Discussions autour de nos textes

Albert, on peut être frontal et pointu, justement fort parce que plus aiguisé qu’un dard. Comme vous le dites, parler sans concession. Il n’est pas question d’attaquer de biais. Plutôt de savoir avec quelles armes vous burinez les stratifications de l’imaginaire collectif. Regimber soit, encore faut-il le faire efficacement.

L’homme est toujours aussi con. Porte ouverte, non ? Anticonformisme ordinaire, bref à mon sens simple ressac dialectique de l’évolutionnisme.
L’homme évolue ? Non, il est le même, il est toujours con.
Pour moi, vous plongez dans un grand débat pour n’y faire qu’un plat. Avez-vous pensé à interroger la question ? Pourquoi ce besoin de croire au progrès ? Pourquoi cet axiome qui peut le plus peut le moins n’est-il que trop rarement remis en question ?... (et je passe assurément bon nombre de problèmes pertinents).

Fi de ces interrogations, vous semblez enfermé dans le dualisme progressiste/fixiste et votre argumentation passe à côté de ce que je vous reproche, car je ne suis pas, pour ainsi dire, du côté du progrès ; ni d'un bord, ni de l'autre.

Il est vrai que les progrès constants des sciences et des techniques ont définitivement transformé l'être humain. Mais comment a-t-il utilisé ces avancées ? Au cours des siècles, il toucha le sublime et l'ignoble.

Ne s’agissait pas pour moi de nier les bêtises de l’homme, Albert, mais de signaler ceci : à chaque temps, son homme, à chaque homme sa bêtise.
L’homme toujours aussi con ? Plutôt dire qu’il n’a jamais eu autant de savoir, tout au moins de possibilités de savoir, donc jamais eu autant de responsabilités, dont, semble-t-il, il refuse de prendre la mesure. L’homme risque toujours de faillir, il n'est pas plus fort de ses découvertes, seulement lancé dans un environnement nouveau ? Soit. Mais est-ce là ce que vous vous contentez de dire ?

Votre jugement, je le trouve rapide.

N'oublions pas que nous trempons rarement le biscuit dans la même tisane, que nous sommes plus une condition qu'une nature, une probabilité, une possibilité, qu'une assurance.

Nos beaux jugements, nos meilleurs sentiments, d’où viennent-ils ? De notre grandeur individuelle et singulière, de notre grande lucidité et bonté d’âme ou, plus modestement, du contexte dans lequel nous vivons, de notre environnement passé et présent ? Avez-vous décidé de ce que vous êtes devenu, Albert ? Et avez-vous décidé de ce que vous aviez décidé de devenir ? Vouliez-vous ce que vous voulez ?

Ceci devrait nous pousser à une certaine indulgence de jugement en ce qui concerne l'homme, non pas à l’inaction, ni à la compromission, bien au contraire. Juste comprendre que chaque situation est complexe et mérite un traitement singulier, car, permettez-moi le truisme, comparaison n’est pas tout à fait raison. Là peut-être, nous serions plus efficaces.

Je suis admiratif de la forme car vous semblez pouvoir décocher les alexandrins avec une grande facilité (peut-être que ce n’est d’ailleurs pas le cas, mais peu importe, du moment que cela paraît ainsi), je regrette toutefois le fond qui manque de profondeur. Vous n’avez pas réussi, selon moi, à associer le potentiel du genre poétique à une pensée forte.

Vous avez tapé avec la mauvaise arme, au mauvais endroit.

Cordialement, bien sûr.