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Paul et Fanny

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Message  Carmen P. Mar 20 Mar 2012 - 17:06

Il y avait Paul, un garçon simple, il vivait d’un revenu pour personne handicapée. Personne ne savait de quel mal il souffrait. Il avait obtenu un logement social dans un petit collectif nouvellement construit. Très vite dans ce village de l’Argoat, il était devenu une figure familière. Sa mère venait toutes les semaines faire le ménage dans son appartement, et lui l’aidait du mieux qu’il le pouvait en allant fumer sur la terrasse.
Il y avait Fanny une jolie blondinette à peine majeure. Elle n’avait pas trouvé mieux, après une scolarité aléatoire, qu’un emploi de serveuse dans un bar du village voisin.
Les histoires d’amour commencent mal, quelquefois. Ces deux là n’auraient jamais dû se rencontrer car l’interdiction d’entrer dans un bar était fortement inscrite dans l’esprit de Paul. S’il avait écouté son médecin, qui lui avait toujours déconseillé de boire de l’alcool, jamais il ne serait entré dans ce bar qui de plus se trouvait à 11 km de chez lui.
Le destin crée des hasards qui bousculent l’ordre des choses pour les petits comme pour les grands de ce monde.
Onze kilomètres ! un et un font deux, un pour lui, un pour elle ; deux identités qui ne savent pas compter leurs peines et cultivent une différence qu’il leur faudra bien assumer avec ou sans amour. Mais l’amour ne peut-il faire des miracles ?
Onze kilomètres ! un pour les dizaines, un pour les unités, la moindre des distances qui puisse séparer deux ennuis qui s’ignorent.

Un jour Paul avait pris son vélo pour aller au village voisin, et depuis cette route était devenue son trajet quotidien, son lien de bitume, sa galère pour rejoindre sa belle – le début d’une souffrance et l’avènement d’une addiction.

Que dire de cette route ? Dans l’esprit de Paul, son penchant pour Fanny inversait les perspectives. La route qu’il suivait, regardant fixement la roue avant de son vélo se dérouler sur la chaussée, changeait d'asperct au fur et à mesure que ses coups de pédales le rapprochaient de son aimée.
Au départ, allée, la voie s'élargissait progressivement. Tout comme son cœur qui bondissait dans sa poitrine, la chaussée se dilatait au point de devenir autoroute aux abords du bar.
Non, il n’avait pas besoin de tapis rouge, Paul était une star quand il poussait la porte du bistro !
Une joie incommensurable l’envahissait alors, mais elle s’évanouissait très vite car, face à Fanny, il perdait lamentablement tous ses moyens. Quand il s’aperçut que le café noir précipitait son trouble, il prit l’habitude de consommer des petits blancs, ceci afin de se donner du courage … Mauvaise idée qui rendit ses trajets de retour plus que hasardeux.

Quand les rêves devenaient cauchemar, quand il criait le prénom Fanny, il mesurait la distance entre la nuit et le jour, entre lui et son amour, entre la puissance de ses sentiments et la force de son inhibition. On ne peut imaginer la distance qui sépare une chevelure au parfum de patchouli et la main amoureuse que la timidité retient. On ne peut imaginer la douleur d’un cœur simple que l’amour embaume.
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Message  Invité Mar 20 Mar 2012 - 18:09

Il me semble qu'il y a une légère contradiction ou glissement de focale dans ce récit, à savoir qu'il nous donne à penser au début que l'attirance est partagée (" la moindre des distances qui puisse séparer deux ennuis qui s’ignorent.") alors que la suite se concentre sur le seul Paul et son incapacité à déclarer sa flamme ; Fanny semble bien passive dans l'histoire, n'exprime rien, on ne sait à aucun moment ce qu'elle pense des attentions du garçon. Elle ne semble plus avoir d'existence propre, ou d'utilité autre que de faire exister Paul.
Je chipote toutefois, parce que ce détail mis à part, j'ai beaucoup aimé le texte, la narration un peu impersonnelle qui sied parfaitement le propos. Certaines phrases sont particulièrement bien trouvées, par exemple : "Onze kilomètres ! un pour les dizaines, un pour les unités, la moindre des distances qui puisse séparer deux ennuis qui s’ignorent.", "Non, il n’avait pas besoin de tapis rouge, Paul était une star quand il poussait la porte du bistro !", "Mauvaise idée qui rendit ses trajets de retour plus que hasardeux. "
Dommage que la fin se termine un peu abruptement, j'imaginerais ce texte comme le début d'un récit plus long.

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Message  Invité Mar 20 Mar 2012 - 19:05

Même analyse qu'Easter(Island). Bien mieux que je ne saurai l'exprimer.

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Message  Invité Mar 20 Mar 2012 - 19:06

Merci Carmen de ta précision ici. Je me contenterai donc de dire que j'ai beaucoup aimé ce texte, en fait c'est le texte de toi en prose que je trouve le plus réussi.
Contente de savoir qu'il y aura une suite.

