Poètes, vos lectures
3 participants
Page 1 sur 1
Poètes, vos lectures
Je me permets de créer ce fil, n'ayant rien trouvé de semblable (à mon grand étonnement) après une rapide recherche sur le forum. Mes excuses d'avance s'il s'agit d'un doublon.
Quelles sont, amis poètes, vos lectures en poésie contemporaine ?
Vous le savez aussi bien que moi, la poésie c'est la vie et, comme la vie, elle bouge, elle évolue. On a tous aimé Villon, Corneille, Baudelaire, Éluard (bon, pas tous, mais je grossis un peu le trait), mais on ne les écrit plus, et heureusement. Du coup, que lisez-vous ? Quels poètes encore vivants, quelles revues, quels noms vous viennent à l'esprit ? En d'autres termes, que faites-vous pour que votre poésie ne soit pas sclérosée et repliée (sur elle-même, sur vous-même, sur le passé) mais au contraire dynamique et vorace ? Que lisez-vous pour vous détacher du sonnet, de la rime, de l'alexandrin ? Personnellement je suis abonné à Décharge et j'ai eu la chance de lire (et de voir à quelques reprises) le grand Yves Bonnefoy avant qu'il ne nous quitte.
Je suis curieux, abreuvez-moi.
Amicalement,
Silence écrit
Quelles sont, amis poètes, vos lectures en poésie contemporaine ?
Vous le savez aussi bien que moi, la poésie c'est la vie et, comme la vie, elle bouge, elle évolue. On a tous aimé Villon, Corneille, Baudelaire, Éluard (bon, pas tous, mais je grossis un peu le trait), mais on ne les écrit plus, et heureusement. Du coup, que lisez-vous ? Quels poètes encore vivants, quelles revues, quels noms vous viennent à l'esprit ? En d'autres termes, que faites-vous pour que votre poésie ne soit pas sclérosée et repliée (sur elle-même, sur vous-même, sur le passé) mais au contraire dynamique et vorace ? Que lisez-vous pour vous détacher du sonnet, de la rime, de l'alexandrin ? Personnellement je suis abonné à Décharge et j'ai eu la chance de lire (et de voir à quelques reprises) le grand Yves Bonnefoy avant qu'il ne nous quitte.
Je suis curieux, abreuvez-moi.
Amicalement,
Silence écrit
Re: Poètes, vos lectures
Ma dernière lecture : G. Sarà - La collezione subacquea del museo A. Salinas di Palermo. Ah Ah ! rien de plus poétique.
Non ce n'est pas pour me moquer du sujet à peine ouvert et je serai moi-même curieux de voir ce qui se lit (mais pourquoi, SIlence écrit, limiter à la poésie "contemporaine"? et même à la poésie d'ailleurs ? si le champ contemporain intéresse en particulier, la personne pourra le voir et le saisir à travers le panorama d'ensemble, cela permettra aussi de mesurer sa part et de voir avec quoi le contemporain lu se lit / lie).
Mais passant mes journées à un travail qui fait beaucoup lire je n'ai guère le temps de lire, de la littérature. Et puis j'avoue une certaine défiance vis-à-vis d'un certain consumérisme, une boulimie de lecture. Franchement je préfère aller chercher au fond de moi, parfois dans le quotidien, dans une ride de soleil sur le mur, ce que je veux, vais écrire. Sans aucune démarche volontaire. Je ne décide pas d'écrire, je ne me force pas, je ne suis pas producteur. Je suis peu productif. Il y a des moments avec et des moments sans. Rien de pire que de devoir écrire, de s'obliger à. Cela doit être terrible d'avoir une commande ou un contrat. On doit se muer en bureaucrate de l'écriture, en écrivocrate. Le prie c'est qu'en ces cas on ne doit pas même s'en rendre vraiment compte.
