Exercice Oulipo Le Tellier : à ma façon... (hors sujet)

[Loupbleu]

J'ai vu que Yali

https://vosecrits.1fr1.net/viewtopic.forum?t=527

avaient ré-écrit le texte d'Hervé Le Tellier à sa façon !

Ca n'est pas à proprement parlé l'application d'une contrainte au texte pour sa ré-écriture, mais à la faveur d'une petite insomnie, je me suis demandé comment je traiterais le sujet à ma façon. On jette deux idées sur le papier (enfin sur le document word), et puis on s'emballe...

Donc je précise : c'est hors-sujet par rapport à ce qui était proposé (notamment parce que contrairement à yali, le texte est plus que passablement trahi, ce dont je m'excuse auprès de l'auteur et de ceux qui s'en offusqueraient). Je vous soumets quand même le résultat !



* * *




"Vous reprendrez bien un peu de désert", qu'ils disaient sur le prospectus, et moi il fallait que je prenne l'air. Résultat : du sable qui voltige et trois jours d'un festin de rien en poudre qui vous empêche de respirer. Tout ça sur le dos d'un chameau qui ondule à vous faire gerber : la cerise sur le gâteau. Désert, gâteau : l'agence de voyage était inattaquable.



- On est où ?

- Annan

- A Nantes ? je demande étonné.

- Non, à Annan. Le pays des vents éternels.



Mon guide aussi a le chasuble tâché couleur de ce sable rouge , on pourrait nous confondre. Ca m'inquiète. Je ne sais plus très bien lequel des deux je suis.



- Hein ? Où ça ?

- Les vents eternels !

- Ouais, t'as raison, on entend rien avec le vent.



Pays pour autiste. Un zef pas possible, pas moyen de se comprendre... Remarquez, qu'est-ce que j'en ai à faire, franchement, de connaître le nom de la ville ? Sauf que faut pas me prendre pour un abruti, on arrivera me fera pas croire qu'on est arrivé à Nantes.



Zadig me raconte des histoires. En réalité, il se prénomme Hervé, mais l'agence lui a dit de se faire appeler Zadig, ça plait davantage aux touristes. Il me raconte qu'il paraîtrait que si le vent s'arrête, la ville s'écroule. J'imagine bien : quand les gens se comprennent, ils arrêtent de s'entendre. Et la mesquinerie, et la médisance, et l'indifférence... Les murmures qui font tomber les murs. Ca doit être pour ça qu'à Paname, ils ont inventé la bagnole.



- Y a une anecdote amusante à propos de la ville, reprend Zadig.

- Ah ?

- Je vais vous la raconter..

- Mouais...

- Au printemps, le premier jour où il pleut, un enfant...

- Parce qu'il pleut ici ?

- Oui, au printemps.

- Il doit pas pleuvoir souvent quand même

- Si, au printemps. Enfin pas longtemps, mais au printemps, il pleut. Et le premier jour de pluie, chaque gamin ramasse une pierre.

- Et s'il pleut pas ?

- Il pleut toujours au printemps, enfin, au moins un peu. Bon. Alors chaque gamin de dix ans ramasse une pierre, et sur la pierre, il y a son destin qui est écrit.



C'est la centième histoire à la con dans le genre qu'il me raconte. Une pour chaque endroit, comme pour me faire oublier qu'ils sont tous aussi identiquement pourris. Il commence à me gonfler, Zadig. Je décide de pas me laisser faire.



- Son destin ? N'importe quoi...

- Si, je vous assure, son destin, tout quoi, son travail, avec qui il se marie, ses enfants, et quand il va mourir.

- Et il est obligé ?

- Obligé de quoi ?

- De faire ce qu'il y a sur la pierre.

- Mais c'est son destin !



Ca se voit qu'il fréquente pas la capitale, comme si les gens croyait ce qu'on écrit, payaient leurs contredanses, répondaient aux avis d'imposition, comme s'ils croyaient les journaux... Et sur mon front, y a pas écrit "pigeon", non ? Alors je ne veux pas lâcher l'affaire, je reprends :



- Mais mettons, le mec, il tombe sur une fille super moche à qui il doit faire huit gosses, il est obligé ?

- Ben oui. C'est la règle.

- J'suis désolé, mais ça, c'est des conneries ! Si elle est vraiment moche, c'est pas possible ! Ca se contrôle pas ce genre de truc ! Il peut pas, un point c'est tout !

- Ben il se force...

- T'en as de bonnes !

- Ou alors, il ferme les yeux et il pense à une autre ?

- Ah oui ?

- Vous avez jamais fait ça, vous ?

- Moi ?

- Penser à une autre ?

- A qui ?

- Une autre, je sais pas...



Une autre femme ? Une autre vie peut-être ? Sans doute, une autre ville, avec son port, sa pluie, ses bars, ses filles... Faut que je pense à Nantes, sinon je vais craquer. Pas facile quand on connait pas. Faudra que j'y passe mes prochaines vacances pour pouvoir m'en souvenir.



- Mais toi, mettons, t'as lu sur une pierre que tu allais devenir guide ?

- Non moi c'est ... Enfin, moi c'est comme ça. Mais eux, de toutes façons, ils y peuvent rien alors...

- Ah....



On se regarde, il a les yeux dans le vague, quelquepart au-delà des murs. Je lui dis :



- Et nous, tu crois qu'on y est pour quelque chose ?

- Ben, je sais pas. Franchement, je sais pas... On peut aller boire un verre en ville si vous voulez.

- C'est pas de refus !



En s'enfonçant dans la ville, au milieu des murs qui ne tiennent que par le vent, je lui glisse à l'oreille :



- Tu connais Nantes ? C'est vraiment une chouette ville, tu devrais visiter tu sais ?



Et je me mets à me marrer, parce que la chanson me revient et que je pense :

Zadig, de Nantes.

Elle est bien bonne !

[mentor]

Ben moi je crois quand même que d'écrire un texte "à la manière de" est bien une contrainte (OuLiPo ?). Même si c'est à TA manière ! ;-)
Et j'aime ta manière.
C'est humoristique, faussement léger, c'est juste le ton qui est léger car tu glisses des réflexions intéressantes.
Je me demande juste pourquoi tu as autant aéré le texte ? A cause du vent éternel qui bouscule les pensées ?
J'aurais évité la toute dernière phrase, je la trouve inutile, faut pas forcer les gens à sourire ! ;-)
Tu as compris, j'aime bien et je trouve que les insomnies te sont profitables ;-)

[Loupbleu]

Merci Mentor pour ton commentaire !

Concernant l'espacement, j'ai un problème de mise en page que je ne comprends pas ! Je pense que c'est en copiant/collant depuis word... Je vais essayer de corriger ça (faisait trop tard hier), et aussi de voir si on ne peut pas mettre à profit ces modifications (sait-on jamais).

Un petit mot sur la dernière phrase, je la voulais plus grinçante et/ou désespérante que rigolote, mais en effet, bof...

[mentor]

Si tu veux je reprends les interlignes, ça évitera la petite note de bas de page selon laquelle tu auras repris ton texte... ;-)

[Mutants Anachroniques]

Ben moi je crois quand même que d'écrire un texte "à la manière de" est bien une contrainte (OuLiPo ?). Même si c'est à TA manière ! ;-)
Et j'aime ta manière.
C'est humoristique, faussement léger, c'est juste le ton qui est léger car tu glisses des réflexions intéressantes.
Je me demande juste pourquoi tu as autant aéré le texte ? A cause du vent éternel qui bouscule les pensées ?
J'aurais évité la toute dernière phrase, je la trouve inutile, faut pas forcer les gens à sourire ! ;-)
Tu as compris, j'aime bien et je trouve que les insomnies te sont profitables ;-)

D'accord sur tous les points.
Pour la dernière phrase aussi.
Mais à force de lire partout le mot "contrainte" mis à toutes les sauces, on va finir par se croire sur un site BONDAGE!!!!!!!!

[mentor]

Mais à force de lire partout le mot "contrainte" mis à toutes les sauces, on va finir par se croire sur un site BONDAGE!!!!!!!!

Euh... dois-je enfiler mon tailleur de modérateur intègre là ? :-)))

[Yali]

Début de l’aparté :
Pas d'accord : la dernière phrase est utile et ce, simplement parce qu'elle est un indicateur soulignant un référent. Qui connaît la chanson, ou plutôt qui ne la connaît pas, ou partiellement ? Sans doute pas mal de personnes et davantage dans les nouvelles générations : les chansons de bistro, les ritournelles paillardes, les couplets libertins sont passés de mode, plus personne ne hurle dans les troquets désormais désertés :

« De Nantes à Montaigu,
La digue la digue
De Nantes à Montaigu
La digue du cul

La digue du cul, je rencontre une belle ( bis )
Qui dormait le cul nu
La digue la digue
Qui dormait le cul nu
La digue du cul

La digue du cul j'arme mon arbalète ( bis )
Et j'lui fous droit dans le cul
La digue la digue
Et j'lui fout droit dans le cul
La digue du cul

La digue du cul la belle se réveille (bis)
Et dit " j'ai l'diable au cul "
La digue la digue
Et dit " j'ai l'diable au cul "
La digue du cul

La digue du cul non ce n'est pas le diable (bis)
Mais un gros dard poilu
La digue la digue
Mais un gros dard poilu
La digue du cul

La digue du cul qui bande et qui décharge (bis)
Et qui t'en fous plein l'cul
La digue la digue
Et qui t'en fout plein l'cul
La digue du cul

La digue du cul puisqu'y est qu'il y reste
Et qu'on en parle plus
La digue la digue
Et qu'on en parle plus
La digue du cul. »

Alors souligner l'indice est à ce niveau nécessaire. Penser que chacun possède une culture identique, une connaissance universelle est une erreur trop souvent reproduite par les auteurs, et tout compte fait réconfortante puisqu’elle s’appuie sur le principe de l’élitisme, or me semble bien à moi qu’un texte réussi touche chacun et, pour se faire, autant lui donner les pistes de la compréhension au cas ou…
Entre nous les Mutants, Mentor, vous connaissiez la chanson dans son entier ? Non parce que sinon, z’êtes, de fait, passé un peu beaucoup à côté du texte.
Fin de l’aparté.

Sinon, je trouve ça plutôt réussi Loup. Agréable à la lecture, à l’exception de l’emploi du « qui »trop souvent employé et à mauvais escient.

[mentor]

Honnêtement, non, Yali, je ne connaissais pas la chanson dans son intégralité, mais j'avais très bien capté l'allusion à "la digue" etc, c'est pourquoi j'ai trouvé la dernière phrase de trop.
Mais tu as raison quand tu dis que peut-être tout un chacun n'aura pas forcément compris.
Dans ce cas, peut-être une autre phrase que celle-là. Parce que même ainsi, elle ne donne pas beaucoup d'indication si on est passé à côté, non ? ;-)

[Loupbleu]

Je ne vais pas polémiquer sur la proposition quasi-soixante-huitarde des mutants qui nous proposeraient presque de jouir sans contrainte :-) Merci pour votre commentaire !
Pour mentor : merci pour ta critique sympathique !
Bien sûr, merci Yali pour les paroles que j'ai hâte de t'entendre chanter dans un bistrot :-)

J'ai pensé un peu comme Yali, qu'il fallait souligner un peu (j'allais écrire un poil !) la référence, et je souhaitais pas en remettre une couche, mais justement ajouter une petite distance, bref, on doit pouvoir trouver bien mieux comme phrase de fin, mais je pense qu'il faut insister.

Merci Yali pour la remarque très utile : j'avoue que j'ai le qui qui flanche (pas le kiki !).

[Krystelle]

Je ne sais pas si c'est hors-sujet mais la démarche est intéressante. Le résultat est sensé et l'humour passe vraiment bien. Le ton est personnel et les dialogues sont parfaitement maîtrisés. Donc, chapeau !

[Sahkti]

De bleu j'aime bien! Beaucoup même! C'est non seulement très drôle mais aussi bien écrit, chapeau pour un texte d'insomnie. Il y a du cynisme, de l'humour, un côté décalé que j'apprécie, un peu de non-sens. J'apprécie tout particulièrement les multiples rebondissements de pensées.
La toute dernière phrase "elle est bien bonne" ne me paraît pas super utile, le lecteur décide de sa propre finalité quand il a terminé le texte. Pour le reste, rien à redire! Bravo Loup, c'est une belle réécriture de texte.

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