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Message  elea Mar 20 Mar 2012 - 20:21

Un début qui donne envie de la suite. Tu en dit assez pour que tes personnages existent tout en gardant intacte l’envie d’en savoir plus.
Très agréable à lire en outre.

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Message  midnightrambler Mer 21 Mar 2012 - 22:23

Bonsoir,

La rencontre entre une femme et un homme ... un thème littéraire s'il en est ! Je ne l'imagine pourtant pas très bien ici entre handicap, logement social et petits blancs ...

Amicalement,
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Message  Carmen P. Jeu 29 Mar 2012 - 10:46

Deux nouveaux paragraphes sont écrits. J'en poste un tout de suite.
Merci pour vos lectures. Mes personnages sont naïfs... auront-ils droit au bonheur ?



Paul et Fanny (suite)


Autant le chemin aller lui paraissait court, c’était tout près, là, à trois coups de pédales… autant le retour …
« Vélo, tu es sûr que c’est par là ? Tu ne te serais pas trompé de direction ? »
Toutes les belles résolutions de l’aller s’étaient envolées comme les volutes de fumée des quatre petits vieux qui, chaque jour, tapaient la belote à la table près de la fenêtre. Ils étaient ainsi aux premières loges pour commenter toutes les allées et venues des uns et des autres, y ajouter la pointe d’acidité inutile et malveillante qui suscitait des rires faciles. Une pause était automatique lorsqu’il s’agissait d’un inconnu, il était déshabillé, désarticulé en moins de temps qu’il n’en faut à la maréchaussée pour lire une carte d’identité ! Ces quatre malfaisants, c’est ainsi que Paul les nommait, ne se gênaient guère non plus pour le moquer, le rabaisser aux yeux de sa belle !
- Tu prépares le Tour de France, mon gars ? Tu devrais faire de bons temps avec tous ces entraînements !
- Pour sûr qu’il doit avoir du mollet le Paul !
- Je parierais bien qu’il a d’aussi belles gambettes que la Fanny !
Et les quatre nuisibles partaient à rire ….
- Atout cœur ! renchérissait Maurice, c’était le pire de la bande, le plus vicieux, le plus destructeur. Il prenait un malin plaisir, un plaisir certain à dénigrer, salir, avilir.
- Ce n’est pas à toi de mettre atout !
- Non, c’est le Paul qui ne se déclare pas, le nigaud !
Et cela repartait que de plus belle, et si jamais un visiteur inhabituel survenait, alors les sous entendus étaient plus explicites, plus détaillés, plus décortiqués encore, il fallait qu’il comprenne bien ce passager du Bar du Centre, qu’il puisse pleinement participer au lynchage du pauvre diable. Il arrivait également que Fanny se joigne à ces rafales de rires qui le ravageaient au plus profond de lui- même, Fukushima se répétait quasiment tous les jours dans son for intérieur.
Comment pouvait il parler à son astre doré alors que rien ne leur échappait, pis que cela, ils lisaient ses pensées, ses intentions et se faisaient un malin plaisir à le rendre totalement ridicule !
Une seule issue pour tenir, pour ne pas sombrer, le petit coup de blanc que lui glissait Fanny avec un sourire triste. Triste mais complice, il en était persuadé, Fanny était de son côté. Cela se voyait à chaque instant, se disait il : « Vois la façon dont elle t’a glissé le verre, lentement, la main cherchant à s’attarder, balayant une poussière invisible »… ce qui permettait à leurs deux mains de se frôler ! Ses doigts doux, fins, élancés, chauds ne lui disaient ils pas à chaque fois : « Sois patient, aie confiance en moi, je t’aime ».
Ainsi oscillait Paul sur la route du retour ballotté par tous ces sentiments incompatibles autant que par l’alcool qui ne lui convenait pas, mais pas du tout. Il lui donnait des nausées, la tête lourde et, il le sentait bien, ce n’était pas la solution pour faire taire ces nuisibles. Comment, comment être plus avec Fanny, lui dire ce qu’il ressentait pour elle, lui déclarer sa passion, ses sentiments et aussi … mais ne se trompait-il pas, entendre ceux de sa belle. Que ce doit être bon à entendre, cette douce brise qui vous enveloppe l’esprit, qui vous transporte dans cet Eldorado nommé Amour. Ce ne pouvait être que cela, il ne se trompait pas, quoique… et alors dans les brumes du petit blanc, le doute s’insinuait à nouveau, sa tête se remplissait de gros nuages noirs, lourds, déboulant à toute vitesse dans son imaginaire, poussés par de puissantes bourrasques d’ouest, bourrasques de doutes, bourrasques d’angoisses incontrôlées et incontrôlables. Ces tempêtes de soupçons, d’incertitudes le submergeaient, lui fracassaient le crâne qui n’avait pas la solidité des falaises de granit, elles menaçaient de lui faire perdre la raison à n’importe quel moment.
« Allez, pédale, laisse ces sales idées dans le fossé ! Pédale, vite surtout, qu’elles ne te rattrapent pas, qu’elle ne t’anéantissent pas !»