Non, j'écris en parfait ignorant. Je n'ai guère envie que ce qui me vient soit imprégné des manières ou des manies contemporaines, des façons et tics actuels. Faisant partie de ceux qui dans notre société travaillent à la production de mémoire, et même à celle du temps, je suis trop sensible à la valeur du tri que le temps opère. J'irai jusqu'à dire que la culture c'est ce qui a décanté (même si ce n'est pas tout à fait juste car il y a des pertes et aussi des filtres sociaux : la mémoire des groupes dominants est généralement, sauf si ceux-ci s'investissent dans autre chose, plus produite et plus conservée que celles des humbles ou des exclus).
Mais globalement, ce que je lis me montre que toute la production actuelle se ressemble. Et souvent m'ennuie. L'enfermement peut aussi être là et non pas seulement dans l'extrait de soi (au fait les textes emplis d'hypermoi -une maladie contemporaine peut-être ouvertes par Joyce et Proust? - me font fuir aussi). Je ne veux pas ce disant/faisant rejeter toute culture (qui ne se confond d'ailleurs pas avec la quantité).
Le barde ou l'aède qui déclamait sa poésie chantante au carrefour ou devant l'assemblée du ban aristocratique ne devait pas toujours avoir tout entendu avant de s'autoriser à entonner son récit tantôt scandé, tantôt déclamé ou chuchoté, tantôt braillé mais toujours appuyé sur des rythmes, des images et des assonnances, comme autant d'effets et de procédés mnémotechniques.
Le plus savant peut être le pire ennemi de la création. Même si celle-ci est toujours en dette avec ce qui l'a précédée (et qui n'est pas toujours l'immédiat précédent d'ailleurs, mais peut être un mélange d'époques, de genres, de thèmatiques, d'obsessions, de couleurs). En poésie, la sensibilité à la langue est de surcroît à mes yeux sans doute première sur l'érudition ou la culture : un ignorant comme un voyageur sans "bagage" peut s'avérer, pour un jour ou pour une vie, poète (ce qui ne veut pas dire que tout ignorant soit poète). Mais il faut sans doute se méfier plus qu'on ne croit de la charge : le background peut nuire à notre poétique. Si modeste fût-elle.
Ce disant je ne prétends ni tout dire de la poésie, de ses rapports avec la culture, avec le moi et avec les époques etc. je mets seulement le doigt sur un aspect auquel je suis particulièrement sensible. Poète prends garde à ta culture.
Se pareba boves,
alba pratalia aràba,
et albo versorio teneba,
et negro semen seminaba
Non ce n'est pas pour me moquer du sujet à peine ouvert et je serai moi-même curieux de voir ce qui se lit (mais pourquoi, SIlence écrit, limiter à la poésie "contemporaine"? et même à la poésie d'ailleurs ? si le champ contemporain intéresse en particulier, la personne pourra le voir et le saisir à travers le panorama d'ensemble, cela permettra aussi de mesurer sa part et de voir avec quoi le contemporain lu se lit / lie).
Mais passant mes journées à un travail qui fait beaucoup lire je n'ai guère le temps de lire, de la littérature. Et puis j'avoue une certaine défiance vis-à-vis d'un certain consumérisme, une boulimie de lecture. Franchement je préfère aller chercher au fond de moi, parfois dans le quotidien, dans une ride de soleil sur le mur, ce que je veux, vais écrire. Sans aucune démarche volontaire. Je ne décide pas d'écrire, je ne me force pas, je ne suis pas producteur. Je suis peu productif. Il y a des moments avec et des moments sans. Rien de pire que de devoir écrire, de s'obliger à. Cela doit être terrible d'avoir une commande ou un contrat. On doit se muer en bureaucrate de l'écriture, en écrivocrate. Le prie c'est qu'en ces cas on ne doit pas même s'en rendre vraiment compte.
Non, j'écris en parfait ignorant. Je n'ai guère envie que ce qui me vient soit imprégné des manières ou des manies contemporaines, des façons et tics actuels. Faisant partie de ceux qui dans notre société travaillent à la production de mémoire, et même à celle du temps, je suis trop sensible à la valeur du tri que le temps opère. J'irai jusqu'à dire que la culture c'est ce qui a décanté (même si ce n'est pas tout à fait juste car il y a des pertes et aussi des filtres sociaux : la mémoire des groupes dominants est généralement, sauf si ceux-ci s'investissent dans autre chose, plus produite et plus conservée que celles des humbles ou des exclus).
