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Camarade Nollin

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Message  Invité Dim 21 Juin 2009 - 7:56

Camarade Nollin

A mes débuts d’artisane en couture d’ameublement j’ai été tentée par la réfection des sièges, mais le métier de tapissier traditionnel, où l’on utilise crin et ressorts, est difficile à maîtriser pour qui n’a pas suivi un véritable apprentissage. Depuis quelques années déjà, certains tapissiers employaient de la mousse synthétique. Je me suis formée à ce procédé, plus accessible aux néophytes.

J’ai appris à tendre les sangles sous la ceinture et – dans l’euphorisant parfum de la colle néoprène – à superposer des mousses dont les densités différentes permettent d’obtenir l’épaisseur, la fermeté ou la souplesse, le galbe. Tout en me servant de semences pour fixer la toile blanche, je n’ai jamais pu en remplir ma bouche et les cueillir une à une sur le bord de mes lèvres avec mon ramponneau aimanté, comme une vraie professionnelle, mais j’ai bien aimé poser la couverture, c’est-à-dire tendre et clouter le tissu d’ornement, assise au ras du sol sur le petit tabouret.
Chaque clou, à la tête arrondie vieil-or, est positionné dans le creux de la feuillure. Deux coups de marteau suffisent : un léger pour fixer la pointe, un autre, plus fort, pour l’enfoncer complètement. Au bord de chaque clou les poils du velours se hérissent, surpris par cette agression. La sûreté des gestes s’acquiert peu à peu. Il faut un certain temps de pratique pour obtenir un alignement parfait, mais quel plaisir quand un siège maltraité, blessé, éreinté par une longue existence arrive entre vos mains, quel plaisir de le soigner, le panser, lui redonner l’éclat de sa jeunesse et le voir repartir, flambant neuf, pour une deuxième vie !

Mes restaurations étaient valables, puisque je les ai vendues et n’ai jamais reçu aucun reproche, mais j’ai abandonné assez vite cette spécialité à la gent masculine. C’est un travail fatigant, sale, et plutôt malsain. Avant de refaire, il faut défaire, faire sauter les clous, puis les semences, à l’aide du pied de biche et du maillet de bois. Ce dégarnissage vous fait disparaître dans un nuage de poussière séculaire, on peut contracter des maladies de peau ou respiratoires. On se blesse avec les semences rouillées, il ne faut pas négliger la vaccination contre le tétanos.

Cependant, ce travail ingrat – qui me laissait pantelante, les doigts meurtris par les dérapages d’un maillet vicieux – m’a souvent permis de rêver. On trouve de tout dans les fauteuils. Entre l’assise et le dossier, sur les côtés, le long des accotoirs des bergères, se glissent mille et une babioles : épingles à cheveux, piécettes, petits ciseaux à broderie, une pierre dessertie de son chaton de bague, deux ou trois perles fines échappées d’un collier rompu… Ces objets, pour moi, devenaient pièces à conviction, faisaient revivre des scènes. Je me surprenais à imaginer, en fondu enchaîné, des personnages d’une autre époque s’étant assis là. Je voyais l’évanescente jeune fille rêvant sur sa broderie au petit point ; j’entendais le rire pointu de la coquette tortillant nerveusement son collier devant un godelureau ; je devinais la panse repue du bourgeois laissant glisser de sa poche quelque monnaie en sortant sa montre gousset…

De ce court passage au tabouret je retiens un souvenir bouleversant qui mérite à lui seul d’avoir tenté l’expérience. Un couple « vieille France » entre dans l’atelier, la dame drapée de vison, le monsieur l’air austère et hautain. Un jeune homme les suit, portant un vieux Voltaire souillé, délabré, l’assise défoncée, la boiserie du dossier fendue en deux endroits. Je détecte sans peine le meuble « d’époque. » On me confirme qu’il n’a jamais été restauré. J’hésite à le garder, tant la réparation me semble délicate, la solidité finale aléatoire. Sur un ton ampoulé Madame insiste, disant ne pas vouloir l’utiliser pour s’asseoir : « Ce meuble de famille sera placé dans un angle de mon hall d’entrée. Il ne servira pas, mais je veux qu’il soit beau. Je l’ai toujours vu au domaine de mes grands-parents, successeurs du Duc de Penthièvre, fils du Comte de Toulouse qui était le beau-père de Philippe égalité, lui-même père de Louis-Philippe 1er… »

Je me vois obligée d’accepter, après avoir précisé quelles méthodes de travail j’allais employer.

En ce qui concerne ce Voltaire, la découverte n’est pas un objet. Avec moult précautions, je dégarnis l’assise en totalité, je consolide les taquets dans chaque angle pour prévenir un écartèlement, je défais ensuite le dossier et termine par les accoudoirs. A la fin du strip-tease, m’attend la surprise. Les manchettes du Voltaire sont assez grandes, rectangulaires. Sous le tissu et le crin, creusée à la pointe sèche dans le bois, se trouve une inscription : Nollin 1853 Vive la République.

