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Paté V

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Message  Krebs Mar 14 Juin 2011 - 19:03

Comme il faisait une chaleur de cent trente degrés, le boulevard se trouvait absolument désert.
Je songeais en flânant.
Ouss désossé en justice consanguine, la fleur de Bâle, tout puait le Kagemusha putrescent en floraison. Je ne me rappelle plus exactement du déclic, une journée d’équilibriste, voilà, trouver mon pKa, à tel point que j’en avais oublié la boulette de papier, c’est complètement débile, je commençais à peine à décanter quand l’évidence de Circée m’était tombée en coin de mâchoire.
« Tu me prends pour une conne ? »

Bin pas réellement, et au bout de l’interphone, s’il avait fallut lui expliquer le pourquoi du comment, je l’aurais pas fait, j’ai juste insisté pour qu’elle me prête son portable et internet à 01h00 du mat.
D’habitude, je me permets tout et n’importe quoi, débarquer en panique faire un truc super important, laver mes caleçons, préparer un plat, une dynamique de nécessiteux, mais là, manifestement, je l’emmerde elle aussi.

T’arrives chez elle si tu veux, surtout tu viens à trompette avec du sel en sourcils, le soleil dans le dos, un sauveur, entre Le Cid et Lebanner, et t’as une maigre chance de pas te faire envoyer par le fond, la forme compte souvent.
Après m’avoir pourri, elle fait juste que me bécoter et me tenir contre ses seins qu’elle fait bouger en respirant, stout, elle me tolère à cause de la magie du meluche, monstre qu’on s’est inventé pour amoindrir, ça fait un peu peur, mais ça va, enfin j’crois.
Quand elle a fini de me serrer, elle respire, fronce les paupières :

« Tu sens le super tanker Salami… si tu calanches avec ta gueule en fondue, chez moi, à cette heure, je te transforme en naeniok… et me d’mande pas s’que c’est !»

Je lui réponds que de toutes façons je suis déjà chez elle et que rendre l’âme n’est pas un objectif immédiat, que présentement je suis pas vraiment en difficulté mais que quand même je suis saoulé, ‘fin gêner quoi.
Elle me pourrit encore un peu, puis retourne se coucher après m’avoir roulé un joint.
Une heure mail et texto plus tard, j’entends son ronron régulier, je me lève et repousse la porte d’entrée derrière moi. Je fredonne du Schubert, la plus belle phrase qui n’ait jamais été écrite pour piano, la douleur résignée tapotée sur les cordes tendues, je descends l’escalier, fort comme un arbre à l’écorce musicale, libéré, un peu trop peut-être, je m’étale sur la dernière marche.
Le cul vexé, une perspective plus basse qu’attendue, bref le sol dans ce qu’il a de moins musical.
Il m’en faut pas d’avantage pour spleener.

Mes paupières clignent une confirmation mutique, la profondeur mélancolique tartine un feu d’artifice raté sur mon visage, rendant à mon désarroi sa dimension biologique, et je prends cette inspiration, celle que tu charges intimement d’asphyxier l’amertume. Un naeniok… Circée passera à l’acte si je remonte… les 2h30 ressurgissent, l’horaire du loser, au mieux tu rencontres un miroir insomniaque, au pire la B.A.C. te contrôle, prétextant une démarche fantasque et criminogène en taquinant ta cornée du bout de la Maglite.
Foutu pour foutu, je vais dé-am-buller.

Je dépose le battant du Hall avec précaution, souvenir de Circée brodant un rêve, la stratification alcool-drogue provoque manifestement des sprints altruistes, « sprint » parce que sur la distance l’effet d’empilement s’inverse, t’en a plus rien à foutre, tu gerbes tout ce qu’t’as.





Il est vraiment plus tôt dans la journée, j’ai déjà une pinte dans la gueule, son équivalent de cafés, deux joints et mon cerveau qui floute un crobar. La matinée trébuche contre l’odeur torréfiée, quelques courageux diluent dans les bulles un sommeil de péniche. Ils plient pourtant bagage. L’harmonie glisse doucement entre les percussions beurrées et le chœur de voix, ressac urbain pour Robinson sans sauvage.
La porte du bar s’ouvre avec hésitation et rebondit plusieurs fois avant de laisser entrer un animal tout de chromes circulaires.
Il hurle après une bière, elle arrive, entre les personnages.
Lui.
Je suis blotti derrière le Parisien au fond d’un blanc cuit. Je regarde la vie en papier profiler ses horreurs, je stocke patiemment l’alcool en couperose et replonge non sans avoir gratifié le nouvel arrivant d’un clin d’œil.
Clark Kent.
Je suis penché sur un allongé dans sa tasse, dans dix minutes j’aurais parcouru la centaine de mètres qui me sépare du métro, je re-vérifie l’à-peu-près de mes cheveux, la netteté de mes doigts et le parfait de mon nœud. Le zinc c’est l’endroit le mieux protégé de la porte, le vent ça nique le style et l’animal met trois plombes à entrer.
Elle.
J’ai mon torchon aux hanches, au dessus mes seins, mon sourire rougi, le premier plouc de la journée gesticule une vantardise derrière le zinc, je suis splendide en papillon cobra, et ça m’emmerde déjà… putain quinze fois que je leur dis d’aider l’animal.
L’animal.
Je suis né, simple, autarcique, plié dans mon corps comme une endive au jambon. Les parents espéraient, pas à ce point. Il est vite devenu impossible de me comprendre, ma chaire se tordait à contre sens, ma bouche pataugeait et le peu qui venait d’eux à moi eut suffit à mourir plus longtemps.
La bière roule, il y a du PQ au bout de la vague.
Je suis né cent quatre-vingt quatre fois mille deux cents, autiste volubile. J’ai aimé hurler que dieu n’existait pas, voir le visage tuméfié des ayatollahs. J’ai haï le pinçon des fermetures éclair, les ongles coupés trop courts, la foudre des picotements parentaux.