Mais globalement, ce que je lis me montre que toute la production actuelle se ressemble. Et souvent m'ennuie. L'enfermement peut aussi être là et non pas seulement dans l'extrait de soi (au fait les textes emplis d'hypermoi -une maladie contemporaine peut-être ouvertes par Joyce et Proust? - me font fuir aussi). Je ne veux pas ce disant/faisant rejeter toute culture (qui ne se confond d'ailleurs pas avec la quantité).
Le barde ou l'aède qui déclamait sa poésie chantante au carrefour ou devant l'assemblée du ban aristocratique ne devait pas toujours avoir tout entendu avant de s'autoriser à entonner son récit tantôt scandé, tantôt déclamé ou chuchoté, tantôt braillé mais toujours appuyé sur des rythmes, des images et des assonnances, comme autant d'effets et de procédés mnémotechniques.
Le plus savant peut être le pire ennemi de la création. Même si celle-ci est toujours en dette avec ce qui l'a précédée (et qui n'est pas toujours l'immédiat précédent d'ailleurs, mais peut être un mélange d'époques, de genres, de thèmatiques, d'obsessions, de couleurs). En poésie, la sensibilité à la langue est de surcroît à mes yeux sans doute première sur l'érudition ou la culture : un ignorant comme un voyageur sans "bagage" peut s'avérer, pour un jour ou pour une vie, poète (ce qui ne veut pas dire que tout ignorant soit poète). Mais il faut sans doute se méfier plus qu'on ne croit de la charge : le background peut nuire à notre poétique. Si modeste fût-elle.
Ce disant je ne prétends ni tout dire de la poésie, de ses rapports avec la culture, avec le moi et avec les époques etc. je mets seulement le doigt sur un aspect auquel je suis particulièrement sensible. Poète prends garde à ta culture.
Se pareba boves,
alba pratalia aràba,
et albo versorio teneba,
et negro semen seminaba
teverino- Nombre de messages : 460
Age : 68
Date d'inscription : 23/05/2014
Re: Poètes, vos lectures
Merci pour cette longue réflexion et ce début de discussion qui appelle une réponse, teverino ! Je vais essayer de m'expliquer un peu mieux.
Le reste de ta réponse m'attriste un peu, pour être franc, et me conforte dans ce que j'ai déjà pu lire, ici et là. On écrit toujours, au XXIe siècle, mais on ne lit plus. Les éditeurs et les quelques (trop rares) auteurs le déplorent d'une même voix : le poète, aujourd'hui, veut écrire mais ne veut plus lire ses semblables. C'est le serpent qui se mort la queue ! Nous sommes nombreux, il me semble, à caresser des rêves d'édition (j'ai cru le lire dans quelques-uns des sujets de ce même forum), or on ne peut pas faire vivre l'édition de poésie si on n'en lit pas.
Quant au fait d'avoir "trop" de bagage littéraire, je n'arrive pas à me faire à cette idée. Bien sûr qu'on peut écrire sans avoir tout lu, mais l'idée de "l'inspiration divine" qui vient sans travail est morte avec la fin du Romantisme. Baudelaire connaissait les Classiques, Éluard connaissait Baudelaire, Bonnefoy connaissait Éluard... on ne peut pas progresser si on n'avance pas, en poésie comme ailleurs. La poésie, tout comme la science, demande qu'on se hisse sur les épaules de nos prédécesseurs pour découvrir, toujours avancer, toujours vers la nouveauté. On ne demande pas à un humain de 2017 de réinventer le feu, pourquoi demanderait-on à un poète de réinventer le sonnet ?
Comment éviter cet "hypermoi" alors qu'on ne va chercher l'écriture qu'au fond de soi, de ses sensations ?
Ouf ! Ce fut une longue réponse mais j'espère avoir été plus clair sur mes motivations et mon choix. Je cherche à écrire, à écrire mieux, et c'est pour ça que j'essaie de m'abreuver aussi diversement que possible.
Merci en tout cas de ta réponse, à nouveau ! J'espère en avoir d'autres.
