Paté I

Quand la nuit tombe dans les phares et les bruits de portes, ma ville s’étire lascivement, toussote une rengaine arrachée aux poitrines, une crème de pêché en brume d’égout. Elle me berce dans ses bras d’ogre délicat et, du fond d’une cave en saxophone, libère la justice de son carcan nylon.


« …le jour le plus long sous entendu celui où le soleil brille le plus longtemps ?
-Ouaih ou l’anniversaire de la mort de la sœur jumelle à la femme de mon demi-frère…
-T’as fait une faute !
-Qu’est-c…
-T’as fait une faute. T’as dit à la femme de, tu vas perdre du karma positif !
-Mais t’es… t’es juste con ou tu revendiques ?»

Fais chier…
Dehors elle m’appelle.
Ma ville.
Le lait dans mon Chivas tasse la tourbe en caramel et dans mon gosier les dernières traces de vie s’émiettent péniblement. Les yeux flous, la bouche desséchant par manque de nicotine, c’est généralement le moment que choisit mon acolyte pour reprendre sa diarrhée et faire de cette monotone sonorité le clou de mes pensées, soudé au zinc du Head Quarter.

« …T’es au courant du projet de rénovation sur Youngblood Street ? Parait que le district attorney Adam Warlock a prononcé un discours… »

Et gnagnagna…
Tu pourrais sucer ta rancœur sur la jetée de Strong Beach, taquiner les tigresses de la 55ème, ou finir démanteler dans une des casses Bouglione. C’est toujours comme ça à Straff City, il te faut un cœur qui tienne dans un verre, pas nécessairement un glaçon, un truc simple, en fusion à froid. Autrement, bin autrement les soirées se ressemblent, puits où le vide toujours recommence, une macération pour compagne, au pire John-Peter…

Je suis Beast, broussailleux des avants bras aux omoplates, Velcro pour les intimes, c’est un nom de bal, vous méprenez pas, un truc que je jette au visage du crime. Le coté invasif brutal, c’est dans la psychologie du pseudo et très éloigné de mes capacités, c’est même ma mère qui m’appelait comme ça, la bête, pas plus d’égo, j’aime ma ville, elle a besoin de moi :

Quand elle pleure, qu’elle asphalte, que ses lampadaires tordent l’échine pour voiler la misère, qui veille ? Pfffff…
Je demande à mon verre.

… John-Peter ? Mr gnagnagna fais-moi parler, aka le ninja en armure de marbre, spécialités l’embuscade elliptique à la mords moi l’chibre, un mutant qui avait gagné son titre de Héros contre Little Vacuum à l’automne 2002. Alors que l’aspirateur fou pompait le latex du couloir pétrochimique au nord de Monkey Island, l’ombre de marbre- surnom que le Daily Glob lui prêtait pour ses débuts- mit fin aux agissements du lessiveur en le téléportant dans le Warp, entre deux plans d’existence où dévorer s’épelle lire.
Shuhari… La téléportation… il est jamais où tu penses, il manipule les ombres, s’en enduit le visage et attend la faille, le contre temps mawashi.
Au séminaire des JMJ, à la question qu’y a t’il de plus dense que l’esprit, un connard avait répondu « le marbre », et l’audace du tueur sombre s’en était taillé une armure, interprétation judéo-chrétienne et ostentatoire du tao.
Mon verre est d’accord, bof…

… bibi ?, télépathe élastique, peu crédible en brute efficace, en fait télépathe débutant j’file la nausée quand un danger se profile. J’ai tendance à me considérer comme le chef, mais chef de « ça » veut pas dire grand-chose.
Fais chier.
Je suis un super-héros de catégorie cinq.
Et plus une goute dans mon verre.
Merdre… en plus Jigoku qu’en peut plus :

