Le monument des lèvres closes
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Le monument des lèvres closes
J'aimais l'idée de marcher vers l'inconnu même si cette route avait un nom. Un nom, que je prononçais à voix haute pour rompre le silence qui accompagnait mes pas.
Je marchais tel un funambule; mes souliers se posaient sur chaque pierre plate choisie par mon regard. Ne pas trébucher et continuer la route.
Un, deux, trois, un, deux, trois, une valse ?
Non, la musique d'un jeu ...Si j'arrive au bout du chemin sans manquer une pierre ...
Oui, alors quoi ?
Ben rien, finalement rien.
Alors quoi ? Aucun souhait à réaliser ?
Ben non ...
Alors pourquoi ce jeu idiot ?
Ben, pour rien, pour jouer.
Drôle de pays. Pas un animal, pas un son. Finalement un peu angoissant. Le désert choisi c'est bien, le désert subi c'est oppressant. Je me rendis compte soudain que toute vie avait disparu.
Un malaise me gagna. Le bijou en forme de coquillage qui tintinnabulait à mon poignet me rassurait un peu. Il m'avait été offert par ma grand-mère. Elle lui attribuait des vertus protectrices. Je me souvins avec douceur de son visage de marbre lorsqu’elle me l'offrit. « Porte-le toujours, il saura éloigner de toi toutes malveillances ».Aucune expression pour distraire du propos. Sa gravité forçait l'écoute et le respect.
Perdu dans mes pensées, je n'avais pas remarqué que le chemin faisait place à une voie plus large continuant au-delà d’un bosquet d'arbres. J'écartai d’un pied prudent les dernières fleurs d'automne qui s'étalaient ça et là et annonçaient la splendeur de l'hiver Je continuai ma progression, la voie s'élargissait encore mais l'horizon était invisible et échappait au regard.
Un éclair dans l’azur attira mon regard. Je dirigeai mes pas vers cette étrangeté alors qu’aucun orage ne grondait. Au détour de la route devenue gigantesque, je fus sidéré. Un palais merveilleux aux tours d'or éblouissait le regard du marcheur à chaque trait du soleil sur ses flancs.
Je regrettai de n'avoir personne à mes côtés pour témoigner de cette étonnante splendeur. Personne ne me croira. J’en appelle à témoin, qui croirait un funambule en fuite ?
Comment et qui avait construit cette magnificence ? J’avançai vers ce palais. Il s’éloignait à chacun de mes pas, du moins en avais-je l’impression. Le jour était tombé depuis longtemps lorsque j'atteignis ce lieu magique qui brillait dans la profondeur de la nuit en l'absence pourtant de toute lumière. Il abritait une foule de convives auxquels je me mêlai sans qu'aucun ne s'étonnât de ma présence.
La danse était à l’honneur, les robes virevoltaient et les lourds rideaux de velours étouffaient les rires et les soupirs des cœurs épris.
Un chat, dont le reflet dans une immense fenêtre s’imposa à moi, traversait l'immense salle de bal indifférent au bruit et au mouvement.
Il déambulait, capitaine d'un navire inspectant son équipage. De temps autre, il s'interrompait, s'asseyait pour observer. Son regard scrutateur verifiait ce qu'encore j'ignorais. Il était le seul ou du moins le premier animal que je croisai en ce pays.
« J’te ressers un petit blanc mon gars ? »
Je tressaillis lorsque la main se posa sur mon épaule.
« Et mon gars, tu dors ? »
Je tournai mon regard vers la bonne face burinée et goguenarde. Un large sourire, la bouteille à la main, il attendait ma réponse tout en hochant la tête devant mon air éberlué.
« M’est avis que tu ferais bien de rentrer, ça te vaut rien de picoler »
Lentement je descendis du tabouret. Je lançai un dernier regard à l’affiche du Chat Noir épinglée au mur derrière le comptoir. Gueule de bois, d’accord, mais quel voyage !
Je titubai jusqu’à la sortie, me retournai…un clin d’œil du chat.
« Ouai, salut vieux à la prochaine cuite ! » murmurai-je pour nous deux…
Je marchais tel un funambule; mes souliers se posaient sur chaque pierre plate choisie par mon regard. Ne pas trébucher et continuer la route.
Un, deux, trois, un, deux, trois, une valse ?