Cordialement,
Silence écrit
Si je resserre le champ de la question, c'est pour avoir... des réponses qui m'intéressent, tout simplement ! J'ai vu qu'il y avait déjà un sujet ouvert de lectures "généralistes", et tant mieux. Je sais aussi que, même poète (ou voulant l'être) on ne lit pas que de la poésie, heureusement d'ailleurs : plus on a de lectures variées, plus l'esprit s'en nourrit à mon sens. Mais moi, égoïstement, je voulais avoir des retours sur la poésie contempo... si quelqu'un ouvre un sujet sur "Vos morceaux de jazz préférés", je ne vais pas aller poster un titre de Pink Floyd. Tout simplement.teverino a écrit:Non ce n'est pas pour me moquer du sujet à peine ouvert et je serai moi-même curieux de voir ce qui se lit (mais pourquoi, SIlence écrit, limiter à la poésie "contemporaine"? et même à la poésie d'ailleurs ? si le champ contemporain intéresse en particulier, la personne pourra le voir et le saisir à travers le panorama d'ensemble, cela permettra aussi de mesurer sa part et de voir avec quoi le contemporain lu se lit / lie).
Le reste de ta réponse m'attriste un peu, pour être franc, et me conforte dans ce que j'ai déjà pu lire, ici et là. On écrit toujours, au XXIe siècle, mais on ne lit plus. Les éditeurs et les quelques (trop rares) auteurs le déplorent d'une même voix : le poète, aujourd'hui, veut écrire mais ne veut plus lire ses semblables. C'est le serpent qui se mort la queue ! Nous sommes nombreux, il me semble, à caresser des rêves d'édition (j'ai cru le lire dans quelques-uns des sujets de ce même forum), or on ne peut pas faire vivre l'édition de poésie si on n'en lit pas.
Quant au fait d'avoir "trop" de bagage littéraire, je n'arrive pas à me faire à cette idée. Bien sûr qu'on peut écrire sans avoir tout lu, mais l'idée de "l'inspiration divine" qui vient sans travail est morte avec la fin du Romantisme. Baudelaire connaissait les Classiques, Éluard connaissait Baudelaire, Bonnefoy connaissait Éluard... on ne peut pas progresser si on n'avance pas, en poésie comme ailleurs. La poésie, tout comme la science, demande qu'on se hisse sur les épaules de nos prédécesseurs pour découvrir, toujours avancer, toujours vers la nouveauté. On ne demande pas à un humain de 2017 de réinventer le feu, pourquoi demanderait-on à un poète de réinventer le sonnet ?
teverino a écrit:Franchement je préfère aller chercher au fond de moi, parfois dans le quotidien, dans une ride de soleil sur le mur, ce que je veux, vais écrire [...] (au fait les textes emplis d'hypermoi -une maladie contemporaine peut-être ouvertes par Joyce et Proust? - me font fuir aussi
Comment éviter cet "hypermoi" alors qu'on ne va chercher l'écriture qu'au fond de soi, de ses sensations ?
Qu'elle t'ennuie, je le conçois. Qu'elle se ressemble ? Pas plus que ne se ressemblaient les écrits de Rimbaud et Verlaine. Probablement moins, même, compte tenu de l'immense ouverture de la poésie contemporaine aux formes et aux thèmes multiples. Je t'encourage à essayer à nouveau, peut-être...teverino a écrit:Mais globalement, ce que je lis me montre que toute la production actuelle se ressemble. Et souvent m'ennuie.
C'est probablement vrai, mais on n'est plus à l'Antiquité ou au Moyen-âge, bon sang ! Nous avons les moyens de la connaissance, eux ne l'avaient pas. Utilisons-la à bon escient.teverino a écrit:Le barde ou l'aède qui déclamait sa poésie chantante au carrefour ou devant l'assemblée du ban aristocratique ne devait pas toujours avoir tout entendu avant de s'autoriser à entonner son récit tantôt scandé, tantôt déclamé ou chuchoté, tantôt braillé mais toujours appuyé sur des rythmes, des images et des assonnances, comme autant d'effets et de procédés mnémotechniques.
