Exo duo Tizef/elea : En attendant l'exo

– Salut Elea. Je te propose de faire ça sous forme de dialogue entre deux mythomanes. Les cas de figure ne manquent pas. Qu’en penses-tu ?

– Bonsoir Tizef, bonne idée. Je ne suis pas habituée aux dialogues, cela me fera donc un bon exercice et je compte sur toi pour me dire s’ils tiennent la route. On garde nos identités sexuelles, on échange ou on part tous les deux sur la même ?

– Pour le sexe de ton personnage, tu fais comme tu veux. Je préfère rester un homme. Le dialogue permet à chacun de jouer sa partition selon son style. Genre impro. J’ai constaté que tu es très efficace à la première personne. Reste plus qu’à trouver le scénar sachant qu’il est question de mythomanie non de mensonge. Les mythomanes sont de bonne foi. Sur le chaud, je pense à une consultation psy, le praticien se révélant plus mytho que son client. Mais il doit y avoir mieux. Comment vois-tu la chose ?

– La séance psy me semble fonctionner, oui. Il pourrait aussi s’agir d’un entretien d’embauche. Ou de parents qui discutent de leurs enfants respectifs, lors d’une réunion à l’école ; mieux : un prof et un parent. Ou bien le client d’une banque et son conseiller.
Beaucoup de situations fonctionnent, le plus dur est de trouver ce qu’ils peuvent se raconter, en parfaits mythomanes.
Hormis le samedi, je ne suis pas disponible en journée. Je pense qu’il faut d’abord se mettre d’accord sur nos personnages. Ensuite, si tu le veux bien, tu commences un dialogue, je suis et on voit si on arrive à bien enchaîner, non ? C’est la première fois que j’écris à deux. Je ne sais pas trop comment il faut faire en fait.
　
– Prof-parent me parait excellent. Quel rôle veux-tu tenir ?

– Dans la vie je ne suis ni l’un ni l’autre donc ça m’est complètement égal, je te laisse le choix.

– Je ne me suis jamais occupé de la scolarité de mes mômes et n’ai jamais été prof non plus (ni banquier, ni psy, ni DRH non plus d’ailleurs). Bon disons que je ferai le parent. Elea, je te vois bien en prof de math.

– Pourquoi ? J’ai la tête de l’emploi ? C’est vrai que sans être une vocation, c’était mon truc les chiffres, je suis douée pour. Surtout le calcul mental et les équations à inconnues multiples.
Je te vois bien père de jumelles qui ne savent pas additionner au-delà de deux.

– Génial. Je serai donc en pleine mythomanie.
Parce que dans la vraie vie, mes mômes ont fait de très belles études. Ils étaient bons en tout, surtout en math. C’est pour ça que je n’ai pas eu à rencontrer les profs.
De toute façon avec mon job, je n’en avais pas le loisir. Je suis toujours à pétaouchnok. Là j’étais à Kaboul, mais ma prochaine mission, c’est en Syrie. Enfin, pour l’instant il n’y a rien d’officiel, alors tu gardes ça pour toi.

– Je me demande finalement s’il est bien nécessaire que nous soyons tous les deux des mythomanes, ça risque d’être un peu lourd… Et puis je trouve que le costume te sied mieux qu’à moi, je ne suis jamais qu’une prof de math, commune malgré mes quinze ans.

– Quinze ans ? Mais c'est génial. Tu es donc encore au Lycée. Avec, j'imagine un regard acéré sur les profs. Tu as raison, peut-être n'est-il pas utile d'en remettre et d'affliger les pauvres de mythomanie.
En ce qui me concerne, je m'entraine à entrer dans la peau du personnage de parent de jumelles... limitées. Forcément ce sera un type médiocre, exerçant un boulot routinier, mais se rêvant un destin hors du commun.
Il va donc toiser la prof assez culottée pour le convoquer. Je commence à bien sentir le truc. D'autant que pour le destin hors du commun, il me suffit de m'inspirer de mon vécu. Mais parlons un peu de toi. Pour tes quinze ans, tu as une sacrée maturité. Je suppose que tu as un ou deux ans d'avance dans ta scolarité ?

– J’ai dix ans d’avance, j’ai sauté le primaire, et le secondaire dans la foulée. Ce ne peut être que ça puisque je n’en ai aucun souvenir, black out total, ma vie a commencé à cinq ans au Lycée. C’est ainsi que j’ai pu être prof de math à quatorze ans à peine.
Tu es trop dur envers tes jumelles, elles ne sont pas limitées, on peut ne pas savoir compter après deux par refus de voir le monde en dehors du couple monozygote et être, par ailleurs, doué pour le reste. Je me souviens parfaitement avoir eu des triplés dans ma classe l’année dernière, ils ne parvenaient à se souvenir que de la règle de trois.
Mais dis-moi, tu sembles avoir une vie passionnante, si tu me parlais un peu de ce fameux vécu ?

– Ça me gêne un peu car ça relève du secret défense. Mais si tu me promets de tenir ta langue, ce sera avec plaisir. Je suis agent secret. Après Saint Cyr, j'ai fait les langues orientales, ce qui m'a permis d'infiltrer les réseaux islamistes. J'ai failli rencontrer Ben Laden, mais ça ne s'est pas fait. Comme je l'ai dit précédemment, j'attends mon ordre de mission pour la Syrie. Ca me laisse le temps de faire des exos d'écriture un poil capillotractés.
Si je comprends bien, pour toi, jouer les profs de math ne sera pas un rôle de composition. Tu l'es vraiment dans la vie. Le coup des triplés et de la règle de trois m'a bien fait rire. Sur le coup je n'avais pas percuté sur les jumelles qui ne savaient pas compter jusqu'à deux. J'avais pris ça au premier degré. J'aurais dû me méfier car les matheux sont connus pour leur humour à froid.
Si jeune tout de même... tu n'as pas de problème de discipline ?

– C’est amusant ce que tu me dis parce que je pratique la danse orientale, si tu as besoin d’une Mata Hari, n’hésite pas à faire appel à moi. J’espère que maintenant que tu m’as avoué ton secret tu ne vas pas être obligé de m’éliminer, ce serait dommage tes jumelles m’adorent, du moins quand elles sortent un instant de leur monde et s’aperçoivent que je suis là.
Bon courage pour la Syrie.
Je n’ai bien évidemment aucun problème de discipline, ce sont les adultes qui ne savent pas comment s’y prendre avec les ados, moi je suis comme eux, je les comprends et ils me le rendent bien.

– J'aime bien la danse orientale. Au Caire j'y allais volontiers avec des amis sûrs. Mais dans le milieu où j'évolue actuellement, elle n'est pas du tout en odeur de sainteté. Et c'est un euphémisme. Ce serait donc te condamner à mort que de t'embaucher comme Mata Hari. Que deviendraient tes élèves sans leur ado de prof surdouée ?
Bon, maintenant qu'on s'est présentés, si on revenait au sujet de l'exo. Je suis donc un papa médiocre et mythomaniaque convoqué par sa prof de math parce que ses jumelles ne savent pas additionner au-delà de deux. Pas si évident finalement de jouer un type si différent de ce qu'on est dans la vraie vie. T'aurais pas une idée à me souffler ?

– Il faut se mettre dans la peau du personnage, tout est dans l’empathie avec lui, mais c’est vrai que j’ai le beau rôle moi qui joue le mien. Je ne doute pas que comme tous les papa il soit fier de ses filles au point de ne pas vouloir croire ce que va lui raconter la prof. Peut-être va-t-il se révéler encore plus mauvais qu’elles en calcul, ou très agressif ou encore, face au tableau noir griffonné de formules savantes de calcul et probabilités, va-t-il avoir une révélation. À toi de voir, après tout je suis prof de math, pas coach en imaginaire.

– Bon je me lance.
« Bonjour Madame. Je suis le papa des petites Martin. Les jumelles. Mon épouse n’a pas pu se libérer. J’ai donc pris ma demi-journée pour répondre à votre convocation. Savez-vous que les gamines vous adorent ? Ça ne m’étonne pas. J’aurais bien aimé avoir une prof comme vous. »

– Ok, j'attrape au vol :
« Ah bonjour monsieur Martin ! Enchantée de vous rencontrer enfin. Vos filles n’ont aucun souci vous savez, je brûlais simplement de vous rencontrer, j’aimerais tellement avoir un père comme vous. Vous m’adoptez ? Je n’ai jamais eu de sœurs et vos jumelles me ressemblent tellement ».

Excellent même si au départ c'est un peu laborieux ; la mythomanie qui se mord la queue (c'est une expression) :-)

Oui, on aurait pu rentrer plus vite dans le sujet, mais c'est pas mal aussi cett façon lente d'installer le truc

les écritures se mêlent bien, la boucle est bouclée à la fin, c'est réussi !

Bizarrement, c'est au moment où ça commence à décoller que la fin tombe. On aurait peux être pu élaguer un peu. La conversation du début ne me semble pas utile et n'entre pas dans le sujet.
Ça me fait l'effet d'une pièce de théâtre qu'on joue en parlant de la pièce de théâtre qu'on joue.

En tout cas, les exos duo n'intéressent pas grand monde, y en a que pour les first love...

Elea, ne m'en veux pas si je révèle ici nos week end studieux et nos nuits interminables à la recherche du Graal duelliste et mythomaniaque.

Nous avons écrit, à quatre mains, pas moins de huit textes différents avant de choisir celui-ci.
L'un était trop mytho, un autre pas assez, un troisième trop "littéraire", le quatrième pas assez, bref...

Malgré le soleil qui invitait à la baignade ou la lune à la balade au clair d'icelle, nous nous échinions à les comparer, à rustiner l'un, à élaguer l'autre...

Ce ne fut que du plaisir. Je suis prêt à repartir pour de nouvelles aventures en duo.

Mais sur un sujet un peu moins capillotracté. J'ai du préparer en urgence une unité de psycho appliquée avant de me mettre au boulot !

L'initiateur du projet s'est fait hara-kiri (Hadès ait son âme) lorsqu'il a pris conscience de la frappadinguitude du thème imposé.
Merci à PCP (qui doit bosser au Samu où aux pompiers de Paris) d'être intervenu pour lui maintenir la tête hors de l'eau (je cause du projet, pour son initiateur c'était trop tard)

La première partie, qui, c'est vrai, aurait pu être évitée, a pourtant bien répondu aux questions que je me posais.
Comment, dans la pratique, mettre sur pied un tel exercice ? Je crois que je ne saurais entrer dans ce jeu, et pour cela, je félicite ceux qui s'y sont exercés, en saluant leur réussite.

Pour ce qui est du sujet, son traitement est savoureux. Les dialogues sentent habilement le naturel, même quand des détails totalement déjantés surgissent, ça et là.
Habile aussi, ce qu'on sent être un questionnement entre les deux écrivains quant à la progression du projet, et la poursuite du délire, sans transition, comme si de rien n'était.

En résumé, c'est une réussite. Bravo !

Iris a écrit:Je crois que je ne saurais entrer dans ce jeu...

Tu vas voir si tu n'es pas capable ! Viens-y donc avec moi !

Pascal-Claude Perrault a écrit:On aurait peux être pu élaguer un peu.

Peut-être ! Veuillez excuser cette ignoble faute ; j'avais encore les yeux au fond du lit !

Encore bravo et merci pour tout !