La mer calme

C’était grand, immense. L’extrémité était à la perte de la vue. Simplement car elle était trop loin. Le bleu et le calme, l’infinie douceur qui frappe mon ventre comme une tornade de soie. La légèreté de l’être, que j’enferme dans un coquillage, et j’écoute la mer. L’as-tu entendu ? Elle chantait notre mélodie.

« Lève-toi ! s’écriait soudainement Conscience Cupidon, me réveillant de mes rêveries. Ta dulcinée t’attend ! »

Je fermai aussitôt les yeux sous les couvertures, sous les draps, à essayer de me fondre sous le matelas même. Je disparaissais dans la mer à drap, sous ces eaux calmes à dormir. Je me berçai les paupières au rythme de ses vers, au sang de ses syncopes régulières. Je dormais dans son berceau d’algue et j’apercevais le monde, une particule de monde. Loin, loin, loin…

« Tu me f’ras pas honte de même toé ! me hurlait Conscience Maman. Lève toé sacrament ! »

Je retenais mon souffle.
« Fichez-moi le camp ! »
Je chassais les nuages pour n’avoir que le bleu. Que le bleu en tête, le ciel et la mer, le froid et les joues en hiver. Je retenais l’air jusqu’à ce qui ne reste que de bleu au monde et que de moi de vivant. La tête sous les couvertures, je regardais la mer et je respirais ce que je pouvais avant la marche. Conscience Cupidon me chaussa les pieds et m’habilla de mon veston-cravate. Je voulais dire non, mais je crois que j’ai dit oui.
Alors, les yeux à demi-clos je marchai sur la mer. Il y avait des boules blanches qui flottaient et qui roulaient sur la surface. Des algues en profondeur me chatouillaient les pieds. En habits noirs, des dauphins s’approchèrent de moi :

« Elle était si jolie. Elle va nous manquer » disait l’un.

« Je suis certain qu’elle nous regardera d’où elle sera » disait l’autre.

Les paroles des dauphins me paraissaient étranges dans un tel contexte. Pourquoi se convainquaient-ils de ses obscénités qu’on disait aux enfants pour les consoler ? Ces miracles étaient si lourds à penser, l’éternel me fatiguait et j’entendais un enfant tortue demander à sa mère :

« Pourquoi y’ s’ferme les yeux m’man ? »

– Parce qu’il est triste, inventait Conscience Cupidon.
– Parce qu’yé lâche, s’opposait Conscience Maman.

Ils me lançaient des boules blanches de la mer. Me tirant chacun de leurs côtés, sous l’eau et sur le ciel. « Ouvre tes yeux et pleure en homme ! » me hurlaient-ils. « Ouvre tes yeux et pleure en homme ». En harmonie, à l’unisson. Décaler et en canon, puis syncopé en gamme mineure. Et…

« Ça suffit ! »

J’avais les yeux ouverts. Sèches comme le sable où il n’y avait pas de plage. Les gens me regardaient, mon père et ma mère étaient assis aux premiers sièges en avant, présents pour leurs images. Maria était couchée dans une boîte, un sourire modelé aux lèvres. Elle avait presque l’air heureux. L’éternel bonheur ! Le paradis, les anges, la musique, les harpes et le doux Jésus sur la croix. Les parfaits !

C’était mon devoir d’être triste, mais je ne l’étais pas. C’était Cupidon qui le disait, mais je voulais m’appuyer sur autre chose que le néant. Ça me fatiguait tout ça.

Je repartis m’asseoir et resta sage à écouter le curé. Je fermai les yeux et un enfant tortue demanda à sa mère :

« Pourquoi y pleure pas m’man ? »

Je trouve beaucoup de charme à ce texte malgré ou grâce à ses étrangetés. Comme un petit voyage dans un univers parallèle un peu sauvage , mélancolique et enchanteur.

Émouvant.
La mort, le deuil, ce sont des sujets traités et re-traités, mais tu as une manière de tourner les choses, de mélanger les mots et les images en les mettant à ta sauce, qui revisite le tout, de manière poétique, enfantine, étrange et jolie.

C'est paradoxalement frais, et très beau. Et ce, en dépit même de maladresses dans l'expression. Il y a une ambiance, une histoire, de l'émotion, de l'originalité et de la poésie. Une façon douce et bien agréable de parler de choses difficiles.

Ratz, je te préfère dans ce registre, il va sans dire.

Easter(Island) a écrit:Ratz, je te préfère dans ce registre, il va sans dire.