Ouf ! Ce fut une longue réponse mais j'espère avoir été plus clair sur mes motivations et mon choix. Je cherche à écrire, à écrire mieux, et c'est pour ça que j'essaie de m'abreuver aussi diversement que possible.
Merci en tout cas de ta réponse, à nouveau ! J'espère en avoir d'autres.
Cordialement,
Silence écrit
Re: Poètes, vos lectures
Tout d'abord, merci de la question - essentielle à mes yeux, car comment l'art remplirait-il son rôle si l'artiste ne vit pas dans le monde dans lequel il vit ?
J'ai hésité à la façon de répondre, et je choisis la voie la plus personnelle, loin des "listes" de noms.
La poésie, l'écriture, c'est pour moi une démarche de recherche quasi- initiatique. On commence par écrire comme on le sent, forcément nourri par ses lectures, et pas seulement ses lectures littéraires, celles qui ont formé votre vision et votre interrogation.
Et puis au bout d'un moment, on cherche les échanges. Pour moi d'abord des forums d'internet, il y en a eu beaucoup à moment donné, très différents mais qui avaient ce questionnement sur le "contemporain", et dont beaucoup ont disparu. Et un jour on se décide à passer à l'"épreuve": l'édition papier. Comme on est sage on cherche d'abord une revue.
J'ai acheté chez un libraire un vieux numéro de "Décharge", j'y ai trouvé une "revue des revues", et dedans un nom et une adresse : " Le jardin ouvrier", édité par Ivar Ch'Vavar, qui habitait, ô surprise, dans ma rue. Quand je l'ai rencontré, "Le jardin ouvrier" avait fini de paraître, et de toutes façons, me dit-il, c'était une revue d'écriture très expérimentale où ce que j'écrivais n'aurait pas eu sa place...mais il m'a quand même beaucoup encouragée, aidée.
Les points de suspension c'est pour dire 10 ans de réflexion autour de ces formes étonnantes de la poésie que j'ai découvertes, là et ailleurs, sans renoncer à ma propre sensibilité. Il y a ce qui vous parle, ce qui vous semble de l'esbroufe, du verbiage, du conformisme à l'envers, ce qui - tout simplement - vous ennuie. Mais cette question essentielle de la recherche sur la forme, de ses liens avec des réalités, des émotions qu'elle met à jour, qu'elle "formule", je ne peux plus l'oublier. Pas plus que l'intégrité, la passion, la subtilité et la clairvoyance de certains de ceux qui l'explorent. Et à chaque fois j'essaie de m'ouvrir à ce que je ne connaîtrais pas, j'essaie de goûter de nouvelles saveurs.
Alors quelques noms quand même dans la toute petite partie de la poésie contemporaine que je connais : Pierre Garnier et sa poésie spatialiste ; Lucien Suel et le vers justifié ; Ivar Ch'Vavar et ses hétéronymes, son lyrisme, sa redécouverte du récit quasi mythologique ; Laurent Albarracin pour "Le verre de l'eau" ; Christophe Siébert pour ses "Poésies Portables" si étranfement éloignées de ses romans ; Philippe Jaffeux ; d'autres croisés sur des forums : Ariane Gravier pour "bri", dont j'ai parlé, Catrine Godin la canadienne et plein de grands talents encore en apparition. Rencontres avec des femmes et hommes remarquables, conversations, approfondissements.
Et ceux des livres : Pasolini ; Pavese ; Michaux ; Bonnefoy ; Antonio Ramos Rosa...le hasard de lectures qui certainement m'ont seulement entr'ouvert un domaine immense. Et ceux qui chantent : Manset surtout, Nougaro, mais aussi Cohen ; Dylan ; et tout près : Nevchehirlian, Klô Pelgag, plein d'autres que j'oublie au fur et à mesure. Le rap, certains de ses grands talents.
"y'a une route/ tu la longes ou tu la coupes" comme dirait Manset.
J'ai hésité à la façon de répondre, et je choisis la voie la plus personnelle, loin des "listes" de noms.