à suivre….
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Message  Invité Jeu 29 Mar 2012 - 11:00

Pas si simplet que ça, Paul, qui réfléchit beaucoup et bien aux tourments de l'amour.

J'aime bien la présence des 4 malfaisants (ainsi que - sur le plan de la construction du récit - la façon dont ils font irruption dans l'histoire), ils me font l'effet d'être d'une parfaite authenticité.
Juste une remarque sur ceci : "Toutes les belles résolutions de l’aller s’étaient envolées comme les volutes de fumée des quatre petits vieux qui,"
il serait à mon sens judicieux de préciser " les volutes de la fumée des cigarettes", le problème étant que cela fait beaucoup de "de" dans la phrase.



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Message  elea Sam 31 Mar 2012 - 17:39

Bien croqués ces malfaisants, on les imagine parfaitement et ils contribuent à rendre Paul attendrissant dans ce passage. Je me suis prise à me demander s’il allait parvenir à attendrir Fanny avec tous ces obstacles : l’alcool, les vieux et surtout lui-même.

elea

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Message  Carmen P. Mer 11 Avr 2012 - 17:57

Le retour, fait de slaloms incontrôlés, s’interrompit brusquement après un coup de frayeur ; un conducteur imprudent l’avait croisé comme il aurait croisé un cycliste sobre. Alors Paul mit pied à terre et poursuivit sa route en marchant sur le bas-côté, son vélo à la main…
Ah, l’indifférence des hommes qui avaient la chance d’être « motorisés » ! Ils le dépassaient en le frôlant dangereusement sur cette petite route de campagne, jamais aucun d’eux ne se serait arrêté pour lui proposer la place enviable du passager.
La vie était dure pour Paul ! Il faut savoir que jamais non plus il ne s’était résolu à faire de l’auto-stop !
Et puis ce vin n’avait même pas le pouvoir d’anesthésier ses pensées…. Tout allait si vite dans sa tête et si lentement dans ses jambes ! Ce trajet de retour était vraiment interminable !
Arrivé à son appartement il pourrait se détendre, s’affaler sur son futon, laisser son chat se rouler en boule contre lui, et lui-même se laisserait couler dans le sommeil. Un sommeil qui, comme à l’accoutumé, promettait d’être tourmenté.
Sa mère était sûrement passée déposer un bocal de potage ainsi qu’un petit plat mijoté par ses soins, mais tout cela attendrait que le fiston retrouve l’appétit et prenne le temps de réchauffer son repas au micro onde !

Les lendemains matins étaient toujours pénibles. Mais pourquoi diable succombait-il à ce désir d’alcool ! Les pinsons le réveillèrent par leur chant et son esprit embrumé ne put même pas savourer cet instant. En ouvrant sa porte-fenêtre, pour prendre un bol d’air, il surprit son chat aux prises avec une pie, la situation caucase lui donna envie de rire mais cette gaîté soudaine stimula sa gueule de bois. Mince alors, il ne sera pas frais aujourd’hui devant la si belle Fanny. De quelles couleurs allait-il la voir parée aujourd’hui ?
En ce jour de Printemps, la vie lui avait déjà envoyé deux raisons d’être joyeux, il sentait que le bonheur, il suffisait de le saisir comme on cueille une fleur, mais lui, la fleur qu’il convoitait se prénommait Fanny et elle n’était pas accessible – du moins le pensait-il.
« Ah, Fanny, ma petite fleur enfermée dans une serre saturée de vapeurs d’alcool et d’esprits tordus ! » soupira-t-il … en se rasant.

La jeune fille, au même moment, était en train de se préparer. Assise devant sa coiffeuse elle essayait de faire tenir dans ses cheveux des fleurs de saison. Il faut dire qu’elle était coquette, Fanny ! Les fleurs naturelles étaient sa touche d’originalité depuis peu, sa marque d’élégance. Sa mère, une femme charmante, l’avait élevée du mieux qu’elle avait pu, elle lui avait transmis l’habitude du détail qui change tout. Avant, elle utilisait de simples accessoires pour agrémenter sa coiffure ou ses tenues… une façon de respecter la féminité en elle.
Sa mère avait des talents de couturière, et le moindre morceau de tissu sous ses mains expertes se transformait en petite robe de bon goût pour sa fille. C’est grâce à ce tour de magie que Fanny n’avait jamais attiré l’attention sur elle à l’école. On n’aurait jamais soupçonné que sa mère ne savait pas lire, et que sa fille et elle vivaient dans la pauvreté.

