Songe au clair de Lune
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Songe au clair de Lune
C’était une nuit crémeuse et brillante. La Lune avait l’allure imparfaite d’une large goutte d’argent et quelques cotons aériens imbibés du lumineux nectar semblaient vouloir jouer à cache-cache avec elle. L’air, cristallin et un peu froid, enveloppait les ruelles désertes d’un grand voile d’encre fraîche. La ville toute entière n’était que silence et, de temps à autre, une étoile sonnait et cela était doux et rassurant. Le lieu qui intéresse notre récit se situe à l’angle d’une rue si ancienne que plus personne aujourd’hui n’en connaît le nom. Un très vieux lampadaire, à l’âge au moins aussi avancé, en éclairait faiblement les pavés gris et usés. Un grand mur en pierres, si haut que le plus bel homme de la ville n’en aurait jamais atteint la moitié, épousait sèchement l’angle dont nous venons de parler. Curieusement, la vie paraissait perdre ses droits en ce lieu. En effet, il était bien rare qu’on y vit quelques amoureux se promenant rêveusement ou quelque bande d’enfants déchaînés et braillards se courant après en riant. Non, cet endroit était invariablement désert, de jour comme de nuit. C’est pourtant ce soir-là que l’on entendit un bruissement discret de pas s’en approcher, l’air pressé. C’était un homme d’une trentaine d’années, à l’allure fort élégante, portant costume sombre, haut de forme assorti et noeud papillon rouge sang. Ses cheveux, coiffés en arrière sous son chapeau, étaient très longs. Notons qu’il tenait à la main une canne en bois exotique sertie d’un joli pommeau doré. Lorsqu’il fût sous l’haleine de safran du vieux lampadaire, il sortit de sa poche une belle montre à gousset or et ivoire. La consultant furtivement, il la rangea en poussant un bref grognement qui trahissait tant d’impatience qu’une très fine pointe d’inquiétude. Le temps passa, l’homme fuma quelques cigarettes indiennes et la nuit scintillait toujours de milliers d’étincelles assourdissantes. L’une d’elles tinta soudain bien plus brillamment que les autres et l’homme leva alors la tête en sa direction. Il eut tout le mal du monde à distinguer la fautive tant l’ébène absolue de la voûte se teintait peu à peu d’une lumière de neige d’été. Lorsque, enfin, son regard se posa sur le cristal sonore, le ciel n’était plus qu’une cathédrale infinie et l’écho fascinant de grelots étoilés emplissait doucement son cerveau. La jolie montre indiquait, dans sa poche, l’heure attendue. L’homme sourit et, très calmement, embrassa d’un regard sans doute un peu mélancolique la ruelle déserte. Il serra le pommeau doré de sa canne, y joignit son haut de forme et fixa de nouveau l’étoile qui l’appelait. Plus tard dans la nuit, le vieux lampadaire poussa son dernier soupir et se tut à jamais.
Edgar-Allan- Nombre de messages : 53
Age : 31
Date d'inscription : 05/01/2011
Re: Songe au clair de Lune
J'ai beaucoup aimé. Je n'ai pas trop la mémoire d'Edgard mais ce style m'y fait penser.
J'ai trouvé certaines formules très poétiques telles que: "L’une d’elles tinta soudain bien plus brillamment que les autres" ou "la voûte se teintait peu à peu d’une lumière de neige d’été."
J'ai bien ri aussi sur la dernière phrase comme sur le "ruban noir" d'Olympia. Un rire d'incrédulité sûrement.
J'ai trouvé certaines formules très poétiques telles que: "L’une d’elles tinta soudain bien plus brillamment que les autres" ou "la voûte se teintait peu à peu d’une lumière de neige d’été."
J'ai bien ri aussi sur la dernière phrase comme sur le "ruban noir" d'Olympia. Un rire d'incrédulité sûrement.
Re: Songe au clair de Lune
J’ai bien aimé l’ambiance, le visuel des descriptions, il était devant mes yeux cet homme étrange.
Le style est parfois un peu chargé mais ça contribue à un certain charme.
