Exo du vendredi 2 septembre 2011 à 20h30

Super comme sujet, merci Yali !! (Ce n'est pas ironique, je précise, parce que par écrit, c'est pas toujours facile de savoir !)
Et bon courage à tout le monde !

oh j'ai des problemos j'ai été deconnectée et kekchose ne tourne pas rond là

en fait c'est un exercice de recherche :0)
et si on a le temps on écrit! :0))

Marine a écrit:Super comme sujet, merci Yali !! (Ce n'est pas ironique, je précise, parce que par écrit, c'est pas toujours facile de savoir !)
Et bon courage à tout le monde !

c'est marrant ces jeunes toujours optimistes et plein de vie :0)

c'est bon mon ordi doit être las...

Yali a écrit:Des questions ?
(Suis en pleine rentrée moi)

Ouais. Kesta fumé avant de concocter ces contraintes ? Je veux le plan !

à plus everybody j'vais voir si j'arrive à pondre braire quelque chose

Mon bronzage m'empêche de pâlir. Mais je n'en pense pas moins.
Google est notre ami à tous. Et le calva aussi
Bon boulot, les cop'

Pour l'huisserie, c'est mot-mot ou ça peut-être une expression, MC adoré ?

"Encadrement de porte en bois, métal ou PVC, composé de deux montants, d'une traverse supérieure et éventuellement d'un seuil. Constitue le dormant et se trouve solidaire de la paroi" Voilà ce que me met Wikipédia pour "huisserie"... \o/
Ou est-ce tout simplement l'administration en rapport avec les huissiers qui viennent tout te piquer dans ta maison si tu payes pas tes impôts ?

Gobu a écrit:

Yali a écrit:Des questions ?
(Suis en pleine rentrée moi)

Ouais. Kesta fumé avant de concocter ces contraintes ? Je veux le plan !

C'est au petit matin que je fais ça, avant le café, après la cigarette ligth sensimilia, et juste aprés: tartine de confiture datura

m'sieur, j'aime pas les dialogues...ni les lilas alli lia allitérations d'ailleurs

Marine a écrit:"Encadrement de porte en bois, métal ou PVC, composé de deux montants, d'une traverse supérieure et éventuellement d'un seuil. Constitue le dormant et se trouve solidaire de la paroi" Voilà ce que me met Wikipédia pour "huisserie"... \o/
Ou est-ce tout simplement l'administration en rapport avec les huissiers qui viennent tout te piquer dans ta maison si tu payes pas tes impôts ?

Tout ce qui se rapporte aux portes et aux fenêtres.
Toquer à l'huis de quelqu'un = toquer à la porte de quelqu'un

abstract a écrit:m'sieur, j'aime pas les dialogues...ni les lilas alli lia allitérations d'ailleurs

Les dialogues c'est juste pour toi

Aaaah ! Merci !
Donc le mot "poignée", par exemple, peut être en rapport avec l'huisserie ? (pour être bien sûre)

Marine a écrit:Aaaah ! Merci !
Donc le mot "poignée", par exemple, peut être en rapport avec l'huisserie ? (pour être bien sûre)

Exactement.

Yali a écrit:

Gobu a écrit:

Yali a écrit:Des questions ?
(Suis en pleine rentrée moi)

Ouais. Kesta fumé avant de concocter ces contraintes ? Je veux le plan !

C'est au petit matin que je fais ça, avant le café, après la cigarette ligth sensimilia, et juste aprés: tartine de confiture datura

J'en prends bonne note.

Décaissage et autres balles à blanc

— « Dis, tu vas bouger ta caisse de mon horizon, sale con ! » C’est ainsi qu’il commence chaque matin que Dieu fait.
— Votre voisin ?
— Précisément. Et par la fenêtre encore.
— Et que puis-je faire pour vous à part vous remémorer que les institutions sont publiques et donc laïques, et que, de fait, Dieu ne peut être à l’origine d’une demande de changement de patronyme, et peut l’être encore moins si votre voiture est mal garée. Elle est mal garée ? Enfin, je veux dire, votre véhicule entrave-t-il la libre circulation de votre voisin ?
Je respire longuement. J’ai envie d’une clope, d’un verre. J’ai envie que l’aministration change enfin de mobilier, un truc plus design, quelque chose qui fasse qu’enfin, le citoyen ne se sente pas sur la sellette sitôt qu’il s’assied sur un siège de mairie, pile en face de… de quelqu’un qui ressemble étrangement audit mobilier.
Je pousse vers elle ma carte d’identité qui réside sur bureau depuis le début de l'entretien.
Elle comprend, s’en saisit enfin, en prend connaissance. C’est parti pour l’humiliation. Vas-y Judas, déporte-moi, j’ai l’habitude depuis l’enfance, sur le sujet j’encaisse mieux que personne.
— Mr Caisse. Jean Caisse. C’est cocasse mais je vois pas où…
— C’est également le nom de ma femme. Alors évidement…
— Évidement.
— Et nous ne possédons aucun véhicule.
— Évidement, mais…
« Évidement » elle répète, sauf qu’à cet instant précis ça pince sans rire et j’imagine la pause café des employées de mairie.
Elle fouille son ordinateur pour se donner une contenance, le fouille et le refouille, étouffe son esclaffement dans un foulard. Je suis pas dupe, je le suis plus depuis tellement de temps que je me souviens même pas lorsque tout ça a commencé.
— Alors ? je lui fais.
— Alors, je vous imprime le formulaire idoine, vous le remplissez et vous revenez la semaine prochaine. Mais à mon avis… Enfin c’est pas comme si vous vous appeliez Dutrou ou Fourniret.
J'acquiesce, quoi faire d’autre ? Je me lève, repousse le siège-sellette et je reprends le chemin de la sortie. Derrière des rires, derrière l’hilarité, derrière… Je me retourne pas et je file chez Léon.
— Comme d’habitude ? Il demande.
Je réponds que oui, et qu’après celui-ci, un autre. Au comptoir, comme toujours.
— Sinon, « Idoine » tu sais ce que c’est toi ?
Il réfléchit un instant puis :
— Non, je sais pas.
— Dutrou, fourniret ?
— Toujours pas. Mais je me renseigne et si jamais je t’en commande…
— Tu m’en commandes une caisse, je sais.
— Blanc ou rosé ?
— Laisse tomber Léon.

Allitérature

- Dis, tu vas bouger ta caisse de mon horizon, sale con ?
Je mets ma tête à la portière, lui fais un sourire angélique et lui demande aimablement :
- Vous voulez voir mes gosses ?
Il me regarde interloqué
- Heu… non…
- Tant mieux, parce que je n’en ai pas. Vous prierai donc de bien vouloir réviser votre vocabulaire : c’est pas sale con, mais sale conne.
Tabarnac ! Dire qu’il faut venir de la belle province pour leur apprendre à causer ! Il a l’air plus ahuri qu’un dahu lorsque je descends et lui demande de m’indiquer le bureau de l’état civil.
- Vous allez laisser votre voiture là ?
- Je le rassure d’un bon sourire :
- -Mais je vais pas y passer la nuitte, pantoute ! Juste une petite formalité !

Les bureaux des administrations ont en commun une couleur dont je ne dirai pas qu’elle est pisseuse, mais plutôt pissée, ce jaune indéfinissable qui va si bien au teint des fonctionnaires.
Que je n’irai pas jusqu’à qualifier de flemmardeux, quoique ! Derrière sa cage de verre, une dame mûre se cure consciencieusement les dents, regarde l’objet déniché à grand peine d'entre deux molaires (ou assimilées) le juge appétissant et le remet dans sa bouche avec un soupir :
- Il est fameux, cocotte, ton chocolat, mais les noisettes, moi, ça me reste dans les dents !
Je toussote.
Elle tâte du bout de la langue un intervalle dentaire douteux et émet un petit bruit d’aspiration très suggestif avant d’éructer :
- C’est pour quoi ?
Je lui colle sous le nez un volume de Babylone sous les bombes et lui déclare :
- Je voudrais changer de nom.
Elle regarde la couverture avec intérêt, on sent qu’elle a fini la Critique de la raison pure récemment et qu’elle cherche quelque chose d’un peu sérieux à lire pour changer.
- -C’est bien ? me demande -t-elle, l’œil allumé.
- - Mieux que ça, mais là n’est pas la question : je viens pour changer de nom, parce que depuis la sortie de ce livre, ce n’est plus possible !
- Vos noms et prénoms ?
- Hesté. Marie. Née le 4 mai 1956 à Montréal. Domiciliée 14 rue des Trappistes à Belleville.
- Hesté Marie… Je vois pas où est le problème…
- Jusqu’à la sortie de ce livre, il n’y avait aucun problème. Mais depuis… je suis obligée de me claquemurer chez moi, les journalistes campent devant mon huis, le pène en est tout gras, j’ai beau leur dire que je n’ai jamais écrit autre chose que ma liste de courses, sont trop plattes pour comprendre ça ! Marie Hesté, ça a rien à voir avec Stéphane Mariesté, je m’essiente à leur dire, y veulent pas me croire !

La dame de plus en plus mûre gratte pensivement le pinceau pure martre qui orne son menton.
- Ben … c’est pas un cas, ça...
- Sûr, je lui dis, je suis plutôt Amérique du Nord, voyez ! Mais j’ai la double nationalité.
- - Non, je veux dire , les cas admis pour changer de nom. Faut que ce soit injurieux ou malséant, que ça porte préjudice…
- Ben, ça me porte préjudice !
- -Oui, mais c’est pas… Oooh, je vais vous envoyer voir mon supérieur ! Vous montez, là à gauche et le deuxième bureau sur votre droite.

En arrivant devant le bureau, j’ai compris que c’était foutu.
La plaque sur le chambranle du supérieur indiquait son nom : Jean-Claude Sartre

- Dis, tu vas bouger ta caisse de mon horizon, sale con !
- Eh je te signale que la caisse en question c’est ta caisse, alors si t’es pressée tu lèves ton cul de ce balcon et tu la rentres toi-même !
- Ce cul, comme tu dis, ça fait dix ans qu’il prend sa pause-clop, sa pause-téléphone, sa pause-rhum-coca sa pause-toi, sa pause-bébé, sa pause-boulot, sa pause-bordel sur ce balcon, et si tout à coup je dois aller le promener ailleurs, mon cul, hein, c’est uniquement à cause de ta putain de crise. Mais bon, je dis ça je dis rien !
- Non, tu dis quelque chose OU tu dis rien…
- Quoi ?
- Dis quelque chose ou dis rien mais dis pas que tu dis rien alors que tu dis quelque chose ! Allez vas-y déballe ton sac.
- Ah non c’est bon, on en a déjà parlé cent fois… alors rentre-moi cette caisse tu veux et laisse mon cul faire ses adieux à son balcon !
- Ok il en a pour longtemps ?
- Mais qu’est-ce que j’en sais moi merde !?

Je dépose la caisse sur la table du salon. Elle est marrante, elle. On dirait que c’est par plaisir que je lui retire sa vue et sa vie du balcon. J’ai rien voulu de tout ça moi.

- Pourquoi tu me regardes comme ça, nain de jardin ?
- …
- Tu vas pas t’y mettre toi aussi.
- ...
- Tu fais chier.

Bon, c’est la dernière caisse, reste plus qu’à charger dans le camion. Si j’avais pu faire autrement… je sais qu’elle y tient à cette maison, à ce balcon, mais on ne pourra pas vivre comme ça. C’est sûr. Ce serait infernal. Angoissant comme 73 nains de jardin. On a plus d’autres alternatives. C’est trop tard. C’est ce que je me dis, là, la main sur la clenche. C’est le bon choix, même si j’ai un mal de chien à la lâcher.

- Je commence à charger !
- Hum hum…

Peut-être que j’aurais pu soudoyer l’administration. Je veux dire, soudoyer d’avantage. Le foie gras c’était sans doute surfait. Les liasses de billets suspect. Les cinq petits chiots peut-être pas une bonne idée. Les menaces peu crédibles. J’ai toujours eu la tête du gentil. Et c’est difficile dans la vie de s’en sortir avec ça, croyez-moi. Alors j’ai joué la carte gentil-sans espoir.

- Je vous en supplie, ma vie va devenir un enfer !
- Mais enfin vous exagérez ! Et puis ce n’est pas une procédure que l’on lance à la légère, il faut de véritables et profonds motifs.
- Ah oui, et devoir laisser ma vie derrière moi ? C’est pas un motif profond comme un puits ça ? fuir comme un fugitif ? un criminel ? une bête traquée ?
- Vous savez l’intérêt de la chasse, c’est la bête qui court, si vous vous tenez tranquille, ça se passera sans doute sans trop d'encombres.
- Sans trop d’encombres… mais je vais devoir quitter ma maison, la région, le pays ! Je demande l’asile politique !
- C’est non.
- L’asile !
- C’est toujours non.
- L’… !
- NON.
- …
- Autre chose ?
- Il viendra un jour où le vent tournera, et ce jour là, croyez-moi, on se retrouvera. Souvenez-vous-en.
- Ils régneront encore que vous et moi seront morts, mon pauvre petit.
- C’est ce que nous verrons. Un jour je reviendrai, et vous verrez.

Ma femme me dit qu’on n’aurait pu rester là. Que je développe une parano. Que la situation n’est pas à ce point verrouillée. Elle n’entend pas le clic clic de l’engrenage. Le clac des crocs.
En chargeant le camion, je vois les grandes affiches qui se déploient un peu partout. Des images de meeting. Des relents conservateurs. Une peau claire. Un brushing parfait. « N’ouvrons pas la porte ». Un air candide de sœur-sourire qui draine tous les électorats.
Un mec en placarde une autre sur le mur de l’immeuble. « travaillez-plus pour être heureux » avec une troupe de gars guillerets et sifflotant, revenant de la mine. Je me retourne. Sur une autre « Gardez-bien votre logis, et votre mari aussi !». On la voit – écœurante - balai en main, tantôt préparant une soupe. Ou récurant une petite bâtisse. « Le balai est votre cher et tendre ».

Oui, il est vraiment temps qu’on s’en aille. Ça commence à craindre pour nous ici. Mieux vaut élaborer un plan hors-frontière, en sécurité.

- On y va, chérie ?
- Oui…
- Ça ira, tu sais.
- Je sais.
- On s'en relèvera, je te le promets.

On a roulé des heures sans dire un mot, plombés, jusqu’au poste des garde-frontières.

- Papiers ?
- Oui, tenez.
- Très bien, tout est en ordre, vous pouvez y aller Mr Apple.
- Très bien.
- Le royaume de Blanche-neige vous souhaite un bon voyage.

C'était vraiment inspirant ces consignes ! Me suis bien amusée !
Je vais faire pisser mes chiens et je reviens vous lire.

Ils ont le pipi tard :0)
Je vous lis domani!

Mais ça fait du bien un petit exo! Thanks MCY !

Dis, tu vas bouger ta caisse de mon horizon, sale con !
Ce sont les mots exacts que j’avais calligraphiés à l’encre mauve sur un post-it standard ,avant de le coller, bien centré, sur le pare-brise de mon voisin.
Inutile de vous dire que je n’avais pas osé le signer de mon nom, Irène Tempête.
Pourtant, ça a du style Irène Tempête, cela sonne comme dans les romans d’aventures où l’héroïne exquise et sexy esquisse des plans faramineux pour échapper à tous les dangers. Ma vie, malheureusement, avait beaucoup moins d’intérêt. Je devais bien m’habituer à cet état de fait.
Depuis plusieurs mois, rien n’agrémentait mon quotidien de comptable chez un loueur de vaisselle, si ce n’est que j’avais perdu mon père et que j’avais pris la décision d’obtenir ma licence de conductrice.
C’est ainsi qu’en août 2011 je passai la porte de l’antenne communale de mon quartier. Derrière sa vitre antiagressions un préposé était concentré sur son sudoku.

— Excusez-moi monsieur, mais vous devriez tenter un six...
— Et de quoi elle se mêle la madameke, elle est consultante en sudoku peut-être ?
— Sans vouloir vous vexer, je suis en quelque sorte une experte du chiffre, une mata-hari de l’énigme mathématique. Je suis comptable moi, monsieur.
— Verdom ! Mais c’est qu’elle a raison, le six klopte parfaitement. Et quel bon vent vous amène, madame ...
— Tempête, Irène Tempête, je...
— Amaï, c’est que vous faites la météo en plus, il n’y a pas à dire, ils sont fort les consultants aujourd’hui.
— Non ! Tempête c’est mon nom. Enfin, c’était Storm mais vu que papa était professeur de français, on dit Tempête.
— Ja ja, je vois...encore des fransquillons qui descendent des beaux quartiers.
— Pas exactement, j’habite la ville basse, donc pour être correcte je suis plutôt montée...
— Dites, madameke, vous n’allez pas pinailler avec moi comme ça une fois. C’est que j’ai du travail moi.
— Je ne voulais pas vous déranger, je viens pour ma licence de conduite...
— ah ja, le chauffeur a dit bon vent à Madame Tempête, maintenant vous devez conduire vous-même...ah elle bonne une fois, celle-là.
— Très drôle monsieur, vraiment. Bon, je peux remplir le formulaire là.
— Tiens, le v’la ton formulaire. Et n’oublie pas d’ajouter deux photos satellites de la tempête Irène. Hahaha...Allez, j’arrête de te chercher misère.
— Je vous en remercie bien Monsieur
— Dus voilà, il n’y a pas d’avance à t’énerver, ton papier il est en ordre. Tot ziens hein madameke, et bien le bonjour à menheer votre papa aha...

J’ai toujours détesté les administrations et leur grossier personnel alors quand toute contente d’avoir enfin l’autorisation de conduire ma voiture, j’ai vu que le véhicule du voisin bloquait l’accès à mon garage, je suis sortie de mes gonds.

Claire

« Dis, tu vas bouger ta caisse de mon horizon, sale con ! »


Un enfoiré bouchait la sortie de mon garage, et je m'époumonais sur fond de musique-klaxon depuis environ trois minutes lorsque un type habillé en costard noir se décida enfin à venir déplacer sa bagnole. Il y avait dans l'air cette même chaleur que le jour où Claire est partie ; la lumière en fusion flottait, fantomatique, entre les pares-brises étincelants qui jouaient au tennis de table de table avec les rayons du soleil, et mon esprit famélique voyait partout les courbes de cette femme furieuse. Il me semblait l'apercevoir dans les flaques de goudron qui luisaient sur le sol, dans la forme figée d'un nuage jaune arrêté au dessus de la rue ; ses traits familiers se détachaient derrière l'ombre d'un volant voisin, sur les dessins d'enfants qui pendaient mollement au balcon de la maison d'en face, et le visage de Claire flagellait mon iris dans le feu de ce jour qui lui ressemblait tant. Fugace, vêtu d'un voile opaque, irréel, comme elle. Comme lui, elle m'avait laissé plein de sueur, victime du cauchemar de son silence, de sa pesanteur, dégoulinant des frasques de son amour collant, visqueux, encore tiède et poisseux contre ma peau, encore tout récent.

Je tournais au coin des maisons blanches. La rue s'élançait comme une jetée dans cette fiole vide éblouissante. L'air tremblait au dessus de la chaussée. Le moteur ronronnait doucement, dans une odeur d'essence et d'huile chaude. Les vitrines des magasins faisaient des carrés sombres au milieu du linceul jeté sur le quartier, et les écrans des télévisions brillaient à l'intérieur, joyaux dissimulés qui m'apportaient la vision d'autres hommes et de femmes heureux ensemble. Je m'arrêtais sur le trottoir pour regarder leurs jeux de pantomimes. Les journalistes léchaient leurs lèvres gercées. Un chien aboyait sans bruit derrière une passante interviewée par le meilleur reporter américain de tous les états du monde. Un politique connu se faisait passer les menottes devant une jungle austère de caméras et micros tendus. La photo d'un mec avachi dans une baignoire pleine de sang avec des tresses d'hémoglobine dans les cheveux passait en boucle et en gros plan au dessus des bandeaux d'information continue. Le nom du gars mort était le même que le mien, et il me semblait bien l'avoir déjà aperçu quelque part auparavant, mais je n'avais pas le coeur à m'en amuser ou à creuser mes souvenirs. Pauvre mec. Je n'ai pas pu m'empêcher de ressentir un brin de douleur pour lui. Entre souffreteux de l'existence, ou dans le cas présent, de la mort, on se serre les coudes.

J'ai continué en voiture sur une centaine de mètres et ensuite j'ai quitté mes chaussures, je les ai laissées dans le coffre et j'ai fait le reste du chemin pieds nus. J'avais envie de ressentir parfaitement ce qu'il y avait autour de moi. J'ai compris il y a peu que la souffrance permet une lucidité exceptionnelle sur les choses. Les graviers brûlants perforaient la surface de ma peau. Mes plantes de pieds se brûlaient à la graisse dévorante de l'asphalte en combustion. J'atteignais une proximité avec la mort furieuse et étonnante, comme une obstination à vouloir l'approcher et la comprendre. Je poussais la porte du cimetière. Les fleurs carbonisées retombaient sur les tombes comme des femmes en pleurs sur le corps de leurs enfants, et les dalles de marbre, les couvercles de granit s'enfonçaient dans l'ombre du sol pour échapper à la lumière. Je n'allais pas jusqu'à la tombe de Claire. Je pensais que j'aurais dû profiter un peu pendant qu'elle était là. Son absence me faisait comme une grande soif, un mauvais goût dans la bouche que l'eau n'efface pas et que seul l'alcool sait remplacer le soir, quand on est allongé nu sur le sol, dans la merde et la poussière tièdes. Une bourrasque de vent chaud qui venait des allées sableuses arracha mon chapeau.

A mon retour, la caisse du type habillé sérieux était encore plantée devant mon garage. J'étais encore bloqué, cette fois à l'extérieur. J'allais pleurer de rage, fatigué par la chaleur, fatigué de ce jour qui n'en finissait pas, lorsque je m'aperçus que l'homme sommeillait contre ma porte d'entrée, la tête en l'air, appuyé contre le battant.

«Qu'est-ce que vous foutez là ? »
-Maître Gambas, huissier de justice.
-Ouais, j'm'en fous que vous soyiez magistrat ou poissonnier. Enlevez votre bagnole de devant mon garage.
-Vous connaissez un certain Pierre Colin ?
-Ouais. C'est moi. Qu'est-ce que vous lui voulez ?
-Je viens récupérer ses biens, c'est l'Etat qui m'envoie. Il était criblé de dettes. Il a rien précisé dans son testament, il n'a pas d'enfants, pas de femme, ça nous revient.
-Vous êtes con ou quoi ? J'ai l'air mort ?
-Non, de toute évidence. Vous n'êtes donc pas Pierre Colin.
-Ma carte d'identité est à l'intérieur.
-Personne ne rentre. Tout ce qui est là-dedans est à l'Etat. »

L'administration me croyait mort. A vrai dire, je m'en foutais pas mal, si cela pouvait m'éviter de payer des impôts. Ils pouvaient bien tout emporter, aussi. Tout ce qu'il y a dans cette maison est à un autre, quelqu'un qui flotte quelque part dans la torture et la chaleur, dans l'aube brûlante d'une mauvaise nuit, dans la moiteur des draps mouillés et des cauchemars humides. Mais je voulais rentrer chez moi. M'allonger sur mon lit, dormir, échapper aux rayons du soleil et prendre une douche glacée, une douche transparente, qu'on ne voit pas du tout. Rien de visible. Je m'étais dit que je commençai à aller un peu pieux ; pour la première fois de la journée, je ressentais quelque chose, un esquisse de sensation, de sentiment. Je pensais à l'homme rouge dans sa baignoire. Je restais quelques temps dans ma voiture, à sentir le cuir brûlant sur mes cuisses, à regarder cet homme en noir devant ma porte, comme un croque-mitaine qui me fixait des yeux. Il était peut-être temps finalement, c'est ce que je me disais tout bas, comme une évidence qui germe sous les premiers coups de chaleur, qui montre au jour étincelant et impartial ce qu'elle a enfanté tout bas, dans les entrailles de la terre, ses jeunes pouces qui ne demandent qu'à éclore d'un coup sous la pesée profonde du monde tout autour d'elle.

Je rentrais par derrière, par l'ombre des cèdres du jardin. Je cassais une fenêtre et tournai la poignée. Il est inutile de préciser que l'huissier a dû m'entendre.

J'ai planté le tabouret au milieu du salon. Juste en face, il y un tableau qui représente un judas. On aperçoit une partie de la porte, marron, lacérée de coups de pinceaux, et ce trou au milieu ouvre sur un fond bleu clair. Le peintre n'a pas représenté de visage dans ce gouffre. J'espèrerais qu'en tombant j'arriverai au niveau du judas et que je verrai quelque chose de dissimulé jusqu'à alors, un masque gravé dans la lumière nouvelle qui arrive de cette percée. Si la souffrance de la vie permet de saisir toutes ces choses qui traînent et sur lesquelles on ne pose jamais la main d'ordinaire, peut-être que cela marche également avec les douleurs suprêmes, les brûlures agonisantes. Derrière ce judas je veux voir mille choses fraîches, me rafraîchir les tempes et le visage.. J'avais acheté la toile après le départ de Claire, en prévision de ce seul moment. Je laissais un petit mot sur la table, pour un petit mort dans ma maison, dans l'ombre de mes murs.

"Je lègue tout mes biens à l'Etat. Faîtes-en ce que vous voulez, mais, je vous en prie, tenez tout à l'écart de la chaleur."

C'est marrant, je viens de lire vos textes, j''ai pensé l'exo différemment sans m'en apercevoir ; il y a un rapport et une confrontation à l'administration comme dans les consignes données par Yali mais je n'ai pas lié les choses ensemble de la même façon. C'est étrange les interprétations. Vos productions sont vraiment chouettes à lire et vraiment drôles, je commenterai ce week-end ! Bisous, et merci beaucoup à Yali pour cette idée formidable !

Putain j'ai tellement honte de poster ! M'en voulez pas les gens , j'vous l'avais dit, cerveau essoré.

Rho, Rebecca, je suis sûre que ça sera bien, comme d'hab !

Du riffiffi dans le neuf trois


-« Dis, tu vas bouger ta caisse de mon horizon, sale con ! »

- C’est pas une caisse, c’est une voiture de fonction. Enfin c’était.

- Casse toi pov con !

- J’peux pas j’ suis dans un état proche de la France, en plein krasch financier et boursier, en pleine crise, d’hémorroïdes, et comme mes pneus j suis crevé.

- Ben la France si tu l’aimes, pas tu la quittes.

- J’voudrais bien Monsieur. C’est elle qui m’a quitté. J’vous explique, mais vite fait parce que je suis un peu las.

- T’es beaucoup trop là j’trouve ! Tu vois pas que tu m’empêches de bosser ?

- C’est bien ça, Monsieur, j’aime la France qui se lève tôt. Vous voulez travailler plus pour gagner plus !

- Gagner plus c’est ce que tu m’empêches de faire pov nain. Me lever tôt c’est une autre histoire. Tu vois pas que je fais le guet ! On m’appelle « le percepteur » dans le quartier. Je suis payé à la taxe. Ahahah ! Et toi je vais te taxer ta bagnole elle fait tache dans mon champ de vision. Je vais te la craqueler au cric .

- Je voulais en croquer jouer au cricket et maintenant sans mes econocroques ça craint

- Tu veux du crack ?

- J’vais craquer. Personne ne m’aime. Carlita aussi m’a lourdé.

- Mais qu’est ce que tu fous, tu t’assois dans le caniveau maintenant ? Tu peux rester debout ça fait aucune différence, c’est pas toi qui me gâche la vue.

- Je suis fatigué. Faites le guet, moi je suis tombé dans un guet apens. On m’avait fait miroiter un plan de sauvetage. Puisque celui de l’Europe avait échoué. Mais on m’a abandonné ici. Je suis à la rue. Et si j’y suis j’y reste.

- Zy va zy va je vais te passer au Karcher toi. Tiens j’vois ma copine fliquette qui rapplique. Grâce à toi elle a toujours sur elle son atomisère de poche… Elle va te virer de là vite fait.

- Viré, viré, inutile de vous dire que je le suis déjà. Vous avez compris qui je suis non ? Donc je me présente. Cher concitoyen je suis …claqué, épuisé

- Pas besoin de faire les présentations, je vais te foutre un coup de boule toi tu vas morfler, moi on me traite ni de sale ni de pov con et encore moins de citoyen con. C’est pas parce que je suis un citoyen du neuf trois que tu peux me mépriser! J’vais sortir mon gun, j’vais te flamber

- Sauf votre respect après le coup d’état qui m’a déjà envoyé bouler , j’risque plus grand-chose.

- Oui je sais je t’ai vu à la télé, entre deux pubs pour le camembert Président. Toi t’as flambé la thune de la France. Il t’ont pas mis le goudron et les plumes ?

- J’aurais tant voulu gagner le gros lot à la roue de la fortune… Mais la roue tourne .

- T’as dû prendre la porte

- Pfff elle était lourde

- Puisque t’as pris la peine de prendre la porte moi je vais te l’écraser sur la tronche. Et je vais te coller l’œil à la serrure. Vlà la keuf. Tu vas regretter la peau lisse de Carlita. Tu vas te ramasser une prune et je te reserve un pruneau si t’insistes. J’suis comme qui dirait hors de mes gonds.

L’aubergine était arrivée depuis un moment qui suivait la scène en se gondolant. Elle prit son rôle au sérieux.

- Bon allez, nom adresse et contredanse. Zêtes dans le caniveau et sur le passage piétons..

- Ah ah ah ! j'te le disais entre la prune et le pruneau tu vas danser la mazurka. Il veut pas se tirer, c’t enfoiré. Faut qu’il s’incruste partout .

- Mais je n’ai pas les clefs, mon chauffeur est parti avec, j’ voudrais bien moi me tirer avec la caisse !

- Nom adresse ?

- Nico, las, SDF

- Ahahah Sarkozy zy va Saltimbanque De France

Je vous laisse, m'en vais dormir...
Merci Yali, pour cet exo même si j'ai maudit ton nom toute la soirée (je hais les dialogues, j'ai horreur des phrases imposées... et c'est quoi ces figures de style à la noix... :-))

Coline: si seulement c'était vrai :-) En même temps 2500 c'est pas si mal, mais pas assez pour vivre perché avec et écrire encore.

Lyrette, j'ai besoin d'une explication de texte, je vois bien le concept, en fait je le vois parfaitement et c'est bien vu, mais le mécanisme, l'architecture m'échappe.

Vous vous êtes bien débrouillé les gens d'après ce que j'ai déjà lu ! Je continue de lire tranquillement mais je vous commenterai pas ce soir....Quoique ....ahaha....Marie Hesté !
Mais yen a qui vont rien comprendre à cette un peu private joke...
Merci Yali pour ces contraintes ! Pffff Je sais pas si je pourrai encore t'encadrer demain :-))) Peux pas sauter par la fenêtre j suis au premier étage....mais j'prendrai bien la clé des champs.
Mais je reconnais, j'ai bien aimé l'idée de tous commencer par la même phrase. C'est rigolo de voir où elle emmène chacun .

Bon...je viens de survoler ton texte, Reb et je m'aperçois qu'on est parti sur la même idée de base ! Les grands esprits, etc. Pas vrai ?

Exo amusant, MC Yali. Merci. Je dégage un peu le chantier (assiettes grasses, bouteilles vides, verre en voie de l'être, etc.) et je me lance dans la lecture. Commentaires dès que possible.

