler ce qui est offert ?
Pour être plus sérieux, si vous me lisez, vous devez savoir ce que je pense de l’écriture, vous devez savoir que c’est l’acte le plus vain qu’il soit, et parce qu’il est vain, il en devient grand, merveilleux. Ce qui est important dans l’écriture, c’est d’abord user sa vie dans un acte inutile, presque puéril, et c’est être à l’endroit du frottement de cette vie et de la mort qui s’approche.
Je vais vous dire un secret. Un texte ne vaut rien en lui-même, il ne tient que par des fils invisibles qui le relient. Je suis passé voir « vos productions ». Toutes ne sont pas de moi. Et vous voyez, il n’y avait pas ces fils invisibles qui relient les textes entre eux. C’est comme s’ils avaient perdu leur sang. De la viande blanche. Et j’en fus triste.
Alors Monsieur Djamel… au point ou nous en sommes je crois qu’on peut se tutoyer. Djamel, tu sais ce que tu vas faire ? Tu vas te mettre au travail. Tu va arrêter de pomper tout ce que tu trouves. Tu es quelqu’un de sensible, comme tu le dis, alors tu vas prendre ton stylo et t’assoir. Et ne plus bouger. Et mettre ce que tu as à mettre sur le papier. Qu’importe si c’est beau ou pas, qu’importe si tes mots ne trouvent pas grâce à tes yeux. Sache que c’est un bon signe, l’insatisfaction. Tu peux t’appuyer sur elle. Elle guidera tes pas. Il est temps que tu existes par toi-même, tu te le dois à toi. Si tu veux je serais ton premier lecteur, et je t’aiderai autant que je le pourrais. Fais-toi confiance, consens à ton imperfection. Ose être ce que tu dois être. Même si c’est douloureux, surtout si c’est douloureux. N’attend rien des autres. Donne-toi à tes mots, à leurs couleurs, à leurs musiques. Respire avec ta bouche, avec ton air à toi. Soit le vivant de ta vie. On n’écrit pas pour le plaisir d’être lu. On écrit, parce qu’on mourrait à petit feu si on ne le faisait pas. Accepte de ressusciter. Donne une chance à ta vie. Que t’apportent tes mots volés ? Rien, hormis une tristesse supplémentaire. Tu vaux mieux que cela, j’en suis sûr. Ecris. Et si ça te fait mal, c’est que tu es sur la bonne voie. Ecris sur tout, sur rien. Le rien est un bon exercice. Ecrire lorsqu’on est déserté de tout. Ecrire c’est se dénuder, c’est s’appauvrir, ce n’est pas dépouiller l’autre.
Ecrire c’est avaler des silences et les transformer en chants.
Car dans l’écriture tu seras seul. Certains soir tu en pleureras, même. Mais tu verras, les mots, tes mots arriverons à éclairer l’ombre que tu mâches sans relâche.
Ecris dans ta pauvreté, tu ne sais pas encore qu’elle richesse elle peut contenir.
L’écriture et l’amour c’est la même chose. Tu vois un peu à coté de quoi tu passes ?
Donne, offre, arrache toi, ne t’occupe pas de la brillance du résultat, pourvu que chaque mot ai traversé ton corps de part en part. Pourvu qu’après l’écriture tu sois hagard et pantelant.
Tu devras rester de longues heures à méditer, en face du vide de la page, ne compte pas sur les muses, ne compte que sur toi. C’est lorsque l’inspiration t’échappe que l’écriture est la plus belle, c’est quand elle se refuse, que l’œuvre se bâtie. Il faut alors aller la prendre dans tes propres chairs. Et si tu doute, c’est que tu es en progrès. Chaque jour oblige-toi. Taille dans tes faiblesses, dans ta lâcheté. Confronte-toi.
Et surtout consens. Le consentement, est ce mouvement de l’âme qui nous fait sortir de nous-mêmes. Tu apprendras que tes pays intérieurs sont hors de toi. Tu verras, qu’à ta table d’écriture, tu feras le plus mystérieux des voyages. Assis, à ta table d’écriture tu visiteras les constellations les plus éloignées, les abîmes les plus profonds, les sommets les plus hauts.
Et surtout ne cherche pas la gloire, ni la reconnaissance. Applique-toi à contenir ton égo. Oublie-le si peux. Le poète reconnu est un poète perdu.
Préfère l’ombre et les angles, les seuls endroits où le soleil est regardable.
Voilà, Djamel ce que je peux te dire. Je pourrais, bien sûr développer à l’infini, mais l’essentiel est là. Mets-toi au travail. Ecris depuis ta solitude et ton ennui, invente des pays et des saisons. Prends ta charrue et avance. Creuse. Tire sur le soc de la langue, retourne les sillons des mots, arrache tes buissons, tes racines coupées, enlève les pierres qui te font trébucher. Trouve le sens de ta parole. Fait pénétrer ta voix dans le souffle épuisé de ta parole. Parle, fais-toi surprendre par le son de ta propre voix. Même si c’est un cri. Surtout si c’est un cri. Une amie te dirait : soit fragile, jamais faible. Tremble, mais ne recul pas.
Voilà Djamel, il faut maintenant que tu entres dans la poésie comme on s’engage sur un chemin. C’est le crépuscule, on ne sait pas où ce chemin mène. On sent en soi comme un effondrement. Alors on sait que l’heure est venue de se mettre en route.
Alors, bonne route Djamel.
Franck NICOLAS.
source
http://franckreveur.canalblog.com/archives/2007/07/08/5555575.html
Invité- Invité
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
ah oui , la bonne idée, Rêvelin!
(comme les "hasards" sont amusants, ces-jours-ci je relis des textes de Bernard Noël et dans certains...on trouve des rêvelinades )
Voici quelques extraits de :
"Le même nom" publié en avril1975 chez fata morgana
J'écris pour m'abîmer dans mon nom.
Le nom enseigne la mort.cet enseignement me force à réaliser ma mort, donc j'écris.La possibilité de ma mort s'agrandit de mon écriture, et je deviens, moi, ma propre impossibilité. telle est ma chance, car cette situation me place hors de toute mesure.
La limite assumée est le seuil de l'illimité.
Le nom fonde le seul.
L'innommé, c'est l'eau dans l'eau.
(...)
Fûmes en mots mis
Et ce fut fumée
Blanche
Où le corps perdit
Sa réalité
Fûmes donc fumeux
Tandis que germaient
Des mots dans nos yeux
Fûmes in-finis
Et déjà réduits
A la lie du lu
(...)
L'écriture est une passion qui se nourrit de l'ordre qu'elle brise. Si elle ne va pas tout droit dans la mort, elle est un simulacre vécu de la mort, car dans l'acceptation même de la vie, l'écrivain connaît la décomposition de sa vie.
L'écriture est cette pliure à la limite de la mort vraie et de la mort jouée : elle prive d'être la réalisation de l'être.
Bernard Noël
(comme les "hasards" sont amusants, ces-jours-ci je relis des textes de Bernard Noël et dans certains...on trouve des rêvelinades )
Voici quelques extraits de :
"Le même nom" publié en avril1975 chez fata morgana
J'écris pour m'abîmer dans mon nom.
Le nom enseigne la mort.cet enseignement me force à réaliser ma mort, donc j'écris.La possibilité de ma mort s'agrandit de mon écriture, et je deviens, moi, ma propre impossibilité. telle est ma chance, car cette situation me place hors de toute mesure.
La limite assumée est le seuil de l'illimité.
Le nom fonde le seul.
L'innommé, c'est l'eau dans l'eau.
(...)
Fûmes en mots mis
Et ce fut fumée
Blanche
Où le corps perdit
Sa réalité
Fûmes donc fumeux
Tandis que germaient
Des mots dans nos yeux
Fûmes in-finis
Et déjà réduits
A la lie du lu
(...)
L'écriture est une passion qui se nourrit de l'ordre qu'elle brise. Si elle ne va pas tout droit dans la mort, elle est un simulacre vécu de la mort, car dans l'acceptation même de la vie, l'écrivain connaît la décomposition de sa vie.
L'écriture est cette pliure à la limite de la mort vraie et de la mort jouée : elle prive d'être la réalisation de l'être.
Bernard Noël
Polixène- Nombre de messages : 3298
Age : 62
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Notez qu'on peut boire pour la même raison. Ca doit faire son effet comme sortie, au coin du zinc :Polixène a écrit:J'écris pour m'abîmer dans mon nom.
— Je bois pour m'abîmer dans mon nom.
— Ah ouais ?
— Et oui, mon gars.
— Bon ben... Je te remets un demi et des cacahuètes.
(je sais, c'est pas gentil de se moquer des poètes, mais quand même, des fois, c'est eux qui commencent)
.
Loupbleu- Nombre de messages : 5838
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Localisation : loupbleu@vosecrits.com
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
T'as raison, c'est çui qui le dit qui l'est ...et chez Bernard Noël, c'est pas la Saint-Sylvestre tous les jours, hein ...
Polixène- Nombre de messages : 3298
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Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
(d'ailleurs, lui, c'est un comble du j'art-d-y-nier)
Polixène- Nombre de messages : 3298
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Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Oui il me copie plutôt bien hihiPolixène a écrit:(comme les "hasards" sont amusants, ces-jours-ci je relis des textes de Bernard Noël et dans certains...on trouve des rêvelinades )
J'aime beaucoup vos interventions, je continue demain à chercher ^^
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
La poésie m'emmerde.
Je n'aime pas la poésie.
J'entends par là toute la jolie poésie, celle qui croit qu'est poétique ce qui est joli, type poème pour la fête des mères. Bonne fête Maman.
J'attends d'un poème qu'il me mette K.O.
Le premier vers d'un poème doit mettre en demeure, imposer silence.
La forme est indissociable du sens, première même.
C'est la forme qui donne le sens parce que la forme, même invisible, s'adresse au corps du lecteur/écouteur. D’abord le rythme.
C'est la forme qui le travaille, le met en joie ou en désir, en colère ou en impatience.
C'est la forme seule qui fait partager ce que tente de dire le poème. Trop de poèmes démentent ce que le poème prétend dire.
La relation au poème est d'ordre érotique: le poème me fait quelque chose ou me laisse indifférent. Il suscite mon désir, voire mon excitation, ou il ne suscite que ma déception. Il se produit en moi quelque chose ou il ne se produit rien. Mais je ne sais jamais pour quelles raisons il me charme, pour quelles raisons il me trouble. Ce n'est pas par ce qu'il dit. Comme lorsque je tombe sous le charme de quelqu'un ce ne sont pas seulement ses déclarations qui me séduisent, il y a tant de baratineurs! C'est autre chose. Mais qui peut clairement expliquer comment ce charme agit? Est-ce son corps? Sa voix? Son parfum? Son sourire? Ses vêtements? Je ne sais que le lendemain ou le surlendemain ou quelques jours plus tard ou beaucoup plus tard si je suis tombé en amour. Je ne le sais que si j'y repense. Et si j'y repense j'ignore ce qui agit en moi, quel philtre s'est inoculé en moi. Je ne sais pas ce que c'est ni comment ni pourquoi mais ça me fait des trucs géniaux dans la tête et dans le ventre, c'est bizarre comme ça s'agite un peu partout, on dirait comme un volcan ou un tremblement de terre, le friselis d'une plume, presque rien mais tout, comme un baiser à la commissure des lèvres. Alors là je sais. Je ne sais pas pourquoi et je ne tiens pas forcément à le savoir, mais je sais. Je sais que j'aime et j'en redemande. Ah si l'autre voulait à nouveau me parler! C'est plus facile avec les livres, ils sont là, à ma disposition, ils m'attendent, je peux en jouir quand je veux.
J'aime donc la poésie.
J'aime la poésie quand elle n'est pas une belle emmerdeuse.
J'aime les poètes qui ne se mettent pas à l'abri. Ceux qui s'engagent et gagent tout leur être.
Être poète c'est être en permanence en instance d'expulsion.