Ce matin Fanny était consternée. Quelle idée elle avait eu de se teindre des mèches d’une magnifique couleur fuchsia. La couleur en elle-même n’était pas déplaisante, mais il fallait bien reconnaître qu’elle absorbait les délicates nuances des fleurs.
La preuve était là, l’artifice jamais ne rivalisera avec le naturel !
Un jour Fanny avait reçu une carte postale représentant le Printemps de Botticelli, et depuis, elle se réveillait chaque matin un quart d’heure plus tôt, temps qu’elle accordait à se coiffer patiemment en intégrant des fleurs à sa chevelure. Tout en se parant elle pensait au mystérieux admirateur. Il avait écrit quelques mots au dos de la carte, lui révélant qu’à ses yeux elle était belle comme la Vénus de la carte.
Ce fut une révélation pour Fanny. Sa beauté qui auparavant passait inaperçue, sembla du jour au lendemain illuminer sa personne. Elle était aimée !
« Pourquoi ne s’est-il pas dévoilé autrement, pourquoi est-il si discret et surtout qui est-il ? »

Les questions attendraient car elle devait rapidement sortir de son rythme indécis et choisir ses fleurs. Les pervenches, les violettes ne seraient pas pour aujourd’hui, on ne les remarquerait pas avec ce maudit fuchsia. La teinture n’était pas définitive, Dieu merci !
« Allons, se houspilla-t-elle, il faut se décider en espérant avoir la main heureuse. Surtout, ne pas piquer n’importe quoi afin de ne pas ressembler plus à une composition d’Arcimboldo qu’à la Vénus de Botticelli ! »
Les jonquilles tranchaient trop, restaient les pâquerettes, les premières de la saison !
Fi des hésitations, le jour allait être sous le signe de cette petite fleur des prés !
Fanny fixa donc quelques pâquerettes sur sa blonde et souple chevelure balayée de rose. Elle releva ses mèches de façon désinvolte, et ce fut une Fanny résolue qui sortit de sa chambre sans jeter un dernier regard vers le miroir.

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Message  elea Mar 17 Avr 2012 - 17:20

Un petit peu moins convaincue par le début : le retour de Paul enivré, j’ai eu l’impression de tourner un peu en rond parce que cela avait déjà été évoqué.

En revanche j’ai bien aimé passer enfin sur le point de vue de Fanny, la découvrir un peu mieux, bonne idée d’avoir changé de personnage central pour cette partie. Et j’aime bien l’apparition des fleurs inspirées par Botticelli.

Envie de lire la suite et de voir le destin que tu as réservé à tes deux héros.

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Message  Carmen P. Ven 20 Avr 2012 - 15:02

La jeune fille était sûre de son fait, comme la première fois où elle reçut des compliments comme jamais aucun homme ne lui en avait fait. Elle avait alors découvert combien elle pouvait plaire et s’était mise à envisager l’avenir avec un autre regard. Le bonheur n’était-il pas à porté de main ? Ce jour là, elle s’en souvenait comme si c’était hier, elle avait agrémenté sa chevelure de fleurs d’azalées très fines, très petites, mais elles avaient suffi. C’était il y a un an et demi… Le doute revenait cependant rapidement ; dans ce petit coin de campagne, il fallait, pour venir ici, ou le vouloir ou être totalement dépourvu du moindre soupçon d’orientation !
« Perdu n’a rien à voir avec éperdu ! » souriait elle, un rien déçue.

Quel était ce manque qui l’envahissait, était-ce cet inconnu dont elle ressentait la présence comme un besoin de plus en plus important chaque jour ? Elle ne croyait pourtant pas au prince charmant, sa mère lui avait bien répété que ce n’était souvent qu’illusions de courte durée. Il suffisait de regarder, d’écouter ces quatre vieilles canailles qui chaque jour s’attablaient au café ! C’était ça les lendemains ?

Et pourtant, elle se plaisait au Bar du Centre, les patrons lui faisaient une confiance totale, lui en laissaient pour ainsi dire l’exploitation comme elle l’entendait ; trop heureux qu’ils étaient de se consacrer entièrement au restaurant. Il n’y avait pas beaucoup de passage mais ils avaient su s’adapter aux évolutions et ils avaient développer les repas à domicile chez les seniors des communes environnantes. Une clientèle en pleine expansion !
Fanny prit conscience, ce matin, que depuis quelque temps déjà des changements s’opéraient en elle. À son insu, des petites vaguelettes sournoises attaquaient sa falaise de bonne humeur permanente, sa vitalité habituellement à toute épreuve. Il y avait un petit moment déjà qu’elle trouvait ses soirées plus longues, plus mélancoliques, ses vinyles résonnaient moins entre les murs de son petit appartement. On le lui avait fait remarquer ; on la trouvait plus rêveuse, moins à l’écoute.

Ils avaient sans doute raison. Cet état se précisait c’était net : elle en avait assez d’être seule, de se parler à elle-même, de voir sa vie réglée par l’horloge de la monotonie quotidienne et surtout ces soirées, comme elles étaient longues… La pendule devait devenir fainéante elle aussi, ses aiguilles tournaient moins vite, elles n’allaient quand même pas dire qu’elles prenaient leur temps, elles aussi !
— Bon, je vais être en retard pour ouvrir ! marmonna-t-elle en allongeant sa foulée. Maurice devait sûrement l’attendre, il irait râler auprès du patron. C’est un sacré lève-tôt celui-là !