J'ai comme projet d'écrire une pièce de Théâtre musical bientôt et j'aurais voulu y ajouter une touche d'humour un peu, de là mes tentatives humoristiques dans mes derniers textes. Mais je crois que je vais peut-être plutôt me rattacher à un registre que je maîtrise mieux finalement pour cette première pièce. Ce que vous venez lire sera, d'ailleurs, probablement la fin de ma pièce ! Alors, je suis content des bons commentaires ! :-)

Par contre, je vais probablement m'essayer encore un peu avec les textes humoristiques, question d'essayer d'avoir ça en poche au cas où, même si je ''rush'' en bon Québécois à écrire de l'humour ! ;-)

J'ai cru lire ou entendre (car je lis à haute voix) le grand Félix. C'est le plus grand compliment que je puisse vous/te faire.... (j'ai été traumatisée dans une vue antérieure avec l'usage du tu et du vous).
Je te/vous ai rarement commenté, par indigence de mes propos ou sur-brillance de ceux des autres. Qu'importe, je te/vous apprécie.

Tu me passes le bédau stp

Salut petit Ratz.

T'as ben t'jours ton p'tit style de gars d'l'aut bord.
T'as aussi un vrai truc avec l'expression des émotions de l'enfance, brutes.
Manifestement, t'en a eu ta dose d'émotions pour pas pleurer comme ça.
J't'aime toujours bien, et c'est pas les trucs ratés que tu fais de temps en temps qui me dérangent, au contraire.

Tiens, pendant que je t'écris ça, il y le grand Yali qui poste en même temps que moi : c'est quoi "le bédau" ? Tu voudrais pas dire le "bédo" des fois Yali ?

Je profite que mon fil soi en haut pour répondre. D'abord, merci beaucoup à tous mes commentateurs !

CROISIC : Le grand Félix, vous parlez de Félix Leclerc ou d'un autre Félix ? (Pour le vous, c'est une habitude que j'ai pris quand Polixène m'avait demandé de la vouvoyer. Je savais que si je ne vouvoyais pas tout le monde, je finirais par me piéger ! Mais vous pouvez me tutoyer, ça ne me dérange pas ! ;-))

Yali : Le bédo ou le Bédeau ?

Narbah : J'espère que les trucs ratés ne vous dérangent pas ! Car je risque d'en faire ! ;-)

Et il y a cette phrase que je n'ai pas compris : Manifestement, t'en a eu ta dose d'émotions pour pas pleurer comme ça.
Ça fait longtemps que je n'écris plus de faits vécus par moi-même. C'est du fictif ! ;-)

Ratz19 a écrit:
Et il y a cette phrase que je n'ai pas compris : Manifestement, t'en a eu ta dose d'émotions pour pas pleurer comme ça.
Ça fait longtemps que je n'écris plus de faits vécus par moi-même. C'est du fictif ! ;-)

Oui, c'est ce que tu crois. Mais tu dois bien un peu puiser dans ton vocabulaire d'émotions quand même.
Que tu veuilles te poser en spectateur de tes histoires pour ne pas risquer de tomber dans le pathos, c'est tout à ton honneur.
De plus, tu as besoin de mettre un peu la "pédale douce" (rire) sur les conneries, non?
Mais comme tu te cherches, il me semble important de te dire que moi, je ressens que derrière tout ça il y a des émotions qui cherchent à se canaliser, mais des émotions rudes.
Et ce coté là c'est ce qui m'émeut chez toi, et que je n'aimerai pas te voir perdre.

J'évoquais Félix Leclerc bien entendu ! Ok pour le "tu" !
(quoique j'aime bien Félix le chat) *rires*

Narbah a écrit:Salut petit Ratz.

Tiens, pendant que je t'écris ça, il y le grand Yali qui poste en même temps que moi : c'est quoi "le bédau" ? Tu voudrais pas dire le "bédo" des fois Yali ?

Grand, j'en ai de moins en moins l'impression au vu des nouvelles générations. Et pour bédau, pour ce qui est de l'orthographe t'as sans doute raison, même si j'aime assez que le verlan puisse être compris par tous.

Etrange!
J'ai aimé

Chapeau, j'ai kif..aimé.

Bonsoir,

Je n'ai pas aimé votre texte car je n'ai rien compris.
Je n'ai rien compris car je n'ai pas aimé votre texte.

Amicalement,
Midnightrambler

On n'est pas à une tautologie près : j'ai aimé ton texte parce que je l'ai aimé. Et l'aimer m'a fait l'aimer davantage !
Il y a chez toi une sensibilité qui n'est pas mièvre et un mélange de trouvailles et de maladresses qui donnent à tes textes beaucoup de personnalité.

Texte étrange qui comporte des images convenues qui ne me plaisent pas trop, comme les dauphins et qui, par d'autres aspects regorge de richesses qui le rendent intéressant et intriguant. Au final, mon impression est bonne sans que je puisse exactement te détailler pourquoi. Je crois que c'est l'aspect univers intérieur et extérieur se mélangeant qui me charme.