J'aime les poèmes et les poètes du réel, de la vie, de la chair. J'aime les poètes qui ont du souffle, du corps, de la langue. Ceux qui sortent nus, pas ceux qui se déguisent de langage et n'ont à montrer que leur garde-robe, leur bibliothèque ou leur cerveau.
"Toute l'écriture est de la cochonnerie" écrit A. Artaud.
Entendons par là toute belle écriture, c'est-à-dire celle qui ne met rien en danger, celle qui ne risque rien. Celle qui reste dans les salons au lieu de s'avancer au bord des gouffres.
Il n'y a d'écriture que risquée. On le sait depuis Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Desnos, Ginsberg, Kerouac, Novarina, Pey, Siméon etc. C'est en cela que le poète est "voleur de feu", c'est-à-dire qu'il prend le risque de se brûler, de brûler, de nous brûler. La plupart des autres écrivent dans des bureaux climatisés.
Les poètes que j'aime ne se limitent pas par ailleurs à l'écriture. Artistes 24 heures sur 24, ils ne se contentent pas d'écrire. Leur art sort de partout et s'exprime sous de multiples formes: ils peignent, ils dessinent, ils photographient, ils performent. Ils entretiennent des relations étroites avec des artistes qui pratiquent d'autres formes d'art. Ces échanges fructueux les nourrissent les uns les autres. Le poète du dimanche ne saurait être poète.
Le poète doit être dévoré, ce n'est que s'il a la fièvre qu'il a des chances d'être contagieux.
Du point de vue poétique l'élève n'a rien à attendre de l'école. C'est seul qu'il découvrira la poésie qui lui parlera. La classe ne peut être qu'exceptionnellement ce lieu de la découverte essentielle. L'école s'est toujours arrêtée au seuil de la modernité et réfugiée derrière les classiques canonisés. On peut comprendre ses précautions et on ne saurait lui reprocher d’allumer des incendies de l'esprit qu'elle n'aurait ensuite ni les moyens de les contenir, ni ceux de les éteindre. L'élève misera donc davantage sur sa propre curiosité.Sa faim que l'école aura, il faut l'espérer, aiguisée, il ira la rassasier au CDI (livres, anthologies, internet, sites) ou dans un club de poésie ou dans les bibliothèques. Il ira écouter des lectures dans des librairies ou des festivals. Il écoutera des CD de poètes vivants. Il entrera en contact avec eux par courrier, électronique ou non. Il écrira à son tour. Il se brûlera aux mots. Il ouvrira grands ses yeux et ses oreilles et, tel un "horrible travailleur", il deviendra poète à son tour. C'est toute la chance que je vous souhaite.
Francis Ricard, Toulouse le 10 juillet 2007
http://www.tiretalangue.fr/index.php
Je n'aime pas la poésie.
J'entends par là toute la jolie poésie, celle qui croit qu'est poétique ce qui est joli, type poème pour la fête des mères. Bonne fête Maman.
J'attends d'un poème qu'il me mette K.O.
Le premier vers d'un poème doit mettre en demeure, imposer silence.
La forme est indissociable du sens, première même.
C'est la forme qui donne le sens parce que la forme, même invisible, s'adresse au corps du lecteur/écouteur. D’abord le rythme.
C'est la forme qui le travaille, le met en joie ou en désir, en colère ou en impatience.
C'est la forme seule qui fait partager ce que tente de dire le poème. Trop de poèmes démentent ce que le poème prétend dire.
La relation au poème est d'ordre érotique: le poème me fait quelque chose ou me laisse indifférent. Il suscite mon désir, voire mon excitation, ou il ne suscite que ma déception. Il se produit en moi quelque chose ou il ne se produit rien. Mais je ne sais jamais pour quelles raisons il me charme, pour quelles raisons il me trouble. Ce n'est pas par ce qu'il dit. Comme lorsque je tombe sous le charme de quelqu'un ce ne sont pas seulement ses déclarations qui me séduisent, il y a tant de baratineurs! C'est autre chose. Mais qui peut clairement expliquer comment ce charme agit? Est-ce son corps? Sa voix? Son parfum? Son sourire? Ses vêtements? Je ne sais que le lendemain ou le surlendemain ou quelques jours plus tard ou beaucoup plus tard si je suis tombé en amour. Je ne le sais que si j'y repense. Et si j'y repense j'ignore ce qui agit en moi, quel philtre s'est inoculé en moi. Je ne sais pas ce que c'est ni comment ni pourquoi mais ça me fait des trucs géniaux dans la tête et dans le ventre, c'est bizarre comme ça s'agite un peu partout, on dirait comme un volcan ou un tremblement de terre, le friselis d'une plume, presque rien mais tout, comme un baiser à la commissure des lèvres. Alors là je sais. Je ne sais pas pourquoi et je ne tiens pas forcément à le savoir, mais je sais. Je sais que j'aime et j'en redemande. Ah si l'autre voulait à nouveau me parler! C'est plus facile avec les livres, ils sont là, à ma disposition, ils m'attendent, je peux en jouir quand je veux.
J'aime donc la poésie.
J'aime la poésie quand elle n'est pas une belle emmerdeuse.
J'aime les poètes qui ne se mettent pas à l'abri. Ceux qui s'engagent et gagent tout leur être.
Être poète c'est être en permanence en instance d'expulsion.
J'aime les poèmes et les poètes du réel, de la vie, de la chair. J'aime les poètes qui ont du souffle, du corps, de la langue. Ceux qui sortent nus, pas ceux qui se déguisent de langage et n'ont à montrer que leur garde-robe, leur bibliothèque ou leur cerveau.
"Toute l'écriture est de la cochonnerie" écrit A. Artaud.
Entendons par là toute belle écriture, c'est-à-dire celle qui ne met rien en danger, celle qui ne risque rien. Celle qui reste dans les salons au lieu de s'avancer au bord des gouffres.
Il n'y a d'écriture que risquée. On le sait depuis Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Desnos, Ginsberg, Kerouac, Novarina, Pey, Siméon etc. C'est en cela que le poète est "voleur de feu", c'est-à-dire qu'il prend le risque de se brûler, de brûler, de nous brûler. La plupart des autres écrivent dans des bureaux climatisés.
Les poètes que j'aime ne se limitent pas par ailleurs à l'écriture. Artistes 24 heures sur 24, ils ne se contentent pas d'écrire. Leur art sort de partout et s'exprime sous de multiples formes: ils peignent, ils dessinent, ils photographient, ils performent. Ils entretiennent des relations étroites avec des artistes qui pratiquent d'autres formes d'art. Ces échanges fructueux les nourrissent les uns les autres. Le poète du dimanche ne saurait être poète.
Le poète doit être dévoré, ce n'est que s'il a la fièvre qu'il a des chances d'être contagieux.
Du point de vue poétique l'élève n'a rien à attendre de l'école. C'est seul qu'il découvrira la poésie qui lui parlera. La classe ne peut être qu'exceptionnellement ce lieu de la découverte essentielle. L'école s'est toujours arrêtée au seuil de la modernité et réfugiée derrière les classiques canonisés. On peut comprendre ses précautions et on ne saurait lui reprocher d’allumer des incendies de l'esprit qu'elle n'aurait ensuite ni les moyens de les contenir, ni ceux de les éteindre. L'élève misera donc davantage sur sa propre curiosité.Sa faim que l'école aura, il faut l'espérer, aiguisée, il ira la rassasier au CDI (livres, anthologies, internet, sites) ou dans un club de poésie ou dans les bibliothèques. Il ira écouter des lectures dans des librairies ou des festivals. Il écoutera des CD de poètes vivants. Il entrera en contact avec eux par courrier, électronique ou non. Il écrira à son tour. Il se brûlera aux mots. Il ouvrira grands ses yeux et ses oreilles et, tel un "horrible travailleur", il deviendra poète à son tour. C'est toute la chance que je vous souhaite.
Francis Ricard, Toulouse le 10 juillet 2007
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Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Les poètes qui ont chanté la noble et enrichissante douleur ne l'ont jamais connue, âmes tièdes et petits cœurs, ne l'ont jamais connue, malgré qu'ils aillent à la ligne et qu'ils créent génialement des blancs saupoudrés de mots, petits feignants, impuissants qui font de nécessité vertu. Ils ont des sentiments courts et c'est pour ça qu'ils vont à la ligne. Faiseurs de chichis, prétentieux nains juchés sur de hauts talons et agitant le hochet de leurs rimes, si embêtants, faisant un sort à chaque mot excrété, si fiers d'avoir des tourments d'adjectifs, tout ravis dès qu'ils ont écrit quatorze lignes, vomissant devant leur table quelques mots où ils voient mille merveilles et qu'ils suçotent et vous forcent à suçoter avec eux, avisant les populations de leurs rares mots sortis, rembourrant de culot leurs maigres épaules, rusés managers de leur génie constipé, tout persuadés de l'importance de leur pouahsie. La douleur qui rabâche et qui transpire, la bouche entrouverte, ils n'en chanteraient pas la beauté s'ils l'avaient connue, et ils ne nous diraient pas que rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur, ces petits bourgeois qui n'ont rien acheté à prix de sang. Je la connais, la douleur, et je sais qu'elle n'est ni noble ni enrichissante mais qu'elle te ratatine et réduit comme tête bouillie et rapetissée de guerrier péruvien, et je sais que les poètes qui souffrent tout en cherchant des rimes et qui chantent l'honneur de souffrir, distingués nabots sur leurs échasses, n'ont jamais connu la douleur qui fait de toi un homme qui fut.
Albert Cohen, Le Livre de ma mère
Albert Cohen, Le Livre de ma mère
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Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Et ben ! Les poètes s'en prennent plein la tronche ^^
Heureusement, je ne me sens pas concerné hihi
Heureusement, je ne me sens pas concerné hihi
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Oui, Francis Ricard a cité le nom de Serge Pey ; je ne collerai pas (désolée, Rêvelin pour la cohérence de ton fil) un passage écrit par Serge Pey, non par fainéantise -quoique- mais parceque toute sa vie/oeuvre est en elle même un manifeste .Un "border-line" de la poésie, si on peut dire... - tout ce que j'aime -.
( Juste un exemple: intervenant un jour, en tant que créateur, dans un collège, il a proposé aux élèves de s'enfouir dans le sable jusqu'au cou pour leur faire ressentir les sensations premières, préalables à l'écriture)
Son site officiel: http://www.sergepey.com/
( Juste un exemple: intervenant un jour, en tant que créateur, dans un collège, il a proposé aux élèves de s'enfouir dans le sable jusqu'au cou pour leur faire ressentir les sensations premières, préalables à l'écriture)
Son site officiel: http://www.sergepey.com/
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Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
L’Acte du poème
Cet acte implique un corps en train de constater que, une fois de plus, il s’est mis dans la posture d’attendre un poème, de provoquer sa venue, de l’écrire. Et cependant qu’il élabore cette attente en observant des règles qu’il s’est inventées, il se dit que son activité est bien ambiguë, elle qui l’entraîne à pratiquer un jeu où il n’engage en principe qu’un peu de son temps mais avec l’impression d’y engager bien davantage puisqu’il y fait figurer sa vie. Il sait bien entendu que ce sont les signes et les images - les visibles et les mentales et combien les uns comme les autres ont besoin de n’être rien en eux-mêmes afin de simuler le tout de ce qu’ils représentent. A quoi lui sert ce savoir quand, assis devant sa feuille, il prend conscience que l’âge ne va pas l’empêcher de jouer sa partie ni modérer l’illusion d’y miser toute sa faculté de s’exprimer, c’est-à-dire l’ensemble de ses relations avec tout ce qui lui importe au monde. Il augmenterait même la mise, si c’était possible, et sans ignorer pour autant qu’aussi élevée soit-elle, et si réussi soit le jeu, il n’en tirera pour finir qu’une déception. Qu’est-ce que la poésie ? C’est d’abord pour celui qui la pratique la déception de ne pouvoir jamais aller jusqu’au bout - ou du moins de ne jamais pouvoir s’y tenir - alors qu’il a semblé que, cette fois, l’enjeu mettait réellement aux prises le réel et l’artifice jusqu’à promettre l’épuisement de ce dernier au bénéfice d’un saut enfin réussi dans l’indiscutable et le définitif.