Ainsi, cinq ans après la révolution de 1848 et la chute de Louis-Philippe, un artisan, un travailleur du peuple a voulu – à l’insu de son client aristocrate – graver là son opinion pour la postérité. Je lis, je relis ces mots, je les caresse de mes doigts et de mon regard soudain embué, avec tendresse et respect. Peut-être a-t-il essayé d’imaginer la personne qui, un jour, découvrirait sa forfaiture ? Il n’a jamais pu penser que ce serait une femme, portant pantalon ! C’est à moi, fille d’un ouvrier et d’une couturière, petite fille de tonnelier, moi qui ai choisi de travailler « de mes mains », qu’échoit ce face-à-face avec un compagnon du passé.

Je suis l’élue du hasard. Emotion saisissante.

Me reviennent alors à l’esprit les mots de Georges Coulonges dont le roman « Les sabots d’Angèle » se déroule à Paris, exactement à cette époque. Il nous fait vivre, au milieu du peuple, les dernières années de la royauté. Il nous décrit avec précision la vie des petites gens, leur misère, leurs courageux efforts pour survivre. On voit des illettrés se mettre à apprendre leurs lettres, se réunir en cachette pour chanter des textes dits subversifs. Quand les roussins font irruption dans la salle, les chansonniers sont emprisonnés à Sainte-Pélagie. On voit peu à peu s’éveiller les consciences, s’affirmer le désir de justice. On sent monter la fièvre de ce peuple harassé, meurtri, affamé, et Georges Coulonges s’interroge : « Qui contiendra jamais la férocité amassée en silence par ceux qui, dès leur naissance, sentent levées contre eux toutes les férocités ? »

Je range le fauteuil dénudé contre le mur, je jette à la poubelle les vieux ressorts, le crin, à regret le tissu déchiqueté – « on n’en fera plus jamais d’aussi beau » – et je me mets à balayer, sans cesser de m’adresser, en pensée, à mon camarade Nollin :
« Ton pied de nez n’est pas banal ! Tu as pensé que des générations de nantis allaient caresser de leurs doigts – sans le savoir – l’exclamation la plus provocante, la plus odieuse qui soit pour eux, « Vive la République ! » Il y a de la délectation dans ton geste. Dans les hôtels particuliers, dans les maisons de maîtres à venir, toujours ton cri du cœur « Vive la République ! » étouffé par le crin serait là, à l’insu de tous, traversant les décennies, pour arriver jusqu’à moi. Je vais m’offrir le plaisir d’aviser mes clients. Je te dois cette honnêteté. J’ai touché du doigt la preuve de ton existence. A présent, je t’imagine sans peine, dans ton échoppe du faubourg ! Tu graves avec application ta profession de foi, une lueur revancharde et jubilatoire illuminant ton visage… »

La journée est finie mais l’atelier revit. Des senteurs de crin et de toile de jute, réveillées par le balayage, se donnent des airs de parfum de fenaison. Dans les rayons d’un soleil déclinant, des myriades de grains de poussières blondes, en suspension, dansent gaiement. Avant de sortir et de fermer la porte, je regarde un instant le squelette du fauteuil, croyant sentir là, tout près, une présence invisible. Très vite, je me fustige sans ménagement :
« Quelle idiote ! Et ça se dit cartésienne et rationaliste ! »


embellie

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Message  Invité Dim 21 Juin 2009 - 8:16

Parfait.
Une écriture sans faille, une h/Histoire qui m'a beaucoup plu, de l'émotion juste ce qu'il faut, de l'humour fin en filigrane et de la subversion, discrète mais bien présente.

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Message  Arielle Dim 21 Juin 2009 - 9:53

Pas mieux qu'Easland.
J'ai été séduite et emportée dès les premières lignes et je t'envie cette trouvaille dont je n'ai pas douté un instant qu'elle soit authentique.

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Message  silene82 Dim 21 Juin 2009 - 20:21

Camarade embellie, merci de ce beau texte fort bien écrit. J'eusse voulu pouvoir te décliner mes titres ainsi: silène l'ami des mots, compagnon écrivain du Devoir de Liberté, mais ne peux exciper que de silène, maître-ébéniste, métier que j'exerçai pendant plus de 12 ans, avant que les menus inconvénients que tu évoques ne m'amènent à me reconvertir dans le social.
Je caressais l'idée de textes de métiers -des nôtres, ma compagne est garnisseuse, comme toi-, tu m'y as tout à fait décidé.
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Message  Invité Lun 22 Juin 2009 - 0:37

Oui, une lecture qui satisfait l'oeil et ce qui se trouve derrière.