Non, la musique d'un jeu ...Si j'arrive au bout du chemin sans manquer une pierre ...
Oui, alors quoi ?
Ben rien, finalement rien.
Alors quoi ? Aucun souhait à réaliser ?
Ben non ...
Alors pourquoi ce jeu idiot ?
Ben, pour rien, pour jouer.
Drôle de pays. Pas un animal, pas un son. Finalement un peu angoissant. Le désert choisi c'est bien, le désert subi c'est oppressant. Je me rendis compte soudain que toute vie avait disparu.
Un malaise me gagna. Le bijou en forme de coquillage qui tintinnabulait à mon poignet me rassurait un peu. Il m'avait été offert par ma grand-mère. Elle lui attribuait des vertus protectrices. Je me souvins avec douceur de son visage de marbre lorsqu’elle me l'offrit. « Porte-le toujours, il saura éloigner de toi toutes malveillances ».Aucune expression pour distraire du propos. Sa gravité forçait l'écoute et le respect.
Perdu dans mes pensées, je n'avais pas remarqué que le chemin faisait place à une voie plus large continuant au-delà d’un bosquet d'arbres. J'écartai d’un pied prudent les dernières fleurs d'automne qui s'étalaient ça et là et annonçaient la splendeur de l'hiver Je continuai ma progression, la voie s'élargissait encore mais l'horizon était invisible et échappait au regard.
Un éclair dans l’azur attira mon regard. Je dirigeai mes pas vers cette étrangeté alors qu’aucun orage ne grondait. Au détour de la route devenue gigantesque, je fus sidéré. Un palais merveilleux aux tours d'or éblouissait le regard du marcheur à chaque trait du soleil sur ses flancs.
Je regrettai de n'avoir personne à mes côtés pour témoigner de cette étonnante splendeur. Personne ne me croira. J’en appelle à témoin, qui croirait un funambule en fuite ?
Comment et qui avait construit cette magnificence ? J’avançai vers ce palais. Il s’éloignait à chacun de mes pas, du moins en avais-je l’impression. Le jour était tombé depuis longtemps lorsque j'atteignis ce lieu magique qui brillait dans la profondeur de la nuit en l'absence pourtant de toute lumière. Il abritait une foule de convives auxquels je me mêlai sans qu'aucun ne s'étonnât de ma présence.
La danse était à l’honneur, les robes virevoltaient et les lourds rideaux de velours étouffaient les rires et les soupirs des cœurs épris.
Un chat, dont le reflet dans une immense fenêtre s’imposa à moi, traversait l'immense salle de bal indifférent au bruit et au mouvement.
Il déambulait, capitaine d'un navire inspectant son équipage. De temps autre, il s'interrompait, s'asseyait pour observer. Son regard scrutateur verifiait ce qu'encore j'ignorais. Il était le seul ou du moins le premier animal que je croisai en ce pays.
« J’te ressers un petit blanc mon gars ? »
Je tressaillis lorsque la main se posa sur mon épaule.
« Et mon gars, tu dors ? »
Je tournai mon regard vers la bonne face burinée et goguenarde. Un large sourire, la bouteille à la main, il attendait ma réponse tout en hochant la tête devant mon air éberlué.
« M’est avis que tu ferais bien de rentrer, ça te vaut rien de picoler »
Lentement je descendis du tabouret. Je lançai un dernier regard à l’affiche du Chat Noir épinglée au mur derrière le comptoir. Gueule de bois, d’accord, mais quel voyage !
Je titubai jusqu’à la sortie, me retournai…un clin d’œil du chat.
« Ouai, salut vieux à la prochaine cuite ! » murmurai-je pour nous deux…
AGANIPPE- Nombre de messages : 39
Age : 65
Date d'inscription : 10/03/2012
Re: Le monument des lèvres closes
Je m'y suis laissée prendre ! Du coup dès la fin du texte je suis repartie lire le début.
C'est bien fait (au niveau de la construction) et joliment (d)écrit. J'ai trouvé que le début n'encourageait pas trop l'implication du lecteur mais qu'on se sentait en revanche plus happé à mesure que le texte progresse. En tout cas tout cela retombe gracieusement sur ses pieds en même temps que le lecteur tombe des nues. Bien vu !