— Si ça continue, tu ne seras même à l’heure pour servir l’apéro ! »
Eh oui, c’était Maurice qui faisait les cent pas, baissant et relevant sans cesse sa casquette.
Lui, les aiguilles devaient se mettre à courir dès qu’il ouvrait un œil le matin afin de l’expédier au loin ! Ah, ce Maurice, il s’ennuyait aussi tout seul mais il avait toujours été incapable de retenir quelqu’un près de lui.

Fanny sourit, se garda bien de répondre, accéléra le pas, passa par la petite cour et entra au bar par la porte de service . Sans tarder, elle actionna les volets, alluma les machines à sous, un peu de musique également, la même qu’hier et que le mois dernier d’ailleurs, ouvrit la porte principale et fila vers la machine à café. C’était reparti ! Maurice vint s’asseoir à sa place , posa son couvre chef sur la chaise derrière lui et commença à touiller le café qui venait d’arriver.
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Message  Invité Ven 20 Avr 2012 - 21:17

J’avais bien lu le passage précédent mais oublié de commenter. Je suis contente que Fanny prenne enfin corps, je trouve le passage de Paul à elle souple, il se fait naturellement. J'aime aussi ce côté fleur bleue du personnage, mais pas mièvre.
Prête pour la suite.

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Message  Carmen P. Mer 2 Mai 2012 - 9:39