La poésie, l'écriture, c'est pour moi une démarche de recherche quasi- initiatique. On commence par écrire comme on le sent, forcément nourri par ses lectures, et pas seulement ses lectures littéraires, celles qui ont formé votre vision et votre interrogation.
Et puis au bout d'un moment, on cherche les échanges. Pour moi d'abord des forums d'internet, il y en a eu beaucoup à moment donné, très différents mais qui avaient ce questionnement sur le "contemporain", et dont beaucoup ont disparu. Et un jour on se décide à passer à l'"épreuve": l'édition papier. Comme on est sage on cherche d'abord une revue.
J'ai acheté chez un libraire un vieux numéro de "Décharge", j'y ai trouvé une "revue des revues", et dedans un nom et une adresse : " Le jardin ouvrier", édité par Ivar Ch'Vavar, qui habitait, ô surprise, dans ma rue. Quand je l'ai rencontré, "Le jardin ouvrier" avait fini de paraître, et de toutes façons, me dit-il, c'était une revue d'écriture très expérimentale où ce que j'écrivais n'aurait pas eu sa place...mais il m'a quand même beaucoup encouragée, aidée.
Les points de suspension c'est pour dire 10 ans de réflexion autour de ces formes étonnantes de la poésie que j'ai découvertes, là et ailleurs, sans renoncer à ma propre sensibilité. Il y a ce qui vous parle, ce qui vous semble de l'esbroufe, du verbiage, du conformisme à l'envers, ce qui - tout simplement - vous ennuie. Mais cette question essentielle de la recherche sur la forme, de ses liens avec des réalités, des émotions qu'elle met à jour, qu'elle "formule", je ne peux plus l'oublier. Pas plus que l'intégrité, la passion, la subtilité et la clairvoyance de certains de ceux qui l'explorent. Et à chaque fois j'essaie de m'ouvrir à ce que je ne connaîtrais pas, j'essaie de goûter de nouvelles saveurs.
Alors quelques noms quand même dans la toute petite partie de la poésie contemporaine que je connais : Pierre Garnier et sa poésie spatialiste ; Lucien Suel et le vers justifié ; Ivar Ch'Vavar et ses hétéronymes, son lyrisme, sa redécouverte du récit quasi mythologique ; Laurent Albarracin pour "Le verre de l'eau" ; Christophe Siébert pour ses "Poésies Portables" si étranfement éloignées de ses romans ; Philippe Jaffeux ; d'autres croisés sur des forums : Ariane Gravier pour "bri", dont j'ai parlé, Catrine Godin la canadienne et plein de grands talents encore en apparition. Rencontres avec des femmes et hommes remarquables, conversations, approfondissements.
Et ceux des livres : Pasolini ; Pavese ; Michaux ; Bonnefoy ; Antonio Ramos Rosa...le hasard de lectures qui certainement m'ont seulement entr'ouvert un domaine immense. Et ceux qui chantent : Manset surtout, Nougaro, mais aussi Cohen ; Dylan ; et tout près : Nevchehirlian, Klô Pelgag, plein d'autres que j'oublie au fur et à mesure. Le rap, certains de ses grands talents.
"y'a une route/ tu la longes ou tu la coupes" comme dirait Manset.
Re: Poètes, vos lectures
Merci pour cette réponse, seyne. Tu as dit mieux que moi ce que j'avais à l'esprit.
Re: Poètes, vos lectures
amusant parce que le soir même de cet échange j'étais invitée à une lecture de poésie contemporaine (ce qui ne m'arrive jamais), organisée par une revue : GPS. Il y avait des gens assez connus comme Julien Blaine, Jean Pierre Bobillot, Antoine Simon, et les étudiants de première année de l'Ecole d'Art de de Design de Toulon. J'ai passé une bonne soirée, l'assistance était assez nombreuse, ce qui m'a surprise. J'ai navigué entre irritation, voire horripilation, plaisir, questionnements, réflexions.