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Message  abstract Lun 22 Juin 2009 - 14:24

Très beau texte avec une anecdote qui semble bien réelle. Vraiment très agréable à lire, outre le côté « belle histoire » il y a aussi la découverte d’une profession que je ne connaissais pas. Merci pour cet agréable moment.
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Message  Invité Lun 22 Juin 2009 - 17:08

Oui, certains ont deviné juste. J'ai été, pendant 20 années, artisane en couture d'ameublement et j'ai réellement vécu cette histoire.
J'ai écrit, à ma retraite, un recueil d'anecdotes vécues, avec le métier comme fil rouge que j'ai intitulé : "De fil en aiguille".
Vu l'accueil chaleureux réservé à ce texte, je crois que je vais me permettre de vous en offrir, de temps en temps, un autre...
Heureuse que cela vous ait plu. Merci à tous et toutes pour vos commentaires (peut-être un peu trop élogieux !) Sincèrement, merci. A +

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Message  bertrand-môgendre Mar 23 Juin 2009 - 6:06

Ce n'est pas qu'un texte : c'est un témoignage.
Qui mieux que toi pourrait décrire ce coup de main, ce plaisir du travail soigné ?
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Message  Sahkti Sam 11 Juil 2009 - 9:10

Impeccable! Intéressant, bien écrit, agréable à lire, avec une atmosphère particulière qui baigne ce texte du début à la fin.
J'aime cette idée de graver là son opinion pour la postérité et la manière avec laquelle tu traites cela. Sans parler de cet amour du métier qui transparaît à chaque ligne. Bravo !
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Message  Sahkti Sam 11 Juil 2009 - 9:10

embellie a écrit:Oui, certains ont deviné juste. J'ai été, pendant 20 années, artisane en couture d'ameublement et j'ai réellement vécu cette histoire.
Ha voilà !

J'ai écrit, à ma retraite, un recueil d'anecdotes vécues, avec le métier comme fil rouge que j'ai intitulé : "De fil en aiguille".
Vu l'accueil chaleureux réservé à ce texte, je crois que je vais me permettre de vous en offrir, de temps en temps, un autre...
Oui ! Chouette :-)
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Message  Invité Dim 12 Juil 2009 - 9:13

Beaucoup beaucoup aimé ce texte.
J'ai une question : est-ce ma forme d'esprit particulière ( qui me pousse à regarder sous les meubles) ou d'autres personnes ont également décelé un caractère légèrement ambigu dans la première partie ?

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Message  Kilis Dim 12 Juil 2009 - 9:46

Un très beau moment de lecture.
Oui, si tu en as d'autres textes du genre, ne nous en prive pas.
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Message  mentor Dim 12 Juil 2009 - 9:54

Sahkti a écrit:
embellie a écrit:J'ai écrit, à ma retraite, un recueil d'anecdotes vécues, avec le métier comme fil rouge que j'ai intitulé : "De fil en aiguille".
Vu l'accueil chaleureux réservé à ce texte, je crois que je vais me permettre de vous en offrir, de temps en temps, un autre...
Oui ! Chouette :-)
oui, chouette ! car le texte ci-dessus est superbe !

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Message  Invité Ven 11 Juin 2010 - 18:15

Tiens, je le remonte de loin ce joli texte parce que embellie, modeste comme elle est, n'osera pas dire qu'il vient d'obtenir le premier prix d'un concours de nouvelles de l'Aract à Montpellier (organisme qui se préoccupe des conditions de travail dans les entreprises). Le prix lui sera remis le 24 juin dans une grande librairie de la ville, une bonne occasion d'aller à sa rencontre.
Félicitations embellie, tu le vaux bien ! (le texte aussi !)

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Message  Rebecca Ven 11 Juin 2010 - 21:29

Merci, une lecture formidable ! L'histoire et la façon dont elle est racontée !!!
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Message  Invité Sam 12 Juin 2010 - 6:37

J'ajoute ma modeste contribution à ce concert de louanges mérité.
J'adore le côté "intérieur du métier".

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Message  Reginelle Sam 12 Juin 2010 - 7:04

Bravo, oui et merci aussi !

Un vrai plaisir de lecture. Partageant tout ce qui a été déjà dit je m'économise la frappe d'une redite, mais c'est fabuleux de pouvoir ainsi, simplement au gré d'une lecture, ressentir si bien émotions et pensées.

Oui, bravo !
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Message  Arielle Sam 12 Juin 2010 - 7:58

Merci Easter pour cette indiscrétion si bienvenue et bravo Embellie ! C'est un texte qui mérite largement sa récompense. Il ne te reste plus qu'à faire publier l'ensemble du recueil, c'est le moment de tenter ta chance !

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Message  Invité Sam 12 Juin 2010 - 8:37

Arielle a écrit:Merci Easter pour cette indiscrétion si bienvenue et bravo Embellie ! C'est un texte qui mérite largement sa récompense. Il ne te reste plus qu'à faire publier l'ensemble du recueil, c'est le moment de tenter ta chance !
Une indiscrétion préalablement autorisée par l'auteur, bien sûr. Arielle a bien raison, embellie : c'est le moment ou jamais de foncer.

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Message  isa Sam 12 Juin 2010 - 9:59

Très bonne idée d'avoir fait remonter ce beau texte,ce qui m'aura permis de le lire pour la première fois, il aurait été dommage de passer à côté...

Un beau style d'écriture, la possibilité de découvrir une passion pour un métier peu répandu, une page d'Histoire... Merci embellie!
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