Après quoi, il ne reste devant la page que le lecteur d’une précipitation verbale mise en échec par sa propre nature, et ledit lecteur éprouve en lisant la perturbation d’être à la fois dans deux espaces vu qu’en allant d’un mot à l’autre il ne va plus vers ce que pourtant ils ont exprimé dans leur premier mouvement. Le papier est redevenu du papier, et le poète est redevenu un homme assis devant, et qui se trouve quelque peu ridicule en pensant à la mêlée dans laquelle il vient d’affronter une espèce de réalité absolue.
Les livres font oublier à leurs lecteurs la discontinuité qui les sépare, et qui est la vie de leurs auteurs. Ils font par conséquenct oublier le corps, et tout ce qui l’occupe, en fabriquant une continuité idéale où les événements de l’existence deviennent des allégories. L’auteur lui-même occupe ainsi la fonction de transformateur des choses ordinaires en signes exceptionnels, ce que personne ne songerait à lui reprocher dès lors qu’il donne satisfaction. D’ailleurs, comment un livre pourrait-il s’opposer au désir de lecture qu’il suscite et qui est sa raison d’être ?
Cette question parfaitement insensée a pour but de faire entendre le genre de contestation qu’un poète peut élever contre lui-même dès qu’il se trouve rendu à sa condition de vivant. Je ne suis pas sûr d’exprimer là autre chose qu’un point de vue personnel, en vérité une révolte contre cela même qui m’occupe parfois passionnément mais ne m’en reste pas moins insupportable à force de laisser pour compte cette chair vivante qui n’entrera jamais dans les livres. Absurde, dira-t-on, et j’en conviens en m’obligeant à préciser que le corps, chez moi, n’est que la figure du refus de la résignation. Mais qu’est-ce que la poésie ? si elle n’est pas d’abord ce refus, qui la pousse constamment à dresser les vers sur la page pour qu’ils n’aillent pas comme vont les lignes au gré de l’enchaînement - qui la pousse à ne pas se résigner à la ligne du temps en lui faisant barrage par un empilement de fragments sonores.
Sans doute la révolte n’est-elle pas une loi de la poésie, qui bien plus souvent a pratiqué la célébration. Je suis sûr que la poésie dit tout ce qu’elle dit en le disant, et c’est là son seul absolu, et c’est là ma principale raison de la pratiquer parce qu’il n’est rien d’autre qui rendre pareillement indissociable l’événement verbal et son expression. Cela étant, l’auteur n’en retombe pas moins dans sa vie, qui elle aussi vit tout ce qu’elle peut vivre en le vivant.
Faire acte de poésie serait-ce opérer le transfert de quelque chose d’entier comme la vie dans une expression également entière comme le poème - ou bien n’est-ce là qu’une illusion dictée par le désir utopique de réunir enfin ce qui tout au plus se croise dans la représentation comme font le corps et son reflet dans le miroir ? Je pense tout à coup au vieux Matisse pour la raison probablement qu’il me fait apercevoir un geste plus visible que tous les gestes d’écriture. Matisse, dans les dernières années de sa vie, gouachait de grandes feuilles de papier pour en faire des espaces monochromes, en fait des blocs d’espaces comme on pourrait parler de volumes d’air. Puis il prenait une paire de cisaux et, a-t-il raconté à André Verdet : "Vous ne pouvez vous figurer à quel point la sensation du vol qui se dégage en moi m’aide à mieux ajuster ma main quand elle conduit le trajet des ciseaux..."
Cette confidence m’obsède depuis des années qu’elle me donne à voir la vieille main libérée de toute pesanteur et découpant l’espace à la manière de l’aile d’un oiseau. Aucun doute, la main s’est bien envolée pour tracer par exemple les contours d’un nu bleu et en sculpter le volume dans le bloc d’air... Et pourtant le voici à présent au mur - comme n’importe quelle image peinte, au mur et tout empaillé de papier... Il arrive néanmoins que la vibration revienne révéler la vraie nature en faisant trembler l’air bleu, mais le plus souvent rien ne bouge.
Dès que la main a perdu ses ailes, c’est comme si elle n’avait jamais volé, sinon le temps d’une illusion.
Bernard Noël, L’Acte de poésie ©POL, 1998
Cet acte implique un corps en train de constater que, une fois de plus, il s’est mis dans la posture d’attendre un poème, de provoquer sa venue, de l’écrire. Et cependant qu’il élabore cette attente en observant des règles qu’il s’est inventées, il se dit que son activité est bien ambiguë, elle qui l’entraîne à pratiquer un jeu où il n’engage en principe qu’un peu de son temps mais avec l’impression d’y engager bien davantage puisqu’il y fait figurer sa vie. Il sait bien entendu que ce sont les signes et les images - les visibles et les mentales et combien les uns comme les autres ont besoin de n’être rien en eux-mêmes afin de simuler le tout de ce qu’ils représentent. A quoi lui sert ce savoir quand, assis devant sa feuille, il prend conscience que l’âge ne va pas l’empêcher de jouer sa partie ni modérer l’illusion d’y miser toute sa faculté de s’exprimer, c’est-à-dire l’ensemble de ses relations avec tout ce qui lui importe au monde. Il augmenterait même la mise, si c’était possible, et sans ignorer pour autant qu’aussi élevée soit-elle, et si réussi soit le jeu, il n’en tirera pour finir qu’une déception. Qu’est-ce que la poésie ? C’est d’abord pour celui qui la pratique la déception de ne pouvoir jamais aller jusqu’au bout - ou du moins de ne jamais pouvoir s’y tenir - alors qu’il a semblé que, cette fois, l’enjeu mettait réellement aux prises le réel et l’artifice jusqu’à promettre l’épuisement de ce dernier au bénéfice d’un saut enfin réussi dans l’indiscutable et le définitif.
Après quoi, il ne reste devant la page que le lecteur d’une précipitation verbale mise en échec par sa propre nature, et ledit lecteur éprouve en lisant la perturbation d’être à la fois dans deux espaces vu qu’en allant d’un mot à l’autre il ne va plus vers ce que pourtant ils ont exprimé dans leur premier mouvement. Le papier est redevenu du papier, et le poète est redevenu un homme assis devant, et qui se trouve quelque peu ridicule en pensant à la mêlée dans laquelle il vient d’affronter une espèce de réalité absolue.
Les livres font oublier à leurs lecteurs la discontinuité qui les sépare, et qui est la vie de leurs auteurs. Ils font par conséquenct oublier le corps, et tout ce qui l’occupe, en fabriquant une continuité idéale où les événements de l’existence deviennent des allégories. L’auteur lui-même occupe ainsi la fonction de transformateur des choses ordinaires en signes exceptionnels, ce que personne ne songerait à lui reprocher dès lors qu’il donne satisfaction. D’ailleurs, comment un livre pourrait-il s’opposer au désir de lecture qu’il suscite et qui est sa raison d’être ?
Cette question parfaitement insensée a pour but de faire entendre le genre de contestation qu’un poète peut élever contre lui-même dès qu’il se trouve rendu à sa condition de vivant. Je ne suis pas sûr d’exprimer là autre chose qu’un point de vue personnel, en vérité une révolte contre cela même qui m’occupe parfois passionnément mais ne m’en reste pas moins insupportable à force de laisser pour compte cette chair vivante qui n’entrera jamais dans les livres. Absurde, dira-t-on, et j’en conviens en m’obligeant à préciser que le corps, chez moi, n’est que la figure du refus de la résignation. Mais qu’est-ce que la poésie ? si elle n’est pas d’abord ce refus, qui la pousse constamment à dresser les vers sur la page pour qu’ils n’aillent pas comme vont les lignes au gré de l’enchaînement - qui la pousse à ne pas se résigner à la ligne du temps en lui faisant barrage par un empilement de fragments sonores.
Sans doute la révolte n’est-elle pas une loi de la poésie, qui bien plus souvent a pratiqué la célébration. Je suis sûr que la poésie dit tout ce qu’elle dit en le disant, et c’est là son seul absolu, et c’est là ma principale raison de la pratiquer parce qu’il n’est rien d’autre qui rendre pareillement indissociable l’événement verbal et son expression. Cela étant, l’auteur n’en retombe pas moins dans sa vie, qui elle aussi vit tout ce qu’elle peut vivre en le vivant.
Faire acte de poésie serait-ce opérer le transfert de quelque chose d’entier comme la vie dans une expression également entière comme le poème - ou bien n’est-ce là qu’une illusion dictée par le désir utopique de réunir enfin ce qui tout au plus se croise dans la représentation comme font le corps et son reflet dans le miroir ? Je pense tout à coup au vieux Matisse pour la raison probablement qu’il me fait apercevoir un geste plus visible que tous les gestes d’écriture. Matisse, dans les dernières années de sa vie, gouachait de grandes feuilles de papier pour en faire des espaces monochromes, en fait des blocs d’espaces comme on pourrait parler de volumes d’air. Puis il prenait une paire de cisaux et, a-t-il raconté à André Verdet : "Vous ne pouvez vous figurer à quel point la sensation du vol qui se dégage en moi m’aide à mieux ajuster ma main quand elle conduit le trajet des ciseaux..."
Cette confidence m’obsède depuis des années qu’elle me donne à voir la vieille main libérée de toute pesanteur et découpant l’espace à la manière de l’aile d’un oiseau. Aucun doute, la main s’est bien envolée pour tracer par exemple les contours d’un nu bleu et en sculpter le volume dans le bloc d’air... Et pourtant le voici à présent au mur - comme n’importe quelle image peinte, au mur et tout empaillé de papier... Il arrive néanmoins que la vibration revienne révéler la vraie nature en faisant trembler l’air bleu, mais le plus souvent rien ne bouge.
Dès que la main a perdu ses ailes, c’est comme si elle n’avait jamais volé, sinon le temps d’une illusion.
Bernard Noël, L’Acte de poésie ©POL, 1998
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
« On n’est pas forcément poète pour en faire profession ou pour écrire des vers ou publier des recueils : il y faut une distance de chance que peut saisir, à l’inverse, quelqu’un d’éloigné de se croire ou vouloir tel – un peintre par exemple (Dotremont, Klee, Arp, Kandinsky [Klänge], Rouault) ou bien écrivain réputé d’autre genre, philosophe (Bataille, J. Wahl), romancier, controuvant de la sorte l’ancienne séparation des genres. Tout individu peut aligner des expressions étagées, tout poète obtenir un résultat (poème) anecdotique réussi, peu parviendront à la généralisation qui fera d’un texte la somme exemplaire d’une sensation, cet objet inexprimé dont on dit justement (Pessoa) qu’il est intraduisible dans les paroles autant que dans une autre langue. Un dit universel dans un rythme particulier. »
Jude Stefan, « sur le vers beckettien », in Objet, Beckett, catalogue de l’exposition Beckett au Centre Georges Pompidou, 2007, p. 51
Jude Stefan, « sur le vers beckettien », in Objet, Beckett, catalogue de l’exposition Beckett au Centre Georges Pompidou, 2007, p. 51
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Écriture et voix
Je ne sais pas d’où vient ma voix : elle colle aux mots comme elle peut. Pourtant, j’ai entendu le poème en l’écrivant ; ce n’était pas visuel, c’était d’abord sonore. Le regard pouvait très bien se fixer ou errer sur un coin de table ou de fenêtre ; d’un coup les mots ont rompu cela et occupé tout l’espace mental. D’où venaient-ils ? Je n’en sais rien. À chaque fois, je ne sais rien.
Ils sont venus. Assez pour que je puisse continuer de creuser sur leur lancée ; toujours sans bien comprendre, mais en sachant qu’il fallait continuer. À force, j’ai commencé à voir ce qu’ils disaient, mais dès lors, ça a commencé à freiner. J’ai continué jusqu’à presque plus rien. J’ai continué jusqu’au bout, sur l’erre. Là, en fin de course, un moment, j’ai vu d’où venait le poème mais tout était figé, fixe, fini. J’ai eu froid, je me suis senti seul, peu de temps, mais très seul. Ensuite, je n’ai plus vu la page, ça s’est refixé sur la table, la fenêtre, le pot de fleurs... il était tard.
Le lendemain, j’ai relu les pages. J’ai entendu comme un son faible et il y a eu de nouveau comme un léger décrochement de voix. J’ai commencé à travailler, déblayer, très lentement, comme pour désencombrer la voix qui s’était chargée jusqu’à cesser. Des jours, à écouter, revoir, relire. Il s’agissait comme de fouiller doucement, longtemps. En bout de course, il devait y avoir un poème qui me prenait la voix et ne me laissait plus que l’effort (parfois écœurant) d’émettre.
Une chose est sûre : un jour ou l'autre, on perd définitivement la parole. En ce sens le poème est une entreprise désespérée, une sorte de voix de haute-contre, une voix de tête, qui assume déjà la perte de l’organe vivant.
Antoine Emaz, Lichen, encore, éditions Rehaut, 2009, p. 29-30.
Je ne sais pas d’où vient ma voix : elle colle aux mots comme elle peut. Pourtant, j’ai entendu le poème en l’écrivant ; ce n’était pas visuel, c’était d’abord sonore. Le regard pouvait très bien se fixer ou errer sur un coin de table ou de fenêtre ; d’un coup les mots ont rompu cela et occupé tout l’espace mental. D’où venaient-ils ? Je n’en sais rien. À chaque fois, je ne sais rien.
Ils sont venus. Assez pour que je puisse continuer de creuser sur leur lancée ; toujours sans bien comprendre, mais en sachant qu’il fallait continuer. À force, j’ai commencé à voir ce qu’ils disaient, mais dès lors, ça a commencé à freiner. J’ai continué jusqu’à presque plus rien. J’ai continué jusqu’au bout, sur l’erre. Là, en fin de course, un moment, j’ai vu d’où venait le poème mais tout était figé, fixe, fini. J’ai eu froid, je me suis senti seul, peu de temps, mais très seul. Ensuite, je n’ai plus vu la page, ça s’est refixé sur la table, la fenêtre, le pot de fleurs... il était tard.
Le lendemain, j’ai relu les pages. J’ai entendu comme un son faible et il y a eu de nouveau comme un léger décrochement de voix. J’ai commencé à travailler, déblayer, très lentement, comme pour désencombrer la voix qui s’était chargée jusqu’à cesser. Des jours, à écouter, revoir, relire. Il s’agissait comme de fouiller doucement, longtemps. En bout de course, il devait y avoir un poème qui me prenait la voix et ne me laissait plus que l’effort (parfois écœurant) d’émettre.
Une chose est sûre : un jour ou l'autre, on perd définitivement la parole. En ce sens le poème est une entreprise désespérée, une sorte de voix de haute-contre, une voix de tête, qui assume déjà la perte de l’organe vivant.
Antoine Emaz, Lichen, encore, éditions Rehaut, 2009, p. 29-30.
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Il y a dans la poésie, pas nécessairement chez les grands poètes, pourvu que le ton soit juste, des moments qui sont comme le bruit du torrent ou le rire d'Aglaé, des ouvertures ou des entrebâillements sur un espace autre, qui ne serait pas un autre monde, mais notre monde compris autrement. Ce qui rejoint la méditation de Musil sur ce qu'il appelle l'autre état, " der andere Zustand ", qu'il rapproche plutôt de l'état mystique, mais qui est aussi un état poétique : un état dans lequel notre perception du monde est modifiée. Modifiée, naturellement, dans un sens qui le rend plus habitable. C'est aussi ce que Rilke appelle " l'Ouvert ", où les poètes, les anges, les bêtes aussi à leur manière, circulent sans difficulté parce qu'il n'y a plus d'obstacle, que la respiration est possible. Et je crois que toutes les oeuvres poétiques véritables, et plus nettement encore les oeuvres musicales, nous conduisent plus ou moins près de ce seuil.
Extrait d'un entretien de Philippe Jaccottet avec Monique Pétillon, paru dans le Monde des Livres, le 15 juillet 1994.
Extrait d'un entretien de Philippe Jaccottet avec Monique Pétillon, paru dans le Monde des Livres, le 15 juillet 1994.
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Merci Rêvelin pour ces extraits que je lis avec intérêt et dans lesquels je me retrouve souvent, particulièrement dans cette vision de Jaccottet dont la sensibilité me touche de très près et qui est un de mes poètes préférés.
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Merci, oui, c'est passionnant. Je découvre...
Lizzie- Nombre de messages : 1162
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Date d'inscription : 30/01/2011
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Il faut surtout remercier Poezibao pour l'essentiel ^^
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
J'aime bien le "la poésie m'emmerde" je me souviens que Tristan l'avait posté je ne sais plus où!
Je crois que c'est aussi valable pour l'art en général d'ailleurs
Je crois que c'est aussi valable pour l'art en général d'ailleurs
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
- Spoiler:
- Lettre ouverte aux poètes
Poétesses, Poètes,
J’en ai assez.
Vous me fatiguez.
J’en ai assez de recevoir des messages d’insulte parce que je n’ai pas reproduit sur Poesiemaintenant les textes que vous m’avez envoyés sans que je vous les aie demandés.
J’en ai assez de vos caprices de divas, de vos petits cris de bêtes blessées, de vos gémissements de princesses au petit pois, de vos éructations lorsque votre dernier chef d’œuvre n’a pas encore fait l’objet d’une note de lecture détaillée dans la revue à laquelle vous aviez fait l’honneur d’un service de presse mielleusement dédicacé. J'en ai assez de vos hurlements de rage lorsque vous vous apercevez que vous ne figurez pas dans telle ou telle anthologie (car bien sûr, votre premier réflexe a été de vous précipiter sur le sommaire pour y chercher votre nom).
Depuis trente ans que je vous fréquente, j’en ai assez, oui, j’en ai assez de vous. Je n’aurais jamais cru cela possible, lorsque, à 20 ans, je dévorais vos recueils, lorsque, enthousiaste mais désargenté, je m’endettais à m’abonner à toutes les revues qui me tombaient entre les mains, lorsque je relisais vos poèmes à m’en faire sauter les yeux, lorsque je les récitais à enrouer ma voix parmi mes très patients amis. Je ne savais pas, alors, qu’une formation en psychiatrie m’aurait été bien plus utile pour fréquenter certain(e)s d’entre vous.
J’en ai assez de vos sautes d’humeur, de votre flagornerie envers quiconque possède une once de pouvoir, de vos finasseries à la petite semaine, de votre misérable géopolitique, de vos picrocholins conflits.
J’en ai assez de ces Foires aux Vanités que sont devenus les mille et un « Marchés de la Poésie » de France et de Navarre, de Belgique wallonne et de Suisse romande, où l’on vous retrouve régulièrement, errant de stand en stand vos manuscrits à la main, ignorant superbement les recueils et revues étalés devant vous, sur ces tables que les éditeurs et revuistes ont mis tant de temps à installer.
J’en assez de vos querelles infinies au sujet d’une note de trois lignes à la 49ème page d’une revue publiée il y a six mois à 175 exemplaires.
Et, oui, j’en ai assez des sautes d’humeur de x, y, z …, de leurs compliments dithyrambiques suivis bien vite de récriminations et trop souvent de harcèlement.
Reste, heureusement, l’essentiel - l'essentielle : la poésie. « Cette émotion appelée poésie » disait (dit toujours) Reverdy. On la rencontre, quelquefois, au détour d’un poème, et peu importe alors qui a écrit ce poème. Elle m’a longtemps permis de vous supporter.
Plus maintenant.
Alors, maintenant, je ne veux plus connaître qu’elle.
Lire deux vers et laisser en soi résonner, longtemps, leur musique et leur mystère. Ne surtout pas chercher à rencontrer celui ou celle qui les a écrits. « Vouloir rencontrer un auteur dont on admire l’œuvre », murmurait Somerset Maugham, « c’est un peu comme, pour un amateur de foie gras, vouloir rencontrer l’oie. »
Poètes invivables, poètes indispensables. Vous êtes le sel de la Terre, vous êtes le chiendent du quotidien. Il faut vous fuir. Il faut vous lire.
Fidèlement,
malgré tout,
non à vous
mais à cette part d’essentiel que vous portez en vous,
et dont bien trop souvent vous n’êtes pas dignes,
Pierre Maubé.
Lundi 13 septembre 2010.
à découvrir aussi sur France culture
Pierre Maubé est un grand passeur, une figure incontournable de la poésie (sur internet en particulier) d'aujourd'hui
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
écrire c'est comme se raser. On saigne plus qu'on ne souffrre.
c'est de pete dexter
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Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Un peu particulier cette fois puisqu'il s'agit du journal d'Albane Gellé tenu lors d'une de ses résidences pour écrire Quelques
Cela vient de remue.net
Cela vient de remue.net
- Spoiler:
27 septembre 2002, et les jours qui suivent
trouver une direction, il faut que je trouve quelque chose sur quoi je m'appuie pour entrer en contact avec les gens, au début.
drôle d'aventure pour moi qui me sens si souvent handicapée de la parole.
de toute façon, je ne viens pas pour expliquer quoi que ce soit, c'est écouter qui m'amène, non, entendre, c'est difficile, mais ça me va.
justement, tiens, si je venais avec ce qui me questionne tant, qu'est-ce qui se dit, de quoi on parle - les bruits les mots, les siens ceux des autres - les langages les conversations les paroles échangées - ce qu'on se dit entre voisins, à deux, à trois, à dix, à table, en famille - de quoi il est question quand on se croise dans l'ascenseur, lors des réunions d'immeuble, dans les fêtes, les soirées - ce qu'on se dit à soi - ce qu'on entend des autres - à travers les murs, les fenêtres, au café…
oui
conversation avec Yann : le gardien, Georges Dupuy, est au milieu de tout ça, il fera le lien entre tous ces habitants qu'il connaît bien apparemment. Moi, je ne connais personne, d'ailleurs, l'objet est-il de faire connaissance avec des gens ? Quel est l'objet comme on dit ? Pas d'objet en fait, seulement des gens, dont moi. Bon, récapitulons. Il s'agit de quoi exactement? Aller rencontrer des gens chez eux, leur demander de quoi ils parlent dans leur vie, comment ils se parlent, ce qu'ils entendent.. Noter tout ça j'imagine, emmagasiner, se souvenir de tout, pour écrire. Mais je ne vais pas faire des récits de vie moi, bon pas de panique, on verra bien.
22 novembre 2002
Première journée vraiment dans le Blosne. Les trois premiers rendez-vous ont été calés l'après-midi, 3ème étage d'abord, puis 4ème, puis 10ème…je prend les deux ascenseurs, celui de droite, celui de gauche. Il y en a un pour les numéros pairs et l'autre pour les numéros impairs. C'est drôle, certaines personnes ne se retrouvent en fait jamais ensemble dans l'ascenseur. Je débarque.
J'écoute, j'entends, on me reçoit avec une certaine curiosité, très gentiment, on me parle, beaucoup, j'ai à peine le temps de d'annoncer ma "direction" fixée : le, les langages..
Pas vraiment à l'aise. Envie soudaine d'ouvrir toutes les portes, de redescendre, de quitter le Blosne, de quitter Rennes, de revenir chez moi, tranquille, seule, silence.
Mais je ne suis plus une enfant voyons, je raisonne cette montée de cafard.
Une fois sortie de l'immeuble, je cherche un coin pour me poser, être seule. Mais tous les coins de pelouse son occupés, et il y a du monde aux fenêtres, au secours.
Un café, le Sofia, tant pis pour les mille regards d'hommes qui m'arrivent en une seconde, je rentre. Un café s'il vous plait.
Bon, ça y est, on m'a oubliée, je vais noter ce que j'ai entendu, ce dont je me souviens en tous cas, j'ai l'impression que ça ira mieux après.
On vit entre nous dans la tour
Ç a fait quinze ans qu'on habite sur le même palier et on ne se connaît pas
C'est des coups à s'engueuler à parler de sujets comma ça
Et puis la vie au Sofia prend le dessus, je suis dans ce café, je me mets à noter tout ce que j'entends dans ce café.
- tu dors qu'une heure par nuit ?
- oui, et encore y faut que j'ai un coup dans le nez, sinon, j'arrive pas à dormir du tout.
Il pleut Reneu, si tu sors tu vas creveu
" Salut jeune homme" (c'est le patron du bar qui s'adresse à un homme d'environ 65 ans), juste à ce moment-là, sur Nostalgie, Michel Sardou entame sa Maladie d'amour !
le beaujolais nouveau est arrivé…
Comment ça va ? Toujours mieux que le temps, de toute façon, on n'a pas le choix, faut faire avec.
Faut pas chercher à comprendre, faut laisser faire
Enerve pas mes nerfs
Un représentant en distributeurs de papier toilette arrive, costume cravate, il dépareille. 39,75 euros les 2 700 feuilles de papier essuie-main (15 paquets de 180 feuilles), ce qui fait 0,01 centime d'euro la feuille pour s'essuyer les mains (12 centimes de francs anciens TTC) - c'est cher - non, c'est pas cher - Ou alors, 44, 90 euros les 6 bobines, ce qui vous fait la bobine à 7,48 euros (format 20x38 cm) - je ne veux pas de produits parfumés, je veux le bas de gamme - oui bien sûr, on ne fait pas de produits parfumés, ce serait malvenu.
Je retourne dans l'immeuble.
Comment je fais avec ce qu'on me dit de telle ou telle personne ? Je veux pas entendre ça moi. Zut.
Les étrangers quand ils parlent leur langue, c'est nous qui sommes les étrangers
Ah lala c'est énorme ça. On devient con quand on se sent exclu, non ? Bref, t'es pas là pour faire des commentaires.
Ce sont les enfants et les chiens qui font le lien entre les gens, quand on se retrouve seul, on ne rencontre plus personne.
Dans l'ascenseur ? on se dit bonjour, on parle de la météo, c'est tout le plus souvent, ou alors des soucis, ou des enfants qui ont grandi, pas de choses approfondies.
Je fais passer le temps
On reste chez soi
On regarde la télévision en discutant
Ç a occupe
La journée est moins longue si on n'est pas tout seul
Une fois, j'ai été dérangé à 1 heure du matin, maintenant je débranche l'interphone
Est-ce que ça se dit qu'on a failli péter les plombs, et à qui sur le coup ?
On parle toujours avec les mêmes
Tiens, je ne sais pas encore ce que je vais écrire, mais j'appellerai bien ça "les enfants ont grandi", pour une fois que j'ai une idée de titre !
On ? tu ? ils ? je ?
Envie de dire : Madame, Monsieur. Envie d'écrire des lettres.
27 novembre 2002
Texte pour Yann, précisant le projet :
Les oreilles les yeux la bouche - pour écouter vivre le Blosne - rencontrer ses habitants - les écouter parler de ce dont ils parlent, de ce dont ils ne parlent pas - les bruits les mots qui circulent dans l'ascenseur, sur le parking, dans le café, sur les paliers des appartements - entendre les conversations entre voisins, entre amis, pas voler, seulement recevoir les mots donnés - entrer dans les langages - chercher quelle langue à moi ira pour écrire tout ce que dans les oreilles, tout ce que dans les yeux, tout ce qui m'a traversée touchée interrogée.
Ne pas m'obliger à répéter rendre compte résumer, me laisser la liberté d'interpréter
5 décembre 2002
Cherry FM, et une télé comme au cinéma. Toutes ces poupées de collection, seules silencieuses, pendant que le chien aboie, que les enfants claquent les portes.
Un jour, un voisin a fait circuler une pétition pour nous déloger, vous vous rendez- compte ?
Je ne me rends pas bien compte, non.
On parle de quoi ? des enfants, de ce qui est arrivé à untel, des accidents, des choses de l'actualité, de ce qui se passe dans le quartier, on ne parle pas de soi finalement.
Dans l'ascenseur, les silences sont pesants quelquefois.
Je ne me verrais pas vivre ailleurs
Le soir, on reste chez soi
Besoin de marcher. Tour du Blosne. Bar le Landrel, je passe devant, arrive pas à entrer, dix regards d'hommes, et puis j'aime pas quand les yeux sortent de leurs orbites comme ça. Je préfère le Sofia. Bar le St Elisabeth, le sens pas non plus. Je continue de marcher. Passe devant l'hôpital, le parking est plein. Pourquoi les parkings d'hôpitaux sont-ils toujours pleins? Passe devant une école, les instits pendant la récré de long en large dans la cour, regardent plus guère les enfants. "Parc des Balkans", on dirait qu'ici trois arbres suffisent pour faire un parc. Rue de Roumanie, rue de Yougoslavie…je consulte le plan que Yann m'a donné, pour une fois je ne me perds pas. Allez, je retourne au Sofia, me poser un peu.
Nostalgie, toujours. Une chanson, comme j'arrive : "on laisse tous un jour un peu de notre vie sur une table de café, on dit salut on commande un demi et on refait le monde….", ça me fait sourire, je ne sais pas qui est le chanteur. De la baie vitrée, j'aperçois les 4 derniers étages de l'immeuble, et un petit arbre. Le billard a quelque chose de tragique dans son bruit de boules. Les voix, les boules de billard, la radio.
Je m'en vais. Avant de revenir dans l'immeuble, je me remets à marcher, j'ai un peu de temps.
Je croise des gens qui se mettent à sourire et à parler en caressant un chien. Je me souviens: Les enfants et les chiens.
Code de l'immeuble. Je passe devant les 43 boites aux lettres, les deux ascenseurs. Bonjour.
Ici quand il y trop de bruit, on tape avec une barre de fer sur les tuyaux, toute la tour en profite. Le soir, on entend les enfants rentrer de l'école, les gens rentrer du travail, on sait quelle heure il est. On entend les enfants courir au plafond, on ne peut quand même pas les empêcher de courir.
Une nuit, les poubelles ont cramé, c'est des gens de l'extérieur, c'est comme les tags.
Moi, je veux devenir gendarme pour arrêter toute cette violence
6 décembre 2002
On m'ouvre la porte de l'appartement, et j'entends une femme dans la cuisine qui dit "j'ai rien à dire, moi". Son mari est gêné, je dis que je peux revenir plus tard, mais non, venez, il me fait rentrer. La femme reste dans la cuisine pendant une demi-heure que je suis là avec son mari. Je la vois fumer une cigarette, en transparence avec la vitre. Elle répond de temps en temps à son mari qui la sollicite, par un oui ou par un non.
Au pot du 1er de l'an, on discute le bout de gras.
Plus de 30 ans que j'habite là, mais avec le boulot, je partais tôt, je rentrais tard, je rencontrais personne.
C'est madame qui fait les courses
Il y a tout ce qu'il faut par ici. Faut vraiment qu'on ait quelque chose de précis à faire à Rennes pour aller en ville.
Les enfants ont grandi et aujourd'hui dans l'ascenseur c'est à peine s'ils se disent encore bonjour. Dans l'ascenseur de toute façon, quoi d'autre après bonjour quel temps fait-il comment ça va. On parle de sa femme qui est malade des voisins du dessous qui ont divorcé des travaux aux fenêtres qui n'en finissent pas des poubelles qui ont brûlé la semaine dernière. On parle de ce qui arrive aux autres, on parle de sa machine à laver qui a débordé, on parle du monde comme si on n'en faisait pas partie, si peu de soi. On protège sa vie. Pourtant les agressions les agresseurs ils arrivent de l'extérieur, ici c'est tranquille et les ragots sont raisonnables.
Je gribouille.
12 décembre 2002
Jus de pomme. Merci.
Je continue à dire à mes enfants ce que mon père me disait.
Quand je suis ici longtemps, je me dis que là-bas doit être mieux. Et puis quand je suis là-bas, je regrette ici !
On parle entre nous, marocains, iraniens
Dans la tour, ça va, tranquille. La violence, elle est plus loin.
J'ai un peu serré les enfants pour ne pas qu'ils tournent mal. Jamais la police est venue sonner à ma porte.
On entend toujours des bruits ici. Quand on est en haut, on a l'impression que ça vient d'en bas, et quand on est en bas, on a l'impression que ça vient d'en haut !
Idée de construction pour des textes qui partiraient dans deux directions: les habitants du Blosne d'un côté et moi de l'autre, étrangère, de passage, ce que j'y fais, ce que ça bouge..?
Non.
Quand on sera morts, les locataires suivants n'auront que le petit bout de tapisserie de l'entrée à refaire.
Le chat ? pourtant il connaît la campagne, mais ça va, il regarde au balcon.
Découragée, je suis découragée
Avec quel argent faire ce que je voudrais faire
Il faudrait mieux rencontrer mon mari pour ces choses-là, moi je n'ai rien d'intéressant à dire.
Et moi dans tout ça ?
Lâcher prise, noter les mots, les paroles, c'est tout. Pas se laisser gagner par la révolte, la colère, la tristesse.
Je file je file j'ai pas grand chose à dire et puis à force on n'entend plus vous savez
C'est le soir, il fait noir. Moitié pas rassurée de retraverser le quartier. Devant l'immeuble, un couple se déchire. Elle hurle "y'en a marre tu m'entends, MARRE. Et tu sais le jour où j'en aurais plus que marre, tu sais ce que je vais faire?" Les chiens en laisse du coup écoutent crier, sans doute qu'ils n'auront pas leur promenade. Je marche vers la métro. Aux fenêtres allumées, je vois les télés reflétées dans les volets, ça va vite les images.
13 décembre 2002
je viens de la campagne, un vrai petit paradis.
Je regrette rien, mais je vais retourner à la campagne c'est sûr.
Quand je suis arrivé, on m'a pris pour un gendarme !
Je me souviens de choses pas drôles, d'enfants paniqués, qui sonnaient à tous les étages. Les portes s'ouvrent pas.
Avant, je voyais des scènes à la télé, j'y croyais pas, maintenant que je vis là, je les vois en vrai ces scènes.
Enorme cet amour pour les gens, cette façon de parler de la richesse de la diversité, des odeurs du monde entier qui se mêlent, malgré tout. Je vais prendre un café au Sofia. Un homme tout seul parle à sa bière, on dirait qu'il est aveugle. Les mots "insupportable humanité" me traversent. Je regarde l'oiseau dans l'arbre en face, à mille lieux de toutes ces vies, de tous ces appartements.
Je rentre au Triangle, il y a un colloque de psychiatres, avec des stands de médicaments anti-dépresseurs, vantés par un monsieur en cravate. Décalages, tous les jours. Il faut être costaud pour pas tomber. Je pense à tous ces territoires en somme, qui à aucun moment ne se touchent. Je revois l'homme qui titubait près du bar tout à l'heure qui reprenait la chanson de Johnny Halliday en s'adressant à la fille du bar "laisse moi t'aimer" il lui disait. La fille riait. C'est la seule fille du café, toujours.
Sentiment partagé entre : être dans le monde, avec les autres, etc.. et se retirer du monde, faire son bonheur sur son territoire à soi..
Avant i avait un qui disait qu'on faisait du bruit, i tapait sur le mur la nuit, même pendant les vacances, on était partis, et i disait toujours qu'on faisait du bruit, iavait comme un problème là. i voulait nous faire expulser; le gardien nous a dit de rester, mais ça devenait infernal. Maintenant il est parti, ça va maintenant. j'arrivais pu à dormir, ça va maintenant, y'a pu de problème, ça va. on partirait pour aller où. Les filles préfèrent être là qu'à la campagne, hein les filles? La plus petite elle a des problèmes elle sait pas lire elle a 8 ans elle est dans une classe spéciale. Aller au café, c'est pas not'genre. Le soir on reste là, on n'aime pas trop sortir, et pis je travaille toutes les nuits de toute façon.