Le rot.
Ma langue claquait, la caresse irritante du lainage. Mes pieds violaient leurs chaussettes et j’arrachais les cheveux de femmes que je piégeais en tendant mon bras. J’ai aimé leurs visages endoloris au bout du gong en forme de moi.
L’écume en bulles grossièrement jaunies.
J’ai aimé chier, baver patiemment. J’ai adoré me saisir vertige, le corps en mouvement la tête dans un sac, bout d’intuitif comme le cigare qu’on ne cesse de mâcher. L’enfer des sons, je me suis mis au brouhaha, lèvres internées.
Le verre au souvenir de métal s’éloignant d’un visage.
J’ai mouru beaucoup plus, admirateur pantin. Les orgasmes miniatures crissant roues contre trottoir, les portes étroites, jusqu’au zinc trop haut des bars. J’horrifie. Je ne parle pas. Je ne suis que mon bras et l’œil au bout de mes doigts tue déjà les mouches…

Moi.
Je commande un autre café à Ilham, la fille au torchon, elle me sourit par les yeux, rabat une mèche khôl ondulée, je referme mon calepin. Elle s’en moque chaque matin en le griffant de son ongle verni, de temps en temps elle l’appelle ma femme. Aujourd’hui, elle est bizarre, ou je suis beaucoup trop moisi :

« Tu sais qu’à r’garder la vie par là, elle finit par passer noire et blanche… »
Elle est quasiment cuivre et moi laiteux, on se fixe. Je lui demande si elle veut m’écrire un truc pour colorier, un truc que je lirai avant de m’échouer, promis, je choisis jamais mon séjour. Quand elle a fini, elle déchire la page, la chiffonne et envoie la boulette vers la porte. Elle me dit, avec de la lave en pupilles, que demain, si dieu me greffe des couilles, j’écrirai différemment… Elle sert la mâchoire et retourne à son service.
Les crissements de l’animal sur le sol s’impatientent.
Je me lève, me dirige vers la sortie pour lui tenir la porte. Il sort. Le chiffon de papier profite de l’aération pour rouler sur le trottoir.
J’aurais juré qu’Ilham me fixait, je suis sûr que sa poitrine a gonflé quand je me suis penché pour déplier sa trace.


Krebs

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Message  elea Mer 15 Juin 2011 - 20:47

Je ne saisi pas tout, certains mots m’échappent, l’histoire est encore plus fuyante, glisse comme une anguille entre mes pensées, mais il y a une ambiance et une manière de dépeindre les choses et les personnes qui ne me laissent pas indifférente.

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Message  midnightrambler Ven 17 Juin 2011 - 12:22

Bonjour,

ECRIRE : ce n'est pas balancer des mots à la volée pour son seul plaisir ...

Amicalement,
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Message  Edgar-Allan Ven 17 Juin 2011 - 12:45

En effet, chacun sait qu'Aimé Césaire, par exemple, ne savait a-bso-lu-ment pas écrire. La preuve, il jetait des mots au hasard sur sa feuille cet inconscient! Et que dire de Rimbaud? Nul. Incompréhensible. Anna Gavalda, Amelie Nothomb, Francoise Sagan, Jean Paul Dubois. Voila de grands auteurs. Avec eux, au moins, il est facile de comprendre de quoi on parle, c'est merveilleux...
Blague à part, j'ai bien aimé, vraiment

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Message  Invité Ven 17 Juin 2011 - 20:28

Freud disait que l'inconscient condense et que c'est pour ça qu'on ne comprend pas ses messages. Faut décrypoter.
On peut aussi choisir de se laisser flotter sur cette masse de mots si plastique, séduisante, inattendue, en se nourrissant des petits bouts comestibles qui passent à notre portée, en goûtant des mélanges de saveurs qu'on n'aurait pas trouvé ailleurs qu'on n'aurait pas osé inventer soi-même...
Moi, j'en ressors toujours étonnée, pas comblée, non, non, plutôt mise en appétit, plutôt contente de ne jamais trouver dans tes textes cet arrière goût rance qui indique que la dlc est dépassée depuis jolie lurette, qu'on avait oublié le truc dans un frigo pas net...
Ici, c'est frais. A consommer sur place : suis pas sûre que tu souhaites que ça se garde. Sauf le souvenir du goût.

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Message  Invité Ven 17 Juin 2011 - 20:30

Tiens, " décrypoter" c'est mignon comme lapsus !

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