Ca commençait par une conférence de Jean Pierre Bobillot sur les "media" (pris comme pluriel de medium) de la poésie, puis de l'art: la bouche, l'air, le papier, la main, l'encre, la voix, l'internet, pour en arriver au Mont Rushmore, barre rocheuse qui pour les indiens incarnait un mythique Grand Père, avait ensuite servi de matériau pour sculpter les visages de premiers présidents américains et célébrer la conquête de l'Ouest, en face desquels les indiens ont exigé que soit sculpté (plus grand) Crazy Horse. Se rajoutait le cinéma, Hitchcok, qui installe Cary Grant dans une des narines monumentales et voulait l'y faire éternuer, ce que les ligues bien pensantes de Hollywood ont empêché. En fait, la conférence conduisait à des "performances" qui exploraient ces différents média, et ce n'était pas inintéressant. ( pas bouleversant non plus.
Il y a ce que j'ai aimé :
- une performance des étudiants, imaginée autrefois par Tristan Tzara : une dizaine, assis en ligne à une table, barrent au fur et à mesure sur une feuille une liste du même mot : "hurle", que répète le "meneur" du jeu. A certains moments très précis, l'un ou l'autre ou plusieurs en même temps disent le mot, avec des intonations et des voix forcément différentes. L'ensemble forme une sorte de polyphonie vraiment belle, rythmée. Personne ne hurle.
- un texte moitié dit moitié murmuré par Maxime H. Pascal (une femme), très rapide comme presque tout ce qui s'est lu ce soir-là, avec une forme de ligne mélodique, qui semblait vous rentrer en serpentant dans l'oreille jusqu'à ce que vous cessiez de vous accrocher au sens et vous laissiez seulement pénétrer par certains mots.
- une vocifération par Cédric Lerible, caché par une porte qu'il tenait d'une main et frappait violemment de l'autre, image des migrants aux portes de l'Europe qui réclament d'entrer. Quelque chose au bord du ridicule, qui n'en était sauvé que par la violence des coups et des cris et notre connaissance de la réalité, de ce qu'on voit jour après jour sur nos écrans. Sauvé aussi pour moi par ce que je connais de la poésie écrite extrêmement belle et subtile de Cedric Lerible.
- ce qui m'a d'abord exaspérée, puis qui m'a quand même intéressée : deux performances de Julien Blaine, une filmée qui s'appelle "l'Ecfruiture c'est le pied", où il finit par écraser pieds nus sur le sol toute une série de fruits tout en marmonnant successivement leurs noms. Disons que mes neurones miroirs ne pouvaient faire autrement au bout d'un moment que de partager l'expérience jouissive et transgressive de l'écorce et de la pulpe d'un ananas ou d'une pomme qui s'écrase sous la plante de votre pied, tandis que votre voix ânonne le nom, le mot qui prenait ainsi un relief particulier.
Et une autre où il hurlait des choses assez peu compréhensible, bras ouverts, visage furieux, comme une sorte d'orang outan, et où son corps assez massif, sa voix et son visage prenaient une présence surprenante.
Je passerai sur ce que j'ai trouvé nul, creux, ennuyeux.
Ma réflexion a été quand même que tout aboutissait quand même à une perte du sens du mot, du langage. La plupart des lectures étaient si rapides qu'on saisissait à peine au vol les significations, ou bien des mots étaient répétés jusqu'à perdre leur sens, jusqu'à une forme d'ennui. Ce qui prenait le premier pas c'était les voix, les corps...j'en ai donc conclu in petto que c'était plutôt du théâtre que de la poésie; En tout cas ma poésie : des phrases charriant une infinité de sens, d'images et de sonorités, qui s'adressent au plus intime de soi et demande intériorité, silence et lenteur.
Et puis ce matin sur France Culture une émission sur la bêtise, particulièrement la bêtise des gens intelligents pris dans un conformisme et qui était assez virulente au sujet de certains excès de l'art contemporain. Tout cela sa complétait bien.