Par goût personnel j’ai tiqué sur la forme narrative en "notre récit", "notons", je crois que le texte peut s’en passer et que cela ferait moins "venez, je vous prends par la main pour vous raconter ma scène".
Le style est parfois un peu chargé mais ça contribue à un certain charme.
Par goût personnel j’ai tiqué sur la forme narrative en "notre récit", "notons", je crois que le texte peut s’en passer et que cela ferait moins "venez, je vous prends par la main pour vous raconter ma scène".
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Songe au clair de Lune
Un parti pris d'écriture assez précieuse, de recherche d'images originales, ce n'est pas normalement ma tasse de thé mais ici ça ne me dérange pas, ça fonctionne très bien dans l'ensemble.
Remarque : "on entendit un bruissement discret de pas s’en approcher", je dirais : " un discret bruissement de pas", ça sonne mieux.
Remarque : "on entendit un bruissement discret de pas s’en approcher", je dirais : " un discret bruissement de pas", ça sonne mieux.
Invité- Invité
Re: Songe au clair de Lune
Efficace.
- « La ville toute entière » : « tout étonnée, mais toute surprise ». « Tout », ici adverbe, ne s'accorde que s'il est précédé d'un adjectif féminin (ce qui est le cas ici) débutant par une consonne ou un h aspiré (ce qui n'est pas le cas ici). En conséquence, il faut écrire « tout entière » ;
- « il était bien rare qu’on y vit » : la tournure impersonnelle « il est rare que » est suivie du subjonctif : « qu'on y vît » ;
- « haut de forme assorti » : « haut-de-forme » (traits d'union) ;
- « et noeud papillon rouge » : « nœud » (ligature du « œ », Alt + 0156) ;
- « Notons qu’il tenait à la main » : cela a été dit avant moi, je le répète : la tournure est lourde ;
- « Lorsqu’il fût sous l’haleine » : « fut » (pasé simple et non subjonctif imparfait) ;
- « y joignit son haut de forme » : « haut-de-forme » (bis).
- « La ville toute entière » : « tout étonnée, mais toute surprise ». « Tout », ici adverbe, ne s'accorde que s'il est précédé d'un adjectif féminin (ce qui est le cas ici) débutant par une consonne ou un h aspiré (ce qui n'est pas le cas ici). En conséquence, il faut écrire « tout entière » ;
- « il était bien rare qu’on y vit » : la tournure impersonnelle « il est rare que » est suivie du subjonctif : « qu'on y vît » ;
- « haut de forme assorti » : « haut-de-forme » (traits d'union) ;
- « et noeud papillon rouge » : « nœud » (ligature du « œ », Alt + 0156) ;
- « Notons qu’il tenait à la main » : cela a été dit avant moi, je le répète : la tournure est lourde ;
- « Lorsqu’il fût sous l’haleine » : « fut » (pasé simple et non subjonctif imparfait) ;
- « y joignit son haut de forme » : « haut-de-forme » (bis).
Invité- Invité
Re: Songe au clair de Lune
Une écriture chargée, mais qui se tient, je n'ai pas trouvé de formule excessive, de ces phrases ampoulées qui font basculer un texte de ce genre dans le ridicule, et je trouve que c'est un tour de force !
Certaines images sont très belles :
On comprend ton pseudo !
Certaines images sont très belles :
L'ambiance est parfaite.l’haleine de safran du vieux lampadaire
On comprend ton pseudo !
Invité- Invité
Re: Songe au clair de Lune
Une jolie atmosphère installée dans la poésie et le sens du phrasé. J'ai un peu tiqué au début lorsque le narrateur explicite sa démarche de récit ("Le lieu qui intéresse notre récit (...)"), puis je m'y suis habitué en constatant que tu le faisais plusieurs fois, et qu'il ne s'agissait donc pas d'une maladresse égarée mais bien d'un parti pris.
Re: Songe au clair de Lune
Très joli, j'aime bien ce petit texte imaginatif. Parfois des phrases un peu longues et lourdes mais sinon c'est coulant. Bienvenue !
Le Greico- Nombre de messages : 206
Age : 30
Localisation : Là où le soleil brille encore.
Date d'inscription : 08/11/2009
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