Je regarde sur le mur, une photo de jeunes mariés, je ne reconnais ni l'homme ni la femme.
Je ressors avec le sentiment d'une immense détresse. Est-ce que c'est moi qui l'invente cette détresse ? On me dit souvent "quel regard noir dans ce que tu écris".
Non, je ne suis pas d'accord, la détresse, elle est là, en face, zut, j'invente rien. Et puis mon regard n'est pas noir, vraiment. Re-zut.
Devant les boites aux lettres, c'est un lieu pour se parler. Des personnes arrivent parfois une demi-heure avant l'arrivée du facteur, et elles restent encore une demi-heure après. C'est pour beaucoup le seul moment dans la journée pour parler à quelqu'un.
J'ai RV maintenant avec une femme, en cachette de son mari.
Il ne voudrait pas que je vous parle, sans lui.
De toute façon, j'ai moins de choses à dire que les autres. Il y a la barrière de la langue. On se dit bonjour au revoir, on ne connaît pas forcément tous les noms mais on connaît tous les visages. Un jour, mon fils m'a appris qu'un monsieur était mort dans l'immeuble une semaine après sa mort. Quand je dis que peut-être on serait mieux ailleurs, les enfants me répondent qu'ils veulent rester ici. J'aimerais retourner plus souvent dans mon pays, la dernière fois c'était il y a dix ans, pour la mort de mon père. Mon mari, lui, a toute sa famille en France.
7 janvier
Quand les enfants étaient petits, les parents se rencontraient. Quel âge a-t-il ? Ah, comme la mienne. Elle a redoublé et maintenant elle est dans une classe spéciale. Elle a huit ans et elle ne sait pas lire, c'est pas normal vous comprenez ?
Quand les enfants étaient petits, ça en faisait du boucan quelquefois, mais on ne peut quand même pas empêcher les enfants de courir n'est-ce pas ? Et les portes. Avec les portes, on sait le jour, l'heure et le temps qu'il fait, on sait quand les gens reviennent du travail, quand les enfants rentrent de l'école, les portes ça claque, à se demander s'il y en a qui ne font pas exprès. De toute façon, on n'entend pas mal de bruits. Dans certains endroits, comme les toilettes par exemple, on comprend une conversation 3 étages plus loin, qu'est-ce que vous dites de ça.
***
L'heure du facteur c'est important dans une journée, ça mérite de descendre en avance, des fois qu'il se tromperait le facteur dans toutes ces boites aux lettres. Et puis en attendant, on discute le bout de gras, ça fait passer le temps. En remontant ça sent la cannelle le curry ou la soupe de poireaux, c'est paisible, il y a tout sur place, et puis on partirait pour aller où ?
***
C'est mon mari qui sait pour ce qui est de parler. C'est à mon mari qu'il faut s'adresser pour toutes ces choses-là, c'est lui qui décide à qui je dois parler, c'est établi comme ça. Madame, nous sommes en l'année 2003, vous êtes très jolie, et vous me donnez envie de pleurer.
***
Quand on sera morts côté travaux, il n'y aura plus grand chose à faire dans cet appartement, peut-être la tapisserie de l'entrée à la limite.
Madame monsieur, y a-t-il un âge, un jour de la semaine pour vendre les poupées en porcelaine sur les étagères ? Peut-on quitter le Blosne ?
Non, ça ne va pas, j'arrive pas à me détacher des paroles des gens. C'est comme si leurs mots exacts revenaient dès que je me mets à écrire.
9 janvier 2003
Aujourd'hui, je rencontre le mari de la femme…
Ici ça va. Il faut aller ailleurs pour entendre des histoires, dans d'autres quartiers. J'ai arrêté de fumer et de boire, pour montrer le bon exemple aux enfants. C'est un quartier tranquille, pas de racisme. On est civilisés maintenant, on est plus des sauvages! On ne sort pas beaucoup.
Un petit tour au Sofia, allez.
Johnny Halliday chante qu'il a oublié de vivre. Ça me fait rire. Je rentre à fond dans la chanson..j'ai un peu honte.
Retour à l'immeuble
Ici ou ailleurs…
Je reste dans l'appartement, je m'occupe, je fais des maquettes de bateaux.
On finira nos jours au bord de la mer.
C'est le ciel, la vue sur le soleil couchant qui me fait rester ici.
Les chiens parfois n'attendent pas d'être arrivés en bas pour pisser.
Il y a toujours des mégots dans l'ascenseur, dans l'escalier, c'est quand même pas difficile de respecter les lieux.
Les enfants s'adaptent vite, plus vite que nous.
Je ne me déplais pas, "question de ça".
Mais on n'est mal "envoisinnés".
Je ne parle à personne, je reste chez moi, je suis comme ça, je trouve toujours de quoi m'occuper. On m'avait dit avant que j'arrive qu'une tour, c'était pire qu'une prison. C'est vrai, on n'est pas libre dans une tour. Si les enfants jouent, si on reçoit des amis, si on met de la musique, ça tarde pas, les coups de balais sur les radiateurs. Je ne suis pas une méchante femme. Il y a trop de changement dans les locataires. Avant, c'était bien, on s'invitait, plus maintenant. Je ne donne ma clé à personne.
Mon mari est resté en Iran. On n'y va pas, on a peur de rester coincé là-bas.
Une petite fille vient me montrer une rédaction qu'elle a faite et dans laquelle elle a écrit : "Dans les yeux des gens, il y a des jardins secrets. Chaque être humain a besoin de s'isoler. Le silence apaise les sens".
Ça me fait un bien fou. Je lui dis que je trouve ça très juste. Elle retourne à son goûter.
Je change encore d'étage, de visages, de pays.
On retourne chaque année en Bulgarie,
pour reprendre de l'énergie.
Ici tout en haut, il y a une belle vue, et de l'air. Pourtant j'étouffe.
Là-bas, je faisais plein de choses, ici je me mets devant la télé.
Dans l'appartement, plein de livres enfin, un gros chien, l'apéro. A bientôt, oui.
Des années que je suis malade. Plus le droit de travailler. Les médecins l'ont interdit.
Ma femme, elle est timide, elle a rien à dire. Elle s'occupe des enfants, de la cuisine. On est tranquilles. Tout est payé. Les assistantes sociales, l'état. Je finirai mes jours ici. Je n'ai pas peur de la mort, c'est la vie.
Le travail le travail l'hôpital l'hôpital….mots qui résonnent encore, je reprends ma voiture.
30 janvier 2003
Tout plein de questionnements, partagés avec Yann.
De l'individuel au collectif…oui oui. Moi je ne suis pas dans cette langue-là. Encombrée. Pas détachée des gens, de leurs mots. Je colle, trop.
Je retourne à l'immeuble. Je note les mots que je lis sur les murs de l'escalier, comme ça.
Nique la France - Vive Le Pen - PD...
2 février 2003
elle a compris que le silence apaisait les sens il en a vécu des choses, à l'hôpital elle, à travers la porte, entend la télé il n' pas peur de la mort il a écrit Nique la France sur le mur d'escalier elle avait entendu dire qu'une tour c'était pire qu'une prison il a besoin qu'on vienne le chercher pour sortir il jette son mégot dans l'ascenseur il se dit qu'ici ou ailleurs de toute façon… elle trouve que la vie est trop chère il se plaint du manque d'activités elle obéit à son mari il aime les odeurs de curry en faisant son boulot elle, et ses poupées en porcelaine il sait qu'une nouvelle fait le tour des étages en moins d'une journée elle croit avoir moins de choses à dire que les autres il regarde les œufs durs sur le comptoir du bar il, un peu aveugle parle tout seul devant sa bière il se rappelle des portes fermées devant l'intolérable il est resté coincé un jour dans l'ascenseur il sert d'arbitre il croit maintenant ce qu'on voit à la télé elle file elle file elle va à toute allure elle rentre tard le soir, ne voit personne ils se sentent déjà vieux ils s'en tiennent à bonjour quel temps fait-il elle fume une cigarette toute seule dans la cuisinenon, je peux pas rester dans les listes.
21 février 2003
Je vois certaines personnes en cachette, trop de jalousie.
A la campagne, c'est trop monotone, ici, il y a toujours quelque chose qui bouge, une voiture qui passe, des enfants, des gens qui parlent.
J'ai mes petites habitudes.
Ce jour-là, deux mauvaises nouvelles, j'ai défoncé ma porte. Je cogne sur ce que j'ai devant moi, je peux plus m'arrêter, c'est plus fort que moi, ç'aurait pu être quelqu'un.
Mes oiseaux, c'est ma passion. La télé est allumée, mais souvent je ne la regarde pas, je regarde dehors, c'est plus intéressant.
Un café au Sofia. Le patron me le sert avec un p'tit chien sur l'épaule, il a l'air tout content. On discute un peu de ce que je fais dans le quartier, il m'invite à un couscous la semaine d'après, dans le café. Cherry FM au lieu de Nostalgie, ça change.
Immeuble.
Le métro, je ne l'ai pris qu'une fois, pour aller à l'hôpital. Il y a tout ce qu'il faut, ici, je ne vais jamais à Rennes. Je suis bien comme ça, avec mes manies de solitaire. Depuis qu'il fait beau ces jours-ci, il y a des soleils levants magnifiques. S'il fallait choisir de changer une chose dans l'immeuble, ce serait refaire la cage d'escalier.
J'ai pas le temps de m'arrêter pour écouter des textes vous comprenez. En ville, c'est plus pratique, et puis les enfants préfèrent. On est très "famille". Pas retournés au Vietnam depuis qu'on est arrivés, il y a 20 ans. Le voyage, c'est trop cher, et puis on ne peut pas laisser les enfants. Quand on sera vieux, peut-être. Ici, c'est tranquille, tout le monde est gentil, on se dit bonjour, pas de problème. On va bientôt déménager, pour aller dans l'immeuble à côté, là.
28 février
Je ne dis pas bonjour à certaines personnes, j'ai des raisons valables.
Ils m'offrent un café, sans en prendre eux-mêmes. Je me sens loin de chez moi tout à coup.
Au Sofia, autour d'une choucroute (qui a finalement remplacé le couscous !), le patron me dit "j'ai beaucoup d'intellectuels dans mes clients".
La vue est tellement belle ici.
J'apporte des plats que j'ai préparés aux voisins.
Je parle aux gens, quelquefois ce que j'entends, ça me donne envie de pleurer.
Voulez-vous un thé ?
Pause
Il faut que je fasse une pause.
Ne plus aller à Rennes.
Ne plus rencontrer tous ces gens.
Ne plus entendre leurs mots.
Tout oublier, pour écrire, enfin.
Une envie de silence, de campagne, de solitude.
Plus que d'habitude encore.
© Albane Gellé
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
J’essaie de remonter une trace
dans une langue qu’on ne parle plus,
où ma voix depuis l’enfance
s’est perdue.
Alain Veinstein, Voix seule, Seuil, 2011, p. 66
dans une langue qu’on ne parle plus,
où ma voix depuis l’enfance
s’est perdue.
Alain Veinstein, Voix seule, Seuil, 2011, p. 66
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
La poésie est une machine à hacher par-dedans les labyrinthes et les distances. Et les mots qui la composent - des signes de reconnaissance pour ceux qui cherchent à voir en deçà de l’ordre des choses. Autrement dit, la poésie ressemble à un énorme haut-parleur qui fait ressortir, des couches fossiles de l’âme humaine, l’énergie intarissable de la tornade du premier battement de cœur. Aussi une guérilla poétique, fondée sur le talent, l’enthousiasme et la force des poètes francophones, peut-elle toujours lutter contre la réalité en détresse du monde moderne, afin d’anéantir le culte du banal, l’écriture à profil people, les préjugés, l’immobilisme et les lieux communs. Mais pour que la poésie se change en machine de guerre, il faut que sa descente dans le quotidien soit frappante, il faut qu’elle décoiffe ! J’ai toujours cru qu’un véritable commando poétique a le courage et la vigueur nécessaire pour donner un nouveau visage à la littérature, pour remuer la vie de l’intérieur et pour dévoiler un monde où l’on peut vivre sans devoir enfiler tous les jours une chemise de kevlar.