Ca commençait par une conférence de Jean Pierre Bobillot sur les "media" (pris comme pluriel de medium) de la poésie, puis de l'art: la bouche, l'air, le papier, la main, l'encre, la voix, l'internet, pour en arriver au Mont Rushmore, barre rocheuse qui pour les indiens incarnait un mythique Grand Père, avait ensuite servi de matériau pour sculpter les visages de premiers présidents américains et célébrer la conquête de l'Ouest, en face desquels les indiens ont exigé que soit sculpté (plus grand) Crazy Horse. Se rajoutait le cinéma, Hitchcok, qui installe Cary Grant dans une des narines monumentales et voulait l'y faire éternuer, ce que les ligues bien pensantes de Hollywood ont empêché. En fait, la conférence conduisait à des "performances" qui exploraient ces différents média, et ce n'était pas inintéressant. ( pas bouleversant non plus.
Il y a ce que j'ai aimé :
- une performance des étudiants, imaginée autrefois par Tristan Tzara : une dizaine, assis en ligne à une table, barrent au fur et à mesure sur une feuille une liste du même mot : "hurle", que répète le "meneur" du jeu. A certains moments très précis, l'un ou l'autre ou plusieurs en même temps disent le mot, avec des intonations et des voix forcément différentes. L'ensemble forme une sorte de polyphonie vraiment belle, rythmée. Personne ne hurle.
- un texte moitié dit moitié murmuré par Maxime H. Pascal (une femme), très rapide comme presque tout ce qui s'est lu ce soir-là, avec une forme de ligne mélodique, qui semblait vous rentrer en serpentant dans l'oreille jusqu'à ce que vous cessiez de vous accrocher au sens et vous laissiez seulement pénétrer par certains mots.
- une vocifération par Cédric Lerible, caché par une porte qu'il tenait d'une main et frappait violemment de l'autre, image des migrants aux portes de l'Europe qui réclament d'entrer. Quelque chose au bord du ridicule, qui n'en était sauvé que par la violence des coups et des cris et notre connaissance de la réalité, de ce qu'on voit jour après jour sur nos écrans. Sauvé aussi pour moi par ce que je connais de la poésie écrite extrêmement belle et subtile de Cedric Lerible.
- ce qui m'a d'abord exaspérée, puis qui m'a quand même intéressée : deux performances de Julien Blaine, une filmée qui s'appelle "l'Ecfruiture c'est le pied", où il finit par écraser pieds nus sur le sol toute une série de fruits tout en marmonnant successivement leurs noms. Disons que mes neurones miroirs ne pouvaient faire autrement au bout d'un moment que de partager l'expérience jouissive et transgressive de l'écorce et de la pulpe d'un ananas ou d'une pomme qui s'écrase sous la plante de votre pied, tandis que votre voix ânonne le nom, le mot qui prenait ainsi un relief particulier.
Et une autre où il hurlait des choses assez peu compréhensible, bras ouverts, visage furieux, comme une sorte d'orang outan, et où son corps assez massif, sa voix et son visage prenaient une présence surprenante.
Je passerai sur ce que j'ai trouvé nul, creux, ennuyeux.
Ma réflexion a été quand même que tout aboutissait quand même à une perte du sens du mot, du langage. La plupart des lectures étaient si rapides qu'on saisissait à peine au vol les significations, ou bien des mots étaient répétés jusqu'à perdre leur sens, jusqu'à une forme d'ennui. Ce qui prenait le premier pas c'était les voix, les corps...j'en ai donc conclu in petto que c'était plutôt du théâtre que de la poésie; En tout cas ma poésie : des phrases charriant une infinité de sens, d'images et de sonorités, qui s'adressent au plus intime de soi et demande intériorité, silence et lenteur.
Et puis ce matin sur France Culture une émission sur la bêtise, particulièrement la bêtise des gens intelligents pris dans un conformisme et qui était assez virulente au sujet de certains excès de l'art contemporain. Tout cela sa complétait bien.
Re: Poètes, vos lectures
bon, j'aurais dû relire avant de poster, soyons auto-indulgente, il y a une spontanéïté :-)
Sujets similaires
» Vos lectures
» Discussions autour de nos textes
» Lectures vagabondes
» M'orphée
» Discussions autour de nos textes
» Discussions autour de nos textes
» Lectures vagabondes
» M'orphée
» Discussions autour de nos textes
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum