Exo live jeudi 22 novembre 2012 à 20h30

Exo 221112

Instrument : cazou
Sentiment inavouable : fesser Valérie Treiweiler
Rue : Rue Dieu





1) LACHE AGRESSION RUE DIEU A PARIS

(AFP ce Jeudi 22/11/2012)

Ce soir, vers 20 heures 57 minutes et 16 secondes à peu près, Valérie Treiweiler, qu’on ne présente plus sauf à ceux qui ne la connaissent pas encore, a été agressée et molestée rue Dieu (10ème arrondissement) par une ou plusieurs personnes inconnues. Par bonheur, la victime, qui a été conduite en urgence à l’hôpital du Val de Grasse sous haute protection policière, n’aurait subi que des lésions sans gravité, sauf pour son amour-propre. On se perd en conjectures sur le ou les auteurs de ce forfait, qui n’a pour l’instant pas été revendiqué. M. Manuel Valls, Ministre de l’Inférieur, consulté par téléphone, a indiqué qu’il enverrait à la presse un communiqué dès que ses services l’auraient informé des circonstances exactes de cet odieux attentat.

2) COMMUNIQUE DE M. LE MINISTRE DE L’INFERIEUR

« Françaises, français et même les autres, j’ai le douloureux devoir de vous informer que la (presque) Première Dame de France a été l’objet ce soir même d’une odieuse agression. Selon les premières informations dont disposent mes services, la malheureuse victime aurait été prise à partie, au cœur de la capitale, par un ou plusieurs agresseurs pour le moment non identifiés qui lui auraient fait subir des violences aussi douloureuses que dégradantes. Il va de soi que je veillerai personnellement à ce que toutes les dispositions soient prises pour démasquer, mettre hors d’état de nuire et châtier comme il convient les auteurs de ces méprisables voies de fait. J’ai d’ores et déjà donné des instructions draconiennes pour que des perquisitions, des opérations coup de poing et des ratissages d’envergure soient menés dans tous les milieux suspects de la capitale. Dans le strict respect de la légalité, naturellement, mais sans la moindre faiblesse. Mais j’irai plus loin. S’il apparaissait, au cours de l’enquête, que des personnalités, quel que soit leur rang, leur fortune ou leur notoriété, étaient mêlées à cet inqualifiable attentat, je me porte garant sur l’honneur que je ferai tout, et même le reste, pour que la Justice suive son cours, n’en déplaise à ceux qui se complaisent à dénigrer l’action du gouvernement. Le salut des institutions républicaines est à ce prix. »



3) COMMUNIQUE DU DOCTEUR KLYSTER, DIRECTEUR DU SERVICE DE PROCTOLOGIE DE L’HOPITAL DU VAL DE GRASSE.

« Ce soir même, Madame Valérie Treitweiler a été admise en urgence dans mon service, suite à une agression sur la voie publique. Je suis heureux d’annoncer que ses jours sont hors de danger et que les violences qu’elle a subi n’auront que peu ou pas de séquelles, sinon psychologiques, mais là c’est du ressort de mes confrères du département adéquat. On peut quand même pas tout faire, hein ! »

4) COMMUNIQUE DU COMMISSAIRE HAPAGRANCHOZ, CHEF DE LA B.I.T.T.E (BRIGADE DES INVESTIGATIONS TERRITORIALES TERRIBLEMENT EFFICACES).

« Suite à l’agression dont a été victime une personnalité extrêmement proche des plus hautes instances nationales, nos enquêteurs m’ont communiqué les éléments suivants :

- Selon plusieurs témoignages aussi concordants que dignes de foi, il semblerait qu’il n’y ait eu qu’un seul agresseur et qu’il pourrait s’agir d’une femme.
- L’agression, sous réserve de vérifications ultérieures, aurait été commise à main nue.
- Cependant, on aurait trouvé dans le corps de la victime un objet de plastique pour le moment non identifié. Selon certaines sources, il pourrait s’agir d’un petit instrument de musique. Cela reste à vérifier.
- L’enquête se poursuivra jusqu’au bout, foi de flic d’élite ! »


5) NOM DE DIEU

Ca faisait longtemps que j’avais envie de me la payer, cette sale pouffe. Passe encore qu’elle m’ait piqué mon mec, cette plumitive au style aussi lourdingue que son gros popotin. Comme on dit, un de perdu, dix de retrouvés, hein ! Passe encore aussi qu’elle ait joué du beeper pour me la jouer coup de Jarnac en soutenant ce fumier de F. contre moi. Après tout la politique, ça sent rarement la rose, même chez les socialistes, et j’ai pas dit mon dernier mot, loin de là. Passe encore enfin qu’elle se soit mise en tête de driver à coups de pompes ce veau de François à la Mairie, voire à l’Eglise : je leur souhaite bien du plaisir à tous les deux ! Non, ce que je lui ai pas pardonné, c’est qu’elle se soit pointée au Congrès avec la même robe que moi. Ca c’est un truc inexpiable. Alors, quand je l’ai vue, en sortant de chez des amis, toute seule sur le pont tournant du Canal Saint-Martin, mon sang n’a fait qu’un tour. Comment que je te l’ai chopée par la tignasse, cette radasse. Même pas elle a eu le temps de se retourner que je l’avais déjà flanquée par terre, la tronche dans les crottes de chiens du bitume. Dis, entre une fille de militaire comme moi et cette anorexique pissant la coke par les naseaux, y a pas photo, non ? J’y ai retroussé la jupaille en un tournemain, pas besoin de lui baisser la culotte, elle en porte pas cette dévergondée, et vas-y que je te lui colle la fessée du siècle ! Royale, si je puis dire, enfin je me comprends. Ah ses miches sont pas près de l’oublier, celle-là, c’est bien simple on aurait dit deux monstrueuse tomates sur le point d’éclater. Si elle veut s’asseoir, elle aura intérêt à empiler les coussins sous son cul, si elle veut pas chanter la carmagnole en V.O., cette fausse blondasse de merde. Bon là où j’ai un peu outrepassé, c’est quand je lui ai enfilé là où il faut le cazou que je comptais offrir à mon petit-neveu. Pas que ce soit bien gros, et elle a dû en voir passer d’autres, cette gourgandine, mais bon va falloir que j’en achète un autre, et avec la crise, y a pas de petites économies, c’est pas François qui me contredirait, lui qui fait tant d’effort pour paraître de gauche. Enfin je le récupérerai peut-être quand l’enquête sera close. Avec discrétion, naturellement, vous me connaissez, non ?

S.R.

P.C.C. Gobu

Vous allez vous dire, j’aurais pu être instituteur, baby-sitter, orthophoniste, prof de gym ou d’équitation, ou juste le gentil voisin d’une famille nombreuse, n’importe quoi qui me fasse fréquenter des enfants de façon régulière. Non, moi, je suis dans la literie, SARL À poings fermés, Jean Neraivet & Fils, ZA du Mirage, Cedex 9. Je ne suis qu’employé, Monsieur Neraivet c’est le patron, son fils l’adjoint, et moi sous-adjoint, et derrière moi deux caissières, un magasinier, trois employés de libre service et un chef de rayon constamment affublé d’un stagiaire boutonneux qui change tous les mois. Cette vie-là, c’est moi, Bertrand Pinset, bientôt trente ans, vendeur en literie.
La famille Neraivet, c’est de l’innovation, de l’ambition, une qualité toujours certifiée, un SAV impeccable, un partenariat avec du coton bio équitable d’Argentine et du Burkina Faso, des employés bien traités, un chiffre d’affaire brut plus qu’honorable… c’est un peu pour parler de tout ça que Monsieur Neraivet m’a invité à dîner vendredi dernier, en vue de la préparation d’une réunion d’affaire entre quelques magnats de l’industrie textile régionale. Maison agréable, souper délicieux, conversation sympathique, bref. Le seul détail que j’ignorais avant de venir, c’est qu’en plus du coton équitable, Monsieur Neraivet avait également ramené d’Argentine un petit quelque chose que je ne suis pas près d’oublier. Une merveille de douze ans tout juste, peut-être même encore onze, à boucles blondes sur une peau subtilement bronzée, et ces yeux, exact reflet du bleu du ciel où passent cent malicieuses rêveries insaisissables et qu’on aimerait pourtant vivre avec elle. Adoptée, ou enfant d’une maîtresse rencontrée là-bas ? Romance aux airs de tango à Buenos Aires ou Rosario, aventure tropicale aux chutes d’Iguazú ? Elle a écrit son nom au bas d’un dessin qu’elle m’a donné avant que je reparte pour chez moi, un dessin de coucher de soleil, de sable et de palmiers, avec des vahinés qui jouent du ukulélé. Marianella.

De retour chez moi, je ne trouve pas le sommeil. J’ai eu un message de ma copine – à laquelle, l’espace d’une soirée, je ne pensais plus trop – qui me demande si on se voit samedi, c’est-à-dire demain, c’est-à-dire quelques heures… Ah, bien, mais je ne peux pas en fait, Marianella a une compétition de GRS et j’ai promis de venir l’encourager, car c’est bien connu, j’adore la GRS, moi l’expert en sommiers et couvertures, j’adore la GRS ! Après tout, les gymnastes utilisent bien des matelas pour réceptionner leurs sauts les plus aériens, et je ne doute pas qu’elle sera aérienne Marianella, aérienne et gracieuse, énergique, souple, mouvante, émouvante, ô créature enchanteresse du Rio de La Plata.
Je passerai les détails de nos brèves rencontres ultérieures, avec tout de même cette constante d’un baiser frais sur la joue et d’un grand sourire ensoleillé pour dire bonjour et un sourire beaucoup moins ensoleillé pour au revoir, et des regards furtifs que j’aurais attribué à une séductrice aguerrie si elle avait été plus âgée. Simple hasard, me disais-je au début, et puis… Et puis il y a eu ce mardi soir. La môme avait décidé de venir à la SARL À poings fermés pour l’après-midi, pour voir papa travailler, et aussi ce gentil Monsieur Bert’ qui lui avait offert une des glaces pistache-chocolat qu’il avait amené la veille pour égayer la réunion préparatoire au rendez-vous régional des vendeurs de literie – d’ailleurs c’était bien dommage, Monsieur Bert’ avait oublié que Monsieur Néraivet n’aimait pas les glaces, alors on les garderait au congélo pour quand sa fille reviendrait à passer. Et donc, Marianella était là, à flâner entre les bureaux et les rayons, boulevard des Sommiers, place du Coussin rouge, rue des Deux draps… c’était l’idée d’un ancien stagiaire que de donner des noms de rue fictifs aux allées du magasin. Fictifs, ces noms, mais pas Marianella, et je ne saurais décrire le sentiment de stupeur, le cœur qui bat aussi bien d’angoisse que de joie lorsque je m’aperçus, à l’heure de la fermeture, qu’elle était encore là. Elle aurait dû être rentrée à la maison depuis longtemps, d’ailleurs elle avait dit à son grand demi-frère, Néraivet Fils, qu’elle partait, c’est pourquoi il ne s’était pas inquiété, et pourtant elle était encore là, gamine espiègle cachée sous les draps, et plus qu’elle et moi dans le grand magasin.

Je croyais jusque-là que le hasard joue parfois des tours, mais enfin, à ce stade là ce n’était plus possible de s’en tenir à cette conviction. J’avais fermé toutes les portes à l’exception de l’entrée de service de derrière, ne restait plus que quelques lumières de sécurité, bref ambiance tamisée et des lits partout, quand on y pense ça peut donner des idées. Inspection de routine pour trouver d’éventuels objets perdus, et en voilà un beau d’objet perdu, caché – non, pas caché, trônant fièrement sur une pile de draps ! La rue des Deux draps, d’un côté le coton d’Argentine, de l’autre celui du Burkina Faso, et sur le bord argentin une Marianella en jupette qui rit comme un beau diable.
– Eh bien, Monsieur Bert’, vous êtes pas content de me voir ?
Elle a ses deux jambes repliées contre sa poitrine à peine naissante, m’offrant ainsi une vue imparable sur sa culotte, sûrement en coton d’Argentine elle-aussi, d’ailleurs je présume que Marianella toute entière est faite en coton, tellement c’est doux une Marianella.
– Si, si, je suis content de te voir, bien sûr que je suis content Marianella.
Quel idiot de répondre ça, c’est m’avouer à sa merci, moi le vendeur en literie, et elle qui fait la moue, qui roucoule, qui minaude, qui sourit à damner un curé, et ces grands yeux bleus de ciel, et il y a toujours sa culotte, et ce qu’elle laisse deviner, pourtant bien trop jeune pour recevoir la caresse d’un homme, et pourtant c’est qu’elle y inviterait presque, remuant lascivement la tête avec ses bouclettes blondes de fée latine, de vahiné qui joue du ukulélé, bien que le ukulélé s’accommode mal du tango – tu sais danser le tango, Marianella ? Tu m’apprendrais ? Regarde, on a même un lit cent-pour-cent argentin, couverture en alpaga, bois acheté à une communauté d’indiens Wichi, jusqu’aux plumes des oreillers – ne joue pas comme ça avec, si par ta faute l’oreiller perd ses plumes c’est moi qui me ferai engueuler. Ton papa ne va pas s’inquiéter que tu ne sois pas rentrée à la maison ? D’accord, je te fais confiance. A quoi tu veux jouer ? D’accord, mais c’est un secret. Passe-moi donc l’oreiller.