En plus c'est la seule de mon texte qui tienne debout ... Merci du partage :-)))

« Dis, tu vas bouger ta caisse de mon horizon, sale con !
- Arrête ça tout de suite ou je te démonte le chambranle, dutrou !
- Quoi ?! qu’esse t’a dit, là ? T'as parlé de branlette ou j'ai mal entendu ?
- T’as mal entendu, l’cornu ! J’ai parlé de ta porte, là, ta portière de bagnole, celle qui m’empêche de passer pour aller au boulot, alors soit tu bouges de là fissa, soit je te l’arrache, ton vantail, et la parclose avec, bordel de fiente !
- Ma parquoi ? C’est une Laguna, ma caisse, dufion, pas une par-chais-pas-quoi, alors ton pot de yaourt, y fait pas l'poids... »

Là, mon sang n’a fait qu’un tour. Bon, d’accord, deux et demi. En tout cas, le temps de mesurer – à vue de nez, hein – la distance qui me séparait du tordu qui s’était extrait de sa tire pour injurier le tas de tôle qui me tenait lieu de moyen de locomotion.
Six pas – allez, cinq, en étirant un peu la jambe – et je me jetais sur l’odieux personnage, saisissais son chèche Hermès d’une main avant de me mettre à tourner autour de lui dans une danse de la pluie endiablée – un tour, deux tours – sans lâcher le tissus, l’enroulant autour de son cou tout en tirant le plus fort possible – trois tours, quatr... oups !

Tous les journaux avaient relaté le drame : « étranglé par son foulard en pleine rue ! » Et, hélas, aucun témoin, selon les journalistes.

Un peu plus tard et un peu honteux d’avoir ainsi ôté la vie d’un homme – certes con, mais quand même – je me mis en tête d’aller changer les plaques d’immatriculation de ma voiture, rapport à d’éventuels regards qui auraient traîné dans la ruelle le jour du crime, car, même si je ne l'avais pas fait exprès, il fallait que je fasse gaffe à mon séant.

« Suivant !
- Bonjour !

Regard courroucé.

- Je viens mettre ma carte grise à jour, j'ai déménagé.
- Vous avez rempli le formulaire X312120ZX3400 ?

Mine joyeuse :

- Le voilà !
- Euh, non, ça c’est le X312120ZX3401… Et puis, le nom, là, il est pas écrit correctement…
- Comment ça, je sais pas écrire mon nom ? C'est pourtant celui que je porte depuis 37 ans, j'aurais dû l'apprendre, hein, depuis tout ce temps, mais vous savez comment c'est, à l'école, on préfère regarder le décolleté de la prof plutôt que...
- Bon, écoutez, revenez quand vous aurez le bon formulaire et que vous l’aurez rempli correctement !
- Mademoiselle, si je l’osais, je vous dirais que vos yeux sont une oasis en forme de rose, de rosée, même, si je l'osais... »

Là, elle s’est brusquement levée de sa chaise et s’est mise à hurler : « Vous allez arrêter de me prendre pour une conne, tous tant que vous êtes ! Et vous allez pas me faire croire que vous vous appelez Déesse Kha, parce que, là, vous voyez, ça me fait pas rire du tout, MAIS PAS DU TOUT ! »

Sur ce, elle a quitté le guichet en claquant la porte si fort que les vitres ont tremblé.
A bout de nerfs, elle était, je crois.
Pourtant, je m’étais dit que c’était une bonne idée, en plus de changer les plaques, de changer de patronyme, au cas où…

Bonsoir ! Arrivée avec 2 heures de retard, contraintes en béton, mais je me suis bien amusée !
Merci, Yali.
Je vous lirai demain. Là, couette, dodo.

Bonne nuit et bon tout. Merci à vous, vais rejoindre ma ronde.
Sinon, un MC pour la semaine prochaine ? Marine, je te sens prête.

Oh, c'est gentil Yali ! Mais, jusqu'à alors c'étaient les vacances, et je reprends le lycée mardi ! Du coup, je ne sais pas encore à quelle heure je vais finir le vendredi soir, et si j'aurais bien le temps de me consacrer entièrement à tout cela ! Alors, peut-être plus pour la semaine d'après, ou une semaine où je serai sûre de pouvoir être complètement là le soir-dit ! Mais si jamais il s'avère que vendredi prochain prévoit d'être calme, je t'avertis !
Bisous !

Gobu : ça coule, ça roule, comme d’hab’, toujours aussi agréable à lire, et euphorisant, aussi – ah, ce Adolphe Hitelaire !

Rebecca : Ouache ! Tu nous l'as bien amoché ! « Mais qu’est ce que tu fous, tu t’assois dans le caniveau maintenant ? Tu peux rester debout ça fait aucune différence », ça, c’est bien envoyé ! Bon, sinon, un peu décousu, mais on sent que les sonorités te portent, c’est du dialogue qui valse sur le tac au tac (tacot-taque ?), et j’aime quand les sons se mettent à danser.

Marine : C’est dense et douloureux, bavard, aussi, un peu. Une profondeur à explorer pour en saisir toutes les nuances. Je n’ai pas saisi la fin, pas bien compris ce "Tenez tout à l'écart de la chaleur", mais j'aime la coloration, le ton du texte.