« … une grande perte, c’était un fervent opposant au régime Tagada.
-De quoi tu parles ?
-De l’exilé politique ukrainien, le poète engagé Fedor Illyitch Emilianenko, retrouvé la tête truffée de plombs dans son appartement!
-C’est vrai, il avait un putain de style.
-Bin oui, il a réussi à rendre incontournables ses considérations politiques en un temps record. Tout ça pour dire qu’il est vital de signer. Si l’intellectuel doit posséder un champ cognitif de prédilection, le super-héros développe, pour la bonne conduite de la justice, une orientation lexicale à même de confirmer sa vocation une silhouette toujours plus tranchante aux contours de chaires et de sons ! Comprends-tu ?
-Nan. »

Wade ???
J’ai toujours la même impression quand Wade utilise le monte-charge, une star à la bourre pour un concert sans public. Il émerge lentement. Wade, c’est un bon gars, le Head Quarter, c’est son rade, il aurait pu me virer depuis longtemps, mais il l’a toujours bien pris :
« Wilson, j’suis dé-so-lé ! »
Derrière son pouce tendu en OK pour muet, son corps s’efforce de rendre un vomi artistique. Il termine dans une quinte dents serrées, malaxant un sourire post mortem. Le ninja me fixe, c’est le signal. Lui comme moi, nous savons :

« Wade, serait-ce trop demander ?
-La… télécommande… est… où tu sais. »

Sur Abcfuxcnn les sirènes hurlent. L’usine Procto-redeemer est la proie des flammes. La speakerine fait état d’une attaque sans mobile apparent. Mais nous savons. Notre ennemi a frappé. Farouk Warblade, le caméléon, le cyborg hallal qui refaisait sa guerre loin du front afghan, toujours pétri de tactique, un fanatique des soldats de plomb entrainé par la CIA pour « teknologizi » le massacre, une créature rongée par la malédiction ancestrale, une stratégie de la fin, le human bombing.
Ceci expliquait en partie son état.
Selon les derniers rapports, le prototype de GFBR (Gemini Full Body Remplacement) palliait sa frénésie à renfort de gadgets sophistiqués, exemple, ce truc que l’armée chinoise utilisait pour remplacer le cormoran dans la pêche au cormoran :
« Nous devons l’empêcher de faire sa mise à jour ! » me lâche le ninja.
Nous nous précipitons dehors abandonnant Wade à ses considérations mercantiles, nous payons très rarement.
Les rives du Stax offrent un refuge mouvant aux néons de ma ville, elle s’y reflète fripée, vieillie. Je me retourne vers John et déjà les ombres dansent sous ses cils. Il se dilue en sautant.

Bamf !

Dans le vide.

L'ambiance roman noir en SF, pourquoi pas, mais je trouve le ton déplaisant, le trait forcé et ce début confus ; à voir si ça s'éclaircit par la suite. (J'ai lu le numéro 2 avant celui-ci, et j'ai eu la même impression désagréable de débraillé gratuit. Je dirais que l'auteur se fait plaisir, ce qui est tout à fait honorable. Au lecteur de suivre s'il peut, moi j'ai du mal.)

Je n'ai pas accroché non plus, mais c'est un style avec lequel j'ai toujours eu du mal.
Je regrette les noms à consonance américaine. Comme si pour écrire ce genre de littérature il fallait forcément être anglais ou américain.

Krebs, ça se confirme : tu écris de plus en plus pour les sur-doués !
A force de concentrer l'ellipse, de la mettre à la puissance X, de nous filer le vertige avec la profondeur des images... tu nous donnes l'impression d'être bêtes, obtus, dépassés...
Pitié, met un peu de liquide dans le concentré : tel quel, je peux pas l'avaler ! Et pourtant, j'ai l'intuition que j'aimerais ça !

spécialités l’embuscade elliptique à la mords moi l’chibre, un mutant qui avait gagné son titre de Héros contre Little Vacuum à l’automne 2002.

Ce texte c'est l'ellipseur qui se moque de l'ellipsé !
(Genre private joke)