***

Corrigé Exo 221112

JANIS :

Bon au fond tout est bien qui finit bien. Bébé ou comment s’en débarrasser. Bé c’est simple : quelques glaçons et un double scotch bien tassé. Plus un frigo amerloque à deux mille piastres. Mais les banquiers sont là pour ça, pas vrai ? Même bébé s’en sortira peut-être. Enfin on espère. Ou pas ?

IRIS :

Avec un nom de rue pareil, on peut dire qu’on t’avait un peu mâché le travail. Forcément, fallait que ça dérape dans le salace. Moi ce que j’aime c’est le BorisBar. Le brevet a certes été déposé par B.V. sous le nom de pianocktail, mais depuis le temps il est peut-être tombé dans le domaine public. Ton voisin, moi je l’aime bien. C’est lui le personnage sympa du récit, incontestablement. La narratrice est une jalouse, na. J’ai été gêné par le raide comme un passe-lacet : généralement ça veut dire fauché comme les blés. Je préfère la formule de Brel pour exprimer la coinçure : raide comme un cierge de Pâques. Attenzione : Berluti avec un seul « t ». Sinon gare au procès…

CROISIC :

Chronique de la haine ordinaire. Les mères veulent toutes tuer leur enfant un jour ou l’autre. Normal qu’ils se vengent. Même en chaise à rollers. Noir et visqueux, presque du Stephen King, la qualité de l’écriture en plus, le délayage en moins. Limite gore et diablement efficace. Par contre je suis pas sûr qu'on enseigne le banjo à cinq cordes dans les Conservatoires. Ou alors à Nashville…

COLINE DE :

On serait tenté de dire : tout ça pour ça. Tout ce qu’il a fallu encaisser pour oser mettre la main au cul d’un cycliste ! La fugue en pyjama et la baston qui l’a précédée sont savoureuses, mais bon, j’espère que t’as assouvi ce phantasme à moindres frais. Une suintante histoire de haine conjugale dans laquelle les contraintes sont un chouïa parachutées…

POLGARA :

Nourrie, moi je veux bien, mais t’es sûre qu’on mange si bien dans les hostos psy ? J’ai des doutes. Un bien cruel triangle amoureux ( !) alimenté (si je puis dire) de rancoeurs bien rances avec des détails grave trash et une écriture au scalpel. Devrais-je dire au coupe-jambon ? Allez je te décerne la rosette (de Lyon, naturliche).

PHYLISSE :

Pan Pan ! La première partie, bercée par la zique de S & G , a vraiment de la tenue. La seconde, par contre, s’abyme un peu dans le banal. La mythomanie de la collègue de bureau n’apparaît guère, et la collègue non plus, d’ailleurs. Du coup on décroche… Flûte (de Pan) !


ELEA :

Très chouettes première et dernière phrases. Entre les deux, on va du délicieux « rue de l’Amour et Rue Joli Cœur » « me consumer en la regardant l’allumer » au franchement ringard « un objet charismatique » en passant par le très bon quand même, et plus souvent. Voilà pour le style. Pour le fond, c’est une histoire que j’aime beaucoup, avec un arrière plan de nostalgie automnale, d’aigre bourrasque, d’envol de pigeons sur fond de toit d’ardoise qui s’embrase. Enfin c’est comme ça que je vois les choses, hein…

V'là pour la première salve. La deuxième est dans les starting blocks.