Une coquille :
"De temps autre"
C'est bien fait (au niveau de la construction) et joliment (d)écrit. J'ai trouvé que le début n'encourageait pas trop l'implication du lecteur mais qu'on se sentait en revanche plus happé à mesure que le texte progresse. En tout cas tout cela retombe gracieusement sur ses pieds en même temps que le lecteur tombe des nues. Bien vu !
Une coquille :
"De temps autre"
Invité- Invité
Re: Le monument des lèvres closes
J'ai été happée par le titre et le texte m'a bien plu, une progression qui va du complètement étrange au banal quotidien, donc à l'inverse de ce qu'on fait habituellement et c'est très habile.
Mais en revanche, j'ai du mal à raccorder les deux : je ne vois pas le rapport entre le texte et son titre...
Mais en revanche, j'ai du mal à raccorder les deux : je ne vois pas le rapport entre le texte et son titre...
Un chat, dont le reflet dans une immense fenêtre s’imposa à moi, traversait l'immense salle de bal
Invité- Invité
Re: Le monument des lèvres closes
Bonsoir,
Pas en état de pouvoir apprécier !
Un certain sentiment d'inutilité ...
Amicalement,
midnightrambler
Pas en état de pouvoir apprécier !
Un certain sentiment d'inutilité ...
Amicalement,
midnightrambler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 70
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
A toute vitesse.
Salut,
J'ai cru au début au récit d'un rêve. J'ai été invité une fois à un festival SF et on m'a bombardé membre du jury pour les courts métrages. Et je me souviens d'un, magnifique, où tout se déroulait de cette façon. Ce film a gagné, du reste. Suis pas foutu de me souvenir du titre, encore moins de savoir si l'auteur a récidivé. Tant pis.
Cette histoire me plait car degré par degré, on découvre les merveilles, un peu à la façon de celui qui fouillerait dans un vieux coffre. Le fait qu'il s'agisse d'une divagation d'ivrogne ne change rien au côté étrange et féérique.
Le texte m'a paru long au début, je me suis dit : aurais-je le courage de tout lire, de commenter ? Et finalement, il file à toute vitesse, de façon plaisante.
C'est pour moi un des meilleurs compliments que je puisse faire.
Ubik.
J'ai cru au début au récit d'un rêve. J'ai été invité une fois à un festival SF et on m'a bombardé membre du jury pour les courts métrages. Et je me souviens d'un, magnifique, où tout se déroulait de cette façon. Ce film a gagné, du reste. Suis pas foutu de me souvenir du titre, encore moins de savoir si l'auteur a récidivé. Tant pis.
Cette histoire me plait car degré par degré, on découvre les merveilles, un peu à la façon de celui qui fouillerait dans un vieux coffre. Le fait qu'il s'agisse d'une divagation d'ivrogne ne change rien au côté étrange et féérique.
Le texte m'a paru long au début, je me suis dit : aurais-je le courage de tout lire, de commenter ? Et finalement, il file à toute vitesse, de façon plaisante.
C'est pour moi un des meilleurs compliments que je puisse faire.
Ubik.
Re: Le monument des lèvres closes
Si je m'en réfère au texte et surtout à la fin, je dis que le pseudo de l'auteur n'aurait pas dû être AGANIPPE mais AGANHIPS:-))). Toute plaisanterie mise à part, je me suis laissé guider de pierre en pierre. Du coup, je reprendrai bien un coup de blanc.
Invité- Invité
Re: Le monument des lèvres closes
Merci à tous pour vos critiques constructives (et bienveillantes).
Je suis très heureuse que ce petit texte vous ait plu.
Merci Ubik pour le compliment, ainsi que luluberlu ; flattée d'avoir surprise Easter(Island) et happée Colline (le titre : c'est parce que j'aimais bien la musique de ces mots) et désolée midnightrambler, mais "Il n'y a rien d'inutile en nature ; non pas l'inutilité même."...
Je suis très heureuse que ce petit texte vous ait plu.
Merci Ubik pour le compliment, ainsi que luluberlu ; flattée d'avoir surprise Easter(Island) et happée Colline (le titre : c'est parce que j'aimais bien la musique de ces mots) et désolée midnightrambler, mais "Il n'y a rien d'inutile en nature ; non pas l'inutilité même."...
AGANIPPE- Nombre de messages : 39
Age : 65
Date d'inscription : 10/03/2012
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