La porte s’ouvrit peu de temps après devant Paul qui ce jour là, à la surprise de Fanny, était presque aussi matinal que Maurice. Sa silhouette longiligne se détachait sur l’échancrure de lumière que l’aube dessinait dans le mur face au bar.
La jeune fille avait laissé la fenêtre ouverte, de sorte qu’un courant d’air ferma violemment la porte. Paul tenta bien de la retenir, maladroitement, mais il ne fut pas assez rapide et surtout il ne put exécuter d’une main un geste rapide alors que de l’autre main, il devait veiller à faire preuve de délicatesse. Simple question de coordination !
— Ah v’là-t’y pas le joli cœur qui fait son entrée, en tambours et trompettes siouplaît ! commenta Maurice.
1 Et ça dérange ce râleur d’anachorète ! répondit Paul qui visiblement ce matin n’avait pas l’intention de se laisser marcher sur les pieds. Il se dirigea directement vers le bar.
— Bonjour Fanny. Ce sera un café pour moi, avec un croissant, s’il te plaît ! Et il enchaîna en tendant un minuscule bouquet de violettes aux tiges enlacées par un ruban de bolduc jaune.
— C’est pour toi Fanny. Je les ai vues sur le bord ‘d’un talus et je me suis souvenu que tu aimes les fleurs, alors voilà !
Cette attention, toute minuscule qu’elle fût, toucha Fanny. Un instant elle imagina le jeune homme sautant prestement de vélo pour cueillir de ses larges mains les tendres violettes. Il s’était arrêté pour elle… c’était la première fois qu’un client manifestait à son égard un geste si simple, si frais, si mignon !
L’image du jeune homme élégant rencontré l’année passée lui revint en mémoire. Sa technique de séduction était de toute autre nature. Bien sûr il l’avait complimentée pour son physique, mais elle rougit encore en pensant au malaise qu’elle avait éprouvé lorsqu’elle découvrit l’énorme pourboire qu’il lui avait laissé. Il dépassait largement le prix de la consommation. Il l’avait regardée dans les yeux en lui demandant un rendez-vous… et elle avait mal réagi ; elle avait refusé d’un bloc et le pourboire et le rendez-vous. Non mais, pour qui l’avait-il prise, une fille naïve, facile à séduire ? C’est qu’il ne suffisait pas d’être beau gosse pour plaire à Fanny, encore fallait-il que le prétendant eût de bonnes manières !
Elle n’imaginait pas que Paul, ce garçon si gauche après quelques verres de blanc, ce garçon qui semblait ne pas savoir quoi faire de sa vie— à part squatter le bar et lire des thrillers à longueur de journées, puisse manifester une telle élégance de cœur.
Paul tendait toujours le bouquet de minuscules violettes que Fanny, absorbée par ses pensées n’avait pas pris. Il sembla deviner ses questionnements et bredouilla :
— C’est que je suis paysagiste… enfin j’ai mon BEP, même si je ne travaille pas depuis quelque temps. Mais ça va s’arranger, à partir d’aujourd’hui, je suis à l’essai pour deux jours au Parc Floral d’à côté.
— Pardon, dit Fanny en prenant les fleurs et en les déposant dans un verre à liqueur qu’elle avait rempli d’eau. J’étais distraite. C’est un bien beau métier, paysagiste !
— Ouais, renchérit Maurice, un métier pour cul-terreux !
— Ah non, rétorqua Fanny qui n’intervenait pourtant jamais dans les conversations des clients — mais là elle se sentait concernée. C’est un métier d’artiste ; avoir la main verte est un don, non une tare. Je ne vous permets pas d’insulter quelqu’un qui essaie de…
— Il essaie rien du tout ma brave fille, s’obstina Maurice, il t’la dit, il n’a même pas commencé !
— C’est ça, vous voulez le décourager. Grand merci à vous !
Et elle continua d’essuyer nerveusement un verre qui se brisa dans ses mains.
— C’est malin ! s’exclama Paul en fusillant Maurice du regard, et il se précipita de l’autre
côté du comptoir où Fanny se passait la main sous l’eau.
— Allez file mon ami, tu vas être en retard pour le démarrage de ton job.
Sans trop bien comprendre, il gloussa de plaisir et après avoir consulté sa montre, il se hâta vers la sortie. Paul afficha un petit sourire ironique en croisant le « nuisible », plongé dans une supposée lecture du quotidien local , d’une discrétion ……
Il s’agissait de bien commencer sa nouvelle vie, ne l’avait- elle pas gratifié d’un « MON AMI » . Il chantait encore à ses oreilles ce mot, véritable sésame pour l’avenir, chaque coup de pédale était ponctué d’un « mon ami » gaillard, vigoureux , il s’en fallut de peu que le vélo ne décolla ! Pour sûr, rien ne lui résisterait.
Au café, les quatre larrons étaient à nouveau réunis, commentant l’actualité, enfin les derniers faits divers, se délectant des rumeurs, les créant au besoin pour rompre la monotonie avant de se lancer dans les cinq parties de trut du matin. Elles désignaient l’équipe qui paierait l’apéritif, du très sérieux donc puisque le porte monnaie était lui aussi impliqué. Ont- ils inspiré ou copié la toile de Théodore Boulard ?
C’est à peine s' ils remarquèrent un petit groupe de cinq marcheurs, deux couples et un homme, qui s’attablait non loin d’eux, occupés qu’ils étaient à se chamailler, l’un aurait adressé un clin d’œil à son partenaire, ce n’était pas loyal !
— Tout ça pour ne pas payer un coup, c’est sûr que la mariée est regardante sur les dépenses mais quand même , c’est pas une raison! ».
Intrigués puis amusés par les quatre lascars, les nouveaux arrivants retenaient leur souffle, dégustant avec gourmandise cette joute oratoire, du grand spectacle.
— Ne vous inquiétez pas , tous les jours c’est au théâtre ce matin avec eux. C’est la principale occupation de leur vie, étonnant que vous les ayez surpris d’ailleurs. Vous êtes perdus ? susurra Fanny en approchant de leur table, un grand sourire illuminant son visage.
— Non, nous randonnons, c’est très agréable de se retrouver au milieu de nulle part, cela nous change de la fournaise parisienne. Votre région a un charme fou et avec ces trognes !
— Chocolat chaud et croissant pour moi...
Fanny notait soigneusement les commandes tout en éprouvant une gêne croissante, une paire d’yeux la détaillait de la tête aux pieds, suivait les courbes de son corps, s’immisçait pour ainsi dire jusque dans ses chaussures. C’est à peine si elle osait lever la tête afin de mieux visualiser cette paire inquisitrice . En retournant vers le bar afin de préparer ce petit déjeuner , elle ne savait quasiment plus marcher normalement, elle était chez elle pourtant, c’était son domaine et elle se trouvait plus empruntée que le jour de son arrivée.
— Combien je te dois Fanny ? C’était Maurice qui venait régler les dégâts selon son expression.
— J’ai l’impression ma petite que l’amour t’a repéré. Vois-tu ces circaètes qui rétrécissent leurs circonvolutions au dessus de ta tête, il ne te sera pas facile de jouer l’anguille et de toujours fuir.
— Cessez de racontez n’importe quoi !
— J’ai des yeux, fais le bon choix et surtout sois heureuse ma petite.
Elle ne se souvenait pas que ce chenapan puisse se montrer discret, sensible, il connaissait l’émotion ce vieux grigou ? D’où tenait- il cela , qu’avait- il vécu au fait, on ne le connaissait que pour ses frasques verbales, une armure, un maquillage contre des douleurs enfouies ? Fanny n’en pouvait plus de toutes ces interrogations ce matin ! Pour la première fois, elle semblait avoir le ventre en loques, dans sa tête résonnait le presto agitato de la sonate Waldstein , et Horowitz s ‘en donnait à cœur joie ! Quelle était donc cette journée qui programmait du remue méninges à tout va ?

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Message  elea Lun 7 Mai 2012 - 10:18

Rien à dire sur l’extrait précédent qui boucle bien le portrait de Fanny.

Mitigée sur ce dernier passage, un sentiment de décousu ou désordonné et de va-vite, de scènes superposées sans véritable liant entre elles et sans forcément comprendre leur intérêt. Le "mon ami" sonne bizarrement, je ne vois pas Fanny nommer Paul ainsi, jeune homme peut-être ou quelque chose dans ce goût-là.

Sinon, je ne sais pas trop où ça va, la suite m’intrigue donc.

elea

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Paul et Fanny Empty Re: Paul et Fanny

Message  Invité Lun 7 Mai 2012 - 10:41

Quelques réserves aussi, sur le détail surtout :

"Et ça dérange ce râleur d’anachorète ! répondit Paul", je trouve bizarre l'emploi de ce mot érudit dans la bouche de Paul, même lecteur de thrillers.