Linda Maria Baros
http://www.lindamariabaros.fr/poemes_de_Linda_Maria_Baros.html
Linda Maria Baros
http://www.lindamariabaros.fr/poemes_de_Linda_Maria_Baros.html
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Albane Gellé, Ecrire, Pourquoi ?
« Enfant, si je n’avais pas écrit, les mots auraient fait peut-être une boule à l’intérieur. Une boule d’informulés. C’est contre la parole que j’ai d’abord écrit. Contre la parole vidée, faussée, inhabitée, assénée autour de moi. Et puis contre mon silence aussi : écrire, un bras de fer entre lui et moi. Ecrire, un lieu refuge, dans lequel j’étais en sécurité, libre d’y inventer ma langue, libre d’y poser –porter – mes silences.
Aujourd’hui c’est différent bien sûr. Non seulement je n’écris plus en cachette, mais je publie ce que j’écris : pour ne pas rester encombrer dans mes chantiers, pour continuer d’avancer.
J’écris parce que ma langue de parvient à ce faire que dans ce cheminement-là, avec mes libertés d’attention au monde, avec les heurts les mouvements les étonnements que dehors provoque au-dedans. Avec la solitude pour rejoindre mes brouillons, le silence de cette solitude, et le travail en creux qui cherche les formes justes pour un poème par exemple. Avec, une fois le texte « achevé », de nouvelles permissions et d’autres possibles.
La matière-langue a besoin de tellement de temps pour trouver ses situations et ses formes d’existence. Les trains les avions les décisions des hommes, les vies vont vite et écrire me pose, là, sans mensonge. Ecrire prendre le temps d’accueillir mes opacités aussi bien que mes clartés. Sans tri anticipé.
J’écris pour accueillir, et j’écris pour donner – parce que je sais bien comment lire nourrit, transforme, construit. J’écris pour faire apparaître, rendre visible ce que j’ignore du monde et de moi-même. Pour que ma manière de dire le monde finisse par retourner au monde.
Parce que mes mots que je parle sont comme mille poulets voulant sortir en même temps par une toute petite porte. Il y en a qui s’écrasent les uns contre les autres, d’autres qui se retrouvent dehors d’un seul coup, isolés, surpris, d’autres qui restent bêtement coincés en paquets, ne sachant plus où est la sortie, ni pourquoi ils voulaient sortir.
Ecrivant, j’ai le temps de recevoir ce désordre, sans paniquer, ce désordre. Ils sont longs les fils à l’intérieur, et pas toujours démêlés. Pourtant, même s’il fait noir devant et que je n’y vois goutte, j’y vais, j’écris, je marche, avec une certaine confiance oui. Personne n’est en face de moi pour exiger une cohérence immédiate, il n’y a donc pas d’urgence à produire du sens. Ouf. »
(vous dites si vous en avez marre ^^)
« Enfant, si je n’avais pas écrit, les mots auraient fait peut-être une boule à l’intérieur. Une boule d’informulés. C’est contre la parole que j’ai d’abord écrit. Contre la parole vidée, faussée, inhabitée, assénée autour de moi. Et puis contre mon silence aussi : écrire, un bras de fer entre lui et moi. Ecrire, un lieu refuge, dans lequel j’étais en sécurité, libre d’y inventer ma langue, libre d’y poser –porter – mes silences.
Aujourd’hui c’est différent bien sûr. Non seulement je n’écris plus en cachette, mais je publie ce que j’écris : pour ne pas rester encombrer dans mes chantiers, pour continuer d’avancer.
J’écris parce que ma langue de parvient à ce faire que dans ce cheminement-là, avec mes libertés d’attention au monde, avec les heurts les mouvements les étonnements que dehors provoque au-dedans. Avec la solitude pour rejoindre mes brouillons, le silence de cette solitude, et le travail en creux qui cherche les formes justes pour un poème par exemple. Avec, une fois le texte « achevé », de nouvelles permissions et d’autres possibles.
La matière-langue a besoin de tellement de temps pour trouver ses situations et ses formes d’existence. Les trains les avions les décisions des hommes, les vies vont vite et écrire me pose, là, sans mensonge. Ecrire prendre le temps d’accueillir mes opacités aussi bien que mes clartés. Sans tri anticipé.
J’écris pour accueillir, et j’écris pour donner – parce que je sais bien comment lire nourrit, transforme, construit. J’écris pour faire apparaître, rendre visible ce que j’ignore du monde et de moi-même. Pour que ma manière de dire le monde finisse par retourner au monde.
Parce que mes mots que je parle sont comme mille poulets voulant sortir en même temps par une toute petite porte. Il y en a qui s’écrasent les uns contre les autres, d’autres qui se retrouvent dehors d’un seul coup, isolés, surpris, d’autres qui restent bêtement coincés en paquets, ne sachant plus où est la sortie, ni pourquoi ils voulaient sortir.
Ecrivant, j’ai le temps de recevoir ce désordre, sans paniquer, ce désordre. Ils sont longs les fils à l’intérieur, et pas toujours démêlés. Pourtant, même s’il fait noir devant et que je n’y vois goutte, j’y vais, j’écris, je marche, avec une certaine confiance oui. Personne n’est en face de moi pour exiger une cohérence immédiate, il n’y a donc pas d’urgence à produire du sens. Ouf. »
(vous dites si vous en avez marre ^^)
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
J'ai ceci (hi hi hi) dans mes archives :
Voltaire Correspondances choisies – Livre de poche 1990
p. 92 lettre à Louis Racine 14 mai 1736
Extrait …..
Je ne sais pas si quelque abbé Pellegrin ou quelque misérable puriste s'est donné l'attention ridicule de rechercher s'il y avait là un i grec; ce que je sais, c'est que le vers et non la rime est très répréhensible. Le feu du cœur"d'un amant comparé à l'embrasement de Troie est un concetto digne du Marino. Il eût mieux valu faire rimer hallebarde avec miséricorde.
Vous m'allez répondre qu'il faut penser juste et rimer de même et que c'est ainsi que vous et votre illustre père en usez presque toujours. Illa debuit facere et ista non omittere, et je vous répondrai toujours qu'il faut rimer uniquement pour les oreilles, et que si on rimait pour les yeux paon oiseau rimerait avec mouton.
Pauvres barbares que nous sommes qui du mot augustus avons fait le mois d'août, qu'on prononce ou, à quoi le ferons ¬nous rimer?
Il y en a cent autres exemples.
C'est cette malheureuse contrainte qui fait dire à toute l'Europe que nous n'avons point de poètes, car le langage du théâtre où les Français ont excellé n'est point la véritable poésie, et les épîtres de Despréaux sont de la raison rimée sans imagination et sans beaucoup d'esprit et de grâces.
Quelle profusion d'images chez les Anglais et chez les Italiens! Mais ils sont libres, ils font de leur langue tout ce qu’ils veulent.
Illa debuit facere, facere et ista non omittere
Yfig- Nombre de messages : 72
Age : 75
Date d'inscription : 06/06/2011
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Je me demandais, en passant, si certains d'entre vous représentaient, composaient vos récits autrement que par des notes manuscrites ou tapuscrites à travers des tableaux, des schémas, des cercles, des figures, etc, bref toute autre représentation qu'une représentation linéaire ?
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
J'ai déjà intégré à plusieurs reprises dans mes écrits différentes formes graphiques, typographiques, ponctuelles ou dominantes, dont celles citées (toutes) et d'autres caractères.
Dans mon approche (globalement), la part « image » et visuelle est prépondérante, que ce soit dans l'écriture et sa visualisation (phase d'écriture) que dans la structure de l'écriture / l'apparence d'un texte / la mise en page.
Tout se lie et tout a son importance dans ce qui se transmet à la lecture.
Dans mon approche (globalement), la part « image » et visuelle est prépondérante, que ce soit dans l'écriture et sa visualisation (phase d'écriture) que dans la structure de l'écriture / l'apparence d'un texte / la mise en page.
Tout se lie et tout a son importance dans ce qui se transmet à la lecture.
Artnow- Nombre de messages : 286
Age : 47
Date d'inscription : 12/12/2010
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Un cours a été consacré à Valère Novarina, au Collège de France, l'an dernier. Malheureusement le podcast n'est plus visible, il fallait l'avoir enregistré dans les temps. Il me sera donc impossible de mentionner ici textuellement les propos, mais je peux en donner le sens, auquel personnellement j'adhère à mille pour cent :
La pensée, ce formidable mouvement incessant (aussi fugace que l'instant de "l'ici et maintenant") ne saurait être fidèlement traduite pour la simple raison que les mots, une fois posés sur le papier, ne sont plus qu'une somme de blocs inertes pendant que la pensée continue à galoper sans jamais se laisser capturer.
Le mot "enficelle" (ici un petit écart de langage, le verbe n'existe pas je l'invente) et par là même réduit, étouffe, souvent trahit la pureté de la source-pensée.
J'ai trouvé son propos tout à fait pertinent. Il faudra donc composer avec cette souffrance de l'impossible, et s'arranger pour inventer le bonheur d'écrire.
La pensée, ce formidable mouvement incessant (aussi fugace que l'instant de "l'ici et maintenant") ne saurait être fidèlement traduite pour la simple raison que les mots, une fois posés sur le papier, ne sont plus qu'une somme de blocs inertes pendant que la pensée continue à galoper sans jamais se laisser capturer.
Le mot "enficelle" (ici un petit écart de langage, le verbe n'existe pas je l'invente) et par là même réduit, étouffe, souvent trahit la pureté de la source-pensée.
J'ai trouvé son propos tout à fait pertinent. Il faudra donc composer avec cette souffrance de l'impossible, et s'arranger pour inventer le bonheur d'écrire.
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Très intéressant :
« La pensée, ce formidable mouvement incessant (aussi fugace que l'instant de "l'ici et maintenant") ne saurait être fidèlement traduite pour la simple raison que les mots, une fois posés sur le papier, ne sont plus qu'une somme de blocs inertes pendant que la pensée continue à galoper sans jamais se laisser capturer. »
Il est dans mes principales raisons d'écrire (et aussi de me rapprocher des autres / partager sur une même chose) de parvenir à saisir cette insaisissable : la pensée; afin de mieux la comprendre, l'appréhender, son fonctionnement, son cheminement, et de la matérialiser. Sans cet aspect je ne suis pas certain que j'écrirai parce que ça ne m'intéresserait sans doute pas assez pour y consacrer un peu de temps.
Capturer sa / ses pensées est possible mais cela nécessite sans doute une connaissance / compréhension assez approfondie de soi / de son fonctionnement, et des conditions d'écriture particulières pour la concentration, le calme, sans quoi il n'est pas possible d'être en prise avec sa / ses pensées.
J'écris tjr en immersion, et en l'absence totale de perturbations extérieures, le + souvent (« originalement ») avec un casque antibruit (bien qu'à la campagne) parce qu'une micro chose me déconcentre et tjr d'un trait. Si la structure du texte n'est pas finie dans ce trait, en général c'est poubelle parce que la reprise ne donne jamais rien de valable, les conditions d'écriture, les pensées du moment ayant changé.
« La pensée, ce formidable mouvement incessant (aussi fugace que l'instant de "l'ici et maintenant") ne saurait être fidèlement traduite pour la simple raison que les mots, une fois posés sur le papier, ne sont plus qu'une somme de blocs inertes pendant que la pensée continue à galoper sans jamais se laisser capturer. »
Il est dans mes principales raisons d'écrire (et aussi de me rapprocher des autres / partager sur une même chose) de parvenir à saisir cette insaisissable : la pensée; afin de mieux la comprendre, l'appréhender, son fonctionnement, son cheminement, et de la matérialiser. Sans cet aspect je ne suis pas certain que j'écrirai parce que ça ne m'intéresserait sans doute pas assez pour y consacrer un peu de temps.
Capturer sa / ses pensées est possible mais cela nécessite sans doute une connaissance / compréhension assez approfondie de soi / de son fonctionnement, et des conditions d'écriture particulières pour la concentration, le calme, sans quoi il n'est pas possible d'être en prise avec sa / ses pensées.
J'écris tjr en immersion, et en l'absence totale de perturbations extérieures, le + souvent (« originalement ») avec un casque antibruit (bien qu'à la campagne) parce qu'une micro chose me déconcentre et tjr d'un trait. Si la structure du texte n'est pas finie dans ce trait, en général c'est poubelle parce que la reprise ne donne jamais rien de valable, les conditions d'écriture, les pensées du moment ayant changé.
Artnow- Nombre de messages : 286
Age : 47
Date d'inscription : 12/12/2010
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
vous devez baiser le maximum de femmes
de belles femmes et écrire
le minimum de poèmes d’amour courtois.
et ne vous préoccupez pas de leur âge
et/ou des questions de talents.
simplement buvez de la bière
de plus en plus
et allez aux courses au moins une fois
par semaine
et gagnez
si possible
apprendre à gagner n’est pas à la portée
de tous-n’importe quel plouc
peut devenir un excellent perdant.
et n’oubliez pas ce cher Brahms
et ce cher Bach et cette chère
bière
mais pas de forcing
dormez jusqu’à midi
évitez les cartes de crédits
et aussi de payer
cash.
rappelez-vous qu’il n’y a pas un cul
dans ce vaste monde qui ne vaille plus
de 50$ (en 1977).
et si vous avez envie d’aimer
aimez-vous d’abord
mais en gardant
toujours à l’esprit la possibilité
d’une défaite complète
quelle qu’en soit la raison
fondée ou non-
un avant-goût de la mort n’est pas
nécessairement une mauvaise chose.
ne mettez pas les pieds dans les églises
les bars et les musées et telle l’araignée
soyez patients-
le temps est notre croix à tous
avec
l’exil
la défaite
la trahison
toutes ces saletés.
restez en tête à tête avec la bière.
chaque bière est comme du sang nouveau.
comme une maîtresse éternelle.
prenez une grosse machine à écrire
et comme si vous ne faisiez que
marcher et remarcher
attaquez-la
attaquez-la durement
comme si vous disputiez un combat de
poids lourds
comme le taureau quand il charge
et rappelez-vous les vieux chiens
qui se battirent si bien :
Hemingway, Céline, Dostoïevski, Hamsun.
et si vous croyez qu’ils ne sont pas
devenus fous
dans leur trou
comme vous êtes en train de le devenir
sans femmes
sans nourriture
sans espoir
alors vous n’ êtes pas encore mûr.
buvez encore plus de bière.
vous avez le temps.
et si ce n’est pas le cas
ce serait tout aussi
bien.
***
Charles Bukowski (1920-1994) – L’amour est un chien de l’enfer (Love is a Dog from Hell, 1977)
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Antoine EMAZ sur POEZIBAO le mercredi 09 janvier 2013 :
"Il faudrait peut-être distinguer entre s’exprimer et s’adresser. Le premier jet est expression pure, suée de vivre en mots. Du vécu sans mots se dit, tente de se dire, émerge ou fait éruption ou passe en langue, en matière langue, bloc ou flux de langue, c’est selon.
A ce stade, je suis passé d’un vécu muet, non pas sans puissance ni violence ni tension, à un texte. Images, sensations, sentiments, émotions ont fait pression sur la langue, l’ont déformée, l’ont reformée, l’ont bougée, malaxée, triturée… pour finir masse de mots sur la page. Je me suis exprimé, avec ou sans rage, mais je n’ai pas écrit un poème.
Reste à passer du texte au poème, c’est-à-dire un texte adressé, intégrant l’autre, le lecteur, et non plus seulement un texte qui n’est que démêlage grossier du méli-mélo entre moi et moi. A ce stade interviennent donc d’autres critères, même si le travail reste intuitif, instinctif. Je vise un poème, donc un objet de langue lisible par autrui et destiné à faire naître pour lui une émotion analogue, non pas identique, à celle qui m’a ébranlé au départ.
En fait, je menuise pour l’autre, à destination de l’autre, que je ne connais pas. Je vise une réception par le dehors. Aller au poème, c’est accepter d’intégrer dans le processus de création cette part de l’autre, cette question de la réception.
Il ne s’agit pas d’écrire pour l’autre, mais de tenir compte de l’autre. D’où la distance critique durant tout le temps de la menuiserie : je relis et corrige avec un double regard d’auteur-lecteur ; il s’agit d’être à la fois dedans et dehors, le plus familier et le plus étranger.
S’il y a bien travail esthétique, c’est parce qu’il s’agit de passer d’une expression pour soi seul à un partage. Et quelle que soit son apparence finale, même hirsute, épineuse, rebelle, mal dégrossie… le poème s’adresse, invite, appelle. Le lecteur reste bien sûr libre de répondre ou pas, de faire ou non ce bout de chemin de mots, mais je peux dire que j’ai fait mon travail."
"Il faudrait peut-être distinguer entre s’exprimer et s’adresser. Le premier jet est expression pure, suée de vivre en mots. Du vécu sans mots se dit, tente de se dire, émerge ou fait éruption ou passe en langue, en matière langue, bloc ou flux de langue, c’est selon.
A ce stade, je suis passé d’un vécu muet, non pas sans puissance ni violence ni tension, à un texte. Images, sensations, sentiments, émotions ont fait pression sur la langue, l’ont déformée, l’ont reformée, l’ont bougée, malaxée, triturée… pour finir masse de mots sur la page. Je me suis exprimé, avec ou sans rage, mais je n’ai pas écrit un poème.
Reste à passer du texte au poème, c’est-à-dire un texte adressé, intégrant l’autre, le lecteur, et non plus seulement un texte qui n’est que démêlage grossier du méli-mélo entre moi et moi. A ce stade interviennent donc d’autres critères, même si le travail reste intuitif, instinctif. Je vise un poème, donc un objet de langue lisible par autrui et destiné à faire naître pour lui une émotion analogue, non pas identique, à celle qui m’a ébranlé au départ.
En fait, je menuise pour l’autre, à destination de l’autre, que je ne connais pas. Je vise une réception par le dehors. Aller au poème, c’est accepter d’intégrer dans le processus de création cette part de l’autre, cette question de la réception.
Il ne s’agit pas d’écrire pour l’autre, mais de tenir compte de l’autre. D’où la distance critique durant tout le temps de la menuiserie : je relis et corrige avec un double regard d’auteur-lecteur ; il s’agit d’être à la fois dedans et dehors, le plus familier et le plus étranger.
S’il y a bien travail esthétique, c’est parce qu’il s’agit de passer d’une expression pour soi seul à un partage. Et quelle que soit son apparence finale, même hirsute, épineuse, rebelle, mal dégrossie… le poème s’adresse, invite, appelle. Le lecteur reste bien sûr libre de répondre ou pas, de faire ou non ce bout de chemin de mots, mais je peux dire que j’ai fait mon travail."
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
Antoine Emaz suite de son feuilleton (extraits) sur Poeziebao:
(J'aime ce regard, cet humour léger qu'il porte sur la poésie dans l'écriture et dans la vie)
11 01 13
"Un énoncé simple est un énoncé qui se dissout en tant qu’énoncé ; il ne reste dans la tête du lecteur que le sens. Un énoncé complexe résiste à cette dissolution, de par sa forme anormale, ou de par sa difficile réduction immédiate à un seul sens clair reçu pleinement, 5/5.
Si cette distinction vaut quelque chose, le poème est à l’évidence un énoncé complexe, tant parce qu’il résiste dans son travail de langue, que parce qu’il n’est jamais reçu 5/5, mais toujours en-deçà ou au-delà. Par exemple 3/5 ou 8/5.
Dans une réception 3/5 on a compris un sens clair mais on sent qu’il reste des marges d’ombre, qu’il faut relire, que l’on n’a pas épuisé l’énoncé.
Dans une réception 8/5, on saisit plusieurs sens clairs possibles à la fois ; on est dans le trop, sans avoir pour autant envie de trancher pour raser, ratiboiser ; on laisse flotter.
Il existe un dernier cas de figure, l’énoncé laisse perplexe. Le poème est sur la page mais ne lève aucun sens ; il reste dans son altérité de langue. Diamant ou scorie, c’est selon."
16 01 13
"J’aime bien chez Sarré le côté Jules Renard : butiner le quotidien. Ne pas chercher l’admirable mais le notable, telle cette femme qui sort de l’immeuble avec son cabas de poireaux alors qu’il aurait été plus normal qu’elle rentre dans l’immeuble, après le marché. Ce n’est pas le mystère de la chambre jaune, cette dame va peut-être livrer des poireaux chez une amie qui n’a pu aller au marché. Mais j’aime cet éveil du regard. La poésie comme étonnement, et les plus fréquentes surprises, au quotidien, sont minimes. Viser le relief du banal."
(J'aime ce regard, cet humour léger qu'il porte sur la poésie dans l'écriture et dans la vie)
11 01 13
"Un énoncé simple est un énoncé qui se dissout en tant qu’énoncé ; il ne reste dans la tête du lecteur que le sens. Un énoncé complexe résiste à cette dissolution, de par sa forme anormale, ou de par sa difficile réduction immédiate à un seul sens clair reçu pleinement, 5/5.
Si cette distinction vaut quelque chose, le poème est à l’évidence un énoncé complexe, tant parce qu’il résiste dans son travail de langue, que parce qu’il n’est jamais reçu 5/5, mais toujours en-deçà ou au-delà. Par exemple 3/5 ou 8/5.
Dans une réception 3/5 on a compris un sens clair mais on sent qu’il reste des marges d’ombre, qu’il faut relire, que l’on n’a pas épuisé l’énoncé.
Dans une réception 8/5, on saisit plusieurs sens clairs possibles à la fois ; on est dans le trop, sans avoir pour autant envie de trancher pour raser, ratiboiser ; on laisse flotter.
Il existe un dernier cas de figure, l’énoncé laisse perplexe. Le poème est sur la page mais ne lève aucun sens ; il reste dans son altérité de langue. Diamant ou scorie, c’est selon."
16 01 13
"J’aime bien chez Sarré le côté Jules Renard : butiner le quotidien. Ne pas chercher l’admirable mais le notable, telle cette femme qui sort de l’immeuble avec son cabas de poireaux alors qu’il aurait été plus normal qu’elle rentre dans l’immeuble, après le marché. Ce n’est pas le mystère de la chambre jaune, cette dame va peut-être livrer des poireaux chez une amie qui n’a pu aller au marché. Mais j’aime cet éveil du regard. La poésie comme étonnement, et les plus fréquentes surprises, au quotidien, sont minimes. Viser le relief du banal."
Re: Les écrivains / poètes parlent de l'écriture
J'insiste :
"Un poème est affaire de percussion, de frappe de langue. Un maximum de précision sans douceur ni dentelle. Il faut arriver à une intensité juste, et c’est une question de tension de la peau du tambour, mais aussi d’inspiration du batteur. Car avoir une bonne technique est nécessaire mais insuffisant.
Chaque poème devrait être une forme de dépassement. Le lecteur le saisira plus ou moins, mais le poète, lui, sait très bien quand il a été au bout de lui-même. Il faudrait ne conserver que ces poèmes-là. Et c’est bien pour ça que la poubelle déborde, ou que l’on n’écrit pas."
....................................................................................................................................................Antoine Emaz
"Un poème est affaire de percussion, de frappe de langue. Un maximum de précision sans douceur ni dentelle. Il faut arriver à une intensité juste, et c’est une question de tension de la peau du tambour, mais aussi d’inspiration du batteur. Car avoir une bonne technique est nécessaire mais insuffisant.
Chaque poème devrait être une forme de dépassement. Le lecteur le saisira plus ou moins, mais le poète, lui, sait très bien quand il a été au bout de lui-même. Il faudrait ne conserver que ces poèmes-là. Et c’est bien pour ça que la poubelle déborde, ou que l’on n’écrit pas."
....................................................................................................................................................Antoine Emaz
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