" Et il enchaîna en tendant un minuscule bouquet de violettes aux tiges enlacées par un ruban de bolduc jaune.", le bolduc jaune me paraît de trop surtout avec ceci à la suite : " Un instant elle imagina le jeune homme sautant prestement de vélo pour cueillir de ses larges mains les tendres violettes."

"Bien sûr il l’avait complimentée pour son physique," ("complimenter sur")

"— Ne vous inquiétez pas , tous les jours c’est au théâtre ce matin avec eux." à revoir

"il s’en fallut de peu que le vélo ne décolla ! " ("décollât")

et une ou deux autres bricoles orthographiques que je n'ai pas relevées ; "porte-monnaie" il me semble (avec le tiret)...

Sinon, j'ai buté sur le "mon ami" aussi et sur le ton et le thème de l'échange entre Fanny et les randonneurs ; je doute que qu'une serveuse (qui plus est, aussi réservée que celle -là) se mette à casser du sucre sur le dos des clients réguliers avec de parfaits inconnus.
En tout cas, bien vu pour la fin du passage, cette nouvelle facette de Maurice.

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Paul et Fanny Empty Re: Paul et Fanny

Message  Carmen P. Mer 6 Juin 2012 - 22:07

Je tiendrai compte des avis.
Avec un certain retard, voici la suite...


Paul et Fanny

« Ça m’apprendra ! » songea Fanny en débarrassant la table que les touristes venaient de quitter. « On ne parle pas aux étrangers comme aux gens du village. Je me suis montrée bien familière, et d’après son attitude je ne serais pas étonnée de voir revenir ce jeune homme au bar. C’est sans doute super pour le patron, mais en ce qui me concerne ça ne laisse rien augurer de bon ! Que de l’embarras, car je ne vais certainement pas m’embarquer dans une histoire de cœur à la suite d’un simple échange de regards. Maurice a raison, je dois garder la tête froide ! »
Fanny pour se distraire de ses pensées se laissa absorber par la série qui passait sur l’écran de la TV. Son cœur était à prendre, mais tous ces signaux qu’il envoyait à son corps défendant perturbaient la jeune fille qui était d’un naturel discret. C’était avant tout pour elle-même qu’elle prenait soin de son apparence, dans les moindres détails, elle vivait l’épanouissement féminin de sa jeunesse, elle exhalait la joie innocente de se sentir bien dans sa peau. Elle était coquette, d’accord, quoi de plus normal. Elle était coquette, point barre. Coquette mais jamais provocante. Elle ne tenait pas à se justifier, mais elle n’assumait pas franchement sa féminité. Cette beauté qu’elle avait façonnée patiemment, jusqu’aux ongles de ses doigts de pieds, elle s’ingéniait à la camoufler ensuite. Cela lui demandait une attention toute particulière de dissimuler ses charmes sous des vêtements qui plombaient sa silhouette aussi sûrement que si elle était affublée d'une burqa ! Fanny s'offrait aux regards comme un curieux mélange de fantaisie et de rigueur. Les petites fleurs, de sa chevelure contrastaient avec sa tenue stricte de serveuse tout droit sortie d'un lycée hôtelier. Mais tous ces efforts étaient inutiles, plus elle s’effaçait, plus elle attirait les regards...
Elle regarda pensive la table restée vide dans un coin de la salle, celle où Paul avait installé son salon de lecture, une espace de calme à l’opposé du coin enfumé des joueurs de manille.
Paul que l’incident du matin avait visiblement perturbé. Sa sollicitude à l’ égard de la jeune fille avait troublé Fanny. Elle avait découvert aujourd’hui un Paul qu’elle ne soupçonnait pas, un Paul transformé par la perspective de son nouveau travail. Le jeune-homme nouveau, l’authentique, comme osait l’espérer Fanny, avait enfin émergé de sa longue rêverie, et la timidité qu’il affichait habituellement avait du jour au lendemain fait place à une tendre prévenance « Ce doit-être un poète ! » songea-t-elle en souriant intérieurement. Que lisait-il déjà dernièrement ? Fanny tenta de se remémorer la couverture du livre qu’il tenait entre les mains. C’était un thriller sans doute historique car les personnages de la première de couverture étaient en habits du XVIIIème… non le titre lui échappait, mais elle se souvint du nom de l’auteur ; Liss…
Elle demandera ce livre au libraire, il faudra bien qu’elle trouve un sujet pour aborder la conversation avec ce garçon !

Paul avait eu bien du mal à quitter le bar ce matin Ses pensées le retenaient, il avait l’impression d’abandonner la belle face à un danger qu’il ne parvenait pas à définir.
Fanny, son trésor qu’il protégeait depuis qu’il l’avait découverte. Une protection discrète alors qu’il donnait l’impression d’être absorbé par ses lectures. Une protection ridicule quand, pour se donner une contenance, il s’était laissé aller à consommer des petits blancs en trop grande quantité !
Fanny, non, il ne la laissait pas derrière lui, il l’emmenait avec lui sur la route. Elle était même plus exactement toujours devant lui. Sa pensée éclairait sa route. N’est-ce pas pour elle qu’il avait accepté ce travail, qu’il avait pris la décision de cesser de se comporter comme un adolescent . Pour elle, il allait tourner une page de sa vie !
Il remarqua dans la journée les regards du paysagiste. Visiblement son employeur croyait que le jeune homme tentait de l’épater par une belle démonstration d’énergie et par la qualité de son travail. « Mais non, patron, pensa Paul, ce n’est pas pour tes beaux yeux que je m’active ainsi. J’en connais de bien plus beaux, aussi verts que des émeraudes ! »
« Ah, Fanny, pensa-t-il tout haut, le nez dans ses plantations, tu ne le sais pas encore mais je bâtis notre histoire en combinant les variétés de plantes ! N’est-ce pas une belle gamme de couleurs ? »
C’est ainsi que tout en raclant, binant, et sans voir le temps passer, il conjura le sort contraire et les apparences trompeuses. Les parterres qu’il réalisait n’étaient pas simple jardinage, on pouvait admirer après son passage des mandalas fleuris où il avait tissé deux destinées, la sienne à celle de Fanny. Les racines étaient bien enfoncées dans la terre pour que s’épanouisse enfin son rêve coloré.
Longtemps, Paul avait laissé en veilleuse son intérêt pour la vie et ses contraintes. Avant Fanny il ne savait pas pourquoi, pour qui il vivait. Rien ne justifiait à ses yeux le fait de trimer pour un patron. Après son bac pro, il avait bien essayé de travailler, mais il n’avait rien en commun avec les autres employés qui n'attendaient que l'heure de la pause pour boire un coup alors que lui s’isolait pour un moment de lecture. De plus, son patron se méfiait de ses initiatives, il devait se contenter d’exécuter les ordres, alors que lui avait espéré pouvoir faire preuve de créativité dans ce métier qu’il avait choisi… il n’avait pas supporté longtemps l’ambiance et il était parti un jour, de lui-même, sans attendre l’humiliation d’un licenciement… il était parti, bien décidé à profiter de ses vingt ans. Après tout n’allait-il pas avoir toute une vie pour travailler ? Cette décision avait affolé sa mère. Avec une tendresse anxieuse toute maternelle elle était parvenue à le conduire chez le médecin, et de fil en aiguille, l’apathie causée par les anxiolytiques aidant, il avait été contraint de voir un spécialiste… ensuite, il avait découvert à cet état de « malade » quelques avantages. Mais le jour où il vit pour la première fois Fanny, il fut pris de panique ; toute cette vie confortable dans laquelle il s’était installé s’effondra comme monticule d’ordures, il crut entendre sa conscience ricaner de sa petitesse et ce rire descendit en cascade le long de sa colonne vertébrale. Tête vide, frissons, jambes en coton, est-ce cela l’effet coup de foudre ?
Elle était trop bien pour lui. Il n’était pas préparé à une telle rencontre, s’il avait pensé cela possible il ne se serait pas laissé gagner par l’apathie, il n’aurait pas sombré aussi facilement dans cet état qu’on appelle « longue maladie »
Ainsi durant des mois il observa Fanny… Il voulait voir si à chaque fois son corps allait réagir fébrilement. Il se demandait si cette jeune-fille allait être capable de l’émerveiller chaque jour… si tel était le cas, cela méritait qu’il revoie son schéma de vie et qu’il ose, pour elle, pour eux , se lancer dans la machine à broyer l’humain qu’était le travail à ses yeux. C’est ainsi qu’ il s’est imprégné de la présence de Fanny, qu’il s’est « acclimaté » à elle en vivant durant un certain temps dans sa proximité… oh, il ne l’avait jamais dérangée, il avait su se montrer discret et il espérait avoir éveillé sa sympathie…
Il lui parlerait demain. Il lui proposerait une sortie le dimanche suivant. L’heure était venue de déclarer ses sentiments.

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Message  Invité Ven 8 Juin 2012 - 8:18

Une vraie évolution du personnage de Paul, qui prend de l'étoffe et se révèle beaucoup plus fin qu'on aurait pu le penser au début. A un moment, j'ai trouvé trop fort le contraste entre le Paul nouveau et le Paul ancien, heureusement cette phrase rétablit l'équilibre : "si tel était le cas, cela méritait qu’il revoie son schéma de vie et qu’il ose, pour elle, pour eux , se lancer dans la machine à broyer l’humain qu’était le travail à ses yeux. C’est ainsi qu’ il s’est imprégné de la présence de Fanny, qu’il s’est « acclimaté » à elle en vivant durant un certain temps dans sa proximité…"

Deux petites choses :

"Paul que l’incident du matin avait visiblement perturbé." (virgule après "Paul", sinon la phrase semble appeler une suite).

